B. UN COÛT ESTIMÉ À PRÈS D'1,5 MILLIARD D'EUROS DONT UN TIERS SEULEMENT DE FINANCEMENTS PUBLICS

La Cour des comptes, dans un rapport de septembre 2009 dans le cadre d'une enquête sur les mécanismes financiers concourant à l'aide alimentaire 5 ( * ) , avait estimé le montant de l'aide alimentaire à près d'un milliard d'euros. Vos rapporteurs, dans le cadre du présent travail de contrôle, ont souhaité également examiner les différentes sources de financement concourant au dispositif de l'aide alimentaire en France.

Conscients des difficultés méthodologiques d'un tel exercice - intrinsèquement liées au système d'aide alimentaire français, qui conduit à des risques de double comptage (des associations bénéficiaires de denrées fournissent également d'autres associations 6 ( * ) ), aux modalités de déclaration des associations qui sont perfectibles (erreurs humaines dans les déclarations faites par des bénévoles sur des logiciels de suivi plus ou moins utilisés) et à la disponibilité des données, vos rapporteurs ont néanmoins souhaiter mener ce travail d'évaluation, qui vise à éclairer sur la place et le poids de l'aide alimentaire en France.

Leurs travaux conduisent à une estimation du coût de l'aide alimentaire supérieure à celle de la Cour des comptes. Il s'agit d'une estimation - à prendre comme telle et dont les limites méthodologiques ont été pointées - mais elle révèle l'importance des besoins de financement en matière d'aide alimentaire, et notamment l'importance du bénévolat, qui représente plus du tiers des financements.

Sur la base des indicateurs fournis par les quatre principales associations oeuvrant dans le domaine de l'aide alimentaire (Restos du Coeur, Fédération française des banques alimentaires, Secours populaire français, Croix-Rouge française) 7 ( * ) , le coût global de l'aide alimentaire est estimé à près d'1,5 milliard d'euros en 2017 , soit un chiffre en augmentation par rapport à 2008 (930 millions d'euros). Cette estimation constitue néanmoins une fourchette basse, car certaines sources de financement ont été minorées, comme les dons et le bénévolat - bien que les dépenses fiscales aient pu être surestimées - faute d'informations disponibles et en raison de la méthode utilisée pour la valorisation du bénévolat 8 ( * ) . Mais plus que l'évolution, ce qui est intéressant d'observer c'est le poids total de l'aide alimentaire, et notamment la part relative des financements publics .

L'aide alimentaire représente une masse financière qui se décompose comme suit :

- 31 % de financements publics (aides européennes, dépenses budgétaires de l'État et des collectivités territoriales, dépenses fiscales) ;

- 36 % de financement privés (dons en nature et numéraires des particuliers et entreprises) ;

- 33 % correspondant à la valorisation du bénévolat au sein des associations intervenant dans le domaine de l'aide alimentaire.

L'aide alimentaire apparaît ainsi particulièrement efficiente, car peu coûteuse, sur le plan des finances publiques, au regard du service rendu . En effet, en intégrant le travail des bénévoles et les dons financiers et en nature des entreprises et particuliers, l'aide alimentaire atteint près d'1,5 milliard d'euros pour environ 465 millions de financement public.

L'effet de levier 9 ( * ) - qui désigne l'effet d'entrainement des ressources publiques - est très important en matière d'aide alimentaire . Utilisé et défini par les associations caritatives comme le ratio entre les différentes sources de financements publics (crédits budgétaires, dépenses fiscales, mise à disposition de matériel etc.) et les moyens développés par l'association grâce à des ressources « propres » (dons des particuliers et entreprises, bénévolat etc.), il mesure l'effet multiplicateur d'un euro investi par la puissance publique. Un euro de financement public permet de démultiplier les moyens déployés sur le terrain, grâce à l'action des bénévoles et aux dons issus de la générosité publique (entreprises ou particuliers).

Sans ce travail des bénévoles et cette générosité - et si l'on tient uniquement compte du financement public national - l'État devrait, aujourd'hui, ainsi multiplier ses financements par 5 pour mettre en oeuvre le dispositif d'aide alimentaire.

Si l'on élargit la mesure de l'effet de levier aux financements européens et locaux, il peut être estimé à 3. Néanmoins, il est certainement plus important dans la réalité au vu des remarques faites précédemment sur la sous-estimation de certaines sources de financement. Toutefois, si l'on inclut, dans le calcul, les autres ressources des associations d'aide alimentaire (recettes issues de manifestations, participation des bénéficiaires, ou autres ressources propres), l'effet de levier s'élève aux alentours de 6 10 ( * ) .

1. Les aides publiques représentent seulement un tiers des financements de l'aide alimentaire
a) Un financement de l'Union européenne à hauteur de 72,7 millions d'euros en 2018 (et 71,3 millions d'euros en 2017) par le biais du FEAD

Le financement de l'Union européenne se fait par le biais du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) . Ce fonds européen - instauré en 2014 11 ( * ) à la suite du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) - s'élève à un montant de 3,8 milliards d'euros sur la période 2014-2020. Il vise à apporter une assistance matérielle et alimentaire aux plus démunis.

Du PEAD au FEAD :
des fonds européens en direction des plus démunis

Le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) a remplacé le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) , qui fut instauré en 1987 dans l'urgence à la suite d'un hiver exceptionnellement froid. Ce PEAD reposait sur un mécanisme de trocs de matières premières (viande, lait, sucre riz etc.) - issues des stocks d'intervention 12 ( * ) de la PAC - qui étaient fournies sur appels d'offre à des professionnels de l'agro-alimentaire qui, en échange, les transformaient en produits alimentaires finis plus ou moins élaborés (pâtes, yaourt, fromage etc.). En France, ces appels d'offre étaient gérés par FranceAgriMer.

