II. L'EXISTENCE DE DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX ÉLUS LOCAUX
En dépit de la volonté de convergence exposée précédemment, le régime social des élus locaux conserve en effet ses particularismes. Ces idiosyncrasies se retrouvent principalement dans le système de régimes de retraite des élus locaux et dans la protection offerte aux élus salariés au cours de l'exercice de leurs mandats.
A. LES RÉGIMES DE RETRAITE DES ÉLUS LOCAUX
Outre le régime général, abordé dans la partie précédente, les élus locaux bénéficient d'un régime de retraite complémentaire obligatoire ainsi que de deux régimes de retraite supplémentaire facultative.
1. Le régime de retraite complémentaire obligatoire
Le régime de retraite de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) est applicable obligatoirement depuis la loi n° 92-108 du 3 février 1992 à tous les élus qui perçoivent une indemnité de fonction de la part :
- de communes ;
- de départements ;
- de régions ;
- de communautés de communes ;
- de communautés d'agglomération ;
- de syndicats d'agglomération nouvelle ;
- de communautés urbaines ;
- de métropoles ;
- de pôles métropolitains ;
- de syndicats de communes ;
- de syndicats mixtes associant communes et EPCI ;
- de centres de gestion départementaux ou interdépartementaux de la fonction publique territoriale ;
- de services départementaux d'incendie et de secours ;
- du centre national de la fonction publique territoriale.
La cotisation est prélevée obligatoirement et automatiquement sur le montant de l'indemnité de fonction. L'assiette de cotisations correspond au total des indemnités effectivement perçues. Les cotisations sont calculées par tranche et les taux de cotisations diffèrent selon ces tranches. En 2018, les taux d'appel des cotisations s'élèvent à 7% (2,8% pour l'élu, 4,2% pour la collectivité) sur la partie de l'indemnité inférieure au plafond de la sécurité sociale (soit 3 311 euros en 2018 pour rappel) et 19,5% (6,95% pour l'élu, 12,55% pour la collectivité) sur la partie de l'indemnité supérieure au dit plafond. Ces taux sont ceux applicables pour les agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques. La partie de la rémunération supérieure à huit fois le plafond de la sécurité sociale ne donne lieu à aucun prélèvement de cotisations et n'ouvre aucun droit à la retraite complémentaire.
Les élus doivent cotiser pendant toute la durée de leurs différents mandats et donc, le cas échéant, au-delà de 65 ans. En cas de cumul de mandats, les collectivités ou EPCI concernés doivent se partager la première tranche au prorata de leurs déclarations respectives, ceci afin d'éviter que l'élu ne cotise pour chaque mandat à 7%, alors même que le total de ses indemnités dépasserait le plafond de la sécurité sociale.
Les modalités de cotisation et de liquidation des droits à la retraite des élus sont régies par le décret du 23 décembre 1970 6 ( * ) et l'arrêté du 30 décembre 1970 7 ( * ) , soit celles applicables aux agents non titulaires des collectivités publiques. Des assouplissements spécifiques aux élus locaux ont toutefois été introduits par une instruction interministérielle du 8 juillet 1996 concernant la liquidation des retraites des élus locaux, eu égard notamment au fait que des fonctions électives ne sont pas assimilables à des activités professionnelles. Les élus locaux peuvent donc, sous réserve de remplir les conditions d'âge, percevoir une pension de retraite pour une catégorie de mandat échu tout en continuant à cotiser à l'Ircantec au titre d'une autre catégorie de mandat mais pour une catégorie différente de collectivités territoriales (commune, département, région ou EPCI).
Le montant annuel brut de l'allocation Ircantec est
égal à un nombre total de points acquis tout au long de
l'activité multiplié par la valeur du point (0,47887 euros du
1
er
octobre 2017 au 31 décembre 2018). De 300 à
999 points, l'allocation est annuelle, de 1 000 à 2 999
points, elle est trimestrielle et, à partir de 3 000 points, elle
devient mensuelle. Pour les élus liquidant leurs droits à la
retraite et cumulant moins de 300 points, le seul et unique versement de
l'Ircantec se fait sous la forme d'un capital unique égal au nombre de
points acquis multiplié par le salaire de référence de
l'année précédant la liquidation des droits. Pour toute
demande tardive de la liquidation de la retraite, le paiement rétroactif
de l'allocation ne pourra pas excéder six mois avant cette date de
liquidation.
