B. UNE ENTRÉE DANS LE FEAD DIFFICILE NÉCESSITANT DES AJUSTEMENTS D'ORGANISATION ASSEZ LOURDS

Un difficile début de mise en oeuvre du FEAD

- 8 octobre 2015 : 1 er appel de fonds lancé par la France

- 7-16 mars 2016 : audit de la Commission Européenne - interruption des paiements

- 12-19 décembre 2016 : audit des systèmes par la CICC

- 17 juillet 2017 : levée de l'interruption des paiements par la Commission européenne

- Juillet 2017 : reprise des appels de fonds

1. Un audit de système de la Commission européenne en mars 2016 a conclu à de nombreuses irrégularités
a) Plusieurs irrégularités constatées dans la gestion nationale du FEAD....

En mars 2016, la France - qui a déjà lancé deux appels de fonds à l'automne 2015 - est le premier pays à accueillir un « audit préventif » de la commission européenne portant sur la gestion du FEAD . Toutefois, l'audit conclut à plusieurs irrégularités dans la gestion française. Parmi ces points de faiblesse identifiés - dont certains avaient déjà été relevés par la CICC dans son audit de désignation - peuvent être citées :

- le défaut de transparence dans la passation des marchés publics par FranceAgriMer ;

- l'absence de séparation fonctionnelle de FranceAgriMer entre les deux missions d'organismes bénéficiaire et de gestionnaire ;

- le manque de fiabilisation des contrôles de service fait (déficience des procédures garantissant une piste d'audit adéquate) ;

- une insuffisance des vérifications des contrôles de supervision de la DGCS sur FranceAgriMer.

À la suite de cet audit, la Commission européenne a ainsi placé la France en catégorie 3 41 ( * ) s'agissant du respect des règles du FEAD, et lui a signifié qu'elle serait dans l'obligation d'interrompre ses paiements si les mesures nécessaires n'étaient pas prises .

b) ....dues en partie à une impréparation de la France, entrée trop vite dans le FEAD sans une adaptation suffisante de son mode de gestion

Ces faiblesses identifiées par la Commission européenne sont en partie dues à la rapidité de la France à entrer dans le dispositif - elle a été la première à lancer un appel de fonds sans adapter suffisamment son organisation. Le passage du PEAD au FEAD a constitué un saut qualitatif, que les autorités françaises ont sous-estimé . Le niveau d'exigence attendu, dans le cadre de la mise en oeuvre du FEAD par les États membres, était bien supérieur au PEAD. La France a failli en pensant que l'organisation et les outils existants fonctionneraient.

Toutefois, il convient tout de même de souligner que l'organisation française avait été validée par la CICC, l'autorité d'audit française, ce qui fait dire à vos rapporteurs que les difficultés d'entrée dans le FEAD ne tiennent qu'en partie à une défaillance de la France . L'autre raison s'avère être - comme il sera explicité plus loin dans le rapport - la complexité des règles de gestion propres aux fonds structurels. L'insuffisante préparation de la France a amplifié ses difficultés, dans le cadre d'un fonds européen aux règles très, voire trop exigeantes.

Cette insuffisance dans la préparation de la France était due essentiellement au manque de moyens et d'expertise des autorités de gestion , la DGCS et FranceAgriMer, qui n'ont pu endosser correctement leur rôle respectif d'autorité de gestion et d'organisme intermédiaire.

Ainsi la DGCS ne disposait pas d'expérience en matière de gestion de fonds structurels - contrairement à d'autres directions comme la DGEFP - ni d'effectifs suffisants. À son lancement en 2014, le FEAD était initialement géré par le bureau en charge de l'aide alimentaire nationale, par deux chargées de mission, dont une seule à plein temps sur le programme.

