II. LA MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD D'ASSOCIATION ET DE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE APPROFONDI ET COMPLET RESTE DÉLICATE
L'accord d'association, qui a été signé le 27 juin en 2014 et qui est entré en vigueur le 1 er juillet 2016, est associé à un accord de libre-échange. Il constitue la base de la politique européenne d'intégration économique de la Géorgie, laquelle offre pas moins de 100 à 130 millions d'euros d'aide à la Géorgie chaque année. Le financement des programmes provient principalement de l'instrument européen de voisinage (IEV) qui aide la Géorgie à atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l'accord.
Comme il a été dit, l'objet essentiel de l'accord est un rapprochement graduel de la Géorgie et de l'Union européenne sur la base de valeurs communes : essentiellement l'État de droit et l'économie de marché, mais aussi le respect des Droits de l'Homme. Il débouche sur un dialogue politique serré et des politiques sectorielles ambitieuses.
Ce dialogue doit conduire à un rapprochement dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité. L'État de droit doit être renforcé et la pratique démocratique affermie.
Sur la question de la libre circulation des personnes, on s'est orienté vers une libéralisation des visas à destination de l'Union européenne ; mais cette libéralisation a d'abord été reportée puis actée en 2017.
Enfin il convient de rappeler que la coopération est prioritaire dans pas moins de vingt-huit domaines dont l'énergie, les transports, la protection et la mise en valeur de l'environnement, la politique industrielle, l'agriculture, la politique sociale, la justice, la société civile, la réforme de l'administration publique et l'éducation.
1. Le délicat chemin jusqu'à l'accord d'association et les difficultés de sa mise en oeuvre
a) Naviguer entre deux écueils
Comme il a été dit, le rapprochement avec l'Occident a commencé avec la Révolution des Roses et, sur ce point, il existe un consensus national alors que les Géorgiens restent divisés, ou mitigés, sur l'attitude à tenir face au pouvoir russe.
La politique pro-occidentale menée par le Président Saakachvili n'a pas été remise en cause par ses successeurs et les Géorgiens sont aussi massivement favorables à une adhésion de leur pays à l'Union européenne qu'à l'OTAN, tant la menace russe leur semble constante. Le seul acteur géorgien qui s'oppose à l'occidentalisation est l'église orthodoxe autocéphale de Géorgie au nom d'une moralité publique qui serait menacée par les « valeurs frelatées » de l'Union européenne (LGBT, mariage homosexuel, avortement, théorie du genre...).
Cependant, le Catholicos Elie II, qui est très écouté par une population géorgienne largement déchristianisée, a concédé que la culture européenne était celle dont les Géorgiens étaient le plus proches. Il reste que l'église orthodoxe géorgienne est méfiante à l'égard de l'Occident et de l'Union européenne.
Le Catholicos géorgien Elie II et la
méfiance de l'église géorgienne
Le Patriarche Élie II est né le 4 janvier 1933 en Ossétie du nord dans une famille géorgienne ayant des liens familiaux avec la famille royale des Bagratides. Il entre en séminaire à Moscou. Il est ordonné diacre en 1957 puis tonsuré hiéromoine en 1959, et cela alors que l'Église russe est persécutée par le régime communiste. Il est diplômé de l'Académie ecclésiastique de Moscou en 1960 et il revient peu après en Géorgie où il devient prêtre à Batoumi. En août 1963, il est choisi comme évêque de Batoumi et il assume parallèlement la charge de recteur du séminaire ecclésiastique de Mtskheta, qui est alors le seul séminaire de Géorgie, car le régime communiste empêche qu'on en ouvre d'autres. En 1967, il devient évêque de Soukhoumi et d'Abkhazie et il est élevé au rang de métropolite en 1969. Il est élu Patriarche et Catholicos de Géorgie, le 23 décembre 1977. Dans les années précédant la chute de l'Union soviétique, il s'est beaucoup impliqué dans les affaires sociales géorgiennes. En avril 1989, il prend part à la manifestation contre le régime communiste. Pendant la guerre civile et la crise des années 1990, il a exhorté les différentes parties à trouver des solutions pacifiques. Pendant la guerre de 2008, il s'est déplacé personnellement dans la ville de Gori, en pleine crise humanitaire, et a participé à une campagne de recherche de corps de civils et de soldats tués. En décembre 2008, Élie II s'est rendu à Moscou où il a rencontré le patriarche russe Alexis II et le Président russe Medvedev. Malgré les tensions entre la Géorgie et la Russie, Élie II a toujours eu de bons rapports avec l'Église russe et Alexis II. Afin d'augmenter la natalité (la démographie géorgienne s'effondre depuis les années 1990), le patriarche Élie II a