C. LES RELATIONS DIFFICILES ENTRE FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE D'UNE PART, POPULATION ET MÉDIAS D'AUTRE PART

Parmi les sources de difficultés et d'inquiétudes fréquemment évoquées par les agents des forces de sécurité intérieure entendues par votre commission d'enquête figurent en bonne place les relations avec la population et celles avec les médias . Si plusieurs mesures ont déjà été prises dans ce domaine, beaucoup reste à faire.

1. Des relations avec la population et les médias de plus en plus sources d'inquiétude pour les agents
a) Une perception ambiguë

La question de la relation avec la population et celle de la relation avec les médias apparaissent étroitement liées, la façon dont la population perçoit la police au quotidien étant en grande partie tributaire des représentations forgées par les médias.

Une étude du CESDIP de décembre 2012 47 ( * ) , réalisée en Suisse, fournit ainsi des éléments intéressants sur les relations entre les agents des forces de sécurité et leur image . Elle montre notamment que le public est très marqué par les images véhiculées par les séries policières télévisées. L'étude indique ainsi que « Les schémas médiatiques mettent les policiers face à l'exigence d'être à la hauteur du stéréotype et de sa théâtralité ». Les interlocuteurs de votre commission ont confirmé que ce décalage entre l'image du « super flic » des médias et la réalité des difficultés rencontrées dans l'exercice quotidien des missions conduisait parfois les agents à taire leurs difficultés afin de préserver l'image dure et virile associée à leurs fonctions. L'étude du CESDIP précise ainsi que « la préoccupation permanente de contrôle de leur image est chez les policiers la composante centrale ».

Inversement, l'impression d'être sans cesse montrés du doigt, mis en cause et stigmatisés constitue une autre source de malaise pour les agents .

Les personnels auditionnés par votre commission ont particulièrement insisté sur cet aspect qui pèse fortement sur leur état moral. Jean-Marie Godard qualifie ainsi ce phénomène de « présomption de culpabilité automatique » : « Ce qui mine aujourd'hui les policiers dans leurs rapports à la justice et au monde politique, c'est ce qu'ils appellent la présomption de culpabilité systématique. Comme si l'on déniait tout usage de la force à la police, qui fait pourtant partie de ce que l'on appelle les forces de l'ordre, censées faire un usage légitime de la force, délégué et cadré par l'État. Or, chaque lancer de grenade lacrymogène dans une manifestation qui dégénère est immédiatement taxé de violence policière et suscite une polémique relayée par les réseaux sociaux (...) La réalité de ce que vit la police est largement méconnue, y compris des journalistes, qui ont tendance à ne mettre en avant que le spectaculaire » : mise en avant du spectaculaire de la fonction d'un côté, présomption de culpabilité de l'autre , on retrouve ici les deux aspects de cette image déformée des forces de l'ordre qui pèsent sur leur état moral.

Est ainsi régulièrement évoqué par les agents le traitement médiatique et politique de l' « affaire Théo », les policiers dénonçant un véritable « lynchage médiatique », avec notamment une accusation précoce de viol alors que le caractère intentionnel de la blessure infligée n'était pas démontré. Les agents témoignent également de manière récurrente du sentiment de « deux poids, deux mesures » qu'ils ont ressenti lorsque le Président de la République s'est rendu au chevet du blessé alors que les policiers victimes de l'attaque de Viry-Châtillon n'ont pas reçu une telle visite.

Les nouveaux moyens de communication accentuent ce phénomène. Les agents déplorent ainsi leur mise en cause de plus en plus fréquente par le biais d'enregistrements vidéo diffusés ensuite sur les réseaux sociaux.

Tant les représentants des syndicats de police que ceux des coordinations de policiers « en colère » entendus par la commission ont ainsi estimé que l'unanimité autour de la police lors des attentats de 2015 et 2016, certes appréciable, ainsi que les hauts niveaux de confiance exprimés par la population envers la police dans les sondages (par exemple, selon un sondage BVA pour l' « Obs » réalisés en juin 2016, 86 % des personnes interrogées avaient une bonne image de la police), ne reflétait pas la réalité quotidienne vécue par les agents. Comme un représentant de FO l'a souligné : « Le comportement de la foule à l'égard des policiers lors des attentats n'était pas normal, mais on vivait une situation exceptionnelle. » Ainsi que l'indique également le directeur central de la sécurité publique : « Les sondages montrent que 70 à 80 % de la population soutient la police, ce qui est un bon résultat. Malheureusement, ceux qui adhèrent à notre action sont souvent silencieux : nous aurions besoin qu'ils manifestent leur soutien de manière plus ouverte . »

La directrice de l'IGPN souligne elle-même en ces termes cette pression qui pèse sur les agents : « le policier est aujourd'hui remis en cause de manière systématique par l'usager, par l'opinion, par les médias et par son administration ».

Le soutien aux agents des forces de sécurité de la part de la population ne se manifeste ainsi que de manière épisodique et ponctuelle, ou dans des circonstances particulières. Ainsi au Courbat, le mélange des catégories socioprofessionnelles et des professions (seuls 50 % des personnes accueillies sont des membres des forces de sécurité) permet une proximité police/population qui n'a pas d'équivalent ailleurs. Les patients non membres des forces de l'ordre peuvent, dans ce contexte, échanger avec les policiers et comprendre leur mal-être.

Cette vision souvent négative des forces de l'ordre dans la population et dans les médias ne manque pas de peser sur le quotidien et sur le moral des agents, d'autant que le manque de confiance est aussi, selon beaucoup, un manque de respect, ce que le ministre de l'intérieur a traduit de la manière suivante : « Ce qui explique notamment le malaise des forces de sécurité, c'est d'abord le sentiment que l'uniforme n'est plus respecté dans notre société ».