L'Ircantec compte 205 583 cotisants élus en 2016
pour un total de cotisations de 129,6 millions d'euros et une cotisation
moyenne de 630 euros. 35% de ces élus sont des femmes et la moyenne
d'âge des cotisants est de
56 ans et 2 mois. 7 908 élus,
dont 71% d'hommes ont liquidé leurs droits à la retraite en 2017
à un âge moyen, à date de liquidation, de 64 ans et 6 mois.
Leur pension annuelle (hors capitaux uniques) s'élève à
907 euros en moyenne et leur durée moyenne de carrière (hors
capitaux uniques) atteint 12 ans et 11 mois. 34% des élus ayant
procédé à une liquidation en 2017 ont reçu un
paiement en capital unique. L'Ircantec recense un stock de
184 311
retraités élus à fin 2017 (dont 82,5% en droits propres).
Les élus en droits propres, à 80% des hommes, sont
âgés en moyenne de 75 ans et 5 mois, touchent une pension annuelle
de 911 euros et ont eu une carrière de 12 ans et 11 mois. Les
élus en droits dérivés, à 97,5% des femmes, sont
âgés en moyenne de 81 ans et 5 mois et perçoivent une
pension annuelle de 446 euros.
8
(
*
)
2. Les régimes de retraite supplémentaire facultative
L'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a ouvert, à compter du 1 er janvier 2013, à tous les élus locaux qui perçoivent une indemnité de fonction la possibilité d'adhérer à un régime de retraite par rente. Avant cette loi, ces régimes étaient réservés aux élus qui n'avaient pas cessé leur activité professionnelle, conformément aux dispositions de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. En effet, comme expliqué dans l'introduction, les élus ayant cessé leur activité pouvaient déjà bénéficier du régime général et il était alors impossible de cumuler cela avec l'adhésion à un régime supplémentaire, contrairement aux dispositions actuelles.
Il est désormais précisé à l'article L. 2123-27 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que « les élus qui perçoivent une indemnité de fonction en application des dispositions du présent code ou de toute autre disposition régissant l'indemnisation de leurs fonctions peuvent constituer une retraite par rente à la gestion de laquelle doivent participer les élus affiliés. » Cette disposition, inscrite dans la partie du CGCT dédiée aux élus communaux, est déclinée pour le cas des élus départementaux (article L. 3123-22 du CGCT) et des élus régionaux (article L. 4135-22 du CGCT).
Facultative, cette retraite par rente incombe pour moitié à l'élu sur le montant de ses indemnités et pour moitié à la collectivité sur son budget. Les élus déterminent la base et le taux de leurs cotisations dans le respect du taux plafond égal à 8% de l'indemnité brute de l'élu. Cette décision de constitution de la retraite et de fixation du taux de cotisation s'impose à la collectivité ou à l'EPCI. Les assemblées délibérantes n'ont pas à se prononcer sur le bien-fondé ou le montant de cette dépense et la collectivité ou l'EPCI ont, dès lors, l'obligation de participer financièrement au régime de retraite par rente à hauteur du taux de cotisation de l'élu. Trois niveaux de cotisations existent : 4%, 6% et 8%.
Les élus d'EPCI (métropoles, communautés, syndicats de communes, syndicats mixtes fermés et syndicats mixtes ouverts restreints) peuvent adhérer à un régime de retraite supplémentaire contrairement aux présidents et vice-présidents de centres de gestion, de syndicats mixtes ouverts élargis ou de services départementaux d'incendie et de secours.
La limite de la part prise en charge par la collectivité s'impose également à la subvention d'équilibre que ces collectivités peuvent verser, le cas échéant, pour permettre que les pensions de retraite déjà liquidées et les droits acquis avant le 31 mars 1992 des élus communaux continuent d'être honorés. Les élus, en fonction ou ayant acquis des droits à une pension de retraite avant le 31 mars 1992, peuvent par ailleurs continuer à cotiser à ces institutions et organismes.
Il existe deux régimes de retraite par capitalisation ayant reçu un agrément ministériel :
- le Fonds de pension des élus locaux (FONPEL) créé par l'AMF mais accessible à tous les élus locaux et géré par la Caisse des dépôts et consignations ;
- la Caisse autonome de retraite des élus locaux (CAREL) gérée par la Mutualité Française.
Les élus locaux ont le choix entre ces deux organismes pour se constituer une retraite par rente. Il s'agit de régimes de retraite par points, qui servent une retraite à partir de 55 ans au plus tôt.
Le FONPEL recense 11 700 adhérents cotisants pour
environ 13 millions d'euros de cotisations annuelles
9
(
*
)
. La CAREL compte
22 000
adhérents et reçoit chaque année environ 40 millions
d'euros de cotisations.
