Annexes
Compte rendu de la séance de questions d'actualité au Gouvernement du mardi 8 mars 201829 ( * )
Présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente du Sénat
Mme la présidente. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de toutes mes collègues présentes dans cet hémicycle, en ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes , je suis très heureuse de présider cette séance de questions d'actualité au Gouvernement. C'est un beau symbole, et je tiens à en remercier sincèrement notre président, Gérard Larcher. (Vifs applaudissements.)
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat, sur le site Internet du Sénat et sur Facebook .
Mes chers collègues, au nom du Bureau du Sénat, je vous appelle, au cours de vos échanges, au respect des uns et des autres, qui est l'une des valeurs essentielles du Sénat, ainsi qu'au respect des temps de parole, afin de permettre à chaque intervenant de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS MIS EN oeUVRE PAR LE GOUVERNEMENT POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
Mme la présidente . - La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste.
En cette Journée internationale des droits des fem mes, je tiens à saluer tout particulièrement notre collègue, qui préside la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat. (Applaudissements.)
Mme Annick Billon . - Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.
En cette Journée internationale des droits des femmes , je souhaite évoquer la question des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Dans son discours du 25 novembre 2017, le chef de l'État déclarait vouloir faire de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. Il s'engageait alors à donner la priorité à la lutte contre les violences faites aux femmes et annonçait une hausse de 13 % des crédits qui lui sont dédiés.
On peut s'en étonner, mais en fait de politique publique, celle-là repose essentiellement sur le travail des associations et sur le dévouement de leurs bénévoles.
Ces associations remplissent des missions de service public. Or force est de constater que les financements qui leur sont alloués sont non pérennes et souvent insuffisants au regard de l'ampleur des besoins.
La libération de la parole a suscité une forte attente, avec un nombre croissant de plaintes de victimes à traiter. Chaque femme est en droit d'attendre un traitement identique de sa plainte, qu'elle habite en ville, dans des territoires ruraux ou d'outre-mer.
Or comment mener une vraie politique publique en s'appuyant sur des subventions à la fois incertaines et à géométrie variable selon les territoires ?
Madame la secrétaire d'État, en cette journée du 8 mars, pouvez-vous détailler les clés des financements attribués aux violences faites aux femmes ?
N'oublions pas que derrière chaque femme victime de violence, il y a également des familles et des enfants victimes. Notre société doit être une société de respect, dans laquelle femmes et hommes progressent ensemble. (Applaudissements.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes . - Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, vous l'avez rappelé, le Président de la République a décrété l'égalité entre les femmes et les hommes grande cause nationale du quinquennat.
Les moyens qui lui sont alloués ont connu une augmentation substantielle. Le programme 137, seul programme du budget de l'État presque exclusivement consacré au financement des associations, s'élève à près de 30 millions, auxquels s'ajoutent 420 millions d'euros de fonds interministériels.
Vous avez très bien décrit la situation, madame la sénatrice : s'agissant des droits des femmes, depuis des années, les associations, les élus locaux ou des membres de la société civile sont le moteur, et l'État suit, en subventionnant leur action ou en ne la subventionnant pas.
Notre politique, c'est de dire que l'État doit reprendre la main, que les droits des femmes relèvent de la compétence de l'État et qu'il doit être de nouveau moteur, locomotive, qu'il doit impulser les politiques publiques et reprendre ses responsabilités.
Permettez-moi d'en donner un exemple. Actuellement, ce sont les associations qui, très majoritairement, assurent l'accompagnement des femmes dans le dépôt de plainte. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, a indiqué qu'une plateforme serait créée pour permettre à ces femmes de déposer plainte en ligne directement auprès de policières et de policiers. L'État pourra ainsi les accompagner dans le dépôt de plainte, puis dans la judiciarisation.
Par ailleurs, 5 000 places d'hébergement d'urgence vont être réservées au cours de l'année aux femmes victimes de violences.
Pour ce qui est des subventions, madame la présidente de la délégation, je ne peux pas vous laisser dire que les subventions sont incertaines. Comme vous le savez, il existe des contrats pluriannuels d'objectifs et des contrats de subvention qui peuvent durer jusqu'à trois ans : les subventions sont donc certaines.
Je rappelle également qu'il n'y a pas eu un seul euro de baisse des subventions de l'État pour les associations nationales de lutte pour les droits des femmes, et contre les violences sexistes et sexuelles en particulier.
De nouveaux appels à projets seront lancés à partir du mois d'avril. J'ai installé un groupe d'experts chargé d'examiner les subventions allouées aux associations. Ces dernières, qui devront leur remettre un dossier, pourront voir leurs subventions augmenter si besoin est. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS POUR LES JEUNES FILLES MINEURES
Mme la présidente . - La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes . - Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, nous savons tous que la Protection judiciaire de la jeunesse exerce une mission essentielle, dans des conditions difficiles, pour prendre en charge les mineurs délinquants et les aider à se reconstruire et à s'insérer dans la société.
Il revient parfois aussi à la société de donner un accompagnement plus personnalisé à ces jeunes, y compris en les plaçant dans des centres éducatifs fermés afin de mieux prévenir la récidive et de les intégrer dans un parcours éducatif.
En la matière, des progrès restent à faire pour mieux prendre en compte les spécificités de la délinquance des jeunes filles mineures.
Il n'existe en France qu'un seul centre éducatif fermé réservé aux adolescentes, or la mixité peut être véritablement problématique, alors que cette période de la vie est déterminante pour la construction du futur adulte.
Ainsi, trop souvent, ces jeunes filles sont placées dans des établissements pénitentiaires pour femmes qui ne répondent pas à leurs besoins spécifiques, malgré le dévouement et le travail remarquable des personnels.
Madame la garde des sceaux, les besoins sont réels, vous le savez, mais il nous faut une volonté politique. Ma question est donc simple : envisagez-vous d'orienter, de développer la création de centres éducatifs fermés adaptés aux jeunes filles mineures ?
Sachez que, dans tous les cas, en tant qu'élue du Cantal, je suis prête à travailler avec vous pour accueillir une telle implantation sur mon territoire et donner une nouvelle chance à ces jeunes femmes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Josiane Costes, les centres éducatifs fermés, qui ont été créés en 2002, sont aujourd'hui au nombre de cinquante-deux sur le territoire national.
Ils constituent, vous le savez, une alternative à l'incarcération. Ils permettent d'apporter une réponse « contenante » pour les mineurs qui sont les plus ancrés dans la délinquance ou qui commettent les actes les plus graves. Ils répondent ainsi à la fois à une forte demande sociale de contrôle et de sécurité, et leur pertinence en matière de prévention de la récidive, appréciée par les magistrats, a également été soulignée dans de très nombreux rapports.
Ces établissements sont donc bien identifiés par les juridictions, qui en expriment régulièrement le besoin.
Le Président de la République a fait part, lors de la campagne électorale présidentielle, de sa volonté de mettre davantage de centres éducatifs fermés à disposition des magistrats et des jeunes, et de répartir leur implantation sur l'ensemble du territoire.
J'ai donc pour perspective de créer vingt nouveaux centres éducatifs fermés, et il est actuellement envisagé que l'un d'entre eux soit dédié à la prise en charge des jeunes filles. Il n'existe en effet aujourd'hui qu'un seul centre éducatif fermé dédié à des jeunes filles ; il se situe à Doudeville, dans le département de la Seine-Maritime.
En 2016, les centres éducatifs fermés, il faut le souligner, n'accueillaient que 6 % de filles, contre donc 94 % de garçons. La perspective dans laquelle nous nous situons répondra au moins pour partie à cette problématique.
À ce jour, je rappelle toutefois que la mixité n'est pas un handicap et que, si elle est bien régulée, elle peut être une solution tout à fait satisfaisante.
Nous ne savons pas, au moment où je vous parle, quelles seront exactement les localisations choisies pour implanter ces nouveaux centres éducatifs fermés, car les directions interrégionales de la Protection judiciaire de la jeunesse doivent nous adresser leurs propositions en ce sens, mais j'ai bien compris que le Cantal était peut-être candidat à cette localisation... (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes . - Il est indispensable de réfléchir à un maillage du territoire par ces centres éducatifs fermés. Le seul centre pour jeunes délinquantes étant situé à Doudeville, en Normandie, les mineures délinquantes du sud de la France sont coupées de leurs liens affectifs.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DANS LE MILIEU PROFESSIONNEL
Mme la présidente . - La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Michelle Gréaume . - Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la Journée internationale des droits des femmes rappelle chaque année l'actualité de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Ce 8 mars 2018 restera marqué par la mise au grand jour, salutaire, des violences faites aux femmes dans les sphères privée ou publique. La parole enfin libérée montre que nous ne sommes pas, hélas !, dans le domaine de l'exception.