Les conséquences de cet état de fait se font également sentir sur l'attractivité de la profession , donc sur la qualité du recrutement. Ainsi, selon un représentant de l'UPNI, « De plus, la mauvaise publicité qui est faite à notre police les dissuade. Quand on voit qu'il faut 300 pages dans les médias pour que le monde politique s'empare d'un problème, et que ce n'est qu'après celui-ci que notre hiérarchie s'y intéresse, il n'est pas difficile de comprendre qu'un policier suspecté de bavure est vite lâché - ce qui fait également réfléchir les candidats aux concours ».

Ces relations entre l'image dans les médias ou plus largement le public et le moral des agents sont objectivées par l'étude menée en 2010 par l'INSERM sur le suicide . Ainsi que l'indique le professeur Alain Miras à propos des travaux menés dans le cadre de l'élaboration de cette étude : « Les entretiens ont, par ailleurs, abordé les problématiques liées à la gestion du stress et à la prise en charge résultant de situations traumatisantes. Les relations avec les organes de presse, le rôle de réseaux sociaux sur lesquels circulent des vidéos « sauvages » de certaines interventions policières, le décalage entre la fonction sociale du policier et son image ternie auprès du public, même si celle-ci s'est nettement améliorée depuis les attentats de 2015, et l'impression de mise au pilori qui résulte des auditions administratives de policiers faisant suite à des plaintes, jugées infondées, de justiciables ont également été l'objet de nombreux témoignages ».

En dehors de la confrontation avec la population délinquante elle-même, généralement jugée plus violente que par le passé, le durcissement des confrontations lors des manifestations, ou dans des affrontements dans des « quartiers sensibles », avec de nouveaux risques physiques pour les agents , a également été mis en avant à plusieurs reprises.

Comme l'a souligné M. Philippe Klayman, directeur des CRS, lors de son audition par votre commission d'enquête, « Dans le domaine du maintien de l'ordre, un nouveau type d'agression est apparu depuis quelques années, clairement destiné à causer une atteinte physique majeure aux forces de l'ordre, voire à tuer, comme cela a été annoncé par un certain nombre d'activistes à Paris ou dans certaines villes de province. Ce risque, c'est le feu. Vous avez vu comment, en 2016 et 2017, les policiers ont systématiquement été l'objet de projections de liquide inflammable, puis de tirs de fusée ou de lancers de cocktails Molotov, de telle sorte que le périmètre sur lequel ils se trouvent s'embrase et emporte ainsi hommes et matériels. ». Ce dont un agent entendu au Courbat témoigne également en déclarant : « Caillassages, tirs au mortier : on pète un câble ! »

Il en va de même pour les relations police-population lors des simples contrôles routiers, de nombreux agents entendus par la commission d'enquête ayant indiqué que les cas d'insultes se multipliaient, tout comme les refus d'arrêter le véhicule. Mme Monéger-Guyomarc'h, directrice de l'IGPN, soulignait d'ailleurs que les cas d'usage de l'arme par les agents des forces de l'ordre contre des automobilistes refusant d'obtempérer étaient de plus en plus nombreux et que dans la quasi-totalité des cas, cet usage de l'arme avait lieu en légitime défense.

Enfin, rappelons que selon le baromètre « Santé et prévention » réalisé par la mutuelle Intériale pour 2018, 54 % des policiers sondés déclaraient avoir été victimes d'une agression dans le cadre de leur travail, contre 23 % de l'ensemble des Français.

b) Un problème en partie lié aux modalités mêmes d'exercice des missions

Une partie des difficultés évoquées est due à la manière même dont les forces de l'ordre exercent leur mission. Ce phénomène est évoqué en ces termes par le directeur général de la police nationale : « Ce sont là les racines du malaise. Et les tensions sur les effectifs, dans un contexte de violences qui ne faiblissent pas, notamment à l'égard des forces de l'ordre, ont elles-mêmes modifié peu à peu le métier de police de voie publique : nous avons glissé vers une police de l'intervention, de l'urgence, de la crise, du conflit en délaissant la police de terrain, de présence naturelle dans l'espace public, car nous n'en avions plus les moyens. Ce n'est bon ni pour les policiers, ni pour le rapport confiant qu'ils souhaitent entretenir avec la population ».

Cette dérive vers une police centrée sur l'intervention d'urgence et de crise va de pair avec une difficulté à répondre aux véritables demandes de la population, y compris dans le domaine répressif : selon un représentant de l'UNSA-FASMI, « Les services de police sont aujourd'hui capables de traiter seulement 20 à 30 % du flux entrant, pour des raisons de moyens, de caractérisations des faits. Cela signifie, au niveau judiciaire, que dans 80 % des cas, la police nationale travaille pour rien. Cela pose la question du service rendu à la population, aux contribuables, aux élus ». Le sociologue Christian Mouhanna systématise ce point de vue en déclarant que « Les policiers essayent de bien faire leur travail, compte tenu de leurs contraintes, mais ne reçoivent pas d'écho d'une partie de la population, parce qu'ils ne répondent pas aux attentes de celle-ci ».

Cette question des relations entre police et population a notamment fait l'objet d'un rapport de l'IGPN remis en février 2013 qui confirme cette analyse. Il indique ainsi tout bonnement que « le contact avec la population n'existe pas » , faute de temps et parce que « la technologie a pris le pas sur les relations humaines ». À la suite des constats appuyés sur de nombreuses études, notamment du CESDIP, ainsi que sur des comparaisons internationales, le rapport présente une longue série de préconisations. Ainsi, la proposition n° 20 tend à « recentrer l'action des policiers sur la résolution des problèmes en procédant avec la justice à une étude sur les pratiques professionnelles » : il s'agit ici de sortir d'une pratique exclusivement judiciaire et de permettre aux agents de retrouver une marge de manoeuvre sur la situation et la population au niveau local.