Compte-tenu de la diminution progressive des stocks agricoles consécutifs à la réforme de la PAC de 1992 et à la raréfaction des surplus agricoles, ces denrées ont dû, à partir de 1995, être de plus en plus fréquemment achetées sur le marché communautaire. Certains États, comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont alors considéré que cette politique devenait une politique sociale qui ne devait plus être financée par la PAC. Ainsi le règlement européen du 11 mars 2014 instaura, à compter du 1 er janvier 2014, un programme financé par un fonds structurel spécifique, le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) mis en place pour la période 2014-2020.

Le FEAD - à la différence du PEAD - est ainsi aujourd'hui une politique sociale à part entière de l'Union.

Source : commission des finances du Sénat

Sur cette période, le programme opérationnel - déclinaison nationale du FEAD - prévoit d'octroyer à la France une dotation de 587,39 millions d'euros . Cette dotation est financée par des crédits européens à hauteur de 499 millions d'euros (85 %), via un fonds de concours relevant du programme 304, ainsi que par des crédits nationaux à hauteur de 15 % , comme vos rapporteurs l'indiqueront plus loin dans le rapport.

Programmation française du FEAD
(2014-2010)

Source : DGCS

La France dispose ainsi, parmi les États membres, du troisième budget le plus important (13 % du total), derrière l'Italie et l'Espagne. Comme d'autres états membres, elle a décidé de dédier toute son enveloppe à l'aide alimentaire, à la différence de certains autres pays européens qui ont préféré utiliser cette enveloppe pour financer des actions d'aide matérielle et/ou d'inclusion sociale.

Le FEAD en France, une enveloppe dédiée à l'aide alimentaire

Actions financées

États membres

Aide alimentaire (PO1)

Bulgarie, Espagne, Estonie, Finlande, France , Malte, Pologne, Royaume-Uni, Slovénie

Aide alimentaire et aide matérielle (PO1)

Belgique, Croatie, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie

Mesures d'accompagnement (PO2)

Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Pays-Bas, Suède

Source : Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Cette enveloppe FEAD comprend ainsi des crédits destinés à couvrir :

- à titre principal, l'achat de denrées par FranceAgriMer, par la voie de marchés publics pour le compte d'associations partenaires ;

- un « forfait logistique », versé aux associations partenaires, pour leurs frais administratifs de transport et de stockage des denrées. Ce forfait s'élève à 5 % de la valeur des marchandises livrées ;

- les dépenses d'« assistance technique » de l'État qui permettent de financer des moyens nécessaires à la mise en oeuvre du fonds européen.

Utilisation des crédits d'assistance technique

Le FEAD bénéficie d'environ 800 000 euros par an de crédits d'assistance technique (cofinancement UE de 85 % comme pour les autres crédits du programme) qui ont permis de financer :

- en 2015 : le recours à un prestataire externe (marché public) pour l'appui aux agents de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dans la réalisation du contrôle qualité gestion chez FranceAgriMer ;

- en 2016 : le recours à un prestataire externe (marché public) pour la mise en oeuvre du FEAD pour le compte de la DGCS : organisation, structuration et gestion du FEAD ;

- depuis juillet 2017 : le financement des salaires de cinq contractuels recrutés au sein du pôle FEAD ;

- à partir de 2018 : le financement de l'externalisation des contrôles sur place au sein des associations partenaires du FEAD.

Source : DGCS

Sur la durée de la programmation 2014-2010, le financement européen augmente ainsi de 2 % conformément aux dispositions prévues dans le règlement du FEAD . Mais cette augmentation est plus significative sur la période longue de 2008-2018, incluant le passage du PEAD au FEAD : les crédits européens passent ainsi de 50,8 millions d'euros dans le cadre du PEAD en 2008 à 72,7 millions d'euros de crédits FEAD en 2018.

Toutefois, vos rapporteurs tiennent à souligner que cette augmentation des crédits et notamment celle prévue dans le cadre de la programmation 2014-2020 ne saurait masquer les difficultés liées à l'exécution de ces crédits , qui seront détaillées dans la seconde partie du présent rapport.

Ces crédits sont délégués à l'établissement public FranceAgriMer qui achète les denrées , pour chaque campagne annuelle, par la voie de marchés publics. Ces denrées sont ensuite livrées à quatre associations - dites « organisations partenaires » (Croix Rouge française, Fédération Française des Banques Alimentaires (FFBA), Restaurants du Coeur, Secours populaire français) , qui en organisent la distribution. Ces associations ont été sélectionnées selon un processus piloté par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), autorité de gestion du FEAD.

L a répartition des crédits entre les 4 organisations partenaires (OP) retenues se fait à partir des données chiffrées sur l'activité d'aide alimentaire recueillies auprès des associations via le Système d'Information d'Aide Alimentaire (SIAA) pour l'année N. Ces données chiffrées permettent ainsi de répartir l'enveloppe annuelle sur la base de critères tels que la densité de l'activité d'aide alimentaire d'une association, et la plus ou moins forte dépendance aux denrées FEAD en termes de sources d'approvisionnement. Une pondération est ensuite appliquée aux différents critères, pour réaliser la répartition des crédits entre les OP retenues. Les critères retenus ainsi que la pondération qui leur est appliquée permettent de constituer la clé de répartition , pouvant évoluer d'une année à l'autre en fonction des enseignements tirés de l'exercice précédent.