10
(
*
)
La cotisation de l'élu n'est soumise ni à la CSG ni à la CRDS. Ces cotisations ne sont toutefois pas déduites des impôts et la contribution de la collectivité s'ajoute à l'indemnité de l'élu pour le calcul de l'impôt sur le revenu.
L'élu peut demander sa rente FONPEL ou CAREL à partir de 55 ans. Elle est calculée en fonction du nombre de points acquis, les cotisations étant converties en points, de l'âge et des options choisies. Le régime fiscal est similaire à celui des rentes d'assurance-vie. L'impôt sur le revenu et les charges sociales seront donc payés sur une partie de la rente : 50% si la liquidation advient entre 55 et 59 ans, 40% si elle arrive entre 60 et 69 ans et 30% si elle a lieu à 70 ans ou plus. L'élu peut également racheter des années de mandat antérieures à sa souscription, pour les années intervenues après le 31 mars 1992.
En cas de décès avant liquidation, la CAREL verse automatiquement le capital et les intérêts acquis au conjoint ou à tout ayant-droit désigné. Le FONPEL propose une option « garantie décès avant la liquidation des droits » permettant de verser une rente de réversion au bénéficiaire désigné à partir de ses 55 ans. Cette option permet également le versement de l'épargne sous forme de capital, si l'élu avait moins de 75 ans à son décès. Cette option peut être demandée à tout moment à compter de l'adhésion et ce choix est définitif.
Les deux organismes proposent des options de réversion à un bénéficiaire désigné :
- FONPEL : en cas de décès avant 75 ans, le
bénéficiaire perçoit
100% de la retraite
jusqu'à la date théorique du 75
e
anniversaire et 60%
au-delà, et en cas de décès après 75 ans,
immédiatement 60% de la retraite ;
- CAREL : 100% ou 50% de la rente viagère à déterminer au moment de la rente.
3. Des règles propres au régime de retraite des élus locaux : les règles de cumul emploi-retraite
Les règles de cumul emploi-retraite sont aménagées pour les élus locaux. Ainsi le premier alinéa de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale dispose que « le service d'une pension de vieillesse [...] est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité ». Or l'avant-dernier alinéa précise que « le premier alinéa ne fait pas obstacle à la perception des indemnités mentionnées à l'article L. 382-31 du présent code ». Cette disposition, introduite par la loi du 20 janvier 2014 11 ( * ) , signifie que les règles de cumul emploi-retraite ne peuvent s'opposer au versement des indemnités de fonction. Elle implique en outre que si l'assuré souhaite reprendre une activité salariée en plus de son mandat électif, les règles du cumul emploi-retraite s'appliquent uniquement au regard de cette reprise d'activité.
Les indemnités de fonction, perçues par les élus locaux, donnant lieu à une affiliation au régime général ne doivent donc pas être retenues pour apprécier les règles du cumul emploi-retraite. Il s'ensuit que l'élu local peut cumuler, sans condition, retraite et indemnité de fonction.
4. La reprise d'un mandat après le calcul de la retraite
En ce qui concerne le régime complémentaire obligatoire, conformément à l'instruction de la lettre interministérielle du 8 juillet 1996, les élus locaux ne peuvent simultanément cotiser à l'Ircantec et percevoir une allocation au titre d'un mandat électif de même catégorie donnant lieu à la perception d'indemnités de fonction. Le versement de l'allocation par l'Ircantec correspondant à la catégorie de mandat est donc suspendu et, lorsque l'élu local cessera son activité, son allocation sera révisée et les points acquis par cotisation durant la reprise du mandat viendront s'ajouter à ceux du mandat précédent.
Pour les régimes de retraite supplémentaire facultative, lorsqu'un élu est à la retraite, il est possible de reprendre une adhésion s'il devient de nouveau titulaire d'un mandat indemnisé, mais le contrat sera séparé et donnera lieu, à la cessation du nouveau mandat, à une liquidation du régime.
* 6 Décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraites complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques.
* 7 Arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraite complémentaire des assurances sociales institué par le décret du 23 décembre 1970.
* 8 Informations transmises par l'Ircantec à vos rapporteurs en réponse à leur questionnaire.
* 9 Informations transmises par les représentants du FONPEL lors de l'audition du 4 avril 2018.
* 10 Informations transmises par les représentants du FONPEL lors de l'audition du 4 avril 2018.
* 11 Article 19 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.