C'est particulièrement vrai sur les lieux de travail. Une femme sur cinq y est victime de violences sexistes ou sexuelles. S'il y a bien obligation pour l'employeur d'agir, de prévenir et de sanctionner, la réalité, froide et cruelle, est tout autre.
Nous savons aussi qu'il ne peut y avoir de recul du harcèlement sans recul des inégalités économiques et sociales. Les femmes les plus menacées sont parmi les plus précaires, les plus isolées.
Questions sociales et émancipation féminine sont totalement liées. La très grande majorité des femmes font partie des minima sociaux. Elles sont aussi les premières victimes des temps partiels imposés. Et que dire des insupportables inégalités salariales ?
Une étude réalisée à la demande de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France, indique que cela représente un grand écart de près de 300 000 euros sur toute une vie de travail ! Plus grave encore, ces inégalités salariales entraîneraient un manque à gagner estimé à 246 milliards d'euros de pertes en revenus et cotisations de toutes sortes.
De quoi remettre en cause très fortement les vieilles croyances, inspirant les vieilles politiques selon lesquelles le progrès social serait néfaste au progrès économique. C'est tout l'inverse !
L'égalité entre les hommes et les femmes est la grande cause nationale du quinquennat ? Très bien ! Mais, au-delà des effets d'annonce, quels moyens humains et financiers allez-vous mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, vous avez évoqué deux sujets essentiels en matière de droits des femmes : les violences sexuelles et sexuées au travail et l'égalité salariale.
En ce qui concerne les violences sexistes et sexuées au travail, nous avons recueilli les propositions des partenaires sociaux du secteur privé. Le Premier ministre, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et moi-même avons convenu de travailler sur plusieurs pistes dans les six à sept semaines qui viennent, afin d'aboutir à des propositions.
Ces dernières porteront notamment sur l'information, la formation, la création de référent et les sanctions.
Pourquoi la formation ? Parce qu'il est très important que les élus du personnel, les responsables des ressources humaines, les médecins du travail ainsi que l'ensemble des acteurs de la vie de l'entreprise sachent comment accueillir des femmes qui aujourd'hui n'osent pas parler, ou le font peu. C'est aussi pour cela que nous mettrons en place des référents.
Il faut également sensibiliser l'encadrement, l'ensemble des élus du personnel et, de façon générale, tous les salariés, car le sexisme ordinaire est le terreau de violences plus graves qui peuvent avoir lieu dans l'entreprise.
Dans le secteur public, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et le secrétaire d'État chargé de la fonction publique ont annoncé il y a quelques jours un plan ambitieux car, comme vous le savez, le secteur public est lui aussi concerné.
L'inégalité salariale, dont vous avez raison de dire qu'elle est inacceptable, pose évidemment d'abord un problème d'équité, de justice sociale, mais elle découle aussi d'un aveuglement économique. Le Président de la République et moi-même visitions ce matin une entreprise dont les résultats démontrent que lorsque l'on s'attaque au sujet et que l'on progresse en matière de mixité, l'entreprise est plus performante.
Il faut donc régler ce problème, d'abord pour des raisons sociales, mais aussi pour des raisons économiques. Avec les partenaires sociaux, nous allons travailler très étroitement sur ce sujet dans les semaines qui viennent. ( Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. )
Mme la présidente . - La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique,... en dix secondes !
Mme Michelle Gréaume . - Madame la ministre, le compte n'y est pas ! J'insiste sur le lien entre question sociale et lutte contre le harcèlement et les violences.
Permettez-moi d'en donner un exemple concret : avec la casse du droit du travail que votre gouvernement a organisée, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, instruments nécessaires de la lutte contre les violences au travail, ont été supprimés, ce qui précarise encore plus les femmes. ( Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. )
DROITS DES FEMMES (I)
Mme la présidente . - La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Hélène Conway-Mouret . - Mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, l'égalité est un droit, et c'est bien ce droit que des milliers de Françaises réclament encore aujourd'hui en cette Journée internationale pour le droit des femmes.
Lundi, vous annonciez aux Françaises et aux Français un big bang de la formation professionnelle. Trois jours plus tard, vous présentez un plan ambitieux pour lutter contre les inégalités salariales et professionnelles, tandis que, dans le même temps, le Président de la République fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause nationale du quinquennat.
Depuis neuf mois, et en toutes matières, les réformes succèdent aux annonces et les projets aux déclarations, avec l'idée affirmée que tout serait à faire et que rien n'a été fait.
Ce passé, quel est-il ? Celui d'un ministère de plein exercice, animé avec ferveur et passion il y a encore quelques mois encore par ma collègue Laurence Rossignol, devenu un modeste secrétariat d'État doté du plus petit budget qui soit, 0,006 % du budget de l'État.
Quel progrès pour l'égalité des femmes !
Cette égalité, vous le savez, madame la ministre, existe encore moins qu'ailleurs lorsque l'on s'intéresse à la rémunération du travail salarié.
Selon votre propre ministère, l'écart moyen entre les salaires des femmes et les hommes s'élève en France à 25,7 % tous temps de travail confondus, et à 9 % à poste et expérience équivalents.
Alors que les filles réussissent mieux que les garçons à l'école, elles occupent ensuite des postes à moindre responsabilité. En raison des inégalités de carrière, les femmes partent à la retraite un an plus tard que les hommes, avec des droits moins importants.
Cette situation est pourtant illégale, parce qu'elle procède d'une discrimination liée au sexe interdite depuis 1982, et parce qu'elle contrevient au principe « à travail égal, salaire égal » prévu par le code du travail depuis quarante-six ans.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour assurer réellement l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ?
Pourquoi attendre 2022 pour les mettre en place ? En Islande, la contrainte législative a été immédiate.
Quels financements allez-vous pouvoir consacrer aux mesures nécessaires à la réalité de cette égalité ?
J'ajoute, madame la ministre, qu'il est bientôt quinze heures quarante, heure à laquelle les femmes cessent d'être payées chaque jour sur la base d'une journée standard. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente . - Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Hélène Conway-Mouret . - Je conclus, madame la présidente.
J'invite donc toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à manifester notre solidarité avec nos soeurs espagnoles, aujourd'hui en grève, et les associations féministes mobilisées dans tous les pays. ( Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains .)
Mme la présidente . - Merci, chère collègue !
Mme Hélène Conway-Mouret . - L'égalité entre les hommes et les femmes, c'est maintenant ! L'égalité des salaires, c'est maintenant ! Les femmes aux responsabilités, c'est maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Conway-Mouret, j'ai avec vous un point d'accord et un point de désaccord.
J'ai un point de désaccord, majeur. Je pense que le secrétariat d'État de Marlène Schiappa, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et rattachée directement au Premier ministre, n'a rien de « modeste ». Ma collègue, outre qu'elle est elle-même extrêmement mobilisée, a comme talent particulier de savoir tous nous mobiliser autour du Premier ministre, comme en témoigne le comité interministériel sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes de ce matin, qui a réuni seize ministres, et cela, c'est exceptionnel ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Le point d'accord, c'est que, en matière d'égalité salariale, nous sommes dans un échec collectif. La loi qui oblige à l'égalité salariale, « à travail égal, salaire égal », a quarante-cinq ans. La faute à qui ? Je ne souhaite pas polémiquer, car c'est la faute de tout le monde, mais du coup, ce n'est la faute de personne. Or, pour résoudre ce problème, il faut qu'il devienne celui de tout le monde. C'est pour cela que, en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous avons deux combats à mener.
Le premier est un combat de long terme. Il implique de s'attaquer aux stéréotypes, aux raisons qui poussent les femmes vers des métiers moins rémunérés, moins valorisés, au plafond de verre dans l'entreprise et au plafond de verre intérieur qui fait qu'elles n'osent pas postuler, à la gestion des ressources humaines, à l'implication des dirigeants. Tout cela représente un travail de long terme avec les partenaires sociaux, et nous nous y attelons.
Mais, au-delà, il est une tâche que nous voulons vraiment mener à son terme, dans le cadre de la grande cause du quinquennat : oui, nous voulons mettre fin à l'inégalité salariale entre les hommes et les femmes d'ici à la fin du quinquennat. Cette inégalité salariale, pour l'instant irréductible, de 9 % pour le même travail, est un scandale de la République, et je sais que le Sénat tout entier est d'accord pour reconnaître avec moi que cette situation est inadmissible. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mais comment faire ? C'est toute la question, parce que tout le monde a déjà essayé. Après une longue concertation, nous avons proposé aux partenaires sociaux d'activer quatre leviers dont nous rediscuterons dans les semaines à venir : premièrement, un outil de mesure, un logiciel facile d'utilisation et gratuit ; deuxièmement, des enveloppes dédiées dans la négociation annuelle des salaires pour le rattrapage salarial afin que, d'ici trois ans, le problème soit réglé ; troisièmement, l'implication des dirigeants au niveau des conseils d'administration pour favoriser une prise de conscience ; quatrièmement, un renforcement des contrôles, avec le passage de 1 700 à 7 000 contrôles annuels de l'Inspection du travail.
