Première thématique : La formation des élues : quels besoins ?
Introduction par Marta de Cidrac, sénatrice des Yvelines, groupe Les Républicains et Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne, groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste
Marta de Cidrac . - Merci, madame la présidente. Chers collègues, merci à toutes et à tous d'être présents parmi nous. Je vais improviser mon intervention en tenant compte du temps de parole qui m'est imparti.
Je commencerai par un petit mot introductif pour expliquer comment, en tant qu'élue, je me suis retrouvée sénatrice il y a quelques mois. Je siège dans l'une des chambres du pouvoir de notre belle démocratie un peu par hasard. En tant que femme, beaucoup de questions se sont posées à moi. Architecte de métier, j'avais installé mon agence à Saint-Germain-en-Laye. Je menais ma vie de façon indépendante et j'avais initié un projet qui me tenait beaucoup à coeur dans ma ville. Le maire de l'époque, Emmanuel Lamy, qui nous a quittés récemment, m'avait proposé de rejoindre son équipe. J'espère qu'il l'a fait parce qu'il me trouvait brillante et estimait que j'allais apporter beaucoup de choses à cette équipe, mais, quand nous sommes femmes, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander si la parité ne nous a pas aidées à être là où nous sommes, pour certaines d'entre nous. Je reviendrai sur ce point, car des questions demeurent concernant la parité. Mesdames, ne vous excusez jamais d'être là parce que cette loi vous l'aurait permis. Au contraire, grâce à la parité, certains de nos talents se sont révélés. Il ne faut jamais douter de cela !
Je voulais également reprendre une question posée par Michelle Perrot : au fond, que pensent les femmes d'elles-mêmes ? Cette question est importante, surtout en politique. Nous sommes ainsi toujours confrontées à la façon dont nous sommes perçues, dont nous nous exprimons en public. Nous nous posons beaucoup trop de questions et nous nous sommes toutes un jour retrouvées face à ce « syndrome de l'imposture », qui touche celles qui ont l'ambition d'occuper l'espace public et d'être des femmes publiques. Oui, nous sommes des femmes publiques, mais sans connotation négative !
Madame Perrot, vous avez évoqué les combats et les divergences relatifs au féminisme, qui peuvent parfois être clivants, les femmes choisissant de se positionner différemment selon qu'elles sont de gauche ou de droite. Je pense quant à moi que tous les féminismes sont bons à prendre aujourd'hui. Il faut simplement choisir le sien.
Je suis féministe, même si je ne me reconnais pas dans tous les féminismes. Certaines actions féministes me parlent plus que d'autres, certaines ne m'inspirent pas, mais je suis féministe, car je crois que nous avons toutes quelque chose à apporter, avec nos sensibilités personnelles et non parce que notre point de vue serait spécifique, en raison de notre féminité.
Je n'ai pas choisi d'être née fille. J'ai ma propre sensibilité, ma propre approche des sujets et je ne sais pas si je prends telle décision parce que je suis femme. Je sais cependant qu'être femme m'a construite d'une façon qui fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Je l'assume d'ailleurs très bien et j'avais envie de partager cela avec vous.
Le dernier point que je vous dirai avec tout mon coeur, c'est d'oser, mesdames ! N'ayez pas peur d'avoir envie ni d'avoir de l'ambition, de vous tromper ni de gaffer. Je sais que beaucoup de nos collègues hommes partagent ces convictions, même s'ils ne sont pas très nombreux parmi nous ce matin. Il faut oser être ce que nous sommes. Il faut oser affirmer ses convictions ! Je souhaite que nous portions cette conviction collectivement.
Madame la présidente, vous avez parlé de l'intérêt des réseaux. J'ai découvert Élueslocales.fr et je remercie ce réseau d'être présent parmi nous ce matin, et notamment Julia Mouzon. Lorsque j'ai été élue pour la première fois, j'ai été très heureuse de connaître cette communauté et cet environnement, qui peuvent parfois nous permettre de sortir de notre coquille.
Je vous ai parlé très simplement et n'avais pas particulièrement préparé cette intervention, mais je tenais à partager avec vous certaines idées.