Clé de répartition du FEAD entre les 4 associations bénéficiaires

L'enveloppe du FEAD pour 2018 s'élève à environ 84 millions d'euros. Sur la base des critères énoncés ci-dessus, les Restaurants du Coeur, le Secours populaire et la FFBA perçoivent respectivement 32 %, 32 %, et 34 % de l'enveloppe (soit environ 27 millions d'euros de denrées, et environ 1,2 million d'euros pour la prise en charge de leurs coûts administratifs, de transport et de stockage, à hauteur de 5 % de la valeur des denrées reçues). La Croix-Rouge perçoit 2 % de l'enveloppe , allouée aux 9 départements métropolitains et outre-mer au sein desquels elle distribue directement des denrées FEAD (dans les autres départements, elle s'approvisionne auprès des banques alimentaires), soit 1,8 million d'euros dont 1,7 million d'euros en achat de denrées.

Source : DGCS

b) Un financement de l'État par le biais de crédits budgétaires et dépenses fiscales
(1) Les crédits budgétaires : 51,9 millions d'euros en 2018 et 44,2 millions d'euros en 2017

Les crédits budgétaires alloués à l'aide alimentaire sont inscrits, depuis 2013, à l'action 14 du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, Insertion, égalité des chances » 13 ( * ) .

Les crédits nationaux en faveur de l'aide alimentaire en 2018 ( en LFI )

(en millions d'euros)

Montant

FEAD

Contribution nationale

12,8

Contribution nationale complémentaire

10,6

Épiceries sociales

8,2

Subventions aux têtes de réseau associatives nationales (crédits nationaux)

4,6

Aide alimentaire déconcentrée

13,5

Subvention pour charge de service public à FranceAgriMer

2,2

Réserves parlementaires

- Total

51,9

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018

Ce programme regroupe deux principaux types de financements de l'État au titre de l'aide alimentaire.

D'une part, la contribution de la France au fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) , à hauteur de 15% de la dotation, comme indiqué précédemment. La contribution nationale au FEAD s'élève, en 2018, à 12,8 millions d'euros pour un montant total consacré à l'aide alimentaire au titre du FEAD de 72,7 millions d'euros. Il est à noter une contribution complémentaire nationale de 10,6 millions d'euros, dont il sera question en deuxième partie du présent rapport. Cette contribution fut nécessaire pour compenser les moindres remboursements de la part européenne du FEAD liés à des irrégularités constatées par la Commission européenne dans la gestion des campagnes 2014 et 2015.

D'autre part, des crédits complémentaires destinés à financer :

• les épiceries sociales , puisque ces structures - qui soutiennent les personnes en difficulté contre une participation financière symbolique - ne sont pas éligibles au FEAD, qui impose la gratuité de la distribution des denrées 14 ( * ) . Depuis 2014, les associations nationales têtes de réseau des épiceries sociales et solidaires perçoivent ainsi un financement provenant du de l'action 14 intitulé « crédits nationaux aux épiceries sociales » (CNES) du programme 304. À l'exception de la Fédération française des banques alimentaires (FFBA) qui reçoit les denrées via un marché public passé par FranceAgriMer, ces associations perçoivent les crédits sous forme de subventions pour acheter les denrées alimentaires.

• les têtes de réseau associatives nationales : sur les 17 associations habilitées par les services de l'État, seules les 8 associations suivantes bénéficient de subventions pour soutenir leur activité en tant que tête de réseau par la DGCS : ANDES, la Croix-Rouge, la FFBA, la Fédération nationale des paniers de la mer, Imagine 84, les Restos du Coeur, le Réseau Cocagne, et le Secours populaire français. Ces subventions permettent de financer une partie de leurs coûts de fonctionnement et sont majoritairement dédiées à l'animation du réseau (formations, séminaires, développements informatiques, élaboration de livrables et guides...). Certains réseaux perçoivent une subvention supplémentaire de la DGCS pour des dispositifs de récupération d'invendus ou de plateforme d'achats (ANDES, Fédération nationale des paniers de la mer) et pour le co-financement de paniers de légumes (réseau Cocagne).

Programmation des subventions au titre de l'aide alimentaire (en 2018)

(en euros)

Bénéficiaires

Montant

Appel à projet du Programme national pour l'alimentation

96 000

dont Handicap Travail Solidarité (HTS)

40 000

dont la Fédération des Associations Générales Étudiantes (FAGE)

56 000

Croix-Rouge française

290 000

Restaurants du coeur

225 000

Fédération française des Banques alimentaires

5 200 000

Secours populaire français

171 600

ANDES (Association nationale de développement des Épiceries solidaires)

5 820 084

Fédération des Paniers de la mer

395 959

IMAGINE 84

212 308

Réseau Cocagne

180 000

Total

12 590 951

Source : DGCS

- les services déconcentrés (directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS)) afin de financer des actions d'aide alimentaire locale : développement de partenariats, soutien logistique, prêt de local, aide à l'équipement, achat de denrées. Ces crédits sont répartis en fonction de l'évaluation des besoins exprimés par les services déconcentrés lors de dialogues de gestion annuels avec la DGCS et de critères de pauvreté sur les territoires. Ainsi en 2017, ce sont les régions d'Ile-de-France (3,7 millions d'euros), des Hauts-de-France (1,2 million d'euros) et les départements et régions d'outre-mer (1,5 million d'euros) qui ont bénéficié majoritairement de ces subventions.

- une subvention pour charges de service public à FranceAgriMer en tant qu'organisme intermédiaire de gestion du FEAD, pour couvrir ses frais liés à la gestion du fonds.

- 21 -

AIDE ALIMENTAIRE : UN DISPOSITIF VITAL, UN FINANCEMENT MENACÉ ?

