III. TRANSMETTRE, REBONDIR OU DISPARAITRE, LA FIN DE VIE DES ENTREPRISES
« L'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste. [...] L'histoire de l'équipement productif d'énergie, depuis la roue hydraulique jusqu'à la turbine moderne, ou l'histoire des transports, depuis la diligence jusqu'à l'avion. L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l'U.S. Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation industrielle - si l'on me passe cette expression biologique - qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter . »
Joseph Schumpeter , Capitalisme, socialisme et démocratie ,
1943 (Traduction française 1951).
A. UN DROIT DES FAILLITES QUI NE FACILITE PAS LE REBOND
1. Les défaillances d'entreprise en nette baisse
a) Moins de défaillances d'entreprises
Les défaillances d'entreprises diminuent sensiblement depuis 2016 alors que les créations d'entreprises restent dynamiques et continuent de croître depuis 2000 (avec une hausse en 2016 de 5 % par rapport à 2015) avec 554 000 entreprises créées (dont 188 800 sous formes sociétaires, 142 400 entreprises individuelles et 222 800 micro-entrepreneurs).
Pour une entreprise défaillante, dix entreprises sont créées en 2016, alors qu'en 2000, le rapport était de un à cinq et en 2015 de un à huit , signe de la vitalité économique française.
En 2016, et pour la première fois depuis 2008 , la France a compté moins de 60 000 défaillances d'entreprises.
2017 a consolidé ce reflux de la sinistralité avec 55 175 défaillances d'entreprises , revenant au niveau de novembre 2008 (55 569). À fin février 2018, selon des données encore provisoires, le cumul des défaillances diminuerait de 6,4 % À fin janvier 2018, le cumul sur 12 mois du nombre de défaillances s'élève à 54 028, soit une baisse de 6,5 % par rapport à Janvier 2017.
Bien qu'en légère progression sur le segment des petites entreprises (+ 0,6 %), les défaillances reculent pour l'ensemble des PME (- 6,6 %). Elles sont, en revanche, en augmentation pour les ETI et les Grandes Entreprises (+ 15 défaillances sur un an, passant de 30 à 45).
En 2017, l'entreprise défaillante demeure essentiellement une microentreprise, catégorie qui représente près de 95 % de l'ensemble 343 ( * ) . Celles-ci représentent 72 % du tissu économique français mais concentrent 95 % des défaillances enregistrées. Le segment est le seul connaissant une augmentation des défaillances avec une accentuation de son exposition. Il représentait 35 % en 2014, 41 % en 2015 et 47 % des procédures en 2016.
A l'inverse, les PME, ETI et Grandes Entreprises ont mieux résisté.
Les TPE/PME qui représentent 27 % des entreprises n'ont représenté que 5,22 % des défaillances. À partir de trois salariés, on constate une baisse de l'exposition au risque avec une diminution des défaillances de l'ordre de 15 %, toutes tranches d'effectif confondues.
Pour les ETI et les grandes entreprises, les défaillances se comptent en quelques dizaines.
Les sociétés commerciales constituent encore l'essentiel des défaillances avec 77,3 %, suivies des entreprises individuelles, avec 18 %.
Source : Banque de France
Mesuré par l'OCDE, le taux de disparition des entreprises comportant des salariés, comparé au nombre d'entreprises en activité, était en 2015 de 5,3 en France contre 7,7 en Allemagne mais 11 en Grande-Bretagne, 8,9 en Italie ou 8,2 en Espagne.
En 2017, l'ensemble des entreprises défaillantes représentent un chiffre d'affaires global de 16,7 milliards d'euros contre 17,9 milliards un an plus tôt, soit un recul de 7,2%.
Les défaillances ont menacé près de 152 400 postes salariés en 2017 (contre 193 649 emplois menacés en 2016 et 234 453 en 2015), soit un recul de 7 %. Le passage sous la barre symbolique des 200 000 emplois menacés en 2016 confirme une tendance baissière structurelle depuis 2013 et un seuil atteint le plus bas, inférieur à celui de 2008 (230 500 emplois menacés).
Les entreprises touchées sont souvent des créations récentes, 42,5 % étant âgées de moins de cinq ans, et pour un quart d'entre elles entre cinq et dix ans.
En 2017, les trois principaux secteurs concernés sont demeurés inchangés par rapport à l'année précédente : le BTP cumule près de 28 % des défaillances, suivi des services aux particuliers (18 %) et des services aux entreprises (9 %). Ces trois secteurs représentent ainsi 55 % des ouvertures de jugements enregistrées en 2017 contre 57 % en 2016.
b) La France se situe dans la moyenne européenne pour la durée des procédures de liquidation judiciaire
On prétend qu'il faut sept à neuf ans pour se relever d'un échec entrepreneurial en France, contre un à deux ans dans d'autres pays européens. Ce chiffre se fondait sur une estimation de la Commission Européenne de 2011 sur des données de 2004. Il représentait, à l'époque, le temps moyen qu'il fallait pour qu'une procédure de liquidation soit complètement achevée.
En réalité, le temps moyen pour pouvoir rebondir est désormais de 15 mois en France. Dans la moitié des États membres, la procédure d'insolvabilité aboutit en 2 à 4 ans.
Selon le ministère de la Justice 344 ( * ) :
- S'agissant des procédures de conciliation, pour sept décisions sur dix, un mandataire a été désigné 12 jours en moyenne après la saisine du tribunal et les décisions concernant les conciliations sont prononcées en moyenne 2 mois et 28 jours après l'ouverture. Qu'il y ait un accord ou non, la durée des conciliations, après avoir baissé sensiblement entre 2012 et 2014, augmente très légèrement depuis.
- S'agissant des procédures collectives, il s'écoule en général le même nombre de mois entre le jugement d'ouverture et le jugement arrêtant un plan de redressement ou arrêtant un plan de sauvegarde (14 mois). La conversion d'une autre procédure (redressement judiciaire ou sauvegarde) en procédure de liquidation judiciaire sur conversion intervient, en moyenne, cinq mois et huit jours après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et près de huit mois après l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Les liquidations judiciaires interviennent dans un délai de cinq mois et 27 jours.
La France se situe aujourd'hui dans la moyenne européenne .
c) Les défaillances d'entreprise par type de procédure
La baisse du nombre d'entreprises défaillantes depuis 2013 a concerné les trois principales procédures judiciaires :
Sauvegarde |
Redressement judiciaire |
Liquidation judiciaire |
|
2013 |
1633 |
18 465 |
43 003 |
2014 |
1620 |
18 092 |
42 874 |
2015 |
1569 |
18 191 |
43 254 |
2016 |
1242 |
15 989 |
41 548 |
Source : Observatoire économique CNAJMJ - décembre 2017
La liquidation judiciaire concerne 70,7 % des procédures, le règlement judiciaire 27,2 % et la sauvegarde seulement 2,1 %.
Selon l'étude annuelle Altarès-Deloitte pour l'année 2016, les procédures à l'amiable progressent et les procédures judiciaires diminuent.
- Avec 2 467 procédures amiables , la hausse de 3 % par rapport à 2015, dont 65 % de mandats ad hoc , concernant 612 001 emplois traduit une anticipation accrue du traitement des difficultés par les chefs d'entreprises, ce qui doit être considéré comme un progrès en matière de lutte contre la défaillance des entreprises.
Les procédures amiables représentent 4 % de l'ensemble des procédures en 2016 concernent 76 % des emplois menacés par l'ensemble des procédures.
En 2016, pour 3,2 emplois concernés par une procédure amiable, un emploi est menacé par une procédure judiciaire. Ce rapport s'est creusé, le ratio était de 2,5 pour 1, en 2015.
Toujours en 2016, chaque procédure amiable concerne en moyenne 345 ( * ) 312 salariés contre seulement quatre salariés pour les procédures collectives, soit au total, respectivement, 585 000 contre 200 000 salariés.
Une procédure amiable sur deux réussit, soit un taux très proche de celui des sauvegardes, qui reste deux fois supérieur à celui des redressements judiciaires, permettant de préserver les emplois dans les meilleures conditions.
- Les procédures judiciaires ont concerné 57 844 entreprises en 2016 .
Les procédures de sauvegarde représentent la plus forte baisse (16 %) et 2 % de l'ensemble des procédures.
Le taux de poursuite d'activité augmente avec la taille de l'entreprise. Si 30 % des entreprises bénéficient d`un plan de redressement ou d'une cession à un nouvel actionnaire qui en poursuit l'activité, ce taux passe à 49 % pour les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à cinq millions.
Plus d'une entreprise sur deux (54 %) concernée par un plan de redressement est encore en activité cinq ans 346 ( * ) ou neuf ans 347 ( * ) après.
L'activité préservée par les procédures de sauvegarde et de redressement varie de trois à cinq milliards entre 2012 et 2016.
Les liquidations judiciaires ont réparti, en 2016, six milliards entre les créanciers et ont conduit à licencier 217 440 salariés 348 ( * ) .
2. De la faillite à la seconde chance, pour une révolution culturelle du rebond
a) Une révolution culturelle : de la faillite au rebond
« L'échec et la réussite sont les deux faces d'une même pièce, celle d'entreprendre (...) Anticiper, c'est aussi expliquer aux créateurs d'entreprises que la faillite est une option, que l'on doit s'y préparer (...) Aux États-Unis, vous êtes un entrepreneur respectable et crédible si vous avez échoué deux ou trois fois avant de réussir. En France, on n'a pas le droit à une deuxième chance » témoignait en mars 2017 un chef d'entreprise à un colloque universitaire sur la petite entreprise 349 ( * ) .