(Applaudissements.)
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - C'était parfait, chère Marta de Cidrac. Tous les partis politiques sont représentés au sein de la délégation aux droits des femmes. Nous attachons donc beaucoup d'importance au débat d'idées. La discussion est en effet toujours plus enrichissante lorsque tout le monde n'est pas d'accord. Je vous rejoins donc sur ce sujet.
Pour donner la réplique à Marta de Cidrac, je laisse à présent la parole à Laurence Cohen, élue du Val-de-Marne et sénatrice depuis 2011. Laurence est très investie dans la délégation aux droits des femmes.
Laurence Cohen . - Merci, madame la présidente.
Bonjour à toutes et à tous.
Je suis sénatrice du Val-de-Marne et j'appartiens au groupe Communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE). Comme les oratrices précédentes l'ont montré, être une femme en politique demeure un défi à relever en 2018. Mon parcours est un parcours de femme politique, que je revendique et que j'assume, avec des convictions et des valeurs que je porte.
La délégation aux droits des femmes se caractérise par notre volonté commune, quelles que soient nos familles politiques, de porter très fort l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines. Nous pouvons nous affronter sur certains sujets, mais pas sur celui-ci. C'est ce qui nous fait avancer.
J'ai été élue conseillère régionale d'Ile-de-France, pour deux mandats consécutifs, de 2004 à 2015. Cette expérience s'est avérée très riche, car, grâce à la loi sur la parité, j'étais dans une assemblée paritaire, ce qui change réellement la donne. Le groupe communiste auquel j'appartiens m'avait demandé de prendre en charge le domaine des transports, champ traditionnellement très masculin. J'étais d'autant moins à l'aise dans ce domaine que je suis orthophoniste et que je suis donc plus intéressée par les questions de santé. Il m'a donc été demandé d'intervenir dans un domaine qui n'était pas le mien, qui était très masculin et très technique. Je me suis demandé ce que je faisais là et quel était mon rôle dans cette instance. Puis je me suis dit que la technicité ne m'importait pas car je n'étais pas technicienne, et qu'en tant que femme politique, je devais défendre l'intérêt des populations et m'attacher à améliorer les transports de proximité. Cette perception a changé la donne et m'a permis de faire avancer les problématiques, car dans le domaine des transports publics et du quotidien, il y a bien une expertise des femmes. Il est donc très important de les écouter pour faire évoluer les choses.
Je tenais à vous dire qu'il est nécessaire que nous nous emparions de tous les sujets, sans nous cantonner à ceux qui sont réputés « féminins » comme l'éducation, la santé, etc. Les finances locales, les transports, demeurent quant à eux des domaines masculins. En tant qu'élues, aux niveaux local, régional, départemental ou national, combien de tribunes exclusivement masculines avons-nous lues sur ces sujets ? Au Sénat, lorsque les sujets considérés comme les plus importants sont débattus, en général, aucune femme n'est présente. Il faut donc que nous investissions tous ces champs, car aucun sujet n'est réservé à l'un ou à l'autre sexe.
En outre, nous évoluons dans une société patriarcale, qui fait pression tous les jours, notamment dans le champ politique. Les partis, les syndicats et le monde politique ont été construits par des hommes et pour des hommes. En tant qu'orthophoniste, je suis très attachée au langage. Ne nous laissons pas berner ni flouer par ce langage ! Je ne suis pas sénateur, mais sénatrice et je le revendique. La fonction se caractérise en effet par celle ou celui qui l'incarne. Je vous invite à lire l'ouvrage d'Éliane Viennot Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Sur la couverture de tous les rapports du Sénat, vous constaterez que le terme de « sénateurs » sera toujours celui qui figurera, même si plusieurs sénatrices et un seul sénateur ont participé à leur rédaction. Je porte aussi cette bataille avec la délégation, pour faire changer les choses. L'écriture inclusive est un faux débat. Il faut féminiser les termes, car il s'agit d'une partie de la visibilité du combat que nous portons.