Je compte sur vous pour nous aider ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
PROSTITUTION DES ADOLESCENTES
Mme la présidente . - La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Mme Colette Mélot . - Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, la libération de la parole des femmes que nous vivons actuellement et les nouvelles mesures que vous allez mettre en place pour faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes donnent à cette journée du 8 mars un retentissement tout particulier dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Mais il est un phénomène qui reste peu connu, mal combattu et particulièrement choquant, je veux parler de la prostitution des adolescentes.
Mon intervention repose sur un constat inquiétant, réalisé récemment en Seine-et-Marne : la recrudescence de cas signalés par les forces de police, dont j'imagine qu'il s'agit non pas de cas isolés mais d'une réalité nationale.
Des milliers d'adolescentes se prostituent en France dès le collège selon l'association Agir contre la prostitution des enfants , l' ACPE . Les profils sont multiples : la réponse à un besoin vital de se nourrir, de payer ses études, le fait de jeunes qui s'y adonnent « parce que ça se fait ». Ce sont principalement des jeunes filles de treize à dix-sept ans, fragiles et souvent déscolarisées.
Naïves car très jeunes, elles ne se considèrent pas forcément comme des victimes : elles ne voient pas le mal de ces actes sexuels tarifés. Or ce sont des victimes manipulées et exploitées, et les répercussions psychologiques dans leur vie future seront dramatiques.
Ne nous y trompons pas, c'est bien de protection des mineures et de dignité humaine qu'il s'agit.
Il n'est pas acceptable que, dans notre pays, des jeunes n'aient pas été mieux protégées, mieux orientées, mieux identifiées.
Certes, le législateur a fortement investi le domaine de la lutte contre la prostitution des mineurs en instaurant un véritable arsenal répressif, mais la répression ne suffit pas.
Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous demande de lancer une étude d'envergure pour connaître plus précisément l'ampleur du phénomène, préalable indispensable à la mise en place de mesures de sensibilisation, de prévention, de formation tant des travailleurs sociaux,...
Mme la présidente . - Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Colette Mélot . - ... que des enseignants et des policiers, sans oublier la création de lieux d'accueil spécifiques et d'accompagnement, autant de mesures d'une urgence absolue. ( Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants - République et Territoires .)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes . - Madame la sénatrice, nous avons connaissance du problème que vous soulevez.
La lutte contre la traite des êtres humains en général, et contre la prostitution des mineurs en particulier, fait pleinement partie de l'action que je mène avec la MIPROF, dont le nom développé est « mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et de lutte contre la traite des êtres humains ». Je me suis entretenue il y a quelques jours avec sa secrétaire générale, Élisabeth Moiron-Braud, avec qui je suis pleinement mobilisée pour mettre fin à ce système de prostitution des mineures.
Je crois qu'il y a au moins deux sujets : premièrement, l'augmentation du phénomène de la traite des jeunes filles dans certains quartiers, sujet qui est dans notre viseur dans le cadre du deuxième plan national de lutte contre la traite ; deuxièmement, le proxénétisme en ligne, sujet sur lequel je travaille en étroite collaboration avec le secrétaire d'État chargé du numérique, Mounir Mahjoubi.
Ce matin, lors de notre comité interministériel, cette question a été abordée sous l'impulsion de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal. Nous sommes donc pleinement mobilisés à l'échelon interministériel.
Par ailleurs, je rappelle que toute personne victime d'exploitation sexuelle peut bénéficier du parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle. Quelque 2,4 millions d'euros sont mobilisés pour six cents personnes visées en 2018, contre seulement 25 parcours sur les 1 000 prévus en 2017. L'action du Gouvernement à cet égard a donc été considérablement renforcée.
La loi prévoit aussi la remise au Parlement d'un rapport sur sa mise en oeuvre après deux ans d'application. Nous en profiterons donc pour nous assurer de l'effectivité et de l'efficacité de ces dispositifs légaux.
Enfin, je voudrais ajouter que ces sujets, et particulièrement celui de la prostitution des mineurs que vous évoquez, s'inscrivent pleinement dans le plan de protection de l'enfance qui sera présenté dans le courant de 2019 par ma collègue ministre des solidarités et de la santé.
Vous le voyez donc, tout le Gouvernement est mobilisé sur cette question cruciale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
DROITS DES FEMMES (II)
Mme la présidente . - La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Madame la secrétaire d'État, cela fait plus de quarante ans que des lois imposent comme principe essentiel l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Or, en 2018, l'écart salarial à poste égal est de 10 %. C'est une différence injustifiée et une véritable discrimination. Et c'est un échec collectif, vous venez de le souligner.
Il est bien sûr urgent de faire respecter la loi, mais c'est surtout en amont qu'il faut travailler à changer les mentalités, car si, pour la même tâche, une femme est payée moins cher qu'un homme, cela sous-entend qu'elle a moins de valeur. C'est le constat que nous faisons à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, que préside ma collègue Annick Billon.
Tout le monde doit s'y mettre : Gouvernement, élus, partenaires sociaux, entreprises publiques et privées. Mais l'exemple doit venir du sommet de l'État.
Vous avez récemment déclaré, madame la secrétaire d'État, que, dans le monde professionnel, lorsqu'on cherche des femmes compétentes, on en trouve.
Pourriez-vous donc être notre porte-parole auprès du Président de la République, car, parmi les douze conseillers nommés auprès de lui, on ne compte qu'une seule femme ? (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Et, sur les cinquante-trois membres de son cabinet, on ne compte que treize femmes, soit 22 % ! (Mêmes mouvements.)
Montrons l'exemple ! Les mots doivent faire place aux actes. Le Président de la République a fait de l'égalité entre les hommes et les femmes la grande cause du quinquennat. Mais, au-delà des annonces, ce sont des actions que les Français attendent. Je reste sceptique quant à vos annonces, et nous serons extrêmement vigilants.
Madame la secrétaire d'État, vous engagez-vous à venir nous confirmer prochainement que vous avez modifié cet équilibre auprès du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du tr avail. Madame la sénatrice Boulay-Espéronnier, vous évoquez deux sujets qui sont liés, et que je résume : comment faire le changement ?
Pour faire le changement, chacun doit s'impliquer à son niveau.
Le secteur public doit donner l'exemple. On pourrait penser que la tâche y est plus aisée, que les classifications et les statuts facilitent l'égalité, mais, dans les faits, l'accès aux carrières n'y est pas forcément le même pour les femmes et les pour les hommes : malgré les grands progrès qui ont été réalisés dans le passé, nous n'y sommes pas encore. C'est pourquoi nous avons prévu pour la fonction publique le grand plan que j'évoquais à l'instant, qui sera piloté par la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et le secrétaire d'État chargé de la fonction publique
Dans le secteur privé, vous avez raison, il faut non seulement adopter des mesures visant à encourager l'égalité, mais aussi faire prendre conscience aux dirigeants qu'il leur est indispensable de respecter la loi parce que c'est la loi, mais aussi parce qu'ils y ont tout intérêt, comme nous l'avons encore constaté ce matin dans l'entreprise Sodexo : les entreprises qui pratiquent une vraie parité et une vraie mixité à tous les niveaux - je dis bien à tous les niveaux -, sont plus innovantes, plus attractives pour les talents et plus performantes.
C'est pour cette raison que nous avons proposé aux partenaires sociaux - et nous allons en discuter - que, dans les sociétés cotées, les dirigeants aient à se prononcer tous les ans sur deux points.
Premièrement, ils devront délibérer sur le bilan de l'égalité salariale dans les entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans une logique de « comply or explain », c'est-à-dire « appliquer ou expliquer », il est difficile de justifier que cela ne fonctionne pas.
M. Gilbert Bouchet . - La réponse !
Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Deuxièmement, ils devront s'expliquer sur la question de la mixité dans les « Top 100 ». (M. Jackie Pierre s'exclame.)
Sur cette question, le Gouvernement a fait un grand progrès : il ne vous aura pas échappé que la moitié du Gouvernement est composée de femmes - cela n'a pas toujours été le cas ! - ( Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et une grande partie des cabinets ministériels sont dès aujourd'hui paritaires.
M. François Bonhomme . - Vous êtes trop modeste !
Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Pas tous, mais on oeuvre en ce sens. Il faut encore progresser, on ne dit pas qu'on est parfait.
Mme la présidente . - Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Mais cela se construit, et il faut le faire dans le secteur public comme dans le secteur privé. (MM. Martin Lévrier et François Patriat applaudissent.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour la réplique, en huit secondes.
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Il y a urgence ; on est au pied du mur ! On n'a pas le droit de dire qu'on ne peut pas être parfait. La preuve par l'exemple, voilà ce qui est important, madame la ministre ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
CONDITIONS DE DÉTENTION DES FEMMES
Mme la présidente . - La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Jocelyne Guidez . - Madame la garde des sceaux, en cette Journée internationale de la femme,...