Lors des Assises de l'entrepreneuriat en 2013, les pouvoirs publics ont appelé à reconsidérer l'échec entrepreneurial. Les témoignages d'entrepreneurs se sont multipliés dans la presse. Les associations d'entraide ont été créées afin de faciliter le rebond en dispensant leurs conseils.
(1) L'apparition de la notion de « seconde chance »
En décembre 2012, une communication de la Commission européenne annonçant la révision du règlement de l'UE sur l'insolvabilité de 2000 affichait l'ambition de donner « « une seconde chance aux entreprises honnêtes et aux personnes qu'elles emploient », les études montrant que : « les entreprises créées après une première faillite réussissent mieux et ont une durée de vie plus longue que la moyenne des jeunes pousses. L'échec que connaît un entrepreneur ne devrait donc pas se solder par une «condamnation à perpétuité» lui interdisant toute nouvelle activité entrepreneuriale mais plutôt être envisagé comme une occasion d'apprendre et de s'améliorer ». Pour la première fois était explicitement considéré que les faillites font partie intégrante d'une économie dynamique et moderne.
Il était par ailleurs jugé comme primordial de disposer d'une législation moderne et de procédures efficaces, « pour aider les entreprises ayant une consistance économique suffisante à surmonter des difficultés financières et, d'autre part, pour leur accorder une seconde chance ».
Quelque mois plus tard, le Gouvernement français annonçait lors des Assises de l'entrepreneuriat d'avril 2013 la suppression symbolique d'une mesure pénalisante.
(2) La suppression de la cote 040 de la Banque de France
La Banque de France délivre des indicateurs et cotations aux banques et établissements financiers, en fonction d'informations collectées par diverses sources, pour éclairer leurs prises de décision (octroi de crédit fondé sur une cotation conforme à des standards indépendants et objectifs...), permettre de sélectionner les créances qu'ils pourront apporter en garantie des refinancements qu'elles sollicitent de leurs partenaires, établir le besoin en fonds propres de la banque en fonction des règles de solvabilité qui s'imposent à elle, apprécier la teneur de son portefeuille de créance et ses risques.
Les entreprises et les dirigeants d'entreprises et entrepreneurs individuels sont évalués, dans un fichier FIBEN (Fichier Bancaire des Entreprises) destiné au renseignement des banques, alimenté par des informations juridiques et économiques (activité, capital), comptables (chiffre d'affaires, endettement), bancaires (crédits, incidents de paiement) et judiciaires (procédures collectives).
Créée en 1982 pour la mise en oeuvre de la politique monétaire, la banque de données FIBEN est également utilisée pour l'analyse des risques de crédit. Elle permet notamment d'apprécier la qualité d'un portefeuille de crédits et de détecter les financements les plus risqués.
Les cotations de l'entreprise La cotation d'activité Cette cotation est notée de A à X qui correspond au chiffre d'affaires (A supérieur ou égal à 750 millions d'euros, M inférieur à 0.1 Million d'euros, N non significatif c'est à dire pas d'activité économique directe - par exemple Holding-, X inconnu) La cotation de crédit de l'entreprise Cette cotation correspond à la capacité de l'entreprise à respecter ses engagements à court terme (trois ans) notée de 3++ (très favorable) à 9 (compromise), et avec en outre une côte P (procédure collective) et 0 (pas d'information et absence d'indice défavorable) La cotation de l'entreprise Ces deux premières cotations se réunissent pour former la cotation de l'entreprise, qui sera par exemple cotée A3+ ou H9 Source : Banque de France |
Outre la cotation de l'entreprise, le FIBEN assure également une « notation » du chef d'entreprise ou de l'entrepreneur individuel .
Cet indicateur est attribué à toute personne physique qui a exercé ou exerce une fonction de dirigeant ou d'entrepreneur individuel.
La cotation 040 était attribuée à un dirigeant qui exerçait une fonction de représentant légal dans une société en liquidation judiciaire datant de moins de trois ans. Longtemps réclamée par les acteurs de l'entreprise, sa suppression a été réalisée par le décret n° 2013-799 du 2 septembre 2013, modifiant l'article D. 144-12 du code monétaire et financier, qui supprime le fichage des dirigeants d'entreprise ayant connu une seule liquidation judiciaire depuis trois ans.
Cet indicateur était critiqué dans la mesure où la Banque de France ne recensait que les incidents de paiement alors que la plupart des autres pays de l'Union européenne utilisent des fichiers positifs recensant l'historique du comportement positif et négatif des personnes physiques concernées.
Le FIBEN comporte actuellement trois cotes :
- 000 est neutre,
- 050 en raison de deux liquidations judiciaires en cinq ans ou un redressement judiciaire suivi d'un plan depuis moins de cinq ans ou une sauvegarde suivie d'un plan depuis moins de trois ans
- 060 en raison de trois liquidations judiciaires en cinq ans, ou un jugement de faillite personnelle, ou interdiction de gérer, ou un redressement judiciaire de moins de deux ans non résolu par un plan, ou d'une liquidation judiciaire de moins de cinq ans.
Les cotes 050 et 060 ne sont plus communicables au-delà d'un certain délai fixé par l'article D.144-12 du Code monétaire et financier :
- les informations relatives au prononcé d'une liquidation judiciaire peuvent être communiquées à des tiers pendant une durée maximale de quatre ans ;
- les informations relatives à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire peuvent être communiquées à des tiers pendant une durée maximale de deux ans. En cas d'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement, elles peuvent être communiquées pendant la durée de ce plan. Il en va de même des informations relatives à l'adoption du plan ;
- les informations relatives à la faillite personnelle ou à l'interdiction de gérer d'un dirigeant d'entreprise ou d'un entrepreneur individuel peuvent être communiquées à des tiers pendant la durée de la mesure correspondante ;
- lorsque la fonction de dirigeant d'entreprise ou l'exercice de l'activité d'entrepreneur cesse, la durée maximale de diffusion des informations détenues sur lesdites fonctions ou sur l'exercice de l'activité est de trois ans à compter de la date de cessation des fonctions ou de l'arrêt de l'activité d'entrepreneur. Dans les autres cas, ces informations ne peuvent être communiquées à des tiers plus de quatre ans après l'intervention de l'événement auquel elles se rapportent.
Depuis 2013, les dirigeants ayant connu une liquidation judiciaire voient leur notation ramenée à 000 après un délai de trois ans 350 ( * ) , ce qui leur permet de retrouver un accès normal au crédit bancaire. Malgré une première faillite, ces entrepreneurs ne seront plus fichés à la Banque de France et n'auront donc plus en théorie de difficultés à obtenir de crédits ou concours bancaires. N'étant plus marqués au fer rouge dès le premier incident de faillite, ils devraient bénéficier d'une seconde chance .
Cette réforme a concerné 140 000 personnes en 2013 .
Il existait une asymétrie de l'information dans la mesure où, si les créations d'entreprises sont recensées dans un fichier national, le fichier d'interdiction de gérer une entreprise est décentralisé et réparti entre les 134 greffes des tribunaux de commerce . Il pouvait donc arriver qu'en changeant de domicile et de département, une personne interdite de gérer arrive néanmoins à recréer une entreprise.
Depuis février 2017 cependant, le fichier national des interdits de gérer, interconnecté, géré également par Infogreffe, contribue à mettre fin à cette pratique. Les associations ayant une activité économique ne sont toutefois pas concernées.
Le fichier national automatisé des interdits de gérer (FNIG) Afin de lutter contre les fraudes, de prévenir la commission des infractions prévues aux articles 434-40-1 du code pénal et L. 654-15 du code de commerce et de favoriser l'exécution des mesures d'interdiction de gérer prononcées par les juridictions judiciaires, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est autorisé à mettre en oeuvre un fichier national automatisé des interdits de gérer. La tenue de ce fichier est une mission de service public assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce à ses frais et sous sa responsabilité. Le Conseil national bénéficie du soutien financier de la Caisse des dépôts et Consignations dans la mise en oeuvre de ce fichier. Ce fichier est régi par les articles L. 128-1 à L. 128-5 du code de commerce et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le fichier recense les interdictions prononcées par les juridictions commerciales, civiles et pénales et non susceptibles de recours suspensif d'exécution. Sont inscrites dans ce fichier les faillites personnelles et les autres mesures d'interdiction de diriger, de gérer, d'administrer ou de contrôler, directement ou indirectement, une entreprise commerciale, industrielle ou artisanale, une exploitation agricole, une entreprise ayant toute autre activité indépendante ou une personne morale, prononcées à titre de sanction civile ou commerciale ou à titre de peine et résultant des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée. Ne sont pas inscrites les sanctions disciplinaires. Le fichier mentionne le jugement ou l'arrêt ayant prononcé la mesure. Ce fichier n'est pas accessible au public mais réservé aux greffiers des tribunaux de commerce et des tribunaux civils statuant en matière commerciale ainsi qu'aux magistrats judiciaires ou représentants de l'administration et d'organismes définis par décret en Conseil d'État, dans le cadre de leur mission de lutte contre les fraudes. Le secrétaire général du comité interministériel de restructuration industrielle peut demander au ministère de la Justice si une personne pressentie pour exercer des fonctions de direction, gestion, administration ou contrôle dans un dossier dont ce comité a été saisi est inscrite dans ce fichier. Les mesures sont conservées dans le fichier pendant la durée de leur validité. Elles sont radiées à leur terme ou suite à une mesure de relèvement ou d'amnistie. À l'issue de leur radiation, elles ne peuvent plus être communiquées aux destinataires. L'inscription à ce fichier est obligatoire, l'exercice du droit d'opposition n'est pas possible. Source : CNTCG |
(3) Les associations d'aide au rebond
Le premier Centre d'Information et de Prévention des difficultés des entreprises a été créé à Paris en 1999. Une association nationale a ensuite été créée en 2007 à la suite du développement de plateformes locales d'accueil et d'assistance aux chefs d'entreprise en difficulté.