promis qu'il baptiserait personnellement tout troisième enfant d'une famille, ce qui a provoqué un baby-boom, tant son autorité spirituelle est grande. Élie II a poussé les autorités géorgiennes à ne pas autoriser un rassemblement pour les droits des homosexuels dans le cadre de la journée internationale contre l'homophobie, prévu à Tbilissi le 17 mai 2013. Il a déclaré que le rassemblement était une « violation des droits de la majorité » et « une insulte » à la nation géorgienne. Décrivant l'homosexualité comme une maladie, il l'a comparée à une addiction à la drogue. Des milliers de Géorgiens ont suivi ses commentaires et sont descendus dans les rues de Tbilissi pour s'opposer au rassemblement en faveur des droits des homosexuels. Du fait de l'intensification des violences contre les militants, le rassemblement a dû être abandonné et les militants ont dû être évacués en bus par la police pour leur sécurité. Mais Elie II n'a néanmoins jamais poussé le peuple à manifester violemment et même certains prêtres qui dirigeaient les manifestants ont aidé les autorités à calmer la situation. Cet exemple illustre la position conservatrice de l'Église orthodoxe et la méfiance à l'égard d'une société européenne « individualiste et hédoniste ». Implicitement l'église géorgienne reproche à l'Union européenne de transformer les droits de l'Homme en un catalogue des droits des minorités, selon elle, les moins responsables. |
Les bonnes dispositions de la Géorgie à l'égard de l'Europe contribuent à faire de ce pays le « bon élève » du Partenariat oriental. En tout cas le plus habile.
En effet, la Géorgie occupe une position géographique difficile puisqu'elle est essentiellement constituée d'un couloir par lequel transitent les hydrocarbures en provenance de la mer Caspienne. De chaque côté de ce couloir étroit se trouvent des bases russes dont les troupes peuvent rallier la capitale en moins d'une heure.
À partir du moment où la Russie veut conserver un rôle prédominant dans le sud du Caucase, les risques de conflit ne peuvent que croître. Pour régler les différends existants, la Russie recourt aux pressions diplomatiques, aux sanctions économiques et à la force, comme en 2008. Dans ces conditions, il n'est pas anormal que les relations se soient détériorées, malgré une longue et historique collaboration entre Russes et Géorgiens.
Cependant, il convient de nuancer cette analyse. S'il est vrai que la Russie reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la Géorgie, il est vrai également que les autorités géorgiennes font preuve de modération et d'habileté dans la gestion du dossier russe ; elles y sont contraintes au nom d'intérêts commerciaux avec la Russie bien compris et au nom de la diaspora géorgienne installée en Russie.
L'Union européenne doit donc garder en mémoire à la fois l'hostilité russe à son projet de Partenariat oriental et une forme d'équilibrisme du côté géorgien qui ne saurait rompre totalement les ponts avec la Russie et souhaite conserver les avantages des deux mondes. Elle doit donc faire progresser la mise en oeuvre de l'accord entre ces deux écueils. La question de l'OTAN répond à la même problématique.
La question de l'adhésion à l'OTAN Après la guerre de 2008, l'OTAN et la Géorgie ont créé la commission OTAN-Géorgie, qui est chargée d'encadrer l'aide que l'OTAN apporte à la Géorgie à la suite du conflit avec la Russie et l'installation de bases militaires russes sur le territoire géorgien occupé par les Russes. Cette commission est également chargée de suivre le processus d'adhésion de la Géorgie à l'OTAN puisqu'il a été reconnu que la Géorgie avait vocation à en devenir membre. Il convient de noter que la Géorgie est parmi les pays non membres de l'OTAN celui qui apporte le plus fort contingent de troupes à la force internationale en Afghanistan. Toutefois, les membres de l'OTAN considèrent que la Géorgie est encore un pays trop instable et qu'elle doit confirmer son attachement aux valeurs démocratiques. La France fait partie des pays les plus sceptiques sur la candidature géorgienne à l'OTAN. La Géorgie fait le gros dos pour affronter le refus de l'OTAN de l'accueillir dès maintenant en son sein (difficulté d'entrer dans l'OTAN quand on a des bases militaires russes sur son territoire). Il reste que la Géorgie est très vulnérable et craint une invasion russe, mais il faut maintenir le cap. La position géorgienne face aux Russes se résume à « être ferme, ne rien laisser passer mais garder le contact ». |
b) La libre circulation des biens et des personnes
La libéralisation des visas était effectivement une excellente porte d'entrée comme le libre-échange : deux principes qui ne pouvaient que séduire la Géorgie dont les habitants sont très sensibles à la libre circulation des biens et des personnes.