UN MODÈLE ASSOCIATIF FONDÉ SUR LE BÉNÉVOLAT À PRÉSERVER

Évolution des crédits budgétaires nationaux de l'aide alimentaire
de 2012 à 2018

(en euros)

PREMIÈRE PARTIE :
L'AIDE ALIMENTAIRE : UNE ORGANISATION FINANCIÈRE ET JURIDIQUE QUI S'EST EFFORCÉE DE S'ADAPTER AUX NOUVELLES EXIGENCES EUROPÉENNES

- 22 -

Source : DGCS d'après PAP et DRICE pour les données en LFI, RAP pour l'exécution

Cette évolution des crédits budgétaires nationaux appelle deux séries d'observations de la part de vos rapporteurs :

• Tout d'abord, s'agissant des crédits prévus en loi de finances initiale, ils sont en augmentation sur la période longue de 2009 à 2017, mais ont diminué, à périmètre constant (hors dotation nationale complémentaire pour dépenses inéligibles au remboursement européen), de 2,8 millions d'euros entre 2017 et 2018 ( cf. tableau infra ). Par ailleurs, il convient de noter que l'augmentation de 2 % par an de l'enveloppe des épiceries sociales - calquée sur la maquette financière du FEAD - n'a pas été reconduite en 2017.

Évolution des crédits de l'action 14 du programme 304
entre 2017 et 2018

(en euros)

Montant LFI

2017

2018

Évolution

Crédits nationaux

4 564 867

4 564 867

Crédits déconcentrés

14 880 380

13 541 156

-1 339 224

Subventions charges de service public (FranceAgriMer)

2 167 288

2 167 288

Épiceries sociales

8 230 084

8 230 084

FEAD

12 577 058

12 828 599

251 541

Réserves parlementaires

1 735 727

-1 735 727

Sous-total ( périmètre constant )

44 155 404

41 331 994

-2 823 410

Compensation des refus d'apurement

10 589 579

10 589 579

Total « action 14 »

44 155 404

51 921 573

7 766 169

Source : DGCS

• En outre, s'agissant de l'exécution des crédits , on observe de 2009 à 2012 une surconsommation des crédits, qui s'explique principalement par des opérations de fongibilité effectuées en cours de gestion par les services déconcentrés pour faire face aux besoins. Mais on note, de 2015 à 2017, une légère sous-consommation des crédits, à périmètre constant (c'est-à-dire hors dotation complémentaire et avance à FranceAgriMer).

(2) Les dépenses fiscales : une estimation de 218,5 millions d'euros

Ces dépenses fiscales proviennent des réductions d'impôts 15 ( * ) au titre de dons de la part des particuliers et des entreprises en faveur des associations et organismes oeuvrant dans le domaine de l'aide alimentaire .

• S'agissant des particuliers , les dons aux « organismes d'aide aux personnes en difficulté » (sont visées les associations exerçant dans le domaine de l'aide d'urgence : aide alimentaire, aide au logement, accès aux soins) donnent droit à une réduction d'impôt sur le revenu à hauteur de 75 % du montant du don ( Article 200 du code général des impôts (CGI)).

• S'agissant des entreprises , il s'agit de la réduction d'impôt au titre des dons faits par les entreprises à des oeuvres ou organismes d'intérêt général qui ouvre droit à une réduction d'impôt égale à 60 % du don dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires hors taxes, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ( Article 238 bis du CGI ). Par ailleurs le dernier alinéa du 1 de l'article du CGI précité prévoit que « lorsque les versements mentionnés au premier alinéa du présent 1 sont effectués sous forme de dons en nature, leur valorisation est effectuée au coût de revient du bien donné ou de la prestation de service donnée ».

Réduction d'impôt au titre des dons en nature : une valorisation au coût de revient,
un moyen d'encourager les dons alimentaires en provenance de la grande distribution

L'article 19 de la loi de finances pour 2017 a modifié les modalités d'évaluation des dons en nature pour la détermination de la réduction d'impôt. Il a ainsi inséré, au sein de l'article 238 bis du code général des impôts, un alinéa disposant que les dons en nature sont, en tout état de cause, valorisés au coût de revient du bien ou de la prestation . Il s'agit d'une évolution législative, afin d'encourager les dons en nature de la grande distribution.

Droit existant avant l'entrée en vigueur de l'article 19 de la loi de finances pour 2017

Un rescrit du 21 juillet 2009 16 ( * ) , indiquait que « lorsque le versement prend la forme de produits alimentaires, le don peut être estimé à la valeur pour laquelle les produits sont ou devraient être inscrits en stock en application des dispositions du 3 de l'article 38 du CGI ». La valeur d'inscription en stock s'entendait de la valeur nette comptable, c'est-à-dire après prise en compte des provisions fiscalement déductibles. Par conséquent, dans le cas où un produit alimentaire arrivait à péremption, la valeur nette comptable était nulle, interdisant in fine tout avantage fiscal pour l'entreprise.

C'est pour faciliter les dons en nature et lutter efficacement contre le gaspillage alimentaire, que la doctrine fiscale (actualité BOFiP du 3 août 2016) a modifié la manière dont les dons en nature réalisés par les entreprises devaient être comptabilisés . La nouvelle instruction fiscale posait comme principe que « la valeur du don du bien ou de la prestation de l'entreprise correspond à son coût de revient , c'est-à-dire au coût que représente, pour l'entreprise, la perte de ce bien ou de cette prestation », sans prise en compte de la marge de l'entreprise. Toutefois, pour les produits alimentaires, l'instruction fiscale prévoyait une valorisation différente selon la date limite de consommation . La valeur retenue était égale :

- au coût de revient du bien, lorsque le bien était donné avant les trois derniers jours de sa date limite de consommation ;

- à 50 % de son coût de revient, lorsque le bien était donné dans les trois derniers jours de sa date limite de consommation.

Pour les produits alimentaires frais (fruits, légumes, pain, etc.), la valeur retenue pour le calcul de la réduction d'impôt était égale :

- à son coût de revient, lorsque le bien donné était consommable et commercialisable dans un circuit habituel de vente au public de produits alimentaires destinés à l'alimentation humaine ;

- à 50 % de son coût de revient lorsque le bien donné, bien que consommable, n'était pas ou plus commercialisable dans un circuit habituel de vente au public de produits alimentaires destinés à l'alimentation humaine.