Ce combat est un combat de conviction, pour faire progresser nos droits en réunissant les mouvements syndicaux et politiques, pour faire bouger les choses au quotidien et dans les institutions. Chaque fois que les femmes ont gagné des droits, elles y sont parvenues en conjuguant les mouvements de lutte dans la rue et l'adoption de lois progressistes. Il faut ainsi parfois savoir bousculer les choses. En 1925, le parti communiste a présenté des femmes aux élections alors qu'elles n'avaient pas le droit de vote. Évidemment, ces candidatures ont été défaites par les préfets, mais il s'agissait d'une façon de montrer que les femmes avaient leur place dans le champ politique. Nous devons donc mener des actions de ce type, pour bousculer les mentalités.
En 2018, nous devons encore nous battre pour le droit à l'interruption volontaire de grossesse, en France comme dans d'autres pays. En 2018, des mouvements dénoncent les violences faites aux femmes. Nous avons beaucoup à faire pour accompagner ces femmes qui sont victimes.
Après avoir partagé ces éléments avec vous dans cette Haute Assemblée, nous les partagerons dans la rue cet après-midi, puisque nous serons toutes et tous présents, je l'espère, à la manifestation nationale, à 17h30, à République, pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Merci, chère collègue. Comme vous l'avez vu, le Sénat accueille des groupes politiques et des personnalités divers. Cette diversité se reflète au sein de la délégation. Par exemple, l'écriture inclusive fait débat entre nous, quelles que soient nos appartenances politiques. Nous avons eu déjà de nombreuses discussions à ce sujet.
Il est temps de donner la parole à nos invités et d'échanger avec les sénatrices et les sénateurs.
Échanges avec la salle
Patricia Tordjman, maire de Gentilly (Val-de-Marne). - Je voudrais féliciter toutes les personnes qui sont intervenues ce matin. C'est ce qui fait la différence d'un débat organisé par des femmes : c'est un débat passionnant. J'allais dire que les femmes ont cette vertu de ne pas être dogmatiques, donc il ne faut pas que je le sois moi-même...
Je suis maire de la ville de Gentilly dont, sur cinq générations de maires, trois ont été des femmes. La première d'entre elles était Hélène Edeline 25 ( * ) , sénatrice bien connue.
J'aurai une réflexion sur la question de la représentativité des femmes dans la vie politique. L'actualité institutionnelle connaît des évolutions qui mettent à mal, après la loi sur la parité, la place des femmes. À concentrer l'ensemble des pouvoirs au niveau métropolitain, nous constatons que nous sommes toujours moins nombreuses au niveau supérieur des décisions, alors que celles-ci concernent la population dans la proximité. Je pense qu'il va falloir faire attention à ce que les victoires que nous avons gagnées par la parité - dans les conseils municipaux, par exemple - se retrouvent dans toutes les institutions créées au-delà. J'ai une expérience d'élue depuis trente-cinq ans, mais je constate que, dans nombre de réunions, je me retrouve seule avec uniquement des hommes. Au bout du compte, si la diversité politique est réduite, la diversité sexuelle l'est aussi.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Votre commentaire n'appelle pas forcément de réponse. Il est vrai que, suite à la loi NOTRe 26 ( * ) et aux regroupements des intercommunalités et des communes, les postes à responsabilité ont été rebattus, ce qui pose la question de la représentativité des femmes à ces postes. Il faudra donc réfléchir sur ce sujet, même si les collectivités souhaitent à présent davantage de stabilité, après bouleversements induits par la loi NOTRe. Votre remarque est donc tout à fait juste, madame la maire.
Nadine Alayrac, réseau Élueslocales.fr28 (Eure ). - Nous constatons en effet que le nombre de femmes chute fortement dans les intercommunalités. Il nous est parfois difficile d'être représentées dans les communes rurales, mais encore davantage au sein d'une intercommunalité. Dans cette représentativité, il faudra encore une parité. Même si, à vingt ans, j'étais totalement contre les quotas, il me semble avec le temps qu'il s'agit d'un très bon levier, qui permet d'avancer et de prouver que nous sommes aussi compétentes que les hommes. Nous sommes en effet souvent obligées de travailler et de nous former deux fois plus que les hommes pour prouver nos compétences. L'intercommunalité est un nouveau débat, qui est essentiel.