Dans la mesure où l'Union européenne considère que la politique commerciale est une composante de la politique étrangère européenne et constitue toujours un des éléments majeurs de ce qu'il est convenu d'appeler le « soft power », l'accord de libre-échange avec la Géorgie revêt donc une importance toute particulière.
L'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Géorgie puisqu'elle assure 26,6 % de ses échanges en 2012. L'intégration accrue de la Géorgie dans l'Union européenne grâce au libre-échange devrait stimuler la croissance et favoriser la modernisation du pays.
La Géorgie répète à l'envi : « Notre but est l'intégration euro-atlantique » , et certains considèrent même que la guerre de 2008 a été un électrochoc salutaire qui a permis d'atteindre un vaste consensus pro-européen.
Du fait de l'intervention militaire russe de 2008 et de ses conséquences, la Géorgie craint que l'Europe hésite à maintenir une politique de voisinage ambitieuse et se concentre uniquement sur des accords bilatéraux sur mesure. Cette solution ne semble pas, selon nos interlocuteurs, satisfaire la Géorgie qui considère, face à l'opposition russe, qu'il serait plus profitable de maintenir le cap et de poursuivre la politique du Partenariat oriental. Les Géorgiens souhaiteraient que l'Union européenne fasse preuve de plus de fermeté à l'égard de la Russie. En réalité, le Partenariat oriental se maintient et l'Union a simplement adopté un ton plus conciliant et moins triomphal pour ménager la susceptibilité russe.
c) L'attractivité de l'offre européenne
Nos interlocuteurs estiment que l'offre russe n'est pas attractive. Ils préfèrent l'offre de l'Union européenne non sans se réjouir d'être placés si proches de l'Iran et d'être en très bons termes avec la Chine et l'Inde...
La Géorgie se dit reconnaissante à l'Union européenne qui, à ses yeux, a un certain mérite à pratiquer une politique d'offre et de coopération à l'égard de pays occupés en partie par une puissance étrangère. En Géorgie, la politique européenne porte ses fruits progressivement.
On peut dire que la Géorgie affiche une certaine stabilité et qu'elle a accompli de grands pas dans la bonne direction. En contrepartie, elle attend beaucoup de l'Union européenne et peut être trop. Or, l'accord d'association n'est qu'une amorce. Le vrai travail doit durer au minimum dix ans. Entre-temps, il ne faudrait pas que le bon élève devienne un enfant gâté. L'Union européenne doit aussi prendre garde à un risque majeur : le déséquilibre entre ce qui est demandé à la Géorgie dans l'accord et qui nécessite un énorme effort, et ce qui sera accordé en contrepartie par l'Union européenne.
Nos interlocuteurs nous ont alertés sur le fait que la mésentente des deux forces majeures pro-européennes (la majorité au pouvoir et l'opposition) pouvait nuire à la mise en oeuvre de l'accord.
2. Les bonnes relations de la Géorgie avec l'Union européenne
a) La situation économique générale
La croissance géorgienne a été robuste jusqu'en juillet 2018 et malgré un léger ralentissement, on table encore sur 5 % pour l'ensemble de l'année 2018 (et 4,6 % en 2019). L'inflation reste aux alentours de 3 %. Le déficit budgétaire s'élève à 2,3 % du PIB. Malgré la forte croissance des exportations, du tourisme et des transferts des émigrés, le déficit du compte courant devrait se stabiliser à 9,2 %. Les investissements étrangers en 2018 avoisinent 1,2 milliard de dollars. Une meilleure gestion des finances publiques et des investissements publics appelleraient une amélioration de l'administration fiscale et un renforcement du contrôle des entreprises d'État. Le gouvernement géorgien a placé parmi ses priorités l'amélioration de l'environnement des entreprises. Or, il faudrait surtout renforcer la structure financière des PME.
La Géorgie est la deuxième économie du Caucase Sud après l'Azerbaïdjan et devant l'Arménie. Ce classement n'est qu'indicatif puisque la place de l'Azerbaïdjan n'est due qu'aux hydrocarbures. La Géorgie connaît des taux élevés de croissance en partie dus au nécessaire rattrapage économique, mais aussi à l'aide internationale. L'aide budgétaire que la Géorgie reçoit de l'Union européenne la place au 5 e rang des montants par habitant parmi les pays partenaires de l'Union. Au niveau mondial, grâce à une aide américaine massive, la Géorgie se place au 1 er rang par tête d'habitant, autant dire que la Géorgie a tout l'appui nécessaire pour progresser.