Droit en vigueur

L'article 19 de la loi de finances pour 2017 a supprimé ces modalités spécifiques d'évaluation pour les denrées alimentaires, qui revenaient à réduire de 50 % la valorisation de certains dons . Il a été craint une réduction des dons de ce type aux associations. En diminuant de moitié la réduction d'impôt, le dispositif risquait d'inciter les entreprises à réaliser des offres promotionnelles sur ces produits, au lieu de les donner aux associations caritatives.

Cette modification a été intégrée dans la doctrine fiscale (actualité BOFiP du 20 juin 2017 ), qui précise que le coût de revient d'un bien ou d'une prestation comprend les coûts supportés par l'entreprise pour acquérir ou produire le bien ou la prestation donné(e). Pour un bien donné, la valeur retenue pour le calcul de la réduction d'impôt est égale au coût de revient défini à l'article 38 nonies de l'annexe III au CGI.

Source : commission des finances du Sénat

Interrogée par vos rapporteurs, l'administration fiscale n'a pas pu fournir de données chiffrées s'agissant des réductions d'impôt au titre de l'aide alimentaire . Elle ne dispose pas de données par bénéficiaire des dons, mais seulement du total du coût des réductions d'impôt pour les dons des particuliers (283 millions d'euros en 2017) et des entreprises (902 millions d'euros en 2017).

Vos rapporteurs ont ainsi tenté d'estimer le montant des dépenses fiscales au titre de l'aide alimentaire, sur la base d'éléments dont ils disposaient . Ils concluent ainsi à une estimation de 218,5 millions d'euros, qui est perfectible car elle se base :

- s'agissant des réductions d'impôt sur les dons en nature, sur les dons en provenance des entreprises, en partant du postulat que les entreprises étaient plus enclines à défiscaliser ces dons que les particuliers, qui effectuent ces dons souvent lors des collectes dans les supermarchés. D'après les données transmises par la DGCS, l'estimation pouvant être faite s'élève à 160 millions d'euros 17 ( * ) .

- s'agissant des réductions d'impôt sur les dons numéraires, sur les dons financiers des particuliers - sur la base d'un taux de défiscalisation à 80 % - et des entreprises. L'estimation s'élève ainsi à 58,5 millions d'euros 18 ( * ) .

c) Le soutien des collectivités : une aide fournie par les CCAS et CIAS estimée à 122,5 millions d'euros

Les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes au travers des centres communaux d'action sociale (CCAS) et centres intercommunaux d'action sociale (CIAS), interviennent dans cette politique publique.

L'aide alimentaire est une compétence facultative des CCAS et CIAS, non définie par la loi. Néanmoins, l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précisant les conditions d'octroi du chèque d'accompagnement personnalisé, la loi reconnait un rôle des collectivités territoriales et notamment des CCAS/CIAS en la matière. Les CCAS et CIAS interviennent ainsi soit par le biais de prestations directes (remises de chèques d'accompagnement personnalisés, colis alimentaires, soutien à la restauration scolaire, aides en espèces etc.), soit par le biais d'actions de soutien aux structures existantes , notamment les épiceries sociales qu'elles gèrent directement ou financent.

L'enquête sur l'action sociale des communes et intercommunalités (ASCO) effectuée par la DREES permet de disposer d'informations sur l'action sociale mise en oeuvre par les communes et intercommunalités françaises en 2014.

Dispositifs d'aide alimentaire mis en oeuvre dans les CCAS/CCIAS et communes en 2014

Pourcentage des communes mettant en place ces dispositifs

Globalement

Pour les communes de > 10 000 habitants

Chèques d'accompagnement personnalisés (CCAS et communes)

5,4%

45,9%

Aide alimentaire en espèces (CCAS)

16,5%

53,0%

Distribution de nourriture (CCAS)

7%

21,6%

Tickets de cantine à prix différenciés (CCAS et communes)

9,6%

54,1%

Bons alimentaires (CCAS)

22,9%

74,4%

Source : DGCS d'après enquête ASCO de la DREES

Par ailleurs, une enquête a été menée en 2017 par la DGCS auprès de plus de 4 000 CCAS/CIAS concernant leur activité d'aide alimentaire en 2016. Parmi la moitié des structures ayant répondu, 84 % ont déclaré avoir au moins une action sociale relative à l'alimentation. En outre, 38 % des 4 000 structures sollicitées ont renseigné leur budget pour 68 % de leurs actions, soit un montant total de 27 millions d'euros.

Sur les CCAS/CIAS qui apportent un soutien financier aux associations (environ 40 % des structures qui ont une activité d'aide alimentaire), 76 % des budgets ont été renseignés. Cela représente 4,6 millions d'euros d'aides financières. On peut noter que les CCAS/CIAS soutiennent également le tissu associatif par la mise à disposition de matériels ou de personnels, et par des actions de coordination des acteurs.

Bien que les budgets moyens des CCAS soient très divers tout comme les types d'actions mises en place et les tailles des communes, vos rapporteurs - sans autres éléments consolidés transmis - ont raisonné par extrapolation concluant à une estimation de 122,5 millions d'euros. 19 ( * )

Par ailleurs, il convient de souligner que les collectivités territoriales interviennent également par le biais de diverses subventions difficilement estimables et comptabilisées en partie dans les dons en nature aux associations (dons de matériels, frigo ou mise à disposition de matériels, salles etc.)