2. Un déficit de communication qui persiste en partie malgré des efforts certains
a) Une problématique toujours d'actualité

Malgré les diagnostics réalisés depuis de nombreuses années, la question de l'amélioration de la communication des forces de police en direction du public reste à l'ordre du jour. Trop souvent encore, au sein de la police nationale, la communication, notamment lorsqu'il s'agit de défendre l'action de la police, est le fait des représentants syndicaux et non des agents ou leur encadrement, ce qui n'est pas compris par le public qui y voit une atteinte à la neutralité de l'institution.

L'administration est consciente de la nécessité des progrès à réaliser. Le directeur général de la police nationale a ainsi souligné lors de son audition que « La police nationale doit aussi beaucoup plus et mieux communiquer sur son action, donner d'elle une image bien plus conforme à la réalité que les propos déformés et caricaturaux que tiennent nos détracteurs, qu'ils soient extérieurs à notre institution ou, au contraire, qu'ils en fassent partie. C'est aussi un enjeu majeur et je suis de ceux qui considèrent que la communication est une mission de police à part entière, pour peu que les préfets encouragent les chefs de service à communiquer et que les parquets ne prennent pas ombrage d'une communication factuelle qui ne nuit pas au secret des enquêtes. Nous sommes sans doute l'une des seules démocraties du monde à trouver mauvais que les policiers communiquent eux-mêmes ; ce qui entraîne de fâcheuses dérives, depuis la parole portée par des organisations syndicales jusqu'aux pseudos experts des plateaux de télévision ».

Dans le même ordre d'idées, cette nécessité est également mise en exergue par le directeur central de la sécurité publique lorsqu'il affirme que « Nous sommes désormais présents sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, les officiers de police sont incités à communiquer, notamment à travers la presse quotidienne régionale. Les résistances des préfets se réduisent, et le secret de l'instruction n'est pas un obstacle, dans la mesure où il s'agit simplement de faire savoir à la population que les problèmes sont gérés . »

Plusieurs propositions du rapport de l'IGPN précité mettent ainsi l'accent sur l'amélioration de la communication en direction du public, notamment la préconisation suivante : « Former systématiquement les chefs de service et leurs collaborateurs directs à la communication et ériger celle-ci en principe immédiat lors de chaque événement ».

b) Des mesures ont été prises, notamment s'agissant des réseaux sociaux, qui n'ont cependant pas encore produit tous leurs effets

L'inspection générale de l'administration a réalisé en septembre 2016 un rapport portant sur « Le rôle des médias sociaux dans l'action publique de sécurité ». Ce rapport établit un état des lieux et étudie les possibilités de développement dans deux domaines : celui de la communication, notamment pour diffuser les messages et les argumentaires des politiques de sécurité incombant au ministère et celui de l'association du citoyen à l'action publique de sécurité, en particulier en situation de crise.

Le rapport estime d'abord que le ministère est « relativement mature » sur ces enjeux, que ses grandes directions ont investi ces sujets et en tirent un bénéfice opérationnel . Les comparaisons à l'international et avec d'autres administrations nationales confirment ce bilan plutôt flatteur. En ce qui concerne la communication et les rapports police/population, le rapport souligne la bonne gestion des comptes créés sur les plates-formes sociales (par le ministère 48 ( * ) lui-même, chaque grande direction générale, la préfecture de police, la sécurité civile et la sécurité routière, ainsi qu'au niveau local par les préfectures, les DDSP et les groupements de gendarmerie départementale).

Le rapport livre néanmoins un certain nombre de préconisations afin d'améliorer encore la communication du ministère. Il recommande ainsi une meilleure coordination des « community managers » afin d'assurer une présence coordonnée sur les réseaux sociaux, recommandation non réellement appliquée à ce jour. En revanche, d'autres préconisations comme la sensibilisation des agents du ministère par des formations et l'édition de guides de la communication sur les réseaux sociaux ont bien été mises en oeuvre par la délégation à l'information et à la communication (DICOM) du ministère de l'intérieur. Quant à l'identification d' « influenceurs » de la société civile pouvant relayer les messages du ministère sur les réseaux sociaux, il s'agit d'une idée séduisante mais qui n'a pas encore reçu d'application.

Ce rapport ne traite pas spécifiquement, en revanche, de la question des mises en cause injustifiée de la police et de la gendarmerie nationale ou de leurs agents , qui figure au premier rang des préoccupations des personnes entendues par la commission d'enquête. Ce sujet ne fait pas non plus l'objet de préconisations spécifiques.

Cependant, sur ce point spécifique, votre commission d'enquête salue la rédaction d'une circulaire du ministre de l'intérieur en date du 13 février 2018 et qui porte sur « Les actions à conduire en cas de mise en cause injustifiée des forces de l'ordre » . Après avoir rappelé la priorité que constitue le respect absolu de la déontologie par les fonctionnaires, la circulaire constate une « importante hausse, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, de propos mettant en cause de façon parfois virulente l'action des forces de l'ordre, pour des comportements qui iraient du manquement à la déontologie à des actes pénalement répréhensibles ». La circulaire demande alors aux préfets une « réponse systématique en cas de mise en cause injustifiée des forces de l'ordre ». Cette réponse passe par une « posture offensive de rétablissement des faits », sauf affaire judiciaire en cours. Une intervention par communiqué de presse mais surtout par le biais des réseaux sociaux (Facebook et Twitter) est recommandée.