L'association est présente dans 67 villes. Chaque délégation locale est constituée de bénévoles parmi lesquels, au minimum, un juge consulaire à la retraite, un avocat et un expert-comptable. Très souvent s'y trouvent aussi des représentants des chambres d'industrie et des métiers, des organisations patronales artisanales, des greffiers, des centres de gestion agréées, des administrateurs et mandataires judiciaires, des représentants de la compagnie des conseils et experts financiers (CCEF) et des associations (ECTI, EGEE) qui regroupent des seniors bénévoles capables d'apporter des solutions et du conseil aux entreprises en difficulté.
Le CIP a signé une convention de partenariat avec APESA (Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Psychologique Aiguë) qui soutient également les dirigeants d'entreprise connaissant des difficultés d'ordre moral comme la dépression, le burn-out ou la souffrance psychologique aiguë pouvant déclencher une crise suicidaire.
En 2014, quatre associations ( SOS Entrepreneur, Re-créer, 60 000 rebonds, Second Souffle) , et l'observatoire Amarok 351 ( * ) , dont l'objectif commun est d'aider les entrepreneurs à rebondir pendant ou après avoir connu des difficultés, ont décidé d'unir leurs efforts dans le respect de leurs originalités, en créant un Groupement d'Intérêt Associatif dénommé « le portail du rebond des entrepreneurs » afin d'offrir un accès internet commun accessible à tout entrepreneur en difficultés.
Pour ces associations, « en France, l'échec d'un entrepreneur est souvent marqué comme une infamie, la conséquence de fautes ou d'erreurs ; par suite, même s'il n'a rien à se reprocher (pas de fautes de gestion, de fraudes), il rencontre les plus grandes difficultés quand il cherche à rebondir ; notamment il ne trouve pas de financements bancaires lorsqu'il veut recréer une entreprise. Une telle situation n'existe pas dans d'autres pays. La perception de l'échec n'est pas la même, par exemple pour les sportifs, chacun est conscient qu'ils puisent leur force dans l'expérience qu'ils retirent de leurs échecs. Elle devrait être la même pour les entrepreneurs ».
Ainsi par exemple, les membres de 60 000 rebonds animent des conférences (« échec, tremplin et rebond ») dans les grandes écoles (Essec, Centrale, HEC) auprès d'élèves futurs entrepreneurs ainsi que d'anciens élèves devenus entrepreneurs, et auprès de dirigeants de start-up dans le cadre d'incubateurs ou de tribunes libres.
L'association Second Souffle se donne pour sa part comme objectif de « démarginaliser l'échec entrepreneurial et réhabiliter l'entrepreneur qui a échoué auprès des recruteurs et des organismes financiers » ou de « valoriser l'expérience entrepreneuriale comme un potentiel de compétences à explorer » car « seul peut échouer celui qui a osé » et car « l'échec peut être une étape de la réussite ».
Tout comme l'accompagnement de la création des entreprises, l'aide au rebond des entrepreneurs repose sur le bénévolat. Aux yeux de votre rapporteur, il faudrait cependant, comme pour l'accompagnement, le considérer comme du mécénat de compétences. À ce titre, l'aide au rebond devrait être éligible au dispositif du mécénat d'entreprise (proposition n°10bis) créé par la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations et bénéficier de l'agrément fiscal ouvrant droit à une réduction de 60 % des montants versés dans le cadre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.
(4) Les témoignages d'entrepreneurs sur leurs échecs
Dans la presse économique, le regard sur la faillite a commencé à changer.
Ainsi, Atlantico a publié, pendant l'été 2015, une série de quinze portraits de chefs d'entreprises connaissant une success story (Viadeo, Sarenza, VivaStreet, KissKissBankBank, Blablacar ou Meetic pour ne citer que les plus connus), qui apportaient un témoignage de leurs échecs et donnaient les clés qui ont « leur ont permis de rebondir pour construire le succès commercial ».
Ces témoignages sont utiles pour que le regard de la société change.
Après tout, la faillite de Balzac en 1828, qui écrivit sur les défaillances d'entrepreneurs à au moins trois reprises, influa sans doute -suite à la parution en 1837 de l' Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau - la réforme du code de commerce de 1838 sur les entreprises en difficulté...
b) L'espoir de l'assurance-chômage des entrepreneurs
En France, la couverture du risque de perte involontaire d'emploi pour les travailleurs indépendants n'est effectuée que par le recours à des assurances privées contre la perte d'emploi.
(1) Une assurance-chômage confidentielle
L'assurance-chômage des entrepreneurs existe depuis 1979 à l'initiative du MEDEF, de la CPME et de l'U2P.
Elle reste cependant confidentielle avec moins de 15 000 souscripteurs actuellement sur 2,2 millions, les micro-entrepreneurs ne pouvant y souscrire.
Elle est une assurance volontaire 352 ( * ) qui indemnise les dirigeants non salariés à hauteur de 55 % ou 70 % de leur revenu fiscal net antérieur, sur 12, 18 ou 24 mois. Les créateurs d'entreprise bénéficient d'une garantie forfaitaire de 5 712 euros versé en une fois pour une cotisation annuelle de 408 euros.
La « GSC », assurance chômage des entrepreneurs Le chef d'entreprise, quel que soit son statut : artisan, commerçant, entrepreneur individuel ou dirigeant mandataire social assimilé salarié, peut souscrire cette assurance dont le revenu n'est pas soumis aux cotisations de Pôle emploi, s'il remplit les conditions suivantes : |
- être inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés - RCS - ou au Répertoire des Métiers pour les artisans ; |
- ne pas pouvoir prétendre avant au moins cinq ans, à la date de l'affiliation, à la liquidation de la retraite de base de sécurité sociale à taux plein ; |
- ne pas être titulaire d'une pension d'invalidité de 2 ème ou 3 ème catégorie au titre d'un régime obligatoire de base de la Sécurité sociale |
- percevoir un revenu professionnel hors dividendes (sauf pour la formule créateur / repreneur d'entreprise) |
- ne pas être en situation de difficulté économique et financière au moment de l'affiliation, c'est-à-dire ne pas faire l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement judiciaire ou d'un plan de continuation, ou ne pas connaitre l'une des situations suivantes : report à nouveau débiteur ou dernier résultat d'exercice déficitaire et/ou perte d'exploitation supérieure à 50 % du capital social ou situation nette comptable négative ; ne pas être en état de cessation de paiement ; |
- adhérer à une organisation patronale professionnelle ou territoriale elle-même adhérente à l'Association GSC. Les créateurs et repreneurs d'entreprise peuvent toutefois être admis au bénéfice de la GSC sans être adhérent d'une organisation patronale. Cette condition devra être remplie dès lors que ces derniers changeront de formule. Les créateurs et repreneurs d'entreprise peuvent s'assurer moyennant une cotisation forfaitaire limitée, même s'ils ne perçoivent pas ou peu de revenu. La GSC couvre le dirigeant d'entreprise dans tous les cas de perte involontaire d'emploi à la suite d'événements concernant le dirigeant mandataire social comme la révocation (même lorsque le mandataire social détient plus de 10 % du capital social), le non-renouvellement du mandat prononcé à son encontre ou touchant l'entreprise sur décision judiciaire (redressement judiciaire, liquidation judiciaire, jugement arrêtant un plan de cession) ou sur décision amiable sous contrainte économique (dissolution anticipée, cession, fusion absorption, restructuration profonde). L'état de chômage est reconnu en cas de perte juridique du mandat social ou du statut de chef d'entreprise et la GSC permet également de pallier l'absence de cotisation retraite pendant la période sans emploi. L'entreprise peut demander son affiliation dès sa création, sans attendre la clôture d'un premier exercice comptable. Le dirigeant peut être affilié dès sa nomination et pourra donc être couvert pour la révocation notamment, dès le 1er anniversaire de son affiliation. L'adhésion à la GSC permet par ailleurs d'appartenir à un réseau de chefs et dirigeants d'entreprise qui peut aider à rebâtir un projet professionnel pour rebondir. Source : GSC |
Cette formule, quoique confidentielle, répond à la demande exprimée par les entrepreneurs de sécurisation de leur parcours . Entre 2005 et 2013, la crainte de la perte d'emploi a doublé dans cette catégorie, passant de 16 % à 30 %, tandis qu'elle restait stable (24 %) chez les salariés.
L'extension de cette assurance volontaire à tous les entrepreneurs pose toutefois la question de sa viabilité économique , puisque pour assurer la même indemnisation à l'entrepreneur qu'à un salarié couvert par l'Unedic à niveau de revenu équivalent, la cotisation GSC serait de 3,4 %, contre 6,45 % à l'Unedic si l'entrepreneur pouvait y être assuré.
D'autres assurances privées, telles celle proposée par l'Association pour la protection des patrons indépendants ou celle du groupe APRIL, proposent une couverture semblable.