Pour l'instant, les résultats en termes de lutte contre ces inégalités et la pauvreté ne sont pas encore très sensibles malgré un enrichissement global certain. Le climat des affaires n'est pas mauvais et les autorités géorgiennes s'en félicitent, heureuses de présenter une fiscalité faible et simple et des accords de libre-échange avec l'Union européenne, la Chine et l'Inde. On peut s'étonner et même admirer que dans un environnement géopolitique difficile, la Géorgie ait poursuivi la mise en oeuvre de réformes économiques parfois douloureuses et toujours courageuses.
b) Les bonnes relations de la Géorgie avec l'Union européenne ont créé un climat favorable aux affaires
Les relations de l'Union européenne avec la Géorgie ont été qualifiées de très satisfaisantes à plusieurs reprises par les deux parties. Ces relations se sont notablement renforcées et elles participent à la stabilisation du pays, même si la Commission européenne souligne dans son dernier rapport que la poursuite de la mise en oeuvre de l'accord à travers le rapprochement des règlementations et le renforcement des capacités institutionnelles nécessitera des efforts soutenus de la part des autorités géorgiennes ainsi que du côté européen pour aider la Géorgie dans ce processus.
Lors de sa dernière réunion, le 5 février 2018, le Conseil d'orientation créé par l'Accord d'association pour superviser la mise en oeuvre de l'Accord et débattre de questions d'intérêt commun s'est réjoui de ce que les élections municipales de novembre 2017 se soient déroulées en respectant la pluralité et les libertés fondamentales.
Le Conseil d'association s'est félicité de l'adoption de la réforme constitutionnelle (réduction des pouvoirs du Président de la République), saluée par la Commission de Venise comme l'achèvement de l'évolution de la Géorgie vers un système classique de démocratie parlementaire. Le Conseil a encouragé tous les acteurs publics à oeuvrer de concert afin de maintenir un dialogue ouvert propice à renforcer les institutions démocratiques, à consolider le pluralisme démocratique et à faire avancer les réformes. Les progrès de la Géorgie ont été présentés comme un signe encourageant de son engagement constant en faveur d'une association politique et d'une intégration économique toujours plus étroites avec l'Union européenne.
En 2017, le Sommet du Partenariat oriental de Bruxelles a approuvé les « 20 résultats pour 2020 » et le Conseil d'orientation s'en est réjoui, acceptant ce programme 2017/2020 comme des priorités essentielles en matière de réforme en Géorgie.
Enfin, il a été pris bonne note par l'Union européenne des aspirations européennes de la Géorgie, de son choix européen et de l'objectif commun de poursuivre l'édification d'un pays démocratique, stable et prospère, mais aucune promesse d'adhésion n'a été offerte à la Géorgie.
L'aide de la France De son côté, la France mène sa propre politique d'aide et participe à plusieurs projets prioritaires pour le développement de la Géorgie comme la réforme des retraites, le développement de l'élevage bovin (en particulier d'une race locale de petite vache robuste adaptée au climat et au relief), le transport par câble, la santé, la microfinance, le leasing et l'hydroélectricité. La France, désireuse de renforcer son aide au développement de la Géorgie, a ouvert un bureau de l'Agence française pour le développement (AFD) à Tbilissi début 2016. L'AFD intervient dans les projets suivants : - la protection sociale et la santé grâce à un prêt de 60 millions d'euros accompagné d'une assistance technique de 500 000 euros pour la réforme des retraites, mais aussi - l'énergie et l'efficacité énergétique grâce à un prêt annuel de 25 millions d'euros de 2018 à 2021 accompagné d'une assistance technique de 250 000 euros ; - le développement urbain dont le projet est en cours ; - le développement rural et architectural grâce à une assistance technique de 4 millions d'euros pour améliorer l'accès des agriculteurs au financement. |
3. Les effets positifs de l'accord d'association
L'Union européenne fournit à la Géorgie environ et en moyenne 120 millions d'euros d'aide annuelle. L'Union européenne est un partenaire économique important pour la Géorgie (27 % des échanges). Depuis 2009, 37 000 entreprises géorgiennes ont reçu un prêt européen pour un total d'environ 882 millions à ce jour, et 10 312 emplois ont été créés. Dans le secteur agricole, l'Union européenne a permis la création de 1 600 coopératives (dont 200 seulement fonctionnent car les agriculteurs tiennent à leur indépendance après des années de collectivisme).
a) Le programme d'action en faveur de la Géorgie 2018
En signant l'accord d'association, la Géorgie signalait son profond engagement du côté européen, engagement fondé sur des valeurs et des intérêts partagés dans le domaine de la démocratie et de l'État de droit, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de la bonne gouvernance, de l'économie de marché et du développement durable. L'accord et le programme d'association pour 2017-2020 qui en découle ont engagé la Géorgie à suivre un programme de réforme ambitieux en matière de politique sécuritaire, relance économique, croissance, commerce, transports, énergie, environnement et développement social en vue de parvenir à une association politique et à une intégration économique avec l'Union européenne.