Annick Billon, présidente de la délégation aux Droits des femmes . - Vous avez totalement raison d'insister sur cette question, dans la mesure où les intercommunalités montent aujourd'hui en compétence au détriment des communes. De ce fait, nombre de sujets importants pour la vie locale se traitent dans les intercommunalités, qu'il s'agisse de communautés de communes ou de communautés d'agglomérations.
Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne . - De façon sous-jacente, nous constatons qu'en l'absence de loi sur la parité, il n'y a pas d'égalité de traitement ni de parité entre les femmes et les hommes. C'est pourquoi nous devrons faire en sorte, nous, parlementaires, d'imposer cette égalité à ces structures de regroupement, qu'il s'agisse d'intercommunalités ou de métropoles.
Michèle Loup, ancienne conseillère régionale d'Ile-de-France, présidente d'honneur de l'association Élues contre les violences faites aux femmes ( ECVF ). - J'ai été élue grâce à la loi sur la parité, de 2004 à 2010, au conseil régional d'Ile-de-France. Je suis fière des réalisations que j'ai pu y accomplir grâce à cette loi. Je suis également ravie de constater l'existence de l'association Élueslocales.fr . Je tenais en outre à indiquer que l'association Élues contre les violences faites aux femmes , créée en 2003, regroupe des femmes politiques de tous les partis.
Par ailleurs, en 2009, a été créé le centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l'égalité femmes-hommes. Vous pouvez vous y rendre, que vous soyez originaire d'Ile-de-France ou non, car il recèle une mine d'informations.
Claire Chagnaud-Forain, conseillère départementale des Yvelines et ajointe au maire de Versailles . - Nous sommes à deux ans des élections municipales et réfléchissons tous à la façon d'attirer de nouvelles femmes en politique. Je souhaiterais attirer celles auxquelles on ne pense pas toujours, qui n'imaginent même pas jouer un rôle politique au niveau local. Je suis demandeuse d'idées à partager sur ce thème, auquel nous avions déjà réfléchi lors de l'une des premières éditions de Femmes et pouvoir . Comment convaincre de jeunes femmes, issues de tous les milieux et de toutes les conditions sociales, de s'engager en politique et de dégager du temps pour ce faire ?
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Au travers de cette question, vous faites plus généralement référence au statut de l'élu. Ce sujet est valable pour les hommes comme pour les femmes. Une réflexion est engagée à ce propos au Sénat, mais aujourd'hui, en France, il est très difficile de conjuguer vie familiale, vie professionnelle et vie d'élu. La révision du statut de l'élu sera la première réponse que nous pourrons vous apporter.
Jacqueline Panis, ancienne sénatrice de Meurthe-et-Moselle . - Madame la présidente, je tenais tout d'abord à vous féliciter pour la qualité des travaux qui nous sont soumis, comme le prouve l'assistance nombreuse ce matin au Sénat.
J'ai apprécié l'expression « syndrome de l'imposture ». Nous constatons en effet qu'avant de s'engager, une femme se demande si elle en est capable. Un homme ne se pose pas cette question, mais se contente de foncer. Ne nous posons pas cette question et présentons-nous aux postes que nous envisageons, mais ne négligeons pas de suivre des formations, par exemple à la tenue de réunions techniques. Très souvent, les engagements locaux associatifs constituent des tremplins pour parvenir à d'autres engagements politiques.
Merci pour cette matinée. !
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - La formation existe dans les associations de maires, notamment, mais demeure souvent trop peu utilisée. Pour ma part, lorsque l'on m'a confié un poste à responsabilité dans une commune de Vendée, dans le domaine de l'urbanisme, j'ai largement profité de ces formations pour parvenir à comprendre de quoi il était question et pour être en mesure de prendre des décisions. Cette question nous renvoie cependant à celle du statut de l'élu. Il est en effet souvent complexe de suivre des formations de trois jours quand on travaille en parallèle.