(2) Une extension limitée aux cas de liquidation judiciaire
Lors de la campagne présidentielle avait été annoncé que « les entrepreneurs auraient droit à l'assurance-chômage ».
L'application de cette promesse est en réalité bien plus restrictive.
En effet, réagissant à l'accord national interprofessionnel sur l'assurance-chômage, le Gouvernement a indiqué, le 5 mars 2018, que les travailleurs indépendants (agriculteurs, artisans, micro-entrepreneurs, commerçants indépendants ) qui actuellement ne bénéficient pas d'une couverture chômage, auraient désormais droit, en cas de liquidation judiciaire , à une allocation de 800 euros par mois durant 6 mois , un montant forfaitaire et perçu sous réserve que leur activité ait généré un montant significatif durant deux ans. Pour rappel, 50 000 à 60 000 défaillances d'entreprises se produisent chaque année. Aucune cotisation supplémentaire ne sera prélevée pour financer ce nouveau droit.
Ces mesures devraient bénéficier à environ 30.000 bénéficiaires par an pour un coût de 140 millions. L'allocation sera financée grâce à la hausse de 1,7 % de la CSG et versée par Pôle emploi.
Si l'assurance-chômage était étendue à 300 000 travailleurs indépendants, son coût serait porté à 3,2 milliards d'euros 353 ( * ) , selon une estimation de France Stratégie en mai 2017 354 ( * ) .
En conséquence, le Conseil économique, social et environnemental préconise, dans son étude consacrée aux nouvelles formes du travail indépendant, de circonscrire une éventuelle future négociation d'une couverture chômage aux seuls travailleurs indépendants qui recourent, pour l'exercice de leur activité professionnelle, aux plateformes de mise en relation par voie électronique. Le groupe des employeurs s'est toutefois opposé à cette préconisation en faveur du recours à une assurance privée volontaire.
Pourtant, et comme le plaide M. François Hurel, président de l'Union des Auto-Entrepreneurs 355 ( * ) , renoncer à l'assurance-chômage des indépendants serait perdre de vue l'un des objectifs du gouvernement : « garantir à tous les actifs une équité dans la sécurisation de leur parcours professionnel, et, via un transfert du financement des cotisations sociales vers la CSG, en assurer une forme d'universalité ». Ce serait également « passer à côté d'une demande de plus en plus affirmée chez la majorité de ces nouveaux "micro-entreprenants" qui souhaitent créer leur activité, tester un projet, de façon souple et sécurisée ».
Réserver cette indemnisation aux seuls cas de liquidation judiciaire, serait enfermer l'entrepreneuriat dans l'échec, au lieu d'encourager la prise de risque et de donner le droit à une capacité de rebond . Cette extension est aujourd'hui nécessaire à la promotion de l'entrepreneuriat dans notre pays.
A l'occasion de l'examen de la réforme de l'assurance-chômage 356 ( * ) au Parlement, ce sujet ne manquera pas d'être débattu.
3. Un droit des entreprises en difficulté complexe qui privilégie le maintien de l'emploi
a) Un droit qui met l'accent sur la prévention
Jusqu'à l'adoption du code de commerce en 1807, le droit de la « faillite » avait surtout pour vocation de punir le débiteur défaillant . Cette vision pénale de la faillite s'est atténuée au XIXe siècle avec la suppression de la contrainte par corps le 22 juillet 1867, la création en 1889, à côté de la procédure de faillite, de la liquidation judiciaire pour les débiteurs de bonne foi et, en 1955, la mise en place du règlement judiciaire afin de permettre au débiteur d'obtenir un accord, autrefois appelé concordat. Ces deux procédures furent conservées par la loi du 13 juillet 1967.
Le droit de la défaillance des entreprises était à l'origine réservé aux seuls commerçants (d'où sa place dans le Code de commerce de 1807).
Il a été étendu aux personnes morales de droit privé même non commerçantes (1967), aux artisans (1985), aux agriculteurs (1988), puis enfin à tous les professionnels indépendants y compris les professions libérales (2005), qui représentent 25 % des entreprises françaises.
Ce droit doit, d'une part, tenir compte des droits prioritaires des créanciers titulaires de sûretés par rapport aux autres créanciers et actionnaires, et ce, afin de garantir l'efficacité des sûretés et garantir l'accès au crédit privé des entreprises et, d'autre part, donner à l'entreprise viable une véritable chance de rebond , ce qui suppose que les actifs permettant la poursuite de son activité ne soient pas saisis par les créanciers titulaires de sûretés.
La France est le seul pays de l'OCDE autorisant le juge à pouvoir faire approuver un plan de continuation de l'entreprise , affectant les droits des créanciers titulaires de sûreté, sans que le consentement d'une partie au moins des créanciers ne soit nécessaire 357 ( * ) et sans que les créanciers titulaires de sûretés ne puissent être moins bien traités que dans un scénario liquidatif.
Les principaux éléments de ce droit, d'une complexité rare, peuvent être résumés ainsi :
Mandat ad hoc |
Conciliation |
Sauvegarde |
Redressement judiciaire |
|
Situation de l'entreprise |
Difficultés avérées ou prévisibles sans cessation des paiements |
Difficultés avérées ou prévisibles. Cessation des paiements possible (si < 45 jours) |
Difficultés avérées ou prévisibles (sans cessation des paiements) |
Cessation des paiements (< 45 jours) |
Finalité du dispositif |
Résolution des difficultés/ Accord amiable avec les principaux créanciers |
Résolution des difficultés/ Accord amiable avec les principaux créanciers - possibilité d'homologation Privilège de new money |
Moratoire dans le cadre d'un plan de sauvegarde |
Moratoire dans le cadre d'un plan de continuation ou de cession des activités de l'entreprise |
Ouverture du dispositif |
À l'initiative du dirigeant |
À l'initiative du dirigeant |
À l'initiative du dirigeant |
Initiative du dirigeant, assignation d'un créancier ou saisine du tribunal par le parquet |
Impact sur les dettes |
Négociation amiable |
Négociation amiable |
Gel du passif pendant la procédure |
Gel du passif pendant la procédure |
Publicité |
Confidentiel |
Confidentiel |
Non confidentiel |
Non confidentiel |
Autonomie de gestion du dirigeant |
Liberté de gestion |
Liberté de gestion |
Gestion surveillée ou assistée par l'administrateur judiciaire |
Gestion assistée ou assurée totalement par l'administrateur |
Sort des cautions et garanties consenties |
À négocier |
Cautions (et assimilées) personnes physiques et morales peuvent se prévaloir de l'accord constaté ou homologué |
Cautions (et assimilées) personnes physiques peuvent se prévaloir des délais du plan |
Cautions personnes physiques protégées uniquement pendant la période d'observation |
Honoraires |
Imputation des coûts éventuels de restructuration à l'entreprise Rémunération fixée par le juge sur proposition des parties |
Imputation des coûts éventuels de restructuration à l'entreprise Rémunération fixée par le juge sur proposition des parties |
Barème légal, honoraires arrêtés par le président de la cour d'appel au-delà du seuil |
Barème légal, honoraires arrêtés par le président de la cour d'appel au-delà du seuil |
Durée |
Prorogeable sans limite |
5 mois maximum |
18 mois maximum |
18 mois maximum |
JUDICIAIRE Source : Le guide de l'entrepreneur éclairé , FHB Editions
(1) La difficulté d'anticiper et d'appréhender la cessation de paiement
La plupart du temps, l'entrepreneur attend de rencontrer des difficultés de trésorerie pour s'inquiéter de la santé de son entreprise. Ces tensions ne sont pas des signaux d'alerte car il est parfois déjà trop tard.
L'anticipation doit permettre de traiter au mieux ces difficultés.