2. Les aides privées : une source de financements qui tend à augmenter notamment sous l'effet de la lutte contre le gaspillage alimentaire

Le montant des aides privées (dons en nature et numéraires) des particuliers et entreprises, en faveur de l'aide alimentaire, sont en augmentation depuis 2008 . Cette évolution s'inscrit dans une dynamique globale de hausse de la générosité publique 20 ( * ) , mais est aussi à lier à la promotion des politiques de lutte contre le gaspillage alimentaire.

a) Des dons en nature estimés à 443 millions d'euros

Dons en nature*

(en millions d'euros)

Association

Montant

Croix-Rouge

46,26

Fédération française des banques alimentaires

272,39

Secours populaire

76,30

Restos du Coeur

47,97

Total

442,91

*Hors denrées FEAD

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par les associations et la DGCS

Ces dons en nature proviennent, comme les dons financiers, des particuliers et des entreprises :

• S'agissant des dons en nature des particuliers , ils sont généralement effectués au travers des campagnes ponctuelles de collecte menées par les associations. Les collectes sont parfois organisées nationalement, comme le font les Restos du Coeur et la Fédération française des banques alimentaires.

• S'agissant des dons en nature des entreprises (supermarchés, producteurs agricoles, industriels agro-alimentaires, etc.), ils sont principalement effectués par le biais de partenariats noués avec les associations . Ces dons en nature en provenance des entreprises sont en augmentation depuis plusieurs années, dans un contexte de sensibilisation de plus en plus large à la lutte contre gaspillage alimentaire.

D'après les informations transmises par la DGCS, les données du Système d'Information d'Aide Alimentaire (SIAA) entre 2014 et 2016 font apparaitre des volumes en augmentation au sein des trois associations distributrices (Restos du Coeur, Croix-Rouge française et Secours populaire français), dont une nette croissance des dons de la grande et moyenne distribution. Entre 2016 et 2017, le Secours populaire français a constaté une augmentation de 20 % des dons des distributeurs. Ainsi en 2017, les dons des distributeurs représentaient, pour l'association, plus de 27,2 millions d'euros pour un volume de 13 553 tonnes de denrées, représentant 21,5 % de ses approvisionnements. S'agissant des banques alimentaires - dont la création en 1984 est intrinsèquement liée à la lutte contre le gaspillage alimentaire - l'augmentation est de moindre ampleur. Les volumes récupérés auprès des grandes et moyennes surfaces ont ainsi augmenté de 11,2 % en 2017 pour atteindre 46 200 tonnes. Le nombre de magasins a également augmenté de 10,6 %. Les denrées sauvées du gaspillage alimentaire représentent ainsi, en 2017, 65 % des denrées collectées par les banques alimentaires.

Bien qu'il soit difficile de mesurer son impact quantitatif puisque les textes d'application (décret et conventions types) ont été pris tardivement, la loi « Garot » - qui a rendu obligatoire le don des invendus des grandes et moyennes surfaces de plus de 400 m² - a incontestablement contribué à sensibiliser les entreprises à la lutte contre le gaspillage alimentaire 21 ( * ) , et généraliser les bonnes pratiques en la matière. Cette loi a permis de clarifier les responsabilités entre supermarchés et associations et d'encadrer juridiquement des pratiques existantes, avec pour but une augmentation et une amélioration de la qualité des produits donnés. D'après une étude récente 22 ( * ) , 93 % des magasins pratiquent le don aux associations et interagissent en moyenne avec 2,1 associations. 45 % d'entre eux sont collectés chaque jour et 64 % donnent depuis plus de 3 ans. La majorité des acteurs de la grande distribution (94 %) met en avant la dimension sociale du don, toutefois 79 % d'entre eux disent s'être investis dans cette démarche pour des raisons financières (économie fiscale et coût de traitement des déchets) 23 ( * ) .

La loi a ainsi encouragé les dons alimentaires aux associations, mais elle a également conduit les supermarchés à optimiser leurs stratégies avec la réduction des invendus en amont , par des actions de stockage des denrées à date courte afin de les écouler à des tarifs promotionnels ou par la formation des personnels pour assurer une meilleure gestion des stocks. Vos rapporteurs considèrent ainsi comme essentiel le maintien de mécanismes de défiscalisation encourageant le don.

La loi « Garot » :
un jalon essentiel dans la lutte contre le gaspillage alimentaire

La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi « Garot », fut la première loi votée en Europe, et même à l'échelle mondiale, s'agissant de la lutte contre le gaspillage alimentaire . Cette loi a ainsi créé une sous-section nouvelle dédiée à la lutte contre le gaspillage alimentaire au sein du titre IV, dédié aux déchets, du livre V du code de l'environnement.

Elle inscrit dans le code de l'environnement, à l'article L. 541-15-4, une hiérarchie de la lutte contre le gaspillage alimentaire, inspirée de la hiérarchie existante pour les modes de gestion des déchets. Les actions mises en oeuvre devront ainsi l'être dans l'ordre de priorité suivant pour les denrées propres à la consommation : prévention du gaspillage, utilisation des invendus par le don ou la transformation, valorisation destinée à l'alimentation animale, utilisation à des fins de compost pour l'agriculture ou la valorisation énergétique par méthanisation. Cette hiérarchie a vocation à s'appliquer à tous les maillons de la chaîne alimentaire, des producteurs aux consommateurs en passant par les distributeurs et les associations.

La loi « Garot » interdit, par ailleurs, la destruction des invendus encore consommables et oblige les principaux distributeurs (grandes surfaces de plus de 400m²) à conclure un partenariat, par le biais d'une convention, avec une association d'aide alimentaire habilitée pour le don des invendus (Art. L. 541-15-5).

Le décret du 28 décembre 2016 précise les conditions dans lesquelles les dons doivent être réalisés, conditions qui sont reprises dans un modèle de convention disponible sur le site du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (obligation pour le distributeur de réaliser le tri des denrées, possibilité pour les associations de refuser les denrées dont la date limite de consommation (DLC) est inférieure à 48 heures, définition des modalités d'enlèvement, de transport et de stockage etc.).