Mme Éliane Assassi . - C'est la Journée internationale des droits des femmes !
Mme Jocelyne Guidez . - ... je veux appeler votre attention sur une population souvent oubliée et parfois abandonnée : les femmes incarcérées. Au 1 er janvier 2018, nous en comptions près de 3 000.
Dans un premier temps, je tiens à saluer la décision visant à installer, au mois de septembre prochain, une crèche pour accueillir les bébés à Fleury-Mérogis. Cette mesure de bon sens mérite d'être généralisée.
Cependant, comme un arbre qui cache la forêt, cette bonne nouvelle masque une situation plus contrastée. Les défis à relever sont encore immenses, en particulier pour ce qui concerne les conditions de détention des femmes.
En effet, dans certains établissements, notamment à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, un accès limité et non quotidien aux douches est à déplorer, tandis que les hommes ont des douches à leur disposition dans leur cellule. Cette triste réalité conduit le personnel soignant à prescrire des « douches médicales ». Cette inégalité de fait est inacceptable.
Par ailleurs, d'autres difficultés sont à souligner : les faibles activités proposées, qui sont souvent limitées aux seules activités ménagères ; la localisation géographique des établissements, complexifiant ainsi le maintien des liens familiaux ; sans oublier l'accès aux soins, notamment les soins gynécologiques.
Comme l'a si bien rappelé la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son avis du 25 janvier 2016, « le principe d'égalité entre les hommes et les femmes doit s'appliquer dans l'intégralité de la société, celle du «dehors» comme celle du «dedans», et les personnes privées de liberté doivent également en bénéficier sans restriction ».
Mes chers collègues, il y a donc urgence !
En conclusion, les exigences en matière d'égalité et de respect de la dignité humaine ne peuvent nous laisser insensibles.
Madame la garde des sceaux, comment le Gouvernement entend-il pallier ces injustices ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Madame la sénatrice, il m'est difficile de répondre à votre question sans penser à Olympe de Gouges et à sa déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Au fond, si, aujourd'hui, nous parlons ici, vous, moi-même et tant d'autres, c'est aussi parce qu'elle a dit : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». Mais je pense plus précisément à elle parce qu'elle a également explicité dans cette même déclaration que la rigueur de la loi pénale devait s'appliquer de la même manière aux hommes et aux femmes ; c'est une autre version du principe d'égalité.
Or la question que vous soulevez a précisément à voir avec ce principe d'égalité. Aujourd'hui, vous le savez, les femmes sont certes évidemment moins nombreuses que les hommes en détention - 3 000, avez-vous dit, sur 70 000 détenus, mais ce chiffre s'accroît constamment. Nous leur devons à la fois la dignité, le suivi du parcours de détention et la sécurité, bien sûr, pour la société, comme à tout détenu.
Nous héritons d'une situation que nous devons prendre en charge et à laquelle nous devons bien entendu trouver des réponses.
Cette situation est de nature immobilière. Vous l'avez relevé, à juste titre, les quartiers des femmes sont souvent situés dans des endroits vétustes - c'est aussi certes le cas pour les hommes, mais cela vaut particulièrement pour les femmes. Nous devons donc améliorer cet état de fait.
Par ailleurs, nous devons prendre en charge les questions spécifiques aux femmes, c'est-à-dire assurer le suivi, lorsque cela s'avère nécessaire, en période d'accouchement, puis dans les cellules mères-enfants le temps où les enfants leur sont laissés et nous préoccuper, enfin, du lien avec la famille bien entendu et de la réinsertion. Il convient donc d'opérer des évolutions majeures ; nous le savons et nous les prendrons en charge, dans le cadre de la réponse apportée il y a deux jours par le Président de la République à Agen.
Nous apporterons des réponses de nature immobilière. Je puis d'ores et déjà vous indiquer que, dans le nouvel établissement pénitentiaire qui ouvrira en 2020 à Lutterbach, un lieu sera réservé aux femmes, avec des conditions d'accueil tout à fait décentes.
Mme la présidente . - Merci, madame la garde des sceaux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . - Nous multiplierons ce type de réponses sur l'ensemble du territoire. ( Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur plusieurs travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. - M. Loïc Hervé applaudit également.)
MERCOSUR ET VETO CLIMATIQUE
Mme la présidente . - La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. - Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Dantec . - Ma question s'adresse à M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Une commission indépendante composée d'experts, mandatée par le Premier ministre et présidée par l'économiste Katheline Schubert, a remis, en septembre dernier, au Gouvernement un rapport l'alertant sur les impacts environnementaux, climatiques et sanitaires de l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, le fameux CETA.
Confirmant en partie les craintes qui s'étaient exprimées, les rapporteurs ont fait preuve d'inventivité en proposant la création d'un « veto climatique » face aux impacts de certaines dispositions envisagées quand les objectifs en matière de respect des enjeux liés au développement durable et des accords climatiques ne sont pas respectés et sont « loin d'être atteints ».
À la suite de ces recommandations, vous avez, monsieur le ministre d'État, intégré le principe du veto climatique dans le plan d'action du Gouvernement sur le CETA, sans toutefois en donner les conditions juridiques d'opérationnalité, ce qui a entraîné le scepticisme des ONG environnementales.
Aujourd'hui, les discussions sur les échanges commerciaux avec l'Amérique latine sont en cours dans le cadre du Mercosur. De nombreuses questions de compatibilité des modes de production et de consommation entre les parties prenantes sont là encore au coeur des débats, notamment concernant l'agriculture, et plus particulièrement l'élevage bovin. Le groupe radical du Sénat a d'ailleurs déposé une proposition de résolution, portée par le président Requier, sur ce volet.
Nous pouvons aussi aisément ajouter aux impacts sur l'économie de la viande bovine en France et en Europe les conséquences en termes climatiques, puisque cette production est, nous le savons, fortement émettrice de gaz à effet de serre et responsable de déforestation.
Monsieur le ministre d'État, nous partageons, me semble-t-il, la conviction que les négociations commerciales sont un des principaux leviers de mise en oeuvre de l'accord de Paris sur le climat. Je souhaite donc vous poser une double question.
Premièrement, avez-vous défini les critères d'instauration du veto climatique, dont l'utilisation a été recommandée dans le cadre de ce rapport ? Deuxièmement, pourrait-on envisager que ce veto s'applique dans le cadre du Mercosur...
Mme la présidente . - Merci !
M. Ronan Dantec . - ... si celui-ci entraîne, comme le CETA, des risques de fragilisation des objectifs de lutte contre le dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente . - La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Ronan Dantec, je rêve d'un temps que j'espère proche où l'on parlera non plus d'accord ou de traité de libre-échange, mais d'accord ou de traité de juste échange.
Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, à juste titre - vous savez que je partage votre préoccupation - sur la mise en oeuvre du veto climatique dans le cadre du CETA et sur la prise en compte environnementale - ce point fait partie de la même réflexion - dans les accords commerciaux, notamment dans le cadre du Mercosur.
Pour ma part, je me fie aux propos du Président de la République et je fais mienne la ligne qu'il a définie : en matière de politique commerciale, on ne bradera ni nos intérêts ni nos valeurs et évidemment encore moins la planète.
Concernant le veto climatique dans le cadre du CETA, la Commission européenne - où j'étais encore récemment - s'est déclarée prête - il faut prendre en compte cette donnée avec prudence - à travailler à sa mise en place ; c'est une première avancée. Concrètement, cela prendrait la forme d'une nouvelle déclaration juridique interprétative, qui devrait être adossée à la partie consacrée aux investissements du CETA, mais il nous faut encore obtenir l'accord du Conseil avant de pouvoir finaliser le dispositif avec le Canada. Je ne vous le cache pas, nous devrons faire durant le printemps un véritable travail de conviction à la fois auprès de nos partenaires européens et évidemment de nos amis canadiens.
S'agissant du Mercosur, vous avez probablement entendu le Président de la République déclarer très clairement devant les jeunes agriculteurs le 22 février dernier : il y a des lignes rouges en matière d'indications géographiques, sanitaire et phytosanitaire, mais aussi de respect de l'accord de Paris. C'est bien parce que ces lignes rouges ont été affirmées que l'accord n'a pas encore été conclu. Le Président de la République avait alors aussi rappelé que l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur n'entrerait pas en vigueur tant que l'Union n'aura pas renforcé ses normes sanitaires et environnementales et que l'on n'aura pas obtenu de garanties quant au respect de ces normes. La France s'opposera à la mise en oeuvre du Mercosur si ce travail n'est pas fait en amont. L'accord n'entrera donc pas en vigueur si nous n'avons pas satisfaction sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur plusieurs travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
FORMATION PROFESSIONNELLE
Mme la présidente . - La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny . - Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, la formation professionnelle est la pierre angulaire de la lutte contre le chômage et du renforcement de la compétitivité des entreprises.