(a) Un référentiel d'anticipation
Plusieurs éléments peuvent permettre à l'entrepreneur d'agir au plus tôt :
• Carence ou insuffisance d'accompagnement comptable |
• Arbitrages dans les paiements courants : témoins d'un mode de financement inadapté du BFR ou d'une rentabilité insuffisante, ils sont toujours graves ! |
• Menaces de résiliation d'un contrat pour impayé, d'assignation en paiement d'un fournisseur, de mise en demeure visant la clause résolutoire du bail commercial : ces difficultés en engendreront de nouvelles ! Il faut agir immédiatement. |
• Menaces de dénonciation de concours bancaires ou de refus de financement : la confiance des banques est un indicateur à prendre en compte. |
• Engagements disproportionnés par rapport à la rentabilité de l'entreprise : renégociez ! |
• Sous-rentabilité (au regard des engagements financiers) ou déficit structurel (charges d'exploitation non couvertes par les marges) : identifiez les foyers de perte, repensez la stratégie. |
• Pertes exceptionnelles à financer : estimez les conséquences sur votre trésorerie, envisagez des moratoires auprès des créanciers les moins critiques voire institutionnels (saisine CCSF). |
• Blocage dans la gérance, litige ou mésentente entre associés : courez vers un médiateur ! |
• Dépendance économique : le piège se refermera ! Diversifiez-vous. |
• Sureffectif structurel : l'entrepreneur éclairé sait ajuster ses charges à son activité pour préserver le maximum d'emplois sur la durée. |
• Débauchage de personnel clé : protégez-vous au moyen, par exemple, de clauses de non-concurrence et, si elles ne suffisent pas, analysez les conséquences sur l'activité. |
• Difficultés de recouvrement du poste clients : c'est comme le lait sur le feu ! Leurs décalages sont vos décalages, restez vigilant ! |
• Difficultés d'un client important : gare à l'effet domino ! |
• Réorientation stratégique nécessitant de nouveaux financements : redoublez d'attention et d'échanges pour accompagner cette phase de développement. Source : Le guide de l'entrepreneur éclairé , FHB Editions |
(b) Des lanceurs d'alerte
Quatre catégories de lanceurs d'alerte internes ou externes de l'entreprise peuvent intervenir dès lors qu'ils relèvent dans ses comptes ou son environnement des éléments laissant présager l'existence de difficultés qui peuvent compromettre sa pérennité et dont la direction ne prendrait pas la juste mesure :
1. le commissaire aux comptes , obligatoire ou facultatif, en fonction de la structure juridique et du chiffre d'affaires de l'entreprise), qui doit alerter le dirigeant dès qu'il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation - et en informer le tribunal de commerce, s'il constate que les décisions prises sont insuffisantes ;
2. les associés (pour une SARL) ou les actionnaires représentant au moins 5 % (pour une société par actions), qui peuvent interpeller deux fois par an le dirigeant par écrit sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ;
3. le comité d'entreprise (ou, à défaut, les représentants du personnel), qui peut alerter la direction, avec l'aide d'un expert, sur des faits de nature à affecter de manière préoccupante l'entreprise ; faute de réaction suffisante du dirigeant, les représentants du personnel pourront saisir l'organe collégial de direction ou d'administration et, à défaut, les associés ;
4. le président du tribunal de commerce ou de grande instance, qui peut convoquer le dirigeant à un entretien pour l'inciter à réagir et envisager avec lui comment redresser la barre - et, si nécessaire, obtenir de tiers 358 ( * ) des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation de l'entreprise : si les difficultés avérées sont considérables, il pourra préconiser une conciliation ou sensibiliser le procureur, qui pourra alors saisir le tribunal pour l'ouverture d'une procédure collective, dans le souci de préserver au mieux les partenaires de l'entreprise.
Ces différentes procédures d'alerte, qui comportent plusieurs phases et dépendent de la structure juridique de chaque entreprise, sont peu coercitives : « elles obligent le dirigeant à ouvrir les yeux, sinon à réagir concrètement face à la menace » 359 ( * ) .
L'entrepreneur a tout à gagner de s'entourer de conseils. Les centres d'information sur la prévention des difficultés des entreprises, les observatoires judiciaires ainsi que les cellules de prévention des tribunaux de commerce, s'ils n'ont pas un devoir d'alerte, jouent un rôle crucial en informant bénévolement les chefs d'entreprise en difficulté sur les outils offerts par la loi pour les aider à traverser ces difficultés. Les experts-comptables pourraient également jouer ce rôle de lanceurs d'alerte.
Les groupements de prévention agréés 360 ( * ) (pour un commerçant ou un artisan, une EIRL et toute personne morale de droit privé) fournissent à leurs adhérents, de façon confidentielle, une analyse comptable et financière des informations transmises sur leur entreprise et peuvent proposer, en cas de détection d'indices de difficultés, l'intervention d'un expert ou d'un médiateur.
(2) Des procédures qui peuvent s'enchaîner
Ces différentes procédures peuvent se succéder : mandat ad hoc , puis conciliation, puis procédures judiciaires hybrides (sauvegarde accélérée, sauvegarde financière accélérée) ou procédure judiciaire classique (sauvegarde, redressement judiciaire).
(a) Les procédures préventives
Amiables (non obligatoires) et confidentielles (afin d'éviter le « suraccident » d'une perte de confiance dans l'entreprise et/ou son dirigeant), les procédures préventives permettent, dans 70 % des cas, de résoudre des difficultés (recul du chiffre d'affaires et de la rentabilité rendant trop élevées les charges d'emprunts ; dénonciation de concours bancaires ; litige entre associés risquant d'entraîner la paralysie de l'entreprise ; assignation d'un fournisseur ; sous-capitalisation de l'entreprise ; accompagnement de la cession d'une entreprise en difficulté ; recherche de financements en vue de soutenir une réorientation stratégique ; LBO 361 ( * ) supposant une restructuration de la dette ; bris de ratios financiers...). Elles prennent deux formes :
- le mandat ad hoc , formule très souple et peu encadrée légalement ;
- la conciliation , plus encadrée, qui permet l'homologation judiciaire d'un accord.
Un mandat est donné par le président du tribunal de commerce à un professionnel, souvent un administrateur judiciaire, qui est choisi par l'entreprise en difficulté.
Ces deux procédures sont souples, rapides (la conciliation est limitée à 5 mois), et préservent la marge de manoeuvre de l'entrepreneur qui demeure libre de la gestion de l'entreprise et des orientations de la négociation (il peut à tout moment y mettre un terme ou récuser le médiateur).
La procédure de conciliation offre des leviers de négociation plus forts :
- elle est compatible avec l'état de cessation des paiements de l'entreprise ;
- elle permet l'octroi de délais de grâce pendant la procédure, tant à l'égard des créanciers attraits que des créanciers non attraits 362 ( * ) ou en cours d'exécution de l'accord ; ces délais sont possibles pour les créanciers signataires, peu importe que ce soit dans le champ de l'accord ou non ; enfin, il n'y a pas d'anatocisme 363 ( * ) pour les créances de l'accord ou les créances attraites à la procédure et échues à l'ouverture ;
- elle constitue l'étape préalable à des outils plus coercitifs (constitution des comités de créanciers 364 ( * ) votant à la majorité des 2/3), qui peuvent servir en cas (de risque) d'échec d'accords unanimes amiables (sauvegarde accélérée, sauvegarde financière accélérée, prepack cession , etc.) ;
Le prepack cession Directement inspiré du droit américain de la faillite, le prepack cession a été introduit dans le Code de commerce par l'Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, entrée en vigueur le 1 er juillet 2014 ( article L. 611-7 du Code de commerce ). Il consiste en la préparation, dans le cadre d'une procédure amiable, de la cession de tout ou partie des actifs du débiteur . Cette cession sera ensuite arrêtée et mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure collective par un plan de cession. Le Tribunal va pouvoir ainsi arrêter un plan de cession déjà pré-négocié dans le cadre de procédures préventives, ce qui permet un gain de temps considérable. En effet, la recherche de candidats repreneurs aura d'ores et déjà été effectuée pendant la phase amiable. Cette procédure met en place un processus rapide permettant de diminuer au maximum le temps de mise en oeuvre du plan de cession qui aura été préparé préalablement en phase amiable alors que traditionnellement, il est préparé dans le cadre du lancement d'un appel d'offres pendant la procédure collective. La cession étant envisagée dans le cadre d'une procédure amiable, elle bénéficie de la sécurité, de la souplesse, et surtout de la confidentialité de la conciliation et du mandat ad hoc . |
Le prepack cession présente aussi les avantages suivants : en termes de coûts, il permet notamment de réduire les frais relatifs à la période d'observation ; il permet d'obtenir un prix de cession plus intéressant en évitant la dévalorisation des actifs ; le préjudice à l'image et au crédit du débiteur sera amoindri préservant ainsi sa valeur économique. |
La conciliation sécurise les accords face aux risques liés aux périodes suspectes (bien que purement techniques en raison des définitions de la cessation des paiements) et face aux cas de responsabilités. Elle permet aux parties de solliciter que le conciliateur se voie confier une mission spécifique de mandataire à l'exécution de l'accord pour sécuriser les engagements pris.
L'homologation judiciaire de l'accord, qui protège les apporteurs de new money 365 ( * ) , n'est possible que si des prévisions réalistes démontrent la pérennité de l'entreprise (incluant le financement de ses activités) tout en mettant fin à l'état de cessation des paiements, alignant les intérêts des parties à la négociation.
L'objectif des procédures amiables est, à l'issue d'une négociation transparente et impartiale avec l'ensemble des parties, de restaurer durablement la situation de l'entreprise en :
- négociant des moratoires avec les créanciers afin d'obtenir des délais de paiement auprès des fournisseurs et des banques critiques (« amend & extend agreement »), en étalant de façon équilibrée ou en restructurant les dettes financières (réaménagement des crédits, garanties, ratios bancaires ou deleverage 366 ( * ) ) ; en négociant avec les administrations fiscales et sociales pour l'obtention de remises et de délais, ainsi que de financement de créances fiscales (CIR, CICE, carry-back 367 ( * ) ...) ;
- identifiant de nouvelles sources de financement sur la base des propositions chiffrées de restructuration établies avec l'entreprise et ses conseils, et partagées entre tous. La nouvelle stratégie de l'entreprise et les besoins y afférents pourront ainsi être présentés aux parties, pour reconstituer les capitaux propres provenant des actionnaires ou de nouveaux investisseurs et financer les besoins de trésorerie . Grâce au privilège dit de « l'argent frais » ou « new money », les apporteurs de fonds nouveaux ou de prestations nouvelles sont protégés. En cas d'échec et d'ouverture ultérieure d'une procédure collective, les titulaires de ce privilège ne pourront pas se voir imposer des délais dans le plan final et seront remboursés de ces apports à l'arrêté du plan ;
- négociant le passif institutionnel avec le Comité interministériel de restructuration industrielle 368 ( * ) ou avec les Comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises 369 ( * ) qui pourront faciliter l'obtention de délais et de remises de dettes publiques auprès du Comité consultatif du secteur financier 370 ( * ) ;
- restructurant l'entreprise ou en engageant sa cession, ce qui peut impliquer une cession d'actifs ou de filiales et, le cas échéant, des négociations pour autoriser l'entreprise à disposer de ses biens qui peuvent avoir été donnés en garantie.