Par ailleurs, la circulaire rappelle les instruments juridiques dont disposent l'administration ou ses agents pour répondre à une mise en cause injustifiée :

- le droit de rectification et de réponse prévus par la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (articles 12 et 13) ne peuvent être exercés que par les agents eux-mêmes : l'administration devrait toutefois informer les agents sur ce sujet et les aider à exercer leurs droits ;

- la diffamation ou l'injure publique envers la police et la gendarmerie nationale, pour lesquelles le ministre seul est compétent pour déposer plainte, ainsi que la provocation à la violence à l'égard de policiers (articles 24, 31 et 33 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881). La diffamation ou l'injure visant un fonctionnaire de police en particulier peut faire l'objet d'une plainte du ministre mais aussi d'une plaine conjointe de celui-ci avec le fonctionnaire mis en cause.

Votre rapporteur se félicite de l'appropriation récente de cette problématique. Il est indispensable que ces mesures soit systématisée et continuent à être appliquées dans la durée afin de diffuser progressivement parmi les agents de police et de gendarmerie le sentiment qu'ils sont défendus et protégés par l'institution lorsqu'ils font l'objet de mises en cause illégitimes .

Proposition n° 30 : Mettre en application l'ensemble des préconisations du rapport de l'IGA de 2016 sur le rôle des médias sociaux dans l'action publique de sécurité. Pérenniser la pratique consistant à répondre systématiquement aux mises en cause de membres des forces de sécurité intérieure sur les réseaux sociaux lorsqu'elles sont manifestement injustifiées.

3. De nombreux dispositifs destinés à améliorer les relations police-population

Il existe par ailleurs plusieurs dispositifs destinés à améliorer les relations entre police et population .

a) Des impulsions utiles lancées à partir de 2013

En 2013, les députés Jean-Yves Le Bouillonnec et Didier Quentin, dans un rapport d'information 49 ( * ) , avaient insisté sur la nécessité de mieux mesurer la satisfaction de la population par rapport à l'action des forces de l'ordre. Le rapport précité de l'IGPN de 2013 allait dans le même sens d'une meilleure prise en compte des attentes de la population. Le DGPN avait alors diffusé une note de service sur la « Mise en place de mesures destinées à rapprocher davantage la police de la population ».

La note du DGPN du 28 juin 2013 sur la mise en place de mesures destinées à rapprocher davantage la police de la population

Cette note demandait aux DRCPN et au DCSP de mettre en place les mesures suivantes :

- systématiser la participation des chefs de service aux réunions de quartier ;

- développer le dispositif des délégués à la cohésion police-population (DCPP) 50 ( * ) , en particulier dans les zones de sécurité prioritaires ;

- professionnaliser l'accueil dans les commissariats en s'appuyant sur des personnels administratifs mieux formés 51 ( * ) ;

- généraliser les sondages de satisfaction à l'accueil dans les commissariats ;

- généraliser les sondages de satisfaction auprès d'un pannel d'habitants ;

- mettre en place un protocole de traitement des pétitions des habitants d'un quartier, l'objectif étant un traitement conjoint par tous les destinataires (préfet, procureur, maire...) ;

- créer un référent police-population auprès du DDSP, chargé de coordonner l'ensemble des actions en la matière à l'échelle de la DDSP.

Par ailleurs, la formation initiale des gardiens de la paix et des militaires de la gendarmerie nationale comprend plusieurs modules relatifs à l'accueil du public et à la prise en compte de ses attentes. Les assises de la formation de 2013 ont ainsi placé la relation entre police et population au coeur de la scolarité.

Il convient de saluer cette inflexion. Sur la question des sondages de satisfaction auprès de la population, il est apparu que l'élaboration de questionnaires de satisfaction réellement exploitables présentait une certaine complexité. C'est pourquoi l'École nationale supérieure de police (ENSP) a été chargée d'une mission d'étude sur ce point, afin d'élaborer un questionnaire de manière pluridisciplinaire (universitaires, psychologues...). D'après les informations recueillies par votre rapporteur auprès de l'ENSP, le centre de recherches de l'école a effectivement élaboré en lien avec la DCSP un tel questionnaire en coopération avec l'Université de Savoie Mont Blanc 52 ( * ) . Il doit permettre de fournir une information fiable sur les rapports mutuels entre police et population, alors que les instruments de connaissance disponibles jusqu'à présent (statistiques du ministère, de l'ONDRP et recherches sociologiques) restaient centrés sur la délinquance . Ce questionnaire devrait être mis en oeuvre dès avant la mise en place de la PSQ dans les treize premiers quartiers ainsi que dans les deux quartiers de la DSPAP concernés par cette réforme. Les résultats permettront ainsi d'avoir un point de comparaison en matière de satisfaction de la population lorsque la PSQ aura été mise en place.

En ce qui concerne les délégués à la cohésion police population (DCPP), on en recensait 120 à la fin de 2016 (pour la police nationale et la PP), dont 82 en ZSP. L'objectif est d'atteindre un total de 185 DCPP à la fin de 2018. D'après une étude du CESDIP, « les DCPP contribuent à l'émergence d'espaces publics intermédiaires où les représentants des institutions se connaissent, partagent leurs informations, échangent sur leurs problèmes, et où les habitants peuvent trouver des interlocuteurs stables, engagés en personne, de confiance, c'est-à-dire compétents et bienveillants, auprès desquels relayer leurs difficultés » . L'étude suggère toutefois que la mise en oeuvre de cette innovation pourrait ne pas aboutir au résultat escompté, si elle n'est pas comprise comme une profonde remise en cause de la manière habituelle de travailler de la police : « Tout l'enjeu est de savoir si ces espaces sont périphériques au travail policier, ou centraux. Une certaine division du travail peut en effet prévaloir dans les services de police, et confiner le rôle de maintien du lien avec le public tenu par le DCPP à un statut annexe, n'amenant aucune modification de l'institution et suggérant que ce souci des relations avec la population ne concerne pas les policiers en activité ».