La volonté, louable, de réformer la formation professionnelle n'est pas nouvelle : l'atteste la création du compte personnel de formation, le CPF, sous le précédent gouvernement.
Votre projet contient certaines avancées pour les travailleurs, j'en conviens : droit à la formation accru pour les salariés faiblement qualifiés, création d'un compte personnel de formation de transition, par exemple. Mais il est aussi porteur d'interrogations, d'inquiétudes, de défiance, de regrets.
D'abord, sur la méthode d'un big-bang, au moins pour le volet gouvernance, proposé de manière unilatérale, sans concertation, des inquiétudes sont nées, au premier rang desquelles la monétisation du CPF. Comment ne pas craindre un affaiblissement du droit à la formation de certains salariés ? Les 500 euros d'aujourd'hui ou de demain suffiront-ils à financer les 20 heures de formation d'hier, et ce dans tous les territoires ?
Ensuite, nous nous interrogeons sur la place des régions dans la gouvernance de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi.
Votre projet opère un transfert des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, vers l'URSSAF. Ce dernier organisme ne doit pas conduire à écarter les branches professionnelles ni les organisations syndicales de la définition des besoins en compétence. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
La réforme, enfin, va dans le sens de l'individualisation. Mais la formation professionnelle ne peut se réduire à « un clic » via une application mobile. Ces éléments ne doivent pas entraîner une régression de l'accompagnement du salarié dans l'exercice de son droit à la formation.
Madame la ministre, le big-bang annoncé sera-t-il à la hauteur des attentes sociales et des mutations de notre économie ? Le doute est permis quand ni les chômeurs de longue durée, ni les travailleurs handicapés, ni les indépendants n'y ont trouvé place. ( Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain .)
Mme la présidente . - La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Daudigny, l'enjeu que nous avons en matière de formation professionnelle est aujourd'hui double.
Notre système, qui constituait une grande avancée - la France était en avance dans les années soixante-dix et quatre-vingt -, est aujourd'hui en échec dans le domaine de l'égalité des chances. En effet, il n'est pas juste : les ouvriers et les employés ont deux fois moins de chances de se former que les cadres, alors qu'ils n'ont pas moins de besoins ; seul un chômeur sur dix a accès à la formation chaque année ; les salariés des petites et moyennes entreprises ont deux fois moins de chances de se former que ceux des grandes entreprises ; 500 000 travailleurs handicapés sont au chômage, faute de qualifications pour la plupart d'entre eux, parce qu'ils en ont eu peu dans le cadre de leur formation initiale et n'en ont toujours pas en formation continue, et je pourrais continuer ainsi la liste.
Si l'on ne change pas radicalement quelque chose dans notre système de formation professionnelle, nous ferons le même constat sur le plan social : le train de la croissance va reprendre, entraînant des créations d'emplois, et une grande partie de nos concitoyens ne pourront pas monter dans ce train parce qu'ils n'auront pas les compétences nécessaires.
Du côté des petites et moyennes entreprises, là non plus le compte n'y est pas. Avec les transformations majeures à venir, à savoir la transition écologique et la transformation numérique - tous les métiers sont concernés -, on estime que, dans les dix ans à venir, 50 % des métiers vont être profondément transformés. Là encore, si l'on n'inverse pas les choses, si l'on ne donne pas la priorité aux TPME, les très petites ou moyennes entreprises, celles-ci vivront dans dix ou vingt ans des désastres, alors qu'elles constituent notre terreau économique rural.
Pour ces raisons, j'ai salué l'accord des partenaires sociaux sur les droits des salariés, qui va beaucoup plus loin : les salariés auront plus de droits. Dans le même temps, nous le savons, aujourd'hui, le système n'aide pas les petites entreprises, ni les moins qualifiés pour nombre de raisons qu'il serait trop long de vous exposer maintenant, mais que j'aurai l'honneur de vous présenter lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ; nous pourrons alors entrer dans le détail du dispositif.
Pour conclure, je veux dire que l'unité en euros est plus juste : une caissière de supermarché aura le même droit à la formation qu'un ingénieur. Et je vous en convaincrai, j'en suis certaine. ( Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen .)
REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE
Mme la présidente . - La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Jean-Claude Luche et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. Max Brisson . - Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis dimanche dernier, l'Italie observe au Palais du Quirinal le président Sergio Mattarella tenter de dénouer le noeud gordien issu des urnes... Tout comme la France observait il y a soixante ans le président René Coty à l'Élysée.
C'était chez nous le temps de la proportionnelle avec ses majorités éphémères, construites sur des compromis de couloir. C'était le temps où l'on changeait de gouvernement tous les cinq mois.
Aujourd'hui encore, il y a des pays sans exécutif, avec un gouvernement sortant qui expédie les affaires courantes. Cette situation a duré des mois en Belgique en 2007 et en 2010 ; des mois en Espagne voilà deux ans, cinq mois en Allemagne récemment, et c'est désormais au tour de l'Italie.
Car, au-delà des formes multiples que prennent, dans chaque pays, les expressions extrêmes ou démagogiques, il existe, monsieur le Premier ministre, un dénominateur commun à tous ces exemples : la proportionnelle intégrale ou partielle. (Mme Brigitte Lherbier et M. Jacques Genest applaudissent.)
Grâce au général de Gaulle et aux pères fondateurs de la V e République, les Français élisent, quant à eux, leurs députés au scrutin majoritaire à deux tours. Ils bénéficient en retour de majorités claires et stables.
Monsieur le Premier ministre, au vu des situations vécues par nos voisins et amis, le Gouvernement est-il toujours enclin à introduire une dose substantielle de proportionnelle ? Peut-il prendre le risque d'ajouter à terme aux difficultés économiques du pays une crise politique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. - M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la révision constitutionnelle à venir concernant à la fois le nombre de parlementaires et le mode de scrutin qui permettra de désigner les parlementaires représentant le peuple.
M. Philippe Bas. La question porte seulement sur le mode de scrutin !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Vous avez commencé votre propos en parlant de l'Italie et en mentionnant René Coty. Sachez que cette allusion va droit au coeur du Havrais que je suis, car il était Havrais.
Vous avez ensuite évoqué le risque politique qui, selon vous, s'attache au blocage institutionnel et serait nécessairement lié au scrutin proportionnel.
Le débat entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel est ancien. Je me permets de vous faire observer, monsieur le sénateur, que la V e République elle-même a vécu pendant un temps avec un scrutin proportionnel intégral.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains . Merci Mitterrand !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Si l'on peut s'interroger sur les décisions qui ont été prises par les majorités issues de ces scrutins, personne, monsieur le sénateur - et certainement pas le Sénat ! -, aucun citoyen de bonne foi ne peut dire que les institutions auraient été pendant ces années-là bloquées. En aucune façon !
Je me permets également de vous faire observer, monsieur le sénateur, qu'il est arrivé que des majorités relatives gouvernent sous la V e République, et ce n'était pas lorsque le scrutin proportionnel intégral était en vigueur. (M. François Bonhomme s'exclame.)
M. Jean-Pierre Sueur . C'est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Comme quoi, vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur, les choses sont parfois un peu plus compliquées que ce qu'elles donnent à voir.
Je me permets enfin de vous faire remarquer que le système allemand, qui repose sur la proportionnelle, a permis le renouvellement pendant plusieurs mandats des mêmes majorités ( Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) , des majorités stables sous Helmut Kohl, sous Gerhard Schröder et sous Angela Merkel.
M. François Grosdidier . Ce n'est plus le cas aujourd'hui !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Ces majorités ont permis, reconnaissons-le, une action publique cohérente, courageuse et continue.
Si je vous dis cela, monsieur le sénateur, c'est parce que le Président de la République s'est engagé pendant sa campagne à introduire une dose de proportionnelle dans la désignation des députés. Je relève d'ailleurs que la dose de proportionnelle existe au Sénat, et je n'ai pas compris que vous proposiez de revenir sur ce point.
Pourquoi introduire une dose de proportionnelle pour l'élection des députés ? Pour permettre à des pans assez larges de la population française et des électeurs français d'avoir la garantie d'être représentés au sein de l'Assemblée nationale. Une dose de proportionnelle comprise entre 10 % et 25 % : telle est la proposition qui a été faite. Entre 10 % et 25 % - M. de La Palice n'aurait pas dit mieux -, cela veut dire que le scrutin majoritaire prévaudra entre 75 % et 90 %. Je ne crois pas qu'avec une telle modification nous remettions en cause la logique des institutions.
M. François Bonhomme . Si !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Vous avez parfaitement le droit de le penser !
Je ne pense pas que l'introduction de 10 %, 15 %, 20 % ou 25 % de proportionnelle soit de nature à remettre en cause les institutions ; en témoigne la proportionnelle intégrale en 1986, qui n'avait d'ailleurs pas empêché le Sénat de fonctionner.