Les limites de ces procédures préventives sont les suivantes :
- les créanciers ne peuvent être forcés ni à participer ni à signer, alors que l'unanimité des parties est requise pour la signature de l'accord final et que les droits des créanciers non attraits ne sont pas affectés : il faudra user de procédures hybrides (procédure amiable qui se finit en procédure judiciaire, telles la sauvegarde accélérée ou la sauvegarde financière accélérée) pour y procéder ;
- ces procédures ne gèlent automatiquement ni les dettes ni les actions initiées par les créanciers ; seuls des délais de grâce de maximum 24 mois peuvent être obtenus en conciliation. De ce fait et de façon générale, les procédures amiables sont plus utiles pour résoudre des difficultés de structure de bilan , et les procédures judiciaires plus efficaces pour résoudre des difficultés liées aux comptes de résultat ;
- le délai de cinq mois pour la conciliation peut s'avérer trop court ;
- aucun aménagement du droit du travail n'est possible.
(b) Les procédures collectives (ou judiciaires)
À la différence des procédures préventives, ces procédures collectives sont publiques, plus longues (18 mois maximum) et conduites dans un cadre judiciaire.
Le contrôle du tribunal se matérialise par le fait qu'il devient l'ultime décisionnaire du sort de la procédure et donc de l'entreprise : il renouvelle ou met fin aux procédures, adopte ou non les plans proposés...
En outre, les pouvoirs de gestion de l'entreprise sont répartis entre le dirigeant et l'administrateur judiciaire, qui est désigné 371 ( * ) , outre un mandataire judiciaire chargé de représenter les intérêts des créanciers.
Dans cet environnement, l'administrateur judiciaire a pour mission d'aider au sauvetage de l'entreprise et d'assister la gestion de celle-ci. Ses pouvoirs sont graduels en fonction de l'étendue des difficultés :
- en sauvegarde, où l'entreprise n'est pas défaillante, il aura en général une simple mission de surveillance ;
- en redressement judiciaire, où l'entreprise est défaillante et la confiance est à recréer avec l'environnement, l'administrateur judiciaire aura au minimum une mission d'assistance , au maximum une mission de représentation totale .
En contrepartie de ce dessaisissement partiel de la direction , les procédures judiciaires offrent un environnement propice au sauvetage de l'entreprise, grâce à des leviers uniques, dont les principaux sont :
- le gel des dettes antérieures à la procédure en vue de leur étalement sans intérêts dans le cadre d'un plan de dix ans maximum, qui pourra, dans les entreprises les plus significatives, être arrêté par la majorité des deux tiers des créanciers réunis par catégories (financiers ou fournisseurs),
- la suspension des poursuites judiciaires,
- la suspension du cours des intérêts pour les dettes à moins d'un an,
- l'intervention de l'AGS 372 ( * ) pour l'avance des indemnités de licenciement voire des arriérés de salaires (en redressement judiciaire),
- la rationalisation des contrats conclus par l'entreprise (résiliation sans préavis et indemnités au passif),
- la reconstitution du patrimoine de l'entreprise ou de ses capitaux propres, avec, si besoin, une refonte forcée de son actionnariat dans les cas les plus graves.
Le droit offre actuellement à l'entreprise en difficulté quatre procédures différentes :
Sauvegarde |
Sauvegarde accélérée |
Sauvegarde financière accélérée |
Redressement judiciaire |
|
Conditions d'ouverture |
Toute entreprise justifiant de difficultés qu'elle n'est pas en mesure de surmonter mais n'étant pas en cessation de paiement. Elle ne peut être ouverte qu'à l'initiative de l'entreprise, qui peut proposer l'intervention de l'administrateur judiciaire de son choix, sous réserve de la décision finale du tribunal après avis du parquet. |
Elle est obligatoirement précédée d'une procédure de conciliation, qui aura permis l'émergence d'un plan à soumettre aux comités de créanciers à la règle de la majorité des deux tiers. Ses délais sont par ailleurs abrégés (1 à 3 mois). |
Réservée aux entreprises les plus importantes 373 ( * ) engagées dans une procédure de conciliation et qui ne sont pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours |
Toute entreprise dans l'impossibilité de régler ses dettes avec son actif disponible (en cessation de paiement), mais dont la situation permet encore un redressement. Ouverte : à la demande du chef d'entreprise (au plus tard dans les 45 jours suivant la cessation des paiements) ; sur assignation d'un créancier (sauf si une procédure de conciliation est en cours) ; à la demande du procureur de la République (sauf si une conciliation est en cours). |
Avantages |
Permet à l'entreprise de geler ses dettes, de se prémunir des poursuites de ses créanciers ou de faire intervenir l'AGS pour le financement des coûts d'éventuels licenciements (en période d'observation ou en exécution du plan de sauvegarde uniquement). |
Conçue pour faciliter le dénouement heureux d'une conciliation qui a échoué en raison de l'opposition d'une minorité de créanciers, elle est réservée aux entreprises importantes 374 ( * ) qui peuvent être en cessation des paiements, à condition que cette situation ne date pas de plus de 45 jours, et qui justifient d'un projet de plan visant à assurer leur pérennité, susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de la part des créanciers, réunis en comités par dérogation aux seuils de droit commun. |
Son objectif est d'imposer rapidement à certains créanciers minoritaires récalcitrants, et en présence de créanciers non identifiés (titres de dette négociables sur les marchés financiers), une restructuration financière pré-négociée et ayant recueilli un large soutien des créanciers concernés, afin de préserver l'activité opérationnelle de l'entreprise en difficulté. |
Elle permet de geler les poursuites des créanciers ainsi que les dettes de l'entreprise, sous le contrôle de l'administrateur judiciaire, le temps de mener sa restructuration et de démontrer la faisabilité d'une continuation de l'activité ainsi que du remboursement des dettes. |
Modalités |
Le tribunal désigne un administrateur judiciaire, ainsi qu'un mandataire judiciaire (qui dresse l'état du passif). Les salariés sont représentés dans la procédure. Des créanciers (jusqu'à 5) peuvent être désignés en tant que contrôleurs. Le jugement du tribunal ouvre une période dite « d'observation » de 6 mois, renouvelable une fois (sauf prorogation exceptionnelle de 6 mois complémentaires maximum, sur demande du ministère public). Durant cette période, le dirigeant continue à assurer seul la gestion de l'entreprise. Il peut être assisté par l'administrateur judiciaire sur certains aspects, dont la gestion de la trésorerie. |
Ouverte à la demande du dirigeant, cette procédure permet de bénéficier d'un gel de dettes pendant au maximum 3 mois. À défaut de plan dans ce délai, le tribunal met fin à la procédure. |
Elle donne lieu à un plan de sauvegarde arrêté par jugement dans un délai maximum de 2 mois. |
Le tribunal désigne un juge-commissaire, un administrateur judiciaire ainsi qu'un mandataire judiciaire. Les salariés sont représentés dans la procédure et des créanciers (jusqu'à 5) peuvent être désignés contrôleurs. L'entreprise ne peut plus bénéficier des procédures préventives. Le redressement judiciaire prévoit une période d'observation de 12 mois maximum (sauf prorogation exceptionnelle jusqu'à 6 mois complémentaires, sur demande du ministère public). |
Effets |
La procédure, non confidentielle, peut aboutir à un plan de sauvegarde, arrêté par jugement du tribunal de commerce et opposable à tous les créanciers de l'entreprise. Seule une cession partielle de l'entreprise est possible : en sauvegarde, le dirigeant reste et restera maître à bord. |
Elle affecte l'ensemble des créanciers, excepté les salariés et les créanciers alimentaires. |
Cette procédure est semi-collective puisqu'elle n'a d'effet que sur les créanciers financiers. |
Sur décision du tribunal, la procédure débouche soit sur un plan de continuation, soit sur un plan de cession, soit sur la liquidation judiciaire de l'entreprise, lorsque le redressement est manifestement impossible. |
Source : Le guide de l'entrepreneur éclairé , FHB Editions
(c) Le redressement a pour objectif la recréation de valeur
La procédure collective est souvent perçue par le chef d'entreprise comme une sanction alors qu'elle fait naître une chance de perdurer. En redressement judiciaire, tout est mis en oeuvre pour sauver l'activité, prioritairement avec la même équipe dirigeante, la cession étant subsidiaire (si aucun plan de redressement sérieux n'est présenté). Mise à l'abri des poursuites de ses créanciers, l'entreprise peut se concentrer sur les moyens de se restructurer rapidement.
Outre ce gel des poursuites, l'entreprise bénéficie du gel du passif 375 ( * ), lequel sera étalé dans le cadre du plan de continuation , qui lui permet de reconstituer sa trésorerie ou de financer sa restructuration. L'administrateur judiciaire, spécialiste de la gestion des biens d'autrui, doit réaliser un bilan diagnostic de l'entreprise qui va déterminer la faisabilité d'une continuation d'activité.
À l'issue de la procédure d'observation qui doit permettre à l'entreprise en difficulté de faire la preuve de la possibilité d'une continuation de l'activité et du remboursement de ses dettes, l'étalement de ces dettes sans intérêts sur au plus 10 années est une voie privilégiée du plan de redressement 376 ( * ) .