Cette politique de rapprochement avec la population a reçu une seconde impulsion à partir de la fin 2015/ début 2016. Il a été demandé à la DCRPN et à l'ENSP d'orienter davantage leurs formations vers la relation avec le citoyen. La question de la professionnalisation de l'accueil 53 ( * ) et celle de l'organisation des commissariats ont fait l'objet de nouvelles réflexions. Le développement d'une évaluation plus qualitative a également été mis en exergue ( cf . supra ). En outre, les nouveaux dispositifs numériques ont été envisagés, à côté de leurs autres finalités, comme des moyens supplémentaires pour rapprocher la police de la population : la pré-plainte en ligne et le dispositif NEO relèvent de cette modalité de rapprochement.

L'accent a par ailleurs été mis sur l'accueil des citoyens, et en particulier des jeunes, au sein des commissariats , à travers plusieurs dispositifs : le service civique effectué par des jeunes pendant 8 mois dans le domaine de la prévention de la délinquance et des relations police-population, (192 jeunes aujourd'hui avec un objectif de 210) ; la réserve citoyenne de la police nationale 54 ( * ) ; enfin la réserve civile de la police nationale 55 ( * ) , qui emploie pour l'heure surtout des personnes disposant de compétences techniques particulières (interprétariat, expertise juridique, communication, informatique).

S'agissant de ce dispositif de la réserve civile, la DGPN souhaiterait la développer dans un sens similaire à celui de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale , c'est-à-dire comme un véritable complément en effectifs pour les missions opérationnelles. Le projet de loi de finances pour 2018 inclut un nouvel accroissement de la réserve civile, avec un objectif-cible de 5 000 réservistes supplémentaires (soit environ 17 000 au total) en 2018 . Financée partiellement par les plans de lutte contre le terrorisme au cours des deux derniers exercices budgétaires, la réserve civile fera l'objet d'une programmation budgétaire annuelle à compter de l'exercice 2018. Le montant des crédits devrait s'élever à 39 millions d'euros, contre 32 millions d'euros en 2017.

La commission d'enquête salue cette montée en puissance de la réserve civile qui constitue un instrument très intéressant de rapprochement police-population, comme en témoigne le succès de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale. Toutefois, il semble aujourd'hui nécessaire que la police nationale parvienne à valoriser davantage les réservistes par des missions réellement intéressantes , comme c'est déjà le cas pour les réservistes de la gendarmerie nationale, afin de rendre cette institution plus attractive qu'elle ne l'est actuellement.

Proposition n° 31 : Valoriser davantage les missions des réservistes de la réserve civile de la police nationale afin de rendre celle-ci plus attractive et d'en faire une véritable force d'appoint participant au rapprochement police-population, sur le modèle de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale.

b) Un « coup de frein » depuis 2016 du fait de la priorité anti-terroriste mais un retour au premier plan avec la PSQ ?

Les attentats de 2015 et 2016 ont eu pour conséquence un renforcement des missions de police judiciaire et de renseignement ainsi qu'un effort en matière d'équipement, qui ont eu pour effet indirect de faire repasser au second plan la question de l'amélioration du lien police-population.

Toutefois, cette préoccupation a fait son retour par le biais de la PSQ, la doctrine de celle-ci incluant le renforcement de l'ensemble des dispositifs précités.

C'est ainsi, via la PSQ, qu'il a été décidé de faire monter en puissance le dispositif précité des DCPP pour couvrir l'ensemble des quartiers de reconquête républicaine (QRR) . Par ailleurs, l'accent a été mis sur le développement des pôles psychosociaux 56 ( * ) , dispositif inégalement développé sur le territoire. À cette fin, la création, sur trois ans, de 18 postes supplémentaires de psychologues (actuellement au nombre de 73), a été décidée, ainsi qu'un effort sur leur formation. Il a également été décidé de créer des Centres de loisirs des jeunes de la police nationale (CLJ) supplémentaires (au nombre de 28 actuellement), pour porter leur nombre à 35 à la fin de l'année 2020. Ceci suppose le développement de partenariats avec les communes concernées, qui fournissent généralement les locaux, ainsi qu'avec, éventuellement, la protection judiciaire de la jeunesse ou les autres acteurs participant au dispositif.

L'accent est enfin mis sur la « participation citoyenne » , dispositif de coopération entre police nationale, police municipale et habitants d'un quartier inspiré des expériences britanniques de surveillance de voisinage. Dans ce cadre, les forces de sécurité acceptent de transmettre des informations aux habitants d'un quartier en leur demandant en retour d'adopter certaines bonnes pratiques. Plutôt destiné aux zones pavillonnaires, ce dispositif a pour objectif premier de lutter contre les atteintes aux biens.

Des actions en lien avec la politique de prévention de la délinquance

D'autres actions de prévention de la délinquance peuvent avoir un impact en matière de rapprochement police-population. Des actions sont ainsi menées en direction des jeunes à l'école, afin de prévenir la délinquance des mineurs, avec les correspondants police sécurité de l'école et les référents police sécurité. Il existe par ailleurs des policiers formateurs anti-drogue (PFAD) et des gendarmes formateurs relais anti-drogue (FRAD). Les seniors sont pour leur part ciblés par des actions du Plan de protection des personnes âgées lancé en 2010. Les actions d'aide aux victimes, à travers les intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie (ISCG), déjà cités, ainsi que les correspondants d'aide aux victimes nommés dans chaque DDSP, peuvent être rangés dans cette même catégorie des actions de prévention de la délinquance susceptibles d'améliorer les relations entre police et population.

La commission d'enquête ne peut qu'approuver l'ensemble de ces dispositifs. Elle souligne néanmoins qu'ils ne pourront atteindre leurs objectifs qu'à deux conditions. D'abord, l'objectif d'amélioration des relations avec la population doit être sans cesse replacé au coeur même de l'action quotidienne de la police et de la gendarmerie, et non considéré comme une mission annexe, réservée à des personnels temporaires ou issus de la société civile. Ensuite, il est nécessaire de persévérer dans ces actions sur la durée, de les réévaluer régulièrement et de les améliorer pour qu'elles maintiennent leur efficacité.