Le 28 mars 2017, la Géorgie a obtenu l'accès à l'espace Schengen sans visa pour de courts séjours ; mais la Géorgie doit maîtriser sa politique migratoire.
En juillet 2017, la Géorgie a adhéré au traité instituant la Communauté de l'énergie en tant que partie contractante à part entière, ce qui constitue une étape de plus dans le rapprochement UE/Géorgie.
Depuis 2014, la Géorgie a réussi à renforcer son statut de partenaire stratégique de l'Union européenne et son aspiration à parvenir à une association politique et son intégration économique avec l'Union européenne est soutenue par la majorité de la société géorgienne.
Le programme d'actions annuel 2018 a pour objectif de contribuer aux efforts de réforme de la Géorgie. Le programme d'actions annuel se décline en trois actions visant :
- à renforcer la bonne gouvernance et l'État de droit en Géorgie ;
- à renforcer la gouvernance économique et la responsabilité démocratique en Géorgie ;
- et à approfondir les relations politiques, économiques et commerciales entre l'Union européenne et la Géorgie.
Toutes les actions doivent être conformes au cadre prédéfini pour 2017-2020 et aux « 20 objectifs pour 2020 » du Partenariat oriental déterminés lors du sommet de Bruxelles en 2017 ; elles couvrent les quatre domaines prioritaires : développement économique et débouchés commerciaux ; renforcement des institutions et de la bonne gouvernance ; connectivité, efficacité énergétique, environnement et changement climatique ; liberté et contacts interpersonnels et appui à la communication stratégique.
Le dispositif d'aide global d'un montant de 134 millions d'euros en 2018 est partiellement financé par le programme-cadre de l'instrument européen de voisinage à hauteur de 40 millions. Il s'agit d'un mécanisme incitatif (« more for more ») récompensant les progrès accomplis dans la mise en place d'une démocratie solide et durable, signe que l'Union considère que la Géorgie progresse plus rapidement que les cinq autres pays du Partenariat oriental.
Les actions proposées dans le cadre du Programme d'actions annuel (P.A.A.) 2018 sont conformes à la fois aux priorités politiques et aux priorités en matière de développement de la Géorgie, ainsi qu'à celles fixées dans l'accord d'association. C'est pourquoi les domaines d'intervention reflètent le souhait de la Géorgie d'améliorer sa coopération avec l'Union sur les questions de sécurité, ce qui concorde également avec la stratégie globale de l'Union et la révision de la Politique européenne de voisinage ainsi qu'avec le cadre stratégique européen visant à soutenir la Réforme du secteur de la sécurité adopté par le Conseil en novembre 2016 (RSS).
Ces domaines d'intervention sont également conformes au plan en quatre points du gouvernement géorgien qui met l'accent sur la réforme de la gouvernance publique ainsi que sur l'éducation.
Le projet de réformes en 4 points vise à assurer une croissance solide et à améliorer le niveau de vie de la population géorgienne :
- La réforme économique
Il s'agit de se concentrer sur la promotion et le renforcement du secteur privé. Il faut que réaliser des affaires en Géorgie soit à la fois plus facile et plus rentable. Cela passe par des dégrèvements fiscaux et une exonération de taxe sur la propriété pour les entreprises qui réinvestissent leurs profits.
- La réforme de l'éducation
L'objectif est de renforcer l'apprentissage en pratiquant, comme en Allemagne, le système dual et en mettant en place des partenariats entre le public et le privé ; l'enseignement supérieur sera orienté vers les besoins du pays.
- L'aménagement du territoire
L'aménagement du territoire est la base même de ce plan, car l'aménagement du territoire est un outil capital pour le développement durable et l'amélioration de la qualité de vie. Le gouvernement prépare des plans d'occupation des sols afin de mettre un terme aux « constructions spontanées ». Il s'agit également de protéger le potentiel touristique de la Géorgie. L'accent sera mis aussi sur le développement des infrastructures de transport.
- La réforme de la gouvernance publique
Le gouvernement met en place une politique de services publics de qualité. La Géorgie a lancé un maillage de maisons administratives sur tout le territoire et cherche aussi à développer la numérisation.
Enfin, les domaines d'intervention du plan d'action annuel répondent à la nécessité d'établir une communication stratégique telle qu'elle a été définie dans le plan en quatre points du gouvernement géorgien afin de conserver le soutien de la population pour le programme de politique étrangère de la Géorgie.
