N° 171
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 novembre 2018 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1316/2013 en ce qui concerne le retrait du Royaume - Uni de l' Union , COM (2018) 568 final,
Par MM. Pascal ALLIZARD, Didier MARIE et Jean-François RAPIN,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert. |
AVANT-PROPOS
Lorsqu'elle a publié, le 1 er août 2018, une proposition tendant à modifier le règlement n° 1316/2016 du 11 décembre 2013 pour prendre en compte « le retrait du Royaume-Uni de l'Union 1 ( * ) », la Commission européenne a présenté son dispositif comme une sorte d'évidence s'imposant d'elle-même, à tel point qu'une « consultation des parties intéressées » réduite à deux semaines (du 28 juin au 12 juillet 2018) lui paraissait suffisante. Dans le même esprit, il lui a semblé inutile d'analyser l'impact de ce qu'elle a présenté comme « la seule option viable » afin de « résoudre les problèmes majeurs engendrés par le retrait du Royaume-Uni ».
La réaction rapide des autorités françaises 2 ( * ) et des opérateurs français concernés a peut-être montré aux rédacteurs du texte que les professionnels des transports maritimes, tout comme les acteurs de la vie portuaire - principalement en Bretagne et en Normandie - envisageaient les conséquences du Brexit d'une façon très sensiblement différente.
Dès qu'elle a eu connaissance de la proposition du 1 er août, la commission des affaires européennes du Sénat s'est saisie pour un examen au fond.
À l'issue d'un travail les ayant conduits à examiner les dimensions économiques et juridiques du sujet, ses trois rapporteurs partagent totalement les nombreuses critiques formulées à l'encontre d'une modification dépourvue de justification, concrétisée par un dispositif inadéquat.
Tel est l'objet de la proposition de résolution européenne que la commission des affaires européennes soumet à l'appréciation du Sénat et dont le présent rapport justifie les orientations.
UNE MODIFICATION DÉPOURVUE DE JUSTIFICATION
Lorsqu'elle a publié sa proposition de règlement du 1 er août 2018, la Commission européenne a explicitement affirmé que la scission du corridor « Mer du Nord - Méditerranée » « aurait pour effet de couper l'Irlande de la partie continentale de l'UE ».
Or, ce risque d'isolement est imaginaire (A), et il n'y a aucune urgence, ni même aucune utilité d'adopter un règlement qui remodèle ce corridor au-delà de l'exclusion britannique (B). Enfin, l'étude invoquée par la Commission européenne est hors-sujet (C).
UNE URGENCE QUI N'EXISTE PAS
L'unique rôle des corridors consiste à faciliter la coordination des politiques nationales suivies par les États membres, ainsi que l'attribution de soutiens ponctuels à des investissements par l'Union européenne.
Relevant par nature de politiques à long terme, le fonctionnement des programmes associés aux divers corridors et aux autoroutes de la mer est donc étranger à tout ajustement décidé en urgence pour une période brève.
En pratique, le commerce maritime au départ ou à destination de l'Irlande ne serait privé d'aucune voie de communication maritime en l'absence de la modification proposée par la Commission européenne pour le tracé du corridor « Mer du Nord - Méditerranée ».
En fait, les seules relations irlandaises fortement susceptibles de subir des perturbations au minimum temporaires en cas de Brexit concernent le « long bridge », qui traverse le Royaume-Uni. La proposition de règlement n'esquisse pas l'ombre d'une solution à ce propos, alors même que le sujet présentera un véritable caractère d'urgence en cas de Brexit « dur », tout comme l'ensemble liaisons commerciales - maritimes ou non - entre le Royaume-Uni et l'un quelconque des 27 États membres.
Cette préoccupation, la seule de nature à justifier des mesures transitoires urgentes, étant étrangère à la proposition de règlement, est-il possible d'identifier au moins une opportunité à anticiper l'incidence d'un Brexit « dur » pour les relations maritimes au sens du RTE-T ? Bien-sûr, mais pas dans le sens des dispositions proposées, qui tendent à éviter un isolement imaginaire.
* 1 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1316/2013 en ce qui concerne le retrait du Royaume-Uni de l'Union, COM(2018) 568 final.
* 2 Notamment de Mme Élisabeth Borne, ministre des transports, qui s'est adressée dès le 10 août 2018 à Mme Violetta Bulc, commissaire aux transports.