4. Le soutien des initiatives locales

L'amélioration des relations entre police et population fait également l'objet de nombreuses initiatives locales . Des appels à projets sont lancés régulièrement pour soutenir ces initiatives, sous l'égide, depuis 2015, d'une cellule nationale animée par le secrétariat général du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) en lien avec le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Un appel à projets (AAP) spécifique national a ainsi été mis en place. Le guide portant sur « l'amélioration des relations entre la population et les forces de sécurité de l'État » de ces deux institutions recense un grand nombre d'exemples de ces initiatives locales. En 2017, 180 projets ont été financés sur les 280 transmis par 66 préfectures.

Toutefois, en 2018, l'échelon de programmation de cette politique a été transféré de l'échelon central à l'échelon déconcentré régional au motif que les territoires se sont à nouveau emparés de cette dynamique et que la centralisation constituait un frein en certain cas .

Afin de limiter le risque d'un abandon progressif de cette thématique, une annexe et un programme dédiés ont été créés dans la circulaire 2018 relative au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Cette circulaire précise ainsi que « Veiller au renforcement des liens de confiance unissant les forces de sécurité de l'État - police et gendarmerie nationales - et la population demeure un enjeu majeur pour le Gouvernement. » 57 ( * )

La commission d'enquête se félicite de la pérennité de cette politique de rapprochement police-population s'appuyant sur des initiatives locales . Encore faut-il que la déconcentration n'aboutisse pas à une marginalisation progressive, d'autant que le montant minimal des projets ayant été relevé à 1 000 euros, alors que nombre de projets pouvaient être mis en place dès quelques centaines d'euros, le nombre total de projets risque de diminuer fortement.

5. Des mesures de renforcement de la déontologie diversement ressenties par les agents

Les comportements des forces de l'ordre non conformes à la déontologie, bien que très minoritaires, peuvent être à l'origine de difficultés dans les relations police/population. En tout état de cause, la déontologie constitue un aspect essentiel des missions des forces de l'ordre dans un État de droit.

Lors de son audition, le défenseur des droits a notamment évoqué la question des discriminations supposées lors des contrôles d'identité, citant une étude récente : « Globalement, la discrimination dans les contrôles d'identité a fait l'objet d'une étude sur 5 300 personnes publiée en janvier 2017 : ceux-ci ne concernent certes que 16 % de la population française, mais dans cet échantillon, 40 % des jeunes de 18 à 24 ans indiquent avoir été contrôlés, parmi lesquels les hommes perçus comme maghrébins ou noirs sont 80 % à avoir été contrôlés. Il y a là clairement un motif de discrimination ».

Le défenseur des droits a également évoqué « les comportements discriminatoires de certains fonctionnaires que le Défenseur a dénoncé et pour lesquels il a demandé des sanctions disciplinaires. Ce type de comportements porte atteinte à l'image des forces de l'ordre et érode le lien de confiance avec la population. La formation doit jouer un rôle très important : ce qui n'est pas admissible chez un individu l'est moins encore, d'un point de vue déontologique, chez un membre des forces de l'ordre, dépositaire de l'autorité de l'État. »

Votre rapporteur observe que cette question du respect de la déontologie par les agents des forces de police et de gendarmerie a fait l'objet de plusieurs mesures importantes au cours des dernières années.

Ainsi a été mise en place en 2013 par l'IGPN une Plate-forme de signalement destinée à recevoir les signalements des citoyens sur les manquements des policiers à leurs obligations déontologiques. Le dispositif a été étendu à la gendarmerie nationale, où il est mis en oeuvre par l'IGGN. En outre, la réforme de l'IGPN s'est accompagnée de la création de nouvelles délégations régionales pouvant recevoir le public : délégations de Rennes, Lille, Metz, Fort de France et d'un bureau à Nice.

De plus, un nouveau code déontologique a été mis en place le 1 er janvier 2014, dont un chapitre est spécifiquement consacré aux relations entre la police et la population .

Enfin, le port apparent du numéro d'identification est effectif depuis le 1 er janvier 2014 pour les policiers et les gendarmes : il s'agit du numéro RIO (référentiel des identités et de l'organisation).

Ces trois mesures : plateforme de signalement, nouveau code de déontologie et port du numéro d'identification, ont été dénoncées par le syndicat « Alliance » 58 ( * ) comme des instruments de « stigmatisation » des agents de police, alors que ceux-ci seraient déjà confrontés à une population et à des délinquants hostiles ou dénués de respect envers l'autorité.

Interrogé par la commission d'enquête sur ce point, l'avocat spécialisé dans la défense des FSI Thibault de Montbrial a rappelé que l'exercice de la force légitime conférait une responsabilité particulière à ceux qui en sont chargés et a approuvé ces dispositifs. Ainsi, le nouveau code de déontologie comporte certaines clarifications qui permettent une meilleure appropriation par les agents. Par ailleurs, le port du matricule constitue selon lui un « point d'équilibre » satisfaisant entre la remise d'un récépissé lors de chaque contrôle d'identité, qui aurait alourdi cet acte de manière déraisonnable, et l'absence de toute identification de l'agent, qui peut conduire à des dérives.

6. Généraliser les caméras-piétons

Votre rapporteur souhaite enfin mettre en exergue une mesure destinée à apporter une contribution à l'amélioration des relations police/population, dont l'efficacité est connue depuis longtemps mais dont la mise en oeuvre à grande échelle n'a que trop tardé : les caméras mobiles .