Il convient pour finir de passer en revue les trois actions principales du PAA 2018. La première action est la sécurité, la responsabilité et la lutte contre la criminalité en Géorgie (SAFE). Cette action vise à accroître la sécurité des citoyens géorgiens en renforçant la bonne gouvernance et l'État de droit en Géorgie au moyen d'un appui européen visant à consolider la prévention et la lutte contre la criminalité, à améliorer la protection civile et, enfin, à renforcer le contrôle du secteur de la sécurité.
Cette action consistera à développer les capacités des institutions pertinentes afin qu'elles puissent s'attaquer plus efficacement à la corruption à tous les niveaux ; la même action se concentrera sur ce que l'Union européenne se plaît à appeler la « résilience sociétale » et permettra de renforcer la lutte contre la criminalité grave et organisée, notamment la traite des êtres humains, le trafic de stupéfiants, le blanchiment de capitaux et le terrorisme. Il convient aussi de renforcer les capacités institutionnelles et opérationnelles de la Géorgie pour lutter contre les menaces émergentes et hybrides, les capacités de protection civile et de gestion de crises, et de renforcer le contrôle du secteur de la sécurité.
L'action n° 2 concerne l'amélioration de la gouvernance économique et budgétaire car la Géorgie doit perfectionner son cadre budgétaire, pratiquer de vrais audits et contrôler plus drastiquement ses finances. L'ensemble de la gouvernance financière doit être portée au niveau des normes européennes (et internationales) afin de créer une marge de manoeuvre budgétaire supplémentaire.
Enfin, l'action n° 3 est un soutien à la mise en oeuvre de l'accord d'association : en cela, elle contribuera à approfondir les relations politiques, économiques et commerciales entre l'Union européenne et la Géorgie, et à le faire savoir (communication stratégique, appui complémentaire au gouvernement et au parlement, et soutien à l'enseignement supérieur, renforcement d'Erasmus). On se pose la question de savoir comment faire bénéficier les régions dites séparatistes du soutien de l'Union : par un programme de créativité dédié aux universitaires ? L'extension du libre-échange ? La facilitation des échanges ?
Coût et financement
Action n° 1 : L'UE pour la sécurité, la responsabilité et la lutte contre la criminalité en Géorgie (SAFE) |
27 millions d'euros |
Action n° 2 : L'UE pour la gouvernance économique et la responsabilité budgétaire |
18,64 millions d'euros |
Action n° 3 : Soutien à la mise en oeuvre de l'accord d'association UE-Géorgie |
33,5 millions d'euros |
Contribution totale de l'UE au programme |
79,14 millions d'euros |
Comme mentionné précédemment, l'enveloppe bilatérale pour la Géorgie (d'un montant total de 134 millions d'euros, programme-cadre compris) prévoit également un financement mixte par l'intermédiaire de la plateforme d'investissement pour le voisinage :
- actions entreprises au titre du programme EU4Energy et axées sur l'efficacité énergétique dans les bâtiments (27 millions d'euros),
- projets en matière de déchets solides (10 millions d'euros),
- projets en matière d'approvisionnement en eau dans la région de l'Adjarie (7,34 millions d'euros),
- prêts en devise locale (10 millions d'euros).
Elle comprend également une contribution aux actions du Fonds européen pour la démocratie dans le domaine des médias (0,5 million d'euros).
b) La justice
Il y a eu des progrès pour mettre en oeuvre les réformes globales du secteur de la justice. Même si la ministre de la justice, que vos rapporteurs ont rencontrée, a souligné que l'accord d'association imposait une « liste de devoirs » très longue et très exigeante, elle s'est portée garante du bon avancement de l'exécution dans son domaine de compétences. La ministre de la justice a évoqué une question de génération et elle a considéré que l'achèvement de la réforme judiciaire dépendait de l'arrivée d'une nouvelle génération de juges. Elle n'a pas dissimulé que le fait d'avoir amené les procureurs à n'être qu'une simple partie à la procédure, comme en droit anglo-saxon, avait été très mal vécu par la vieille garde.
La libéralisation des visas, avec la mise en oeuvre effective du régime d'exemption de visa pour les séjours de courte durée en Europe a rencontré une large approbation en Géorgie. Il semble cependant que cette libéralisation des visas ait eu des conséquences très fâcheuses en facilitant la liberté de mouvement de la mafia géorgienne dont d'éminents représentants encombrent aujourd'hui les prétoires et les prisons en France et en Allemagne.