Source : commission des finances du Sénat

b) Des contributions financières estimées à près de 100 millions d'euros

Outre les dons en nature, les associations bénéficient également de contributions financières, leur permettant d'acheter des denrées ou de financer des dépenses de logistique.

Ces contributions proviennent de particuliers et d'entreprises encouragées notamment par les réductions d'impôts existantes. Elles s'élèvent à près de 100 millions d'euros. Ce chiffre constitue une estimation, car il est difficile d'isoler, pour certaines associations, la partie des dons correspondant à un financement des activités d'aide alimentaire.

Dons financiers en faveur de l'aide alimentaire

(en millions d'euros)

Association

Montant

Croix-Rouge

0,80

Fédération française des banques alimentaires

2,58

Secours populaire

0,20

Restos du Coeur

93,95

Total

97,53

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par les associations et la DGCS

Les quatre associations bénéficient diversement de dons financiers, leur modèle d'organisation divergeant . Ce sont les Restos du coeur qui bénéficient majoritairement de contributions financières. La FFBA, le Secours populaire et la Croix Rouge, quant à eux, s'appuient plutôt sur les dons en nature pour mettre en oeuvre leur mission sur le terrain.

3. Le bénévolat, clé de voûte du système dont la valorisation financière s'élève à près de 500 millions d'euros, soit près du tiers du coût total de l'aide alimentaire en France

L'aide alimentaire en France repose essentiellement sur le bénévolat, qui est essentiel au bon fonctionnement de ce dispositif .

Les associations bénéficient en très grande majorité de ressources bénévoles, le taux de salariés étant très faible voire quasi-inexistant pour certaines associations . S'agissant des salariés employés par les associations, une grande majorité d'entre eux correspond à des emplois en insertion (contrats aidés, service civique etc.) Les effectifs des banques alimentaires, par exemple, sont constitués à 90 % de bénévoles.

Ces bénévoles sont majoritairement des retraités , comme vos sénateurs ont pu le constater en visitant l'entrepôt de l'Oise de la banque alimentaire et une épicerie sociale à Chantilly. Les données transmises par la Croix-Rouge montrent que l'âge moyen des bénévoles de l'aide alimentaire est de 56 ans et l'âge médian est de 61 ans.

Toutefois, le taux d'engagement des jeunes connaît un bond depuis quelques années en France : la part des moins de 35 ans donnant du temps bénévole à une association a atteint 21,3 % en 2016 24 ( * ) . Les associations d'aide alimentaire profitent ainsi de cette dynamique générationnelle. Ainsi, les Banques Alimentaires, reconnues comme associations éducatives, mettent en place, chaque année, des campagnes de sensibilisation à l'action citoyenne auprès des jeunes au sein des établissements scolaires. Les Banques Alimentaires intègrent également chaque année des jeunes de 16 à 25 ans en Service Civique (en 2017, 94 jeunes étaient concernés).

Les bénévoles occupent tous les postes-clés inhérents à la gestion de l'aide alimentaire (approvisionnement, tri, hygiène et sécurité alimentaire, informatique, recherche de partenariats etc.). Aux Restos du Coeur, par exemple, chaque service, au siège national, est piloté par un binôme bénévole / salarié. Au sein du réseau des banques alimentaires, les missions sont les mêmes pour les salariés et les bénévoles, la seule différence réside dans le caractère permanent et prévisible (toute la semaine ou moins) de la présence des salariés dans l'association.

Ces tâches peuvent parfois s'avérer techniques, nécessitant un apprentissage et des formations, proposées par les têtes de réseaux des associations nationales . Les Restos du coeur proposent ainsi 40 modules de formation au niveau national et local : en 2016-2017, 3 267 sessions de formation ont été organisées pour près de 40 000 bénévoles participants. Le Secours populaire, quant à lui, dispose d'un institut de formation depuis 1997, qui dispense différents modules comprenant la connaissance des valeurs et du fonctionnement de l'association et des formations plus spécifiques selon l'action conduite par le bénévole. Ainsi, depuis deux ans, est mis en oeuvre un module de « gestion de l'aide alimentaire ». Quant à la FFBA, elle est organisme formateur agréée par le ministère du Travail, qui forme ses bénévoles d'aide alimentaire, notamment sur l'hygiène et la sécurité des aliments (plus de 22 000 personnes formées depuis 2009 et 85 % des associations et CCAS partenaires ont suivi ces formations) et sur l'accompagnement dans l'aide alimentaire (formation « à l'écoute »).

Néanmoins, l'organisation de ces sessions de formation - dispensées le plus souvent en interne pour les associations nationales - est perfectible. Les associations font face à plusieurs difficultés : des formations parfois complexes à organiser liées à la disponibilité des bénévoles, un manque de moyens humains et financiers, notamment pour les plus petites structures, qui ne disposent pas des outils des grandes associations nationales.

Le bénévole, un acteur essentiel de l'aide alimentaire

Il peut occuper tous les postes-clés liés à la gestion de l'aide alimentaire : de l'agent logistique à l'assistant administratif. Voici un aperçu des types de missions réalisées par les bénévoles :

- Chargé d'accueil et d'orientation

- Chargé des approvisionnements

- Chargé de la distribution

- Chef d'entrepôt

- Responsable hygiène et sécurité

- Responsable de partenariats

- Animateur d'atelier thématique

- Assistant administratif/Informaticien (ex : à la Croix-Rouge, référent territorial Aïda - l'application de gestion d'aide alimentaire)

Source : réponses aux questionnaires des associations

En se basant sur les données transmises par les 4 associations nationales, le nombre de bénévoles s'élève à plus de 200 000 . S'agissant de la FFBA, sont comptés ses 6 154 bénévoles permanents mais également ceux des 5 400 structures partenaires 25 ( * ) . À noter qu'outre les bénévoles permanents, des personnes peuvent être mobilisées temporairement : ainsi la FFBA mobilise 130 000 bénévoles le temps des collectes nationales.

