QUATRIÈME PARTIE : LE SUIVI DE L'APPLICATION DE LA LOI RELATIVE À L'ÉGALITÉ ET À LA CITOYENNETÉ, EXAMINÉE PAR UNE COMMISSION SPÉCIALE
La loi n° 2017-86 relative à l'égalité et à la citoyenneté est issue d'un projet de loi enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 avril 2016 et examiné dans chacune des assemblées par une commission spéciale. Au Sénat, cette commission spéciale a été présidée par le président de la commission des affaires économiques qui, pour ce premier exercice de contrôle d'application, a centralisé les contributions des commissions intéressées.
Ce projet de loi proposait une mise en oeuvre ou une prolongation par voie législative de certaines mesures issues de plusieurs comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC), réunis au cours de l'année 2015. Ces mesures, déployées autour de l'expérimentation concrète de la citoyenneté et de la lutte contre les inégalités et les discriminations , avaient pour but de réaffirmer les valeurs de la République et de faire en sorte que celles-ci s'incarnent dans le quotidien de tous les Français, notamment ceux qui vivent dans les territoires les plus fragiles.
La loi, promulguée le 27 janvier 2017, se divise en quatre titres et compte 224 articles , dont 41 ont été déclarés contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017. Le titre I er (articles 1 à 69) est consacré à la citoyenneté et à l' émancipation des jeunes . Il met notamment en oeuvre le « parcours citoyen généralisé », la généralisation du service civique et la réserve citoyenne tout au long de la vie. Consacré au logement , le titre II (articles 70 à 152) met en oeuvre des outils opérationnels en faveur de la mixité dans les immeubles, dans les quartiers et à l'échelle des bassins de vie. Intitulé « Pour l'égalité réelle », le titre III (articles 153 à 223) comprend un certain nombre de mesures visant à la mise en oeuvre des politiques publiques dans les quartiers prioritaires : diversifier l'accès à la fonction publique, donner la priorité à l'accès à la langue française, lutter efficacement contre le racisme et les discriminations en facilitant la répression de tous les crimes et délits commis pour des raisons racistes ou discriminatoires fondées sur l'identité ou l'orientation sexuelle. Le quatrième et dernier titre (article 224) est consacré à l' application des dispositions outre-mer .
Votée selon la procédure accélérée, la loi apparaît comme applicable à hauteur de 76 % au 31 mars 2018.
Pour un meilleur suivi de l'application du texte, les nombreuses dispositions de la loi ont été regroupées autour des quatre axes suivants : les mesures sociales, les mesures de nature culturelle, les dispositions relatives au logement et à l'urbanisme et, enfin, toutes celles relatives aux gens du voyage, à la fonction publique et à la lutte contre les discriminations.
A. LES MESURES SOCIALES
La rapporteure Françoise Gatel regrette que le rapport sur la mise en place d'un service public à la petite enfance, demandé à l'article 53 de la loi, n'ait toujours pas été remis.
L'article 181 de la loi consacre dans la forme législative le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui avait été créé par un décret du 3 janvier 2013 41 ( * ) . Le Sénat avait considérablement simplifié la rédaction de cet article en renvoyant à un décret en conseil des ministres la fixation de la composition et des modalités d'organisation et de fonctionnement du Haut Conseil. Au 31 mars 2018, ce décret n'a toujours pas été pris mais le décret initial de 2013, qui précisait ces dispositions, est toujours, lui, en vigueur. Le fonctionnement du Haut Conseil n'est donc en rien entravé, ce qui conforte l'interrogation initiale de la rapporteure du texte devant la commission spéciale, notre collègue Françoise Gatel, sur l'opportunité toute relative de cette mesure.
L'article 66 inclut la préparation de l'épreuve théorique du code de la route et de l'épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger dans les formations éligibles au compte personnel de formation (CPF). Aux termes de l'article L. 6323-6 du code du travail, qui liste les formations éligibles au CPF, les conditions d'éligibilité de cette préparation au « permis de conduire » doivent être définies par décret, ce qui est le cas depuis un décret du 2 mars 2017 42 ( * ) .
Le décret fixe trois conditions cumulatives :
- l'obtention du permis de conduire doit contribuer soit à la réalisation d'un projet professionnel soit à favoriser la sécurisation du parcours professionnel du titulaire du compte ;
- ce dernier ne doit pas faire l'objet d'une suspension de son permis de conduire ou d'une interdiction d'en solliciter un. Une attestation sur l'honneur de l'intéressé produite lors de la mobilisation de son compte doit ainsi permettre de vérifier cette condition ;
- enfin, la préparation doit être réalisée dans un établissement d'enseignement de la conduite et de la sécurité routière qui satisfait aux critères professionnels de qualité et d'agrément déterminés par le code de la route et le code du travail.
Dans ces conditions, les frais de préparation aux épreuves théoriques et pratiques et d'accompagnement sont pris en charge par les organismes financeurs.
L'article 9 élargit les activités de bénévolat ou de volontariat permettant d'acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation au volontariat de la réserve civile de la police nationale, comme il en allait déjà pour les activités de la réserve militaire.
Un décret du 10 mai 2017 43 ( * ) précise qu'une durée d'engagement de trois ans est exigée pour les réservistes de la réserve civile de la police nationale, ayant donné lieu à la réalisation de soixante-quinze vacations par an. S'agissant de la réserve citoyenne de la police nationale, la durée d'engagement de trois ans exigée doit donner lieu à la réalisation de trois-cent-cinquante heures par an.
Si l'article 157 , qui inscrit les actions en faveur de l'amélioration de la maîtrise de la langue française dans le cadre des actions financées au titre de la formation professionnelle, ne nécessitait pas de texte réglementaire d'application, il est à signaler que, depuis la promulgation de la loi « Égalité et citoyenneté », un décret du 14 février 2017 44 ( * ) a institué auprès du Premier ministre un délégué interministériel à la langue française pour la cohésion sociale. Aux termes de l'article 2 de ce décret, le délégué interministériel apporte son concours à la définition et à la mise en oeuvre des politiques favorisant l'accès de tous à la lecture, à l'écriture et à la maîtrise de la langue française, en complément des actions de formation linguistique conduites dans le cadre de la politique d'accueil et d'accompagnement des étrangers. Le délégué interministériel est, depuis février 2017, M. Thierry Lepaon.
* 41 Décret n° 2013-8 du 3 janvier 2013 portant création du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.
* 42 Décret n° 2017-273 du 2 mars 2017 relatif aux conditions d'éligibilité au compte personnel de formation des préparations à l'épreuve théorique du code de la route et à l'épreuve pratique du permis de conduire.
* 43 Décret n° 2017-1058 du 10 mai 2017 modifiant le compte d'engagement citoyen du compte personnel d'activité.
* 44 Décret n° 2017-174 du 14 février 2017 portant création d'un délégué interministériel à la langue française pour la cohésion sociale.