II. LES DÉFAILLANCES DU CONTRÔLE DÉONTOLOGIQUE

« Ces dernières années, nombre de conflits d'intérêts sont apparus, car ces hauts fonctionnaires ne choisissent pas n'importe quels postes dans le privé. Les transfuges de la haute fonction publique sont lobbyistes ou avocats d'affaires, bref, des postes où ils peuvent monnayer leur carnet d'adresses, mais, surtout, ce qu'ils savent des faiblesses de l'État, ce qui est encore plus gênant. Il en est ainsi des conseillers fiscaux qui viennent de Bercy. Michel Sapin considérait cela comme un scandale. » (Vincent Jauvert ; audition).

Face à cette stratégie délibérée, le contrôle déontologique sur lequel se focalisent les regards ne pèse pas grand-chose et d'autant moins qu'on peut s'interroger sur les moyens juridiques et matériels lui permettant d'agir efficacement.

A. LES RÉSULTATS DÉCEVANTS DU CONTRÔLE PAR LA COMMISSION DE DÉONTOLOGIE DE LA FONCTION PUBLIQUE.

L'acteur central du contrôle, la commission de déontologie de la fonction publique, doit être saisie lors de tout départ, temporaire ou définitif, de fonctionnaire vers le privé. Sa mission est de rendre un avis de compatibilité, d'incompatibilité, ou de compatibilité avec réserves entre l'activité jusqu'alors occupée par l'agent et les fonctions qu'il envisage d'occuper dans le secteur privé. Un avis d'incompatibilité s'impose à l'agent qui se verrait alors refusé sa mise en disponibilité. Pour passer outre, il devrait démissionner de la fonction publique.

L'objet premier de la commission de déontologie est la prévention des conflits d'intérêts. Depuis que cette notion a été introduite dans le droit de la fonction publique par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires avec pour principal résultat, l'explosion des demandes d'avis qui selon le président de la commission de déontologie s'élevaient à plus de 5000 en 2017 !

Pour un résultat étonnant puisque, comme a pu le constater la commission d'enquête, la commission de déontologie fait un usage plus que limité de sa capacité de dissuasion des départs d'agents publics vers le secteur privé posant problème. Le président, Roland Peylet, reconnaît lui-même que les avis d'incompatibilité étaient exceptionnels.

Résultats qui ont pu paraître étonnants au président de la HATVP, Jean-Louis Nadal, constatant devant la commission qu'il était arrivé qu'ayant, en même temps que la commission de déontologie à se prononcer sur la licéité d'un départ vers le secteur privé, la HATVP s'y était opposée alors même que la commission de déontologie avait déjà rendu un avis de compatibilité.

Ce qui pose la question d'une éventuelle répartition des tâches entre les deux commissions. Deux possibilités : réserver à la HATVP, l'examen des demandes des hauts fonctionnaires qu'elle doit d'ailleurs examiner ou absorption de la commission de déontologie par la HATVP. Les deux commissions, si elles n'ont pas actuellement les mêmes attributions ont comme on l'a vu déjà des compétences dont les effets se croisent.

Plusieurs des personnes auditionnées ont préconisée cette fusion, déjà votée par le Parlement. Jusque-là, le Conseil constitutionnel s'y est opposé. N'ayant aucun rôle politique comme on sait, il l'a fait au nom du caractère « incompréhensible » du texte voté.

Ces résultats décevant renvoient largement à la vacuité du dispositif juridique mis en place pour éviter les situations de conflit d'intérêts, à la définition insuffisante des responsabilités de chacun et au manque de moyens pratiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page