III. LES « PARE-FEU »
A. LE CUMUL DES RESPONSABILITÉS
1. Le débat
Dans sa réponse au questionnaire transmis dans le cadre de la préparation du présent rapport, la DGCL estime que l'exposé des motifs du projet de loi de 1996 et les débats parlementaires montrent que l'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales a eu pour but de permettre de limiter la responsabilité des personnes physiques. De fait, la circulaire de la DACG du 13 février 2006 relative à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 9 mars 2004 généralisant la responsabilité morale des personnes morales fixe les orientations suivantes de politique pénale :
« En cas d'infraction intentionnelle, la règle devra en principe consister dans l'engagement de poursuites à la fois contre la personne physique auteur ou complice des faits, et contre la personne morale, dès lors que les faits ont été commis pour son compte par un de ses organes ou représentants.
En revanche, en cas d'infraction non intentionnelle, mais également en cas d'infraction de nature technique pour laquelle l'intention coupable peut résulter, conformément à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation de la simple inobservation, en connaissance de cause, d'une réglementation particulière, les poursuites contre la seule personne morale devront être privilégiées, et la mise en cause de la personne physique ne devra intervenir que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier une condamnation pénale. »
Il s'agit donc bien d'orienter de façon préférentielle les poursuites vers la mise en cause des personnes morales en cas d'infraction non intentionnelle. Il est aussi précisé que les poursuites doivent nécessairement être dirigées contre la personne morale dans les hypothèses de causalité indirecte à l'origine d'un dommage imputable à une personne physique et d'absence de faute qualifiée au sens du quatrième alinéa de l'article 123-3 du code pénal, seule la personne morale étant, comme indiqué ci-dessus, pénalement responsable dans ces cas.
1. Pistes et propositions
Il n'en reste pas moins que, dans un contexte favorable à la réparation par la stigmatisation, quelle que soit la pratique des parquets, les victimes seront souvent tentées de mettre simultanément en cause la personne physique et la personne morale, la première à des fins punitives, la seconde à des fins d'indemnisation.
Il serait alors intéressant d'étudier la possibilité d'inciter les victimes, sans rien retrancher à leurs droits, à privilégier la mise en cause des collectivités territoriales, en restreignant peut-être la simultanéité possible des poursuites. La recherche de solutions en ce sens dépasse, à nouveau, la seule problématique de la responsabilité pénale des élus locaux et doit donc être lancée dans un cadre plus vaste que l'élaboration du présent rapport.
En tout état de cause, il pourrait être justifié de rendre possible la mise en cause de la responsabilité pénale des collectivités et leurs groupements pour les activités non susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.
Il s'agit de donner toute sa portée à l'efficacité du pare-feu que le législateur de 2004 a souhaité mettre en place quand il a institué la responsabilité morale des personnes morales.