Dominique Aguilar, maire de Tonnerre (Yonne) . - Bonjour mesdames et messieurs. Dans le cadre de notre Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), nous abordons la question des violences faites aux femmes. Seules 17 % des maires sont des femmes et, au sein des CLSPD, les comités relatifs aux violences faites aux femmes ont toute leur pertinence. Ces violences peuvent être liées à l'alcoolisme ou à d'autres sujets. Dans notre CLSPD, nous mettons des clés USB à disposition des femmes victimes de violence. Ces clés permettent aux femmes de quitter leur domicile soudainement, en disposant de toutes les coordonnées et de toutes les informations et documents administratifs nécessaires à leur relogement. Elles peuvent ainsi se réapproprier leur vie et engager des démarches plus simplement.
Marta de Cidrac, sénatrice des Yvelines . - Vous évoquez le sujet des outils que nous pourrions mettre en place en tant qu'élues, pour répondre à certaines difficultés comme les violences faites aux femmes. Outre les CLSPD, je tenais à évoquer un autre outil à disposition des élus. Il concerne les communes de plus de 20 000 habitants ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : il s'agit du rapport sur l'égalité, qui peut également être adapté dans des communes de taille plus restreinte. Ce rapport doit obligatoirement être voté en conseil municipal, avant le budget. Mais tous les élus ne semblent pas être au courant de l'existence de cet outil. À nous, élues locales, de nous en emparer, pour en faire un vecteur de promotion des femmes dans nos territoires, voire de l'adapter à nos environnements, pour sensibiliser également les agents de nos communes sur ces problématiques.
Florence Baillon, conseillère consulaire des Français en Équateur . - Je tenais tout d'abord à remercier la délégation d'avoir pensé à inviter les femmes élues de l'étranger, qui représentent nos compatriotes établis hors de France. J'ai été conviée par Claudine Lepage, sénatrice des Français de l'étranger. Je salue d'ailleurs Catherine Libeault, qui est conseillère consulaire aux Pays-Bas. C'est encore plus compliqué pour nous, parce que nous sommes très loin de nos partis, qui sont à Paris et ne pensent pas nécessairement à nous laisser une place. De plus, nos compatriotes françaises ou binationales sont confrontées à des problématiques supplémentaires, plus locales. Les ambassades ne sont quant à elles pas toujours sensibles à ces situations. À titre d'exemple, aucun dispositif de formation n'est prévu pour les fonctionnaires des ambassades lorsqu'ils reçoivent une personne victime de violences. Il est donc important de porter aussi la voix de ces Françaises de l'étranger.
J'ai été candidate aux élections législatives en tant que représentante des Français d'Amérique latine. Nous avons rencontré moult difficultés à trouver des candidates dans une circonscription comme la mienne, qui compte trente-trois pays. Lors de ma campagne, j'ai découvert en Argentine une association dénommée Marianne . Je viens d'ailleurs d'en créer la version équatorienne, sachant qu'il en existe également une version en Uruguay. Cette association regroupe des femmes francophones, Françaises de l'étranger ou locales ayant un lien particulier avec la France, toutes professionnellement actives et s'attachant à promouvoir les femmes en politique.
Je vous remettrai, madame la présidente, un document recensant les actions que nous menons dans cette association. Si cela vous intéresse, nous pourrions établir un lien entre les élues locales de France et de l'étranger.
Christine Rachet-Maka, élue municipale et référente du réseau Élueslocales dans l'Hérault . - Je suis élue municipale dans une commune de 5 000 habitants située au nord de Montpellier.
Je souhaite revenir sur la formation. Vous avez insisté sur la nécessité de se former, mais sur le terrain, dans les communes, nous constatons une méconnaissance totale de la possibilité de se former, quand ce n'est pas une inquiétude, voire un black-out complet, les maires craignant que, si leur élue se forme, ils soient dépassés. Nous avons donc besoin de leviers supplémentaires, qu'il s'agisse de communication ou de lois. Aujourd'hui, un pourcentage des indemnités des élus doit être consacré à la formation. Si ces sommes ne sont pas dépensées, elles sont reportées. Dès lors, si le maire fait barrage à la formation, il n'est pas possible de se former. Le droit individuel à la formation (DIF) est quant à lui censé permettre de contourner cet obstacle, mais il représente un nombre d'heures insuffisant. Pour avoir utilisé le DIF, je dirai que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) est totalement débordée par les demandes. Sans doute faudrait-il agir dans ce domaine également.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Il faut du temps pour se former. Nous constatons également un lourd déficit des élus quant à la connaissance des formations auxquelles ils ont droit. Si la majorité des maires et des présidents de conseils départementaux et régionaux proposait à leurs élus les formations auxquelles ils ont droit ou diffusaient cette information, la situation s'en trouverait améliorée. Dans certaines collectivités, les formations ne sont par exemple proposées qu'aux listes majoritaires.