Une autre conséquence de cette libéralisation semble être un amoindrissement du zèle de la Géorgie dans la mise en oeuvre des exigences les plus contraignantes de l'accord d'association.
c) Le libre-échange
La poursuite de la mise en oeuvre de l'accord d'association passe par le rapprochement des réglementations et le renforcement des capacités institutionnelles. On ne peut que se féliciter de la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange et de la réorientation des échanges de la Géorgie vers l'Union européenne. Il convient de rappeler toutefois l'attachement de l'Union européenne à garantir un niveau élevé de protection des indications géographiques.
La Géorgie joue un rôle stratégique dans les domaines de l'énergie, des transports et de la connectivité. On rappellera encore une fois que la Géorgie est un pays de transit pour l'acheminement des hydrocarbures de la mer Caspienne vers les marchés européens via le corridor gazier sud-européen. C'est pourquoi la Géorgie demeure un partenaire essentiel pour la sécurité énergétique européenne et, en conséquence, l'Union européenne appelle de ses voeux une intégration plus poussée dans le marché européen de l'énergie.
Pour la période 2017-2020, la Géorgie recevra de l'Union européenne des aides d'un montant situé entre 370 et 450 millions d'euros, et cette assistance sera axée sur le développement économique et les débouchés commerciaux, sur le renforcement des institutions et de la bonne gouvernance, sur le soutien à la connectivité, à l'efficacité énergétique, à la protection de l'environnement et à la lutte contre le changement climatique, ainsi que sur la mobilité et les contacts entre les personnes.
d) L'agriculture
L'agriculture est le secteur qui a le plus souffert de la mauvaise gestion de la privatisation et de la brutalité de la transition, et il conviendrait de faire de sa réorganisation une priorité. 77,5 millions d'aides européennes sont prévus pour la période 2017/2020. En effet, l'agriculture, selon les mots mêmes du Ministre de l'agriculture que vos rapporteurs ont rencontré, est le « pilier économique et culturel de la société géorgienne ».
La transition a entraîné un recul de la productivité qui a toujours été faible et une sous-utilisation des ressources. Depuis 2012, le gouvernement géorgien a mis en place une politique appelée « Stratégie pour le développement agricole en Géorgie ». Il faut réhabiliter les terres, équiper les petits fermiers (qui n'ont eu que les terres le plus pauvres lors de la privatisation) et accroître la production alimentaire.
Le potentiel est présent et la Géorgie peut se targuer d'un beau passé agricole, car de même que l'Ukraine était le grenier à blé des Tsars, la Géorgie était leur verger et leur vignoble également. La collectivisation a conduit à un grand bond en arrière et la transition à une catastrophe. Là aussi vos rapporteurs ont eu l'impression que la Géorgie devait renouer avec ses traditions et reprendre tout à zéro.
e) La souveraineté et l'intégrité territoriale
20% du territoire de la Géorgie est occupé par la Russie, mais l'Union européenne exprime son attachement indéfectible à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la Géorgie à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues.
Une mission d'observation de l'Union européenne (« EUMM Georgia »), que vos rapporteurs ont rencontrée, accomplit une tâche essentielle et délicate dans l'apaisement des tensions du côté géorgien de la « frontière » nouvelle imposée par les Russes. Cette mission sert de force d'interposition bien que son rôle soit essentiellement de surveiller que l'accord de cessez-le-feu du 12 avril 2008 soit respecté.
L'Union européenne considère que des progrès seraient perceptibles dans les discussions internationales qui se tiennent à Genève pour tenter de résoudre le conflit en Géorgie et parvenir à un règlement pacifique. L'Union se réjouit que les mécanismes de prévention et de règlement des incidents puissent créer un climat de confiance, de prévisibilité et de transparence sur le terrain.
Pourtant, les autorités géorgiennes nous ont assuré que les Russes déplaçaient régulièrement les frontières, et vos rapporteurs ont été témoins de la présence militaire russe permanente de l'autre côté de la ligne de démarcation. L' »EUMM » pratique une politique très prudente et très accommodante pour éviter toute aggravation, mais ne représente nullement une force de dissuasion pour l'armée russe qui l'ignore.