Quant à FranceAgriMer, son organisation - et ses effectifs - n'ont presque pas évolué alors qu'elle devait gérer une procédure spécifique et complexe , celle de la constatation du service fait européen. Par ailleurs, FranceAgriMer - établissement public sous tutelle du ministère de l'Agriculture - habitué aux sujets agricoles, ne disposait pas d'expérience dans le domaine de l'aide alimentaire. Ainsi la rédaction et la passation des marchés publics ont été pointées comme contenant de nombreuses irrégularités.

Outre ce manque de moyens humains, les moyens matériels semblaient également inadaptés . Les appels de fonds lancés en 2015 devaient être réalisés à partir d'un nouveau système informatique, dit « SYNERGIE ». Toutefois, en raison d'un retard dans la mise en oeuvre de nouveau système, c'est l'ancien système, dit « PRESAGE » qui a dû être utilisé.

2. ...qui ont conduit la France à mettre en place un plan d'urgence, sous peine de suspension de paiement de la part de la Commission européenne

À la suite de l'audit de la Commission européenne, la France a donc décidé de suspendre les appels de fonds pourtant prévus au 1 er semestre 2016 et de mettre en oeuvre un plan d'action . Ce plan d'action recouvrait des mesures visant principalement FranceAgriMer et la DGCS, à savoir :

- la séparation fonctionnelle des activités « bénéficiaire » et « gestionnaire » par la création d'une délégation ad hoc chargée des contrôles de service fait (CSF) auprès de la direction générale de FranceAgriMer ;

- la création au sein de la DGCS d'un pôle dédié à la gestion du FEAD - comprenant actuellement 6 personnes, un directeur et cinq chargés de mission - et la réorganisation de FAM avec l'affectation de 19 ETPT à la gestion du FEAD ;

- la refonte du guide de passation des marchés de FranceAgriMer afin de le mettre en conformité avec les orientations communautaires et une révision des procédures de contrôle de la qualité des produits livrés ;

- la rédaction de procédures nécessaires pour fiabiliser la piste d'audit ;

- la révision du dispositif de contrôle sur l'ensemble du dispositif (analyse de risques, procédures CSF) ;

- le renforcement de la supervision de la DGCS sur la délégation CSF de FranceAgriMer.

Vos rapporteurs constatent ainsi les efforts conséquents de FranceAgriMer et de la DGCS pour se réorganiser et sécuriser les procédures . À la suite de ce plan d'action, l'amélioration de la qualité des CSF a été constatée notamment par la DGFiP et qui a permis à la France de reprendre des appels de fonds en juin 2017. 42 ( * )

La gestion des fonds européens est un vrai métier qui nécessite une expérience ou un apprentissage. Le saut qualitatif fut ainsi très important pour la DGCS notamment. Par ailleurs, le passage au FEAD a bouleversé l'économie générale du dispositif particulièrement précis et détaillé qui présidait jusqu'alors. Ce passage d'un outil de régulation agricole dont l'une des destinations était l'aide alimentaire à un dispositif transversal, a occasionné pour FranceAgriMer un certain nombre de difficultés.

Toutefois, les difficultés d'entrée dans le FEAD ne tiennent qu'en partie à une défaillance de la France , puisque les mesures mises en place par la France semblent insuffisantes au vu de la complexité et de la sévérité des règles européennes.

La gestion du FEAD fait en effet peser sur la France de vrais risques , remettant en cause l'efficience de la politique publique française d'aide alimentaire et surtout occasionnant des risques de pertes budgétaires significatives.


* 41 Les États membres peuvent être classés dans 4 catégories (de 4 « mauvais fonctionnement général », à 1 : « bon fonctionnement ») en fonction du respect des règles du FEAD. L'autorité de gestion (DGCS) et l'organisme intermédiaire (FranceAgriMer) ont été placées en catégorie 3 « Fonctionnement partiel : des améliorations substantielles sont nécessaires » et l'autorité de certification (DGFiP) en catégorie 2 « fonctionnement correct »

* 42 Lettre de reprise de paiement envoyé le 17 juillet 2017 par la Commission européenne à la France

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