Édith Varret, conseillère régionale des Hauts-de-France . - Régulièrement, des formations nous sont proposées. J'en suis d'ailleurs une actuellement.
Comment arriver à contourner les manoeuvres masculines, telles que celles qui ont encore eu lieu lors des dernières élections sénatoriales, lorsque seules 5,4 % des têtes de liste étaient des femmes ? Les listes d'hommes étaient en effet très nombreuses. Ces problèmes nous freinent grandement, parce que les hommes disposent des réseaux que nous n'avons pas.
Par ailleurs, lors de la présentation de Julia Mouzon, je n'ai pas entendu mentionner les Hauts-de-France. Cette région fait-elle partie du réseau Élueslocales.fr ?
Julia Mouzon, fondatrice du réseau Élueslocales.fr et des Journées nationales des femmes élues . - Merci beaucoup pour cette interpellation. Nos réseaux locaux se créent de façon très spontanée. Nous invitons toutes les élues qui souhaitent créer un réseau à se manifester auprès de nous.
Par ailleurs, nous sommes également très actives sur le sujet de la parité dans les intercommunalités. Nous travaillons ainsi avec l'association Elles aussi et en avons encore discuté hier soir avec la présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, Marie-Pierre Rixain, qui veut aussi se mobiliser sur ces sujets. Donc, n'hésitez pas à venir nous voir sur cette thématique, très importante pour les femmes en politique.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Aux élections sénatoriales, nous constatons en effet certaines manoeuvres permettant de contourner la loi sur la parité dans les scrutins de liste.
Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne . - Il s'agit même d'un détournement de la loi. C'est pourquoi nous devons réfléchir ensemble aux sanctions applicables à ceux qui ne respecteraient pas la règle, et pas uniquement à des pénalités financières. Nous devons faire en sorte, au travers de la loi, d'empêcher les détournements, en déclarant les fraudeurs inéligibles.
En tant qu'élues, nous appartenons en outre à des partis politiques, pour la majorité d'entre nous, et pouvons constater un véritable problème en ce qui concerne les têtes de liste, dans toutes les sensibilités politiques. C'est pourquoi il faudrait faire en sorte que la loi comporte des exigences en matière de têtes de liste et travailler à ce que chaque sensibilité politique aménage la parité. Tant que la loi ne sanctionnera pas nettement les contournements, ils perdureront.
(Applaudissements.)
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes . - Malgré tout, la loi ne peut pas tout réglementer. Certains partis préfèrent acquitter des amendes plutôt que de se conformer à la loi...
Nous passons à présent à notre seconde thématique, qui porte sur la mise en oeuvre des politiques d'égalité dans les territoires.
J'appelle mes collègues Frédérique Puissat et Laurence Rossignol à me rejoindre à la tribune, ainsi que Max Brisson et Victoire Jasmin qui concluront nos échanges.
Pour lancer nos débats, Frédérique Puissat, élue en septembre 2017, va nous apporter son témoignage sur le sujet suivant : « La parité dans les assemblées locales : quels changements ? »
* 25 1919-2004, sénatrice du Val-de-Marne (en remplacement de Louis Talamoni), de 1975 à 1977. Laurence Cohen a présenté le rôle d'Hélène Edeline dans la Résistance lors du colloque du 27 mai 2014 sur les femmes résistantes organisé par la délégation aux droits des femmes : http://videos.senat.fr/video.122136_57c6fa327afc4 ; http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-757-notice.html )
* 26 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.