Autrement dit, je me réjouis que nous ayons bientôt cette discussion sur la révision constitutionnelle - le Gouvernement y est bien sûr prêt -, car elle sera utile et intéressante. Comme vous, je crois que tenir les engagements de campagne qui ont été pris a une valeur. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente . La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique, en trente-trois secondes.
M. Max Brisson . Monsieur le Premier ministre, lorsque les exemples venus de l'étranger sont bons, il faut les suivre. Lorsqu'ils ne le sont pas, il faut les fuir. Sachons aussi tirer les leçons de l'Histoire.
La V e République a assuré la stabilité politique en France. C'est l'un des legs les plus précieux du général de Gaulle. Revenir au scrutin proportionnel, c'est le retour au vieux monde, celui de l'instabilité politique, celui des tractations entre appareils politiciens comme « au bon vieux temps » du régime des partis. Le scrutin majoritaire est indissociable de la logique de nos institutions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Nadia Sollogoub ainsi que MM. Jean-Claude Luche et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
PSYCHIATRIE EN FRANCE
Mme la présidente . La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains.
Mme Florence Lassarade . Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur la situation de la psychiatrie.
Lors de sa visite du Centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne, du 8 au 15 janvier 2018, la Contrôleur général des lieux de privation de liberté a constaté des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées dans cet établissement. Elle a observé des conditions d'accueil indignes au sein du service des urgences générales, des pratiques abusives d'isolement et de contention dans les unités d'hospitalisation complète, ainsi qu'un défaut d'information des patients sur leurs droits.
La Contrôleur déplore que « les conditions de vie de certaines personnes hospitalisées constituent un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ».
Cette situation s'explique par le manque de places d'hospitalisation dans les services de psychiatrie. Elle n'est pas exceptionnelle, mais plutôt symptomatique des difficultés qui touchent la psychiatrie en France. Elle est la conséquence de plusieurs paramètres bien identifiés : la baisse des moyens alloués aux services de psychiatrie et le problème de la formation.
En trente ans, le nombre de lits dans ces services a été divisé par deux. Mille postes de psychiatres restent vacants, et la spécialité d'infirmier psychiatrique a disparu depuis les années quatre-vingt-dix.
Conformément à la loi, Mme la ministre des solidarités et de la santé a été destinataire de ces recommandations. Un délai de trois semaines a été donné pour y répondre. Or, à l'issue de ce délai, aucune réponse de l'autorité compétente n'est parvenue.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures allez-vous mettre en oeuvre pour pallier ces dysfonctionnements et améliorer les conditions des services de psychiatrie ?
Mme la présidente . La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . Madame la sénatrice Lassarade, vous soulevez un sujet qui nous concerne tous. Aujourd'hui, selon l'Organisation mondiale de la santé, une personne sur quatre sera touchée de troubles psychiques à un moment de sa vie d'ici à 2020. À regarder notre entourage, ce sujet de santé publique est un sujet majeur.
Pourtant, cette question n'est pas nouvelle : elle remonte au XVII e siècle, avec l'apparition de la médecine de l'âme. Comme les questions d'aujourd'hui mettent en avant les femmes, permettez-moi de citer Madeleine Pelletier qui, en 1906, a été la première femme psychiatre. Cette féministe militante absolument convaincue disait qu'une femme doit être un individu avant d'être un sexe.
Au-delà de cette référence, je veux dire que Mme Buzyn, qui est retenue à l'Assemblée nationale, a souhaité faire de la question des troubles psychiques l'un des combats majeurs de notre organisation nationale de santé. Elle assurera personnellement la présidence de l'instance nationale, le comité stratégique de psychiatrie et de santé mentale. Elle souhaite, au nom du Gouvernement, apporter une réponse en deux temps, avec douze mesures d'urgence et des mesures de plus long terme.
Pour ce faire, il faut évidemment mobiliser tous les acteurs concernés, la formation, la recherche, notamment pour renforcer le repérage le plus précoce possible des pathologies. C'est ainsi, par la prévention, que l'on évitera de se retrouver dans les situations que vous avez évoquées et que je ne nie pas.
Il faut aller plus loin ; la psychiatrie est inscrite comme l'une des thématiques prioritaires du programme hospitalier de recherche clinique pour 2018. Il est évident que la recherche française doit être accompagnée, afin de continuer à progresser sur ce sujet. En même temps, il faut que nous trouvions des réponses territorialement adaptées pour accompagner et préserver l'autonomie de ceux qui sont à leur domicile.
Cet ensemble de mesures doit nous permettre de mieux prendre en compte cette réalité, une réalité du quotidien pour beaucoup d'entre nous. (MM. Martin Lévrier et André Gattolin applaudissent.)
Mme la présidente . La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique, en vingt-deux secondes.
Mme Florence Lassarade . Monsieur le secrétaire d'État, le plan de mesures d'urgence en faveur de la psychiatrie doit être accompagné d'une ambition jupitérienne (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) au niveau des moyens matériels et humains. À défaut d'une véritable volonté politique, la situation risque encore de s'aggraver. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Nadia Sollogoub et Anne-Catherine Loisier applaudissent également.)
AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
Mme la présidente . La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Le Gleut . Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des affaires européennes.
Le rayonnement de la France dans le monde passe par nos écoles, nos collèges, nos lycées français à l'étranger. Or votre gouvernement procède à des coupes claires et d'une violence inouïe à l'encontre de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui concerne 495 établissements scolaires répartis dans 137 pays et scolarise 342 000 élèves dans le monde.
En effet, en coupant de 33 millions d'euros, c'est-à-dire 10 % du budget de l'Agence, brutalement, sans concertation, sans méthode, vous fragilisez, vous mettez en danger l'avenir de nos écoles françaises à l'étranger, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, vous supprimez 512 postes sur trois ans, dont 180 dès la rentrée. Or il est très compliqué de recruter un enseignant de sciences physiques de terminale S parfaitement francophone à l'autre bout du monde.
Deuxièmement, vous augmentez de 6 % à 9 % les remontées de frais de scolarité vers Paris, ce qui va entraîner des déconventionnements.
Troisièmement, enfin, les frais de scolarité sont déjà extrêmement élevés : ils sont compris entre 5 000 et 10 000 euros par an en moyenne et par enfant. Vous faites courir le risque que ces frais augmentent encore à la rentrée.
Aussi, ma question est simple : votre politique consiste-t-elle à démanteler le réseau des écoles françaises à l'étranger ou bien allez-vous changer de politique et faire ce qu'il conviendrait de faire, c'est-à-dire vous battre pour nos écoles et nos lycées français à l'étranger, qui sont le fer de lance de la francophonie, qui incarnent la voix de la France dans le monde (Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit.) et qui, d'une certaine manière, à l'image de ce que disait le général de Gaulle, incarnent « une certaine idée de la France » ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. - Mme Nelly Tocqueville applaudit également.)
Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Le Gleut, le réseau de l'AEFE est exceptionnel, avec 350 000 élèves scolarisés à travers le monde dans 492 établissements. Il assure deux missions : une mission de service public pour les enfants de nos compatriotes installés à l'étranger et une mission d'influence puisque deux tiers des enfants qui y sont scolarisés sont étrangers.
En termes budgétaires, c'est la première priorité (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.) de notre diplomatie d'influence, avec 60 % du programme 185, et cela va le demeurer.
M. François Grosdidier . Vous faites le contraire !
Mme Nathalie Loiseau, ministre . Oui, en 2017, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a fortement contribué aux annulations de crédits rendues nécessaires par l'état de nos finances publiques. Au total, 282 millions d'euros ont été annulés, dont 33 millions d'euros, c'est vrai, ont porté sur l'AEFE. Dans ce contexte, j'entends comme vous les inquiétudes exprimées, mais je voudrais vous rassurer.
Je rappelle d'abord l'engagement du Président de la République, qui a salué devant l'Assemblée des Français de l'étranger (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) le travail de l'AEFE et de ses personnels. Il a confirmé que ses crédits seraient préservés en 2018 et en 2019. J'ajoute qu'une dotation exceptionnelle de 14 millions d'euros a été ajoutée pour des questions de sécurité. (M. Ladislas Poniatowski s'exclame.)
J'indique également que le Président de la République a demandé au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de lui présenter, en lien avec le ministre de l'éducation nationale, des propositions à l'été pour réformer l'Agence. La situation budgétaire de celle-ci l'exige, afin de pouvoir consolider le modèle des lycées français à l'étranger, auquel nous sommes profondément attachés.
M. François Grosdidier . Les moyens d'abord !
Mme Nathalie Loiseau, ministre . Cette stabilité budgétaire doit permettre de conforter l'AEFE dans la durée, sur la base d'une stratégie à la hauteur des deux grands défis que rencontre notre réseau : poursuivre sa mission de scolarisation des élèves français, d'une part, et contribuer à notre influence...