Pour veiller à sa mise en oeuvre et procéder au règlement des créanciers de ces dispositions, un commissaire à l'exécution du plan est nommé. Dès sa mise en oeuvre, la société redevient « in bonis » 377 ( * ) et le dirigeant retrouve seul sa signature, mais le Kbis mentionnera le plan de continuation jusqu'à l'apurement total du passif, avec possibilité de solliciter la suppression de ces mentions plus rapidement auprès du greffe.
À défaut, « si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement de l'entreprise ou en l'absence de tels plans » 378 ( * ) , le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise. Cela intervient lorsqu'un plan de continuation est exclu, c'est-à-dire en cas d'impossibilité de payer le passif du fait d'une rentabilité insuffisante, d'un échec de négociation ou de l'absence de moyens pour réduire le passif, ou encore d'impasse de trésorerie à bref délai. Lorsque des offres de reprises sont présentées, le choix du tribunal doit être guidé par l'objectif de la sauvegarde la plus pérenne possible de l'emploi.
(d) La liquidation judiciaire n'est pas une sanction
Le tribunal a la faculté de prononcer la liquidation judiciaire à tout moment dès l'ouverture de la procédure collective si l'entreprise n'est pas viable et son redressement manifestement impossible - souvent parce que la procédure a été ouverte trop tardivement : à l'issue de la période d'observation, à défaut de plan de redressement ; à tout moment de la phase d'observation ou en cas d'inexécution du plan ; en cas de résolution d'un plan de sauvegarde ou de continuation.
La procédure de liquidation judiciaire a pour but de régler les dettes de l'entreprise en procédant à la vente de ses biens. Elle entraîne la dissolution de la société. Pour le cabinet spécialisé FHB : « Il ne s'agit pas en soi d'une sanction, mais d'une mesure dictée par le souci de l'intérêt collectif : par effet domino, une entreprise qui crée de nouvelles dettes affecte négativement son environnement économique ».
Dès l'ouverture de la procédure, le tribunal désigne un liquidateur. Dans la plupart des cas, il a été le représentant des créanciers désigné pendant la procédure de redressement judiciaire. Il est chargé de vendre les actifs de l'entreprise par des enchères publiques ou de gré à gré, puis de répartir le produit des ventes entre les créanciers, sous le contrôle d'un juge-commissaire.
Durant cette période, l'entrepreneur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, mais peut procéder aux licenciements économiques nécessaires.
La procédure est close lorsqu'il n'existe plus de passif exigible, que le liquidateur dispose des sommes suffisantes pour rembourser les créanciers ou que l'insuffisance de l'actif rend impossible la poursuite de l'opération : on procède alors à la clôture pour insuffisance d'actif . C'est ainsi une procédure qui aboutit à l'effacement des dettes et permet le rebond de l'entrepreneur personne physique.
Exceptionnellement, elle peut être assortie d'une période de poursuite d'activité pour les besoins de la liquidation ou pour organiser une cession d'activité ou d'actifs.
b) Un droit du redressement d'entreprise qui pratique « l'acharnement thérapeutique »
Il résulte de ce rapide panorama et comme l'a relevé la commission des Lois du Sénat dans son rapport précité lors de la ratification des ordonnances de 2014, que « ces réformes successives cherchent à concilier approche juridique et approche économique, au risque parfois, selon votre rapporteur, de présenter des risques de contradiction . La logique toujours croissante de `boîte à outils' du livre VI du code de commerce n'est pas toujours compatible avec l'exigence de lisibilité du droit pour les chefs d'entreprise et la cohérence procédurale d'ensemble » 379 ( * ) .
Les auditions réalisées à l'époque ont relevé la complexité croissante du droit des entreprises en difficulté, qui semble parfois évoluer davantage en fonction des grandes entreprises que de la situation générale des entreprises.
Cette complexité du droit des procédures collectives résulte aussi de la création de nouvelles procédures, sans cesse plus ciblées, pour s'adapter à toutes situations en créant un continuum rendant parfois difficile l'appréciation de l'adéquation de la procédure applicable à la situation économique de l'entreprise.
A l'occasion de la troisième Journée des entreprises du Sénat, le 29 mars 2018, Mme Sophie Vermeille, présidente de Droit et croissance a ainsi souligné que : « depuis dix ans, le droit des faillites a été réformé à cinq reprises avec, chaque fois, des résultats mitigés. Le législateur a pris conscience du risque qu'il y avait à trop asphyxier les créanciers, mais n'a agi qu'en apposant des rustines pour corriger les effets pervers de dispositifs imparfaits. À sa décharge toutefois, il est malaisé de légiférer de manière simple et efficace en la matière. Il serait souhaitable que les pouvoirs publics adoptent une approche plus globale de ces questions, que la Commission européenne encourage » avec sa proposition de directive du 22 novembre 2016.
Cette situation soulève le problème de l'accessibilité de ce droit en particulier pour les PME, problème qui ne se pose pas pour les grandes entreprises, lesquelles peuvent se faire assister de conseils adéquats. En outre, même si toutes les dispositions du livre VI du code de commerce n'ont pas vocation à être appliquées aux petites entreprises, elles accentuent néanmoins l'image de complexité de ce droit, au rebours de la nécessité d'inciter les entreprises à anticiper les difficultés et à s'adresser au tribunal le plus tôt possible.
L'autre caractéristique de ce droit est que beaucoup trop d'entreprises non viables sont artificiellement maintenues en vie , ce qui conduit à appauvrir le gage des créanciers. Plus le temps passe, plus la valeur des actifs de l'entreprise diminue. Lorsque la liquidation est prononcée, l'existence de trop nombreux privilèges primant les droits des créanciers titulaires de sûretés, et la lenteur des procédures, rendent illusoire, à certaines exceptions près, le recouvrement d'au moins une partie de leurs créances, par les créanciers titulaires de sûretés.
À cet égard, compte tenu de ce degré de complexité, de nombreuses personnes entendues en audition par la commission des Lois en 2015 avaient jugé nécessaire « de faire désormais une pause » dans les réformes du livre VI du code de commerce.
Cette pause se trouve remise en question par les nouvelles perspectives ouvertes par le Président de la République.
c) Vers un droit franco-allemand de la faillite en 2024 ?
Le Président de la République a annoncé dans son discours à la Sorbonne du 27 septembre 2017 sur « l'Initiative pour une Europe souveraine, unie, démocratique » qu'il souhaitait proposer « en premier lieu à l'Allemagne un partenariat nouveau » et notamment pour « se donner d'ici à 2024 l'objectif d'intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ».
L'accord de coalition CDU-CSU-SPD 380 ( * ) présenté le 12 mars 2018, reprend cette proposition et évoque « la réalisation d'un espace économique franco-allemand doté de règles uniformes, notamment en matière de droit des sociétés et de faillite, et de rapprochement de l'assiette de l'impôt sur les sociétés » 381 ( * ) .
Le nouveau Traité de l'Elysée qui doit être conclu en 2018 reprendrait également cette perspective d'unification franco-allemande du droit de l'entreprise, du droit des faillites et de la fiscalité.
Cette convergence du droit des faillites requiert au préalable une évaluation des deux systèmes afin d'apprécier le plus performant.
La réponse est sans appel. Selon le classement 2017 de Doing Business en effet, la France occupe la 28 ème position et l'Allemagne la 4 ème pour ce qui est de l'efficacité des procédures d'insolvabilité.
En 2016, on a recensé 21 518 faillites d'entreprises allemandes contre 58 057 d'entreprises françaises 382 ( * ) , soit 2,7 fois plus que notre principal partenaire économique.
Ce nombre, figuré dans l'histogramme ci-dessous, est tombé en Allemagne à 15 169 pour les neuf premiers mois de 2017, en baisse de 8 % par rapport à la même période en 2016.
Le différentiel s'accroît puisque il s'élevait à 40 % en 2011, avec 30 099 défaillances d'entreprises en Allemagne contre 50 485 pour la France.
Depuis le début des années 1990, l'Allemagne affiche un nombre annuel de défaillances plus faible que la France. Si les chiffres ont convergé au début des années 2000 (à la baisse pour la France et à la hausse pour l'Allemagne), ils suivent depuis 2005 une trajectoire diamétralement opposée. En Allemagne, les défaillances sont inférieures à leur niveau d'avant l'éclatement de la bulle internet, qui était d'environ 30 000 ouvertures annuelles de procédures judiciaires, tandis qu'elles ont fortement augmenté en France avec la crise de 2008-2009 pour se stabiliser depuis 2010 au-dessus de 50 000 ouvertures.
Deux divergences essentielles dominent entre les droits français et allemand :
1/ alors que le droit français a développé une grande variété de procédures amiables (mandat ad hoc , conciliation) ou judiciaires (redressement judiciaire, liquidation judiciaire, liquidation judiciaire simplifiée, sauvegarde, sauvegarde financière accélérée), le droit allemand se fonde sur une seule procédure ;
2/ alors que le droit français offre une protection faible aux créanciers par rapport aux autres parties, notamment les actionnaires, le droit allemand se situe dans une position intermédiaire en termes de protection des créanciers. En France, le débiteur a le monopole de la présentation du plan de sauvegarde et les créanciers sont seulement invités à formuler un avis, non liant, sur ce plan. En Allemagne, un juge dirige la procédure collective mais doit obtenir l'accord des créanciers pour toute restructuration du passif.