Ce dispositif répond d'abord à la nécessité, pour les forces de l'ordre, de se prémunir contre des mises en cause souvent infondées relayées par les médias sociaux . En cas de contentieux ou de contestation des conditions dans lesquelles se sont déroulées une intervention, les enregistrements vidéo permettent de constituer des éléments de preuve objectifs . En outre, l'usage de l'enregistrement visuel est également apparu comme un moyen d'apaiser les tensions à l'occasion des interventions , en incitant de part et d'autre à la modération, et ainsi de pallier en partie la dégradation des relations entre la police et la population.

Comme l'a indiqué maître Laurent-Franck Liénard, avocat spécialisé dans la défense des forces de l'ordre, lors de son audition : « je suis favorable aux caméras, afin d'éviter les vidéos et de garantir des images policières. Ces caméras permettront également de contrôler la véracité des témoignages et les agissements des personnes face aux policiers et d'améliorer la déontologie, en prévenant les débordements de certains agents, rendus possibles par le défaut d'encadrement ».

La quasi-totalité des personnes entendues par votre commission a ainsi estimé que les caméras-mobiles constituaient un équipement d'une grande utilité .

La commission doit relever que ce constat n'est pas nouveau . Depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs l'ont mis en avant s'agissant de la question des relations entre la police et la population. Il y a plus de dix ans, la police « expérimentait » déjà cette technique. Pourtant, l ors de son audition, le défenseur des droits évoquait encore un besoin d'évaluation : « Les caméras-piétons ont commencé à apporter une réponse et leur utilisation fait actuellement l'objet d'une évaluation conjointe au Défenseur des Droits, à la Gendarmerie et au Ministère de l'intérieur. L'utilisation de ces nouveaux instruments efficaces, au service des nouvelles compétences conférées, par la loi Savary, aux forces de sécurité des transports et à la police dans les gares et les trains, doit être évaluée ».

Les étapes de la mise en place du régime juridique des caméras-piétons

Le dispositif des caméras individuelles, également appelées « caméra-piétons », a été déployé à compter de 2013, à titre expérimental, au bénéfice des agents de police intervenant dans les zones de sécurité prioritaire (ZSP).

L'usage des caméras individuelles a été pérennisé et étendu à l'ensemble des agents de police et de gendarmerie par le législateur par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Un bilan positif a en effet été tiré de cette expérimentation : il permet de collecter des éléments de preuve objectifs, a un effet préventif et facilite en général les interventions des agents.

À l'occasion de cette même loi a par ailleurs été autorisé, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 3 juin 2018, l'usage de dispositifs d'enregistrement vidéo mobile par les agents de police municipale, sous réserve de deux conditions : d'une part, la conclusion d'une convention de coordination entre la commune et l'État quant à l'articulation des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État, et, d'autre part, à une demande préalable du maire.

Par ailleurs, la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, autorisé la conduite d'une expérimentation d'une durée de trois ans en vue d'autoriser les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, à procéder à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions à l'aide de caméras individuelles. Cette expérimentation prend fin au 1 er janvier 2020.

En outre, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté prévoit d'expérimenter l'enregistrement systématique des contrôles d'identité, dans certaines zones définies par arrêté ministériel et pour les policiers équipés de caméras. Cette expérimentation est programmée pour un an à compter du 1 er mars 2017.

Le décret n° 2017-636 du 25 avril 2017, fixe les conditions de l'expérimentation relative à l'enregistrement systématique des contrôles d'identité, réalisés par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale, qui sont équipés d'une caméra mobile. Il prévoit que cette expérimentation est applicable jusqu'au 1 er mars 2018, dans les zones de sécurité prioritaire qu'il détermine, ainsi que ses modalités d'évaluation.

Dans son avis du 3 janvier 2017, la CNIL a donné un avis favorable à trois projets de décret relatifs à la mise en oeuvre de caméras mobiles par la police et la gendarmerie, la police municipale, ainsi que la SNCF et la RATP. Toutefois, s'agissant du dispositif prévu pour les forces de l'ordre, elle a regretté que le droit d'accès aux enregistrements pour les citoyens ne soit qu'indirect, et qu'il n'y ait pas de dispositions particulières en ce qui concerne les domiciles privés, qui peuvent également être filmés.

S'agissant de l'expérimentation qui a débuté le 1 er mars 2017 dans 31 zones de sécurité prioritaires avec l'enregistrement de tout contrôle d'identité réalisé en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale, 2 078 caméras au total ont été déployées .

Lors de son audition, le DGPN a indiqué que « Nous comptons doter la police et la gendarmerie de 5 000 caméras chacune ». Ce chiffre semble encore faible par rapport aux effectifs déployés sur le terrain.

Le Préfet de police a également fait valoir que « les caméras-piétons, plus il y en aura, mieux ce sera ! Il faudrait que chaque équipage soit doté, ce qui n'est pas encore le cas. Ça tient aux marchés passés et aux objectifs. On en a 600 et on doit en récupérer 1 300 supplémentaires [soit 1 900 au total]. On est très demandeurs, le pli est pris. Plutôt que de saupoudrer, on veut grouper. Les fonctionnaires ont bien compris l'intérêt de cet outil ».

Or, quelles sont les perspectives d'achat ? Selon les informations recueillies par la commission d'enquête, la notification du marché public est prévue pour le 1 er trimestre 2018, avec une prévision de livraison dans les services au 3 ème trimestre 2018. Le marché porte sur l'achat d'un total de 10 400 systèmes complets (caméras, harnais, logiciels) répartis comme suit : 5 400 pour la police, 5 000 pour la gendarmerie . Le coût estimé pour la police nationale est de 3,750 millions d'euros permettant de couvrir l'achat de la totalité des 5 400 systèmes ainsi que les besoins de redimensionnement des serveurs pour le stockage des images.