Mme la présidente . Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Nathalie Loiseau, ministre . ... au travers de la promotion de notre modèle éducatif partout dans le monde, d'autre part. (MM. Martin Lévrier et Abdallah Hassani applaudissent.)
Mme la présidente . La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique, en onze secondes.
M. Ronan Le Gleut . Madame la ministre, il y a les paroles et il y a les actes : quand on retire 33 millions d'euros à l'Agence, 10 % de son budget, on ne défend pas l'enseignement français à l'étranger. Mettez en conformité vos actes avec vos paroles ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées du groupe Union Centriste.)
SITUATION À MAYOTTE
Mme la présidente . La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi . Monsieur le Premier ministre, voilà plus de trois semaines que la population de Mayotte, lasse des violences au quotidien, manifeste contre l'insécurité, bloque les routes. Les fonctionnaires et les transporteurs exercent leur droit de retrait. Les services municipaux et départementaux sont fermés, en solidarité.
La journée d'hier a été marquée par une forte mobilisation populaire.
Il ne s'agit pas seulement des caillassages dont sont victimes les lycéens, des agressions sur les routes, dans les villages et les maisons, ni de l'insuffisance de la réponse pénale.
Les violences, c'est aussi l'embolie du système éducatif ; ce sont, dans un contexte de forte pression migratoire, les difficultés considérables d'accès aux soins, le manque de logements décents, la faiblesse des infrastructures, l'absence des services et de l'encadrement qui existent partout ailleurs en France.
La maternité de Mamoudzou est celle qui enregistre le plus de naissances en France. Quel avenir les parents qui ont défilé en si grand nombre hier peuvent-ils offrir à leurs enfants sur un territoire où la moitié de la population a moins de dix-huit ans ?
Des premières mesures ont été annoncées, dont le renforcement des forces de l'ordre, la création d'une brigade de prévention de la délinquance juvénile et un plan de sécurisation des établissements et des transports scolaires.
Madame la ministre des outre-mer a affirmé avec justesse que la seule réponse sécuritaire ne suffisait plus et propose la tenue d'une conférence pour l'avenir de Mayotte, après les résultats des assises. Vous comprendrez bien que la population ne puisse pas attendre jusque-là, car les besoins sont connus et appellent des mesures urgentes, globales et concrètes.
Tiendrez-vous compte des propositions adressées au Président de la République par l'ensemble des forces vives du département, qui appellent unanimement à un plan de développement ambitieux ?
Monsieur le Premier ministre, le groupe La République En Marche et les sénateurs mahorais, en cette journée particulière où, dans mon département, on se souvient de la lutte des chatouilleuses pour le choix de la France, vous le demandent solennellement : que répondez-vous à ceux qui pensent que la République a abandonné Mayotte ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, les Mahorais font entendre leur colère : ils sont inquiets pour leur sécurité, en premier lieu pour celle de leurs enfants, pour la sécurité dans les écoles.
Ils attendent des réponses. La première consiste évidemment à sécuriser les écoles, dès la rentrée de lundi prochain.
Toutes les dispositions ont été prises pour qu'aucun élève, aucun enseignant ni aucun agent travaillant dans les établissements ne soit menacé : trois escadrons de gendarmerie mobile sont en cours de déploiement sur l'île, ainsi que des agents de sécurité et des médiateurs de l'éducation nationale ; des forces supplémentaires arriveront mardi. Avec Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, nous avons prévu une mobilisation totale des forces de l'ordre.
Cela n'est toutefois pas suffisant - vous avez raison. Il faut aller plus loin, car nos compatriotes attendent des réponses à la fois urgentes et rapides en matière de sécurité, mais aussi de lutte contre l'immigration clandestine, de santé, de logement et de transport.
Des réponses rapides et urgentes, monsieur le sénateur, à des problèmes qui ne sont pas récents. Je me suis procuré les chiffres, que j'ignorais, de l'explosion démographique que connaît Mayotte. Probablement trop méconnus, ils soulignent très clairement la difficulté considérable que nous avons à être à la hauteur de ces enjeux.
Ces chiffres, monsieur le sénateur, vous les connaissez bien, mais permettez-moi d'en mentionner quelques-uns pour l'ensemble de la représentation nationale : en 1918, voilà un siècle, Mayotte comptait un peu moins de 15 000 habitants ; en 1958, à l'avènement de la V e République, l'île en comptait légèrement plus de 67 000 ; en 2002, 160 000, en 2007, 186 000 et en 2012, 212 000 ; en 2017, il y avait 254 000 habitants à Mayotte.
La vérité, monsieur le sénateur, vous la connaissez parfaitement, pour la vivre : l'explosion démographique à Mayotte, sous l'effet à la fois de l'augmentation du solde naturel et de l'immigration clandestine, est absolument considérable et tout à fait sans équivalent. En termes d'équipements publics, elle impose un effort véritablement inouï.
Je ne veux pas dire, monsieur le sénateur, que rien ne pourrait être fait ; simplement, je crois utile de rappeler que le mécontentement qui s'exprime aujourd'hui, et qui doit être entendu, parce qu'il est légitime, ne naît pas d'une situation récente, mais de la construction d'une situation qui donne le sentiment de ne plus être maîtrisable.
Comment nous proposons-nous d'y apporter des réponses ? En travaillant avec les élus sur l'organisation institutionnelle et l'organisation des politiques publiques qui permettent de définir des solutions.
Nous voyons bien la question, que vous avez mentionnée, de la maternité, qui enregistre plus de 10 000 naissances par an, soit deux fois plus que la plus grande maternité parisienne. Comment traiter cette question ? Doit-on s'autoriser à travailler sur un nouveau statut de cette maternité ? Réfléchir aux transformations qu'il faudrait opérer en matière de droit et d'accès à la nationalité à cet endroit ?
M. Christian Cambon . Voilà !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je mets tout sur la table, monsieur le sénateur, mais je veux dire que les appels au « décasage », non plus que les barrières ou les barrages qui seraient installés sur les routes, n'apporteront rien aux habitants de Mayotte (M. Guillaume Arnell s'exclame.) : ils ne permettront rien !
Notre objectif est de travailler avec les élus, et Mme la ministre des outre-mer se rendra sur place pour installer la conférence que nous voulons lancer avec eux. Il nous faudra formuler des propositions en assumant les difficultés spécifiques auxquelles est confronté ce cent unième département français.
Pour terminer, monsieur le sénateur, je voudrais dire un mot en réponse aux élus, aux maires, que j'ai entendus exprimer leur intention de ne pas participer à l'organisation des élections législatives, dont la date a été fixée. Je ne crois pas une seconde que des maires, des élus de la République, puissent entrer dans un jeu consistant à ne pas participer à l'organisation d'un scrutin national. L'État prendra toutes ses responsabilités, car il n'est pas envisageable que des élections législatives ne se tiennent pas à la date prévue ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe Union Centriste. - M. Robert del Picchia applaudit également.)
Mme la présidente . Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 13 mars, à seize heures quarante-cinq ; elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat, ainsi que sur Facebook .
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
Échange de vues sur l'organisation de la rencontre du 8 mars 2018 avec des élues (extrait du compte rendu de la réunion)
Annick Billon, présidente . - Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous informer qu'à la suite de la démission de notre collègue Christine Herzog, Claudine Kauffmann, que je salue, est membre de la délégation depuis le 30 janvier. Je souhaite donc à notre nouvelle collègue la bienvenue à la délégation aux droits des femmes.
Il m'a paru nécessaire de nous réunir pour faire le point sur notre événement du 8 mars.
Un rappel, tout d'abord : comme je l'ai indiqué en ouvrant deux précédentes réunions, nous aurions dû aujourd'hui auditionner Sophie Cluzel, secrétaire d'État aux personnes handicapées, dans le cadre de notre projet de rapport sur les femmes handicapées victimes de violences, « angle mort » de la politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes.
J'ai pris l'initiative de reporter cette audition, ainsi que l'élaboration de ce rapport, en raison du décès, le 25 décembre 2017, de Maudy Piot, présidente et fondatrice de l'association de référence, Femmes pour le dire, femmes pour agir . J'ai transmis les condoléances de la délégation à l'association et je vous propose de reporter notre travail sur les femmes handicapées victimes de violences jusqu'à ce que cette association se soit adaptée au contexte issu du décès de sa fondatrice, universellement regrettée.
Peut-être pourrions-nous à l'occasion du 25 novembre 2018, consacrer une table ronde à ce sujet des violences faites aux femmes handicapées. Notre rapport s'inspirerait principalement de cette table ronde. Nous en reparlerons le moment venu.
Françoise Laborde . - J'approuve tout à fait ce projet.
Martin Lévrier . - J'y suis très favorable également.