L'Union européenne est vivement contrariée par la poursuite de la mise en oeuvre des prétendus « traités d'intégration » signés entre la Russie et les « entités » (Abkhazie, Ossétie), l'ouverture de « points de contrôle pour les douanes à Soukhoumi et à Akhalgori », la tenue d'un prétendu référendum en Ossétie du Sud en vue de changer son nom et la fermeture des points de passage sur la ligne de démarcation avec l'Abkhazie. À cela s'ajoutent des violations répétées des droits de l'Homme et la poursuite d'une politique de discrimination sur l'origine ethnique en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
Force est de constater un renforcement permanent du dispositif militaire russe et une multiplication des manoeuvres, ce qui représente une violation flagrante de l'intégrité territoriale de la Géorgie et de l'accord de cessez-le-feu de 2008. L'Union européenne devrait à nouveau engager la Fédération de Russie à remplir ses obligations et à retirer ses forces militaires de Géorgie. Enfin, il conviendrait d'exiger que la Russie permette à l' »EUMM » d'accéder aux régions occupées, conformément à son mandat, alors qu'aujourd'hui la mission reste confinée du côté géorgien de la ligne de démarcation dont elle ose à peine s'approcher. En attendant, l'Union prolonge le mandat de l' « EUMM » et renforce son budget.
Une autre forme insidieuse d'atteinte à l'intégrité territoriale de la Géorgie provient de la Turquie. En effet, à Batoumi par exemple, les investisseurs et les touristes turcs sont si nombreux que la loi géorgienne peine à s'appliquer. C'est une situation qui provoque des heurts avec la population géorgienne locale priée de se conformer à des pratiques issues de la charia qui n'ont jamais eu cours avant 1991.
Dans le domaine sécuritaire, l'Union européenne a fait état de sa satisfaction des contributions assidues de la Géorgie aux opérations de gestion de crise et aux missions menées par l'Union européenne en Centrafrique et au Mali.
Abkhazie et Ossétie du Sud : territoires occupés par la Russie depuis 2008 L'Abkhazie est un territoire de 8 600 km 2 à l'extrémité nord-ouest de la Géorgie. Riche en ressources agricoles et minières, dotée d'un accès à la mer Noire, traversée par l'unique voie ferrée menant en Russie, possédant une importante centrale électrique, cette province nous a été présentée par les Géorgiens qui l'ont quittée comme un jardin d'Éden plus riche que le reste de la Géorgie et comme un merveilleux lieu de villégiature en tout point plus agréable que Batoumi. L'Abkhazie est surtout un territoire hautement stratégique dont la perte, que les Géorgiens espèrent provisoire, est une source de désolation et d'appauvrissement. Avant le conflit de 2008, la population de l'Abkhazie (364 000 habitants) était composée d'Abkhazes (43 %), d'Arméniens (20 %), de Géorgiens (20 %), et de Russes (11 %). Les Abkhazes sont un peuple caucasien qui vit à cheval sur la chaîne du Caucase, au nord dans la Fédération de Russie et au sud au sein d'une république autonome de Géorgie. Les Abkhazes sont chrétiens orthodoxes pour 60 % et musulmans sunnites pour 18 %. L'Abkhazie fut mise sous protectorat russe en 1810 puis annexée en 1864. L'Ossétie du Sud est un territoire montagneux de 3 900 km 2 peuplé de 100 000 habitants dont 66 % d'Ossètes et 30 % de Géorgiens avant le conflit de 2008. On dénombre 100 000 Ossètes vivant en Géorgie (en dehors de l'Ossétie du Sud) et 355 000 vivant dans la Fédération de Russie. Incorporée de force dans l'empire russe en 1774, l'Ossétie se trouve sur l'axe Vladikavkaz en Russie/Tbilissi et constitue un territoire stratégique non négligeable pour une Russie capable d'envahir la capitale géorgienne en moins d'une heure. Les conflits qui opposent les Géorgiens aux Ossètes et aux Abkhazes puisent leurs racines dans l'indépendance de 1918. En 1918, les Ossètes sont Bolcheviks tandis que les Géorgiens sont Mencheviks et ces derniers seront écrasés par les Bolcheviks en 1921. Lors de la création de l'URSS, le commissaire chargé des minorités partage les Ossètes entre une région autonome au sein de la Géorgie et une république autonome au sein de la Russie. L'Abkhazie russe devient ensuite une république soviétique socialiste comme la Russie et la Géorgie, puis s'unit à la Géorgie qui en fait une simple république autonome soutenue par les Soviétiques. L'Ossétie n'aura de cesse de réclamer plus d'indépendance à la Géorgie. Un conflit armé éclate en 1991. Ce conflit s'étendra à l'Abkhazie, les deux régions demandant, avec l'appui de la Russie, une complète indépendance. Les deux entités séparatistes se dotent de nouvelles constitutions avec un exécutif fort et organisent des élections non reconnues par Tbilissi. Puis le rouble devient la monnaie « nationale » et les citoyens reçoivent la nationalité russe... En 2008, la Géorgie lance une offensive malheureuse qui conduit au cessez-le-feu du 15 août 2008 et à l'occupation de l'Abkhazie et de l'Ossétie prétendument indépendantes. Enfin la Russie installe des bases militaires dans ces deux régions. |