Si l'on valorise financièrement cette activité bénévole, elle représente près de 500 millions 26 ( * ) d'euros.

Valorisation financière du bénévolat

(en millions d'euros)

Association

Nombre de bénévoles dédiés à l'aide alimentaire*

Valorisation financière**

Croix Rouge

14 000

58,05

Fédération française des banques alimentaires

46 564

171,56

Secours populaire

80 000

50,20

Restos du Coeur

71 000

209,92

Total

211 564

489,73

* FFBA : estimation du nombre de bénévoles dédiés à l'aide alimentaire/ Restos du Coeur et Secours populaire : nombre de bénévoles global dont aide alimentaire

**Valorisation sur la base d'un SMIC avec charges (Estimation ou données transmises)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par les associations

Ce montant représente le tiers des financements concourant à l'aide alimentaire. Le bénévolat constitue ainsi un pilier de l'aide alimentaire, que vos rapporteurs jugent essentiel de soutenir et renforcer.

Vos rapporteurs ont pu, en se rendant sur le terrain, observer l'investissement des bénévoles - souvent retraités - sans qui le dispositif de l'aide alimentaire ne pourrait fonctionner. Ils souhaitent saluer le dévouement dont font preuve les bénévoles sur tout le territoire, ne comptant par leurs heures et constituant un appui essentiel pour les personnes les plus démunies .

La puissance publique - que ce soit l'État, les collectivités territoriales ou l'Union européenne - dans un contexte de tensions budgétaires ne serait pas en capacité de financer le nombre d'emplois correspondant au nombre de bénévoles, une somme de plus de 500 millions d'euros. Ce modèle associatif fondé sur le bénévolat est donc indispensable .

La gestion de l'aide alimentaire en France est ainsi relativement efficiente, du point de vue économique, puisqu'elle repose pour une grande partie sur le bénévolat.

Par ailleurs, outre la dimension quantitative, le bénévolat confère à l'action des associations une dimension humaine et sociale, qui doit également être prise en compte mais qui est difficilement quantifiable . Les Restos du Coeur ont ainsi mis en évidence « la valeur ajoutée associée à l'accompagnement massivement bénévole des personnes accueillies qui constitue un effet de levier qualitatif ». L'action bénévole vient en complémentarité de l'action des travailleurs sociaux, contribuant ainsi à faire de l'aide alimentaire une porte d'entrée vers l'inclusion sociale.

Ce modèle associatif fondé sur le bénévolat est financièrement indispensable mais également socialement essentiel.


* 5 Enquête demandée par l'Assemblée nationale en application de l'article 58-2 de la LOLF.

* 6 Il s'agit principalement de la Fédération française des banques alimentaires qui fournit 5 400 associations partenaires, et notamment certaines unités de la Croix-Rouge française.

* 7 Selon la même méthodologie de la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2009 précité.

* 8 Valorisation sur la base d'un SMIC brut avec charges, alors que la Cour des comptes, dans son rapport de 2009 précité, s'était basée sur le salaire brut d'un agent public.

* 9 Restos du coeur, « Mesure de l'effet de levier des restos du coeur », septembre 2015.

* 10 L'effet de levier mesuré par les Restos du Coeur se situe ainsi entre 5,8 et 6,3 ; celui de la Fédération française des banques alimentaires autour de 8.

* 11 Règlement n°223/2014 du 11 mars 2014.

* 12 Les stocks d'intervention publique étaient composés de produits agricoles achetés pour stabiliser les marchés et assurer un niveau de prix suffisant aux agriculteurs européens.

* 13 Ces crédits étaient précédemment inscrits sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement, insertion des plus vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

* 14 Article 23 du règlement du FEAD n°223/2014 du 11 mars 2014.

* 15 Ces dépenses fiscales sont imputées sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

* 16 RES n°2009

* 17 266 millions d'euros (correspondant à la valorisation financière de 88 000 tonnes de la grande distribution données aux 4 associations principales bénéficiaires) *0,6 (taux de la réduction d'impôt) = 160 millions d'euros.

* 18 88,92 millions d'euros de dons des particuliers, soit (88,92*0,8)*0,75 (taux de réduction d'impôt sur le revenu) = 53,35 millions d'euros + 5,16 millions d'euros correspondant à 8,61 (montant, en million, des dons des entreprises) *0,6 (taux de réduction d'impôt sur les sociétés).

* 19 Ce chiffre repose sur une estimation de 104,5 millions d'euros d'aide directes aux bénéficiaires et 18 millions d'euros d'aides financières aux associations fournies par les CCAS et CCIAS.

* 20 France Générosités, « Panorama national de la générosité publique », mars 2018.

* 21 Par ailleurs, l'orientation des politiques publiques en la matière a également contribué à la généralisation de ces bonnes pratiques. En 2013, le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, signé entre l'État et les représentants des différents acteurs de la chaîne alimentaire, a fixé l'objectif national de réduction du gaspillage alimentaire à 50 % à l'horizon 2025. Ce pacte a été renouvelé en 2017.

* 22 Baromètre Ipsos 2018 pour le compte de Comerso sur la valorisation des invendus de la grande distribution.

* 23 Ibid.

* 24 France Bénévolat, « L'évolution de l'engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2016 », 2016

* 25 Sur la base d'une hypothèse de 10 bénévoles par structure.

* 26 Ce montant est obtenu à partir de la valorisation réalisée par les associations sur la base d'un SMIC horaire brut avec charges multiplié par le nombre d'heure réalisées par les bénévoles. S'agissant de la FFBA, elle utilise également un multiple du SMIC pour l'encadrement bénévole. Les montants de la FFBA et de la Croix-Rouge correspondent à des estimations à partir des données transmises par les associations.

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