Laurence Rossignol . - S'agissant de cette table ronde, il faut constater que peu d'associations se sont approprié le problème des violences faites aux femmes en situation de handicap. Peut-être faudrait-il y convier non seulement des associations spécialisées dans la défense des droits des femmes, mais aussi des associations représentant les personnes en situation de handicap, pour les inciter à prendre en charge ce sujet et faire en sorte que celui-ci ne soit plus « isolé ».
Françoise Laborde . - Nous savons combien la situation actuelle dans les EHPAD est difficile. Or le vieillissement, c'est aussi le vieillissement en situation de handicap. Le 25 novembre, nous aurons probablement du recul par rapport à la crise actuelle des EHPAD et nous pourrons peut-être élargir notre table ronde à cette problématique.
Annick Billon, présidente . - Je prends note de cette suggestion, chère collègue.
J'en viens à la matinée du 8 mars. Tous les ans, notre délégation organise un événement à l'occasion du 8 mars. Il est important que les membres de la délégation qui ne nous ont pas encore adressé leur liste d'invitées le fassent très rapidement, pour la bonne organisation de cette manifestation. J'attire l'attention de nos nouveaux collègues sur le fait que, pour nos invitées des territoires, c'est le moyen de découvrir le Sénat non pas avec une visite classique (encore que ce soit toujours très apprécié aussi), mais avec un échange de fond qui nous permet de faire rayonner notre travail. C'est unique ! Nos invitées en gardent un très bon souvenir.
Maryvonne Blondin . - En effet ! Par exemple, les agricultrices que nous avons invitées l'an dernier à participer au colloque de la délégation ont nourri leurs réseaux des rencontres qu'elles ont faites au Sénat, elles s'y réfèrent à nos travaux. J'en ai encore eu très récemment un écho lors des voeux de la Chambre d'agriculture et de la Chambre des métiers de mon département : notre colloque et notre rapport d'information sur les agricultrices y ont été rappelés. C'est très gratifiant.
Annick Billon, présidente . - C'est tout à fait vrai, j'ai fait le même constat en Vendée. Les agricultrices de ce département, que nous avons rencontrées lors de la préparation de ce rapport, se le sont approprié. C'est bon signe !
Laurence Rossignol . - Avant mon élection, en septembre 2017, j'ai souhaité créer un réseau de femmes élues, tous courants politiques confondus. C'est pourquoi la participation de Julia Mouzon à notre rencontre du 8 mars me semble importante. Sa structure, elle aussi, est apolitique. Une journée comme celle du 8 mars nous permettra de créer des synergies entre les projets que nous menons aux niveaux local et national.
Annick Billon, présidente . - En fonction du contexte local, cela peut être plus ou moins bien reçu. Ce type d'initiative a tout à gagner à être soutenu par les hommes...
Max Brisson . - C'est certain !
Martin Lévrier . - Bien sûr !
Annick Billon, présidente . - Vous avez dans vos dossiers le projet de programme que je vous soumets. Nous pouvons nous réjouir que notre président, Gérard Larcher, ait bien voulu inscrire à son agenda l'ouverture de cette manifestation (la photo de nos invitées avec le président du Sénat est toujours un moment important), que l'historienne Michelle Perrot ait accepté d'intervenir et que Julia Mouzon vienne nous présenter le réseau Élueslocales.fr dont elle est la fondatrice.
Céline Boulay-Espéronnier . - Je trouve ce programme très intéressant !
Annick Billon, présidente . - Nous devons discuter entre nous ce matin des deux thématiques qui rythmeront cette matinée. Environ une heure d'échanges pourra être consacrée à chacune.
Que penseriez-vous de commencer par un échange sur les besoin en formation des élues ? Je constate que ce sujet suscite de l'intérêt... J'ai l'impression que nous pouvons considérer qu'il est adopté.
S'agissant de la seconde séquence, Laurence Rossignol, que je remercie pour cette initiative, avait suggéré de débattre de la mise en oeuvre, dans les territoires, des politiques d'égalité par les femmes élues. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous d'autres propositions ?
Céline Boulay-Espéronnier . - Quels seraient concrètement les sujets à aborder ?
Laurence Rossignol . - L'article 61 de la loi du 4 août 2014 oblige les collectivités à élaborer chaque année un rapport spécifique sur la situation en matière d'égalité au sein de la collectivité, les politiques d'égalité entre femmes et hommes qu'elles mettent en oeuvre et les orientations susceptibles d'améliorer le bilan.
C'est un outil d'évaluation très intéressant, à condition que les élus en perçoivent l'intérêt. Le Président de la République a d'ailleurs annoncé que cette exigence allait être étendue aux politiques conduites par l'État. Ce sujet rejoint aussi la problématique de la parité. Nous savons qu'elle se pose en termes particuliers dans les intercommunalités ainsi que dans les syndicats intercommunaux. Les bureaux de ces structures sont édifiants : les femmes ont disparu !
Maryvonne Blondin . - Dans mon département du Finistère, ce n'est pas le cas...
Laurence Rossignol . - La Bretagne nous montre souvent la voie !
Frédérique Puissat . - Nous pourrions peut-être nous interroger, lors de cet échange, sur ce que nous a apporté le fait d'avoir des assemblées paritaires. C'est le cas maintenant dans les assemblées départementales : qu'est-ce qui y a changé du fait de la parité ? Des combats ont été gagnés : quelles ont été les suites ?
Annick Billon, présidente . - C'est très intéressant : je suis d'accord pour que nous intégrions cette interrogation à nos débats. Du reste, j'ai invité au Sénat, le 8 mars, des conseillères départementales. Elles pourront apporter leur témoignage : l'idée est que la salle puisse réagir.
Frédérique Puissat . - Pour ma part, dans le département de l'Isère, j'ai vraiment vu l'assemblée changer. Cette parité m'a apporté un éclairage nouveau.
Max Brisson . - En tant qu'élu départemental chevronné, je confirme.
Marie-Pierre Monier . - Dans mon intercommunalité, il y a quinze vice-présidents pour deux vice-présidentes. Dans les intercommunalités, le fait d'être maire conditionne l'accès aux responsabilités. Les femmes doivent donc devenir maires, il faut les motiver : c'est la clé de tout.
Max Brisson . - Dans mon territoire, dix intercommunalités ont fusionné et avec elles les exécutifs : seules deux femmes restent vice-présidentes sur 26. Les vice-présidentes des anciennes structures n'ont pas été retenues dans les nouveaux exécutifs.
Annick Billon, présidente . - Cela me paraît important que nous consacrions un moment de la seconde table ronde à entendre un témoignage sur la question de la parité dans les assemblées départementales, qui pourrait être intitulé : « La parité dans les assemblées départementales : quels changements ? ».
Laurence Rossignol . - En effet, c'est un sujet très important. Nous devons lui consacrer un temps de notre matinée.
Annick Billon, présidente . - Venons-en maintenant au « déroulé » de ces deux séquences. Ce serait intéressant de faire introduire chacune d'elles par deux membres de la délégation qui représenteraient la majorité et l'opposition, suivant les usages de notre assemblée, en associant une nouvelle sénatrice et une collègue plus « chevronnée ». Nous devons également associer nos collègues hommes, que je remercie d'être présents ce matin.
Pour garantir des échanges dynamiques, chaque intervention serait calibrée comme une question au Gouvernement (2 mn/2mn30).
Qu'en pensez-vous ? Marta de Cidrac me semble indiquée pour intervenir lors de la première table ronde : elle a du reste mis en place, dans les Yvelines, une association d'élues liée au réseau créé par Julia Mouzon. Cela paraît donc cohérent qu'elle intervienne à cette occasion. Si vous êtes d'accord pour valider cette candidature, il conviendra que nos collègues des groupes d'opposition m'indiquent par la suite qui ils désignent pour prendre la parole en binôme avec Marta de Cidrac.
Pour la seconde thématique, proposée par Laurence Rossignol, ce serait intéressant qu'elle intervienne pour la lancer, avant le témoignage concernant les assemblées départementales, qui pourrait être fait par notre collègue Frédérique Puissat. Qu'en pensez-vous ?
Françoise Laborde . - Cela me convient très bien.
Annick Billon, présidente . - J'ai donc l'impression que nous sommes d'accord. Peut-être un de nos collègues masculin pourrait-il intervenir après la seconde thématique pour en faire la synthèse ?
Max Brisson . - Cela m'intéresse !
Annick Billon, présidente . - C'est une excellente chose et je vous en remercie, cher collègue. Et pour vous donner la réplique ? Pour ma part, donner la parole à une élue des outre-mer me paraîtrait plus que pertinent ! Pour constituer un binôme majorité-opposition avec Max Brisson, Victoire Jasmin me paraît l'intervenante idéale. Je vois que tout le monde opine...
* 29 Le compte rendu intégral de cette séance a été publié au Journal officiel du mercredi 9 mars 2016.