Par ailleurs, et c'est heureux, les caméras déjà déployées pourront rester sur le terrain sans que s'appliquent à celles-ci les exigences supplémentaires posées par le Conseil d'État (par exemple, au niveau du capteur, de l'identification du porteur, de la relecture possible par le porteur, des règles de sécurité informatique liées au logiciel de déchargement et d'exploitation installé sur un poste de travail raccordé au réseau interministériel de l'État).

Il aura donc fallu quasiment 6 ans depuis les expérimentations en ZSP, et environ 11 ans depuis les premières expérimentations, pour voir une extension significative de cette technique.

La commission d'enquête regrette ce manque de diligence dans la mise en place d'un dispositif pourtant plébiscité et souhaite qu'il soit rapidement déployé à toutes les unités intervenant sur le terrain. Elle souhaite également qu'il fasse l'objet d'une politique de remise à niveau régulière afin d'éviter une dégradation progressive des matériels, dégradation qui, selon certains témoignages recueillis par la commission, serait déjà en cours s'agissant des équipements les plus anciens.

Proposition n° 32 : Commander suffisamment de caméras individuelles pour équiper l'ensemble des unités de terrain de la police et de la gendarmerie nationale et prévoir un plan de renouvellement régulier afin d'éviter l'obsolescence de ces matériels.


* 47 Voir et être vu. L'image de la police entre professionnels, médias et publics, décembre 2012.

* 48 Les comptes nationaux sont gérés par les services de communication des directions concernées. Le compte Twitter ministériel institutionnel est géré par la délégation à la communication (DICOM) et celui du ministre directement par le cabinet du ministre.

* 49 Rapport d'information en conclusion des travaux d'une mission d'information relative à la mesure statistique des délinquances et de leurs conséquences, 24 avril 2013.

* 50 Les DCPP sont d'anciens policiers, réservistes de la police nationale chargés d'établir un lien entre la population, des acteurs de terrain et les services de police, créés en 2008 dans le cadre du Plan « Dynamique espoir banlieues ».

* 51 Cette mesure s'est toutefois heurtée à la gestion centralisée des personnels administratifs du ministère de l'intérieur, qui empêche de capitaliser sur les compétences d'accueil des personnels, appelés au cours de leur carrière à quitter la police, par exemple vers les préfectures.

* 52 Un tel travail pluridisciplinaire de recherche appliquée en matière de police, permettant d'obtenir des résultats utilisables sur le terrain, a été mis en place depuis environ 5 ans par la DGPN et l'ENSP.

* 53 Le rapport 2016 de l'IGGN évoque la 10 ème campagne de contrôle de l'accueil du public qui s'est déroulée en 2016. Cette campagne consiste en des déplacements dans les centres opérationnels et de renseignements de la gendarmerie (CORG), les unités élémentaires et des sondages téléphoniques à destination des usagers et des victimes. Le rapport indique qu'au total, 365 unités ont fait l'objet de cette évaluation, soit 10 % des unités accueillant du public. 574 victimes et usagers ont été sondés sur leur appréciation de la qualité du service rendu en matière d'accueil. Des appels téléphoniques aux CORG et aux unités recevant du public ont également été analysés. Selon le rapport de l'IGGN, cette campagne d'évaluation a permis de confirmer la bonne qualité de l'accueil au sein des unités de gendarmerie.

* 54 Créée par la loi « Égalité Citoyenneté » du 27 janvier 2017, la réserve citoyenne de la police nationale offre à tous les citoyens de plus de 18 ans, remplissant certaines conditions, la possibilité de s'engager bénévolement auprès des policiers, dans des missions de prévention de la délinquance, de médiation, de solidarité ou d'éducation à la loi. Les missions ne peuvent excéder 24 heures hebdomadaires.

* 55 Fondée en 2003, initialement constituée de fonctionnaires retraités, elle est ouverte depuis 2011 à tous les citoyens de 18 à 65 ans après une sélection et dans la limite de 90 jours par an renouvelables. Elle comprend également une réserve statutaire, qui découle de l'obligation de disponibilité des policiers dans les cinq années suivant leur départ à la retraite et jusqu'à 65 ans. La loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a élargi la réserve statutaire aux anciens adjoints de sécurité disposant de trois ans d'ancienneté et n'ayant pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire. Entre 2016 et 2017, l'effectif de la réserve civile a augmenté de 32 % pour s'établir, en septembre 2017, à 11 900.

* 56 Ces pôles comprennent en théorie un psychologue, un intervenant social et une permanence d'aide aux victimes. Ils permettent d'apporter une assistance aux victimes, aux auteurs d'infraction dans une optique de lutte contre la récidive, aux témoins ainsi qu'aux familles de l'ensemble de ces personnes.

* 57 La circulaire précise également que les projets retenus réuniront cumulativement les critères suivants et devront :

- être destinés aux habitants des QPV et/ou des ZSP (une attention particulière sera portée aux actions en faveur des jeunes - 12 à 25 ans ) ;

- s'inscrire dans la durée et dans une démarche globale et partenariale ;

- impliquer de manière active les FSE et la population (interaction) ;

- répondre au moins à l'une des finalités suivantes :

- informer, sensibiliser et communiquer auprès de la population sur les différents métiers des forces de sécurité de l'État, ainsi que sur les activités menées ;

- permettre les échanges et faciliter la communication entre la population et les forces de sécurité de l'État ;

- agir sur les représentations mutuelles, faire évoluer ces représentations, déconstruire les stéréotypes ;

- comprendre la manière dont la population perçoit et pratique l'espace public (sentiment d'insécurité, stratégie d'évitement de certains endroits, mobilier urbain, dégradations, ...) ;

- promouvoir la citoyenneté.

* 58 Ainsi qu'en témoignent les nombreux tracts du syndicat remis par les représentants de celui-ci à votre rapporteur.

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