(1) La loi allemande de l'insolvabilité de 1999383 ( * )
La loi InsO 384 ( * ) organise la fusion des différentes procédures collectives pendant la phase préliminaire, au cours de laquelle un administrateur est généralement désigné pour gérer le patrimoine du débiteur. Quelques semaines après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, l'administrateur présente aux créanciers un rapport exposant la situation économique de l'entreprise et analysant les perspectives de redressement. L'assemblée des créanciers prend alors la décision d'arrêter ou de poursuivre l'activité de l'entreprise. Dans le second cas, il existe deux possibilités : le redressement par cession ou le redressement par le débiteur dans le cadre d'un plan de résorption de l'insolvabilité, procédure inspirée du chapitre 11 américain.
L'article premier de la loi précise toutefois que la procédure pour insolvabilité vise à « satisfaire collectivement les créanciers d'un débiteur, en réalisant les actifs de ce dernier et en en partageant le produit, ou en adoptant une solution dérogatoire dans le cadre d'un plan de résorption de l'insolvabilité visant notamment la sauvegarde de l'entreprise ». La sauvegarde de l'entreprise apparaît donc comme un objectif second par rapport à la satisfaction des créanciers, à rebours du droit français.
(2) La réforme de 2005
En Allemagne, la procédure du « plan d'insolvabilité » qui permet, par dérogation à la rigidité du droit commun, d'organiser un redressement en préservant la personne morale, n'a pas rencontré le succès escompté. Oseo n'avait recensé, dans son étude de 2008, que 168 plans d'insolvabilité en 2004.
Les critiques portées contre les insuffisances du cadre juridique en vigueur depuis 1999 ont conduit le législateur allemand à insuffler un nouvel élan au droit allemand de l'insolvabilité avec la loi dite « amendement ESUG » 385 ( * ) , en vigueur depuis 2012.
En définitive, la réforme ESUG a souhaité rendre plus attractives les restructurations en Allemagne dans un contexte de « tourisme de l'insolvabilité » qui profitait au Royaume-Uni, et que les directives européennes ont entendu combattre, et favoriser l'ouverture des procédures plus en amont des difficultés. Le pari est donc de favoriser les chances de parvenir à un redressement, et de développer les restructurations négociées, dans l'intérêt de chacune des parties.
d) Un long chemin pour une convergence franco-allemande
(1) L'analyse comparée d'Oseo de 2008 a montré deux systèmes très divergents386 ( * )
La législation allemande étend l'initiative du déclenchement d'une procédure de liquidation aux créanciers dès lors que ceux-ci sont en mesure de faire valoir un motif sérieux et légitime. Toutefois, il ressort que cette possibilité n'est exercée que de manière marginale. En effet, les déclenchements à l'initiative du débiteur représentent 91,8 % des dossiers étudiés.
Un des objectifs de la réforme de 1999 était d'atteindre un taux d'ouverture des dossiers plus élevé dans l'idée de faire bénéficier un plus grand nombre de créanciers des gains potentiels de la coordination du recouvrement ainsi que d'accroître les chances de continuation des entreprises défaillantes. Oseo a calculé que si la proportion de dossiers ouverts avait fortement progressé sur la période 1998-2002, la proportion se serait stabilisée autour de 50 % pour les années postérieures à 2002. De ce point de vue, la réforme a atteint partiellement son objectif. Cependant, un accroissement du nombre de dossiers ouverts n'implique pas une amélioration des taux de récupération des créanciers, augmentation qui permettrait d'affirmer que les entreprises entrent dans la procédure dans une situation moins mauvaise.
L'étude conduite par Oseo a montré que, parmi les trois critères juridiques d'ouverture des procédures collectives, le critère de la cessation de paiements imminente apparaît comme très largement marginal (2,4 % des cas recensés). L'ambition de la législation de 1999 d'anticiper le déclenchement de la procédure apparaît inefficace. De la même manière, le critère de surendettement n'est que rarement invoqué (1,44 % des cas étudiés). C'est le critère de cessation des paiements associé au surendettement qui est le critère principal présidant au déclenchement d'une procédure (73 % des cas).
Le poids moyen (moyenne de ratios) des coûts de faillite 387 ( * ) représente 40,1 % des montants recouvrés. Ce chiffre, élevé, rend également compte de la petite taille des entreprises considérées. En effet, la rémunération de l'administrateur est fixée sur la base des montants recouvrés et selon un barème dégressif.
La durée moyenne de la procédure pour l'Allemagne s'élève à 39 mois et 10 % des procédures durent plus de 64 mois. Toutefois, ces durées ne peuvent être comparées directement à la durée des procédures françaises 388 ( * ) .
Les issues de la procédure de faillite en Allemagne permettent une répartition finale des créances dans 67 % des cas et la part des dossiers clos pour absence ou insuffisance de masse représente, respectivement, 11 % et 12 % des cas.
En comparant les procédures, la note établit que :
- la France se distingue par une part plus importante de redressements, continuation et cession (5 %) car la survie de l'entreprise est prioritairement recherchée, tandis qu'en Allemagne, la liquidation apparaît comme une issue naturelle de la procédure pour les PME ;
- le coût des faillites est très élevé en Allemagne (47 000 euros en moyenne) par rapport à la France (5 000 euros), laquelle compte cependant de nombreux dossiers impécunieux dont les coûts sont supportés par les administrateurs et mandataires ;
- les entreprises défaillantes présentent des structures de passif (évaluées sur la base des trois groupes de créanciers retenus par l'étude) très différentes qui traduisent des conceptions diamétralement opposées du traitement des difficultés financières des entreprises.
La législation allemande se caractérise par une mutualisation très large des pertes . En particulier, les organismes sociaux, l'équivalent de l'ANPE et le fisc sont chirographaires dans la procédure. Ainsi, l'« ANPE » allemande, qui se substitue dans une large mesure aux salariés, absorbe une partie conséquente des pertes induites par la défaillance. Cela constitue un mécanisme de socialisation des pertes sur recouvrement : le système accordant peu de privilèges, c'est la collectivité qui supporte ces pertes à travers ces organismes auxquels la loi n'accorde qu'un statut de chirographaires.
En France se dessine le mécanisme inverse : la loi accorde des privilèges aux parties « hors contrats financiers », à savoir l'État et les salariés , qui, dès lors qu'une procédure est ouverte, captent l'essentiel du passif privilégié . Les sécurités s'en trouvent naturellement amoindries, à la fois en part des passifs et en taux de récupération. La procédure collective apporte alors des distorsions aux relations contractuelles initiales.
En conclusion de l'étude, Oseo rappelle que « la France considère la faillite comme un outil de politique économique destiné à sauvegarder les entreprises . Il faut donc offrir aux partenaires impliqués une procédure attractive et plutôt bon marché. À l'opposé, en Allemagne, où les relations banques-entreprises sont plus étroites, on peut s'attendre à ce que les efforts de résolution privée des difficultés soient plus développés. Dans cette logique, le déclenchement d'une procédure collective peut s'interpréter comme l'échec de la voie privée. Il en découle que le coût des procédures collectives n'est pas appréhendé comme un facteur essentiel de leur attractivité ».
(2) L'étude de la COFACE de 2012 a montré que l'Allemagne privilégiait les créanciers sur le maintien de l'emploi
Cette étude, qui intègre dans son périmètre la réforme de 2012 de l'amendement ESUG, confirme la précédente sur le coût des défaillances d'entreprises qui atteint en 2011, 20 milliards en Allemagne contre 14,3 en France (moyenne de 700 000 euros contre 200 000). Elle représente toutefois une différence moins marquée en part de PIB (0,8 % pour la France et 1,1 % pour l'Allemagne) en raison de la taille plus faible des entreprises françaises (94 % d'entreprises de moins de 10 salariés en France) par rapport à leurs homologues allemandes (81 %). Cette différence de coût s'explique par ailleurs parce que « en moyenne plus grosses que leurs homologues françaises, les entreprises allemandes sont moins exposées au risque de défaut, mais lorsque celui-ci se matérialise, son coût en est d'autant plus élevé ».
La COFACE note surtout que les entreprises allemandes sont financièrement plus solides que les entreprises françaises.
Une divergence croissante entre l'Allemagne et le reste de l'Europe est apparue quant aux buts poursuivis par le droit encadrant les procédures collectives. La conjugaison d'une croissance ralentie et d'un chômage élevé a en effet incité la plupart des législateurs européens, dont la France, à privilégier la survie de l'entreprise à l'intérêt de ses créanciers, essentiellement dans un objectif de défense de l'emploi. En Allemagne, à l'inverse, le régime juridique des défaillances est demeuré très favorable aux créanciers.
Alors qu'en France, le juge est en mesure de contrôler la procédure et reste maître de la décision finale quant à l'avenir du débiteur, il se contente en Allemagne d'arbitrer la procédure, à l'issue de laquelle c'est le comité des créanciers - et non le juge - qui décide du redressement ou de la liquidation de l'entreprise débitrice. En outre, avant l'amendement ESUG à la loi sur l'insolvabilité allemande, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité entraînait, le plus souvent, le dessaisissement du chef d'entreprise au profit de l'administrateur de l'insolvabilité nommé par le tribunal (le juge se méfiant de la bonne foi et de la capacité du débiteur à rétablir son crédit). En France, au contraire, le chef d'entreprise demeure en charge de ses affaires, assisté d'un administrateur judiciaire, le temps de la procédure (de sauvegarde ou de redressement judiciaire).
Jusqu'en mars 2012, le droit des faillites allemand, bien plus défavorable à l'entreprise défaillante que son homologue français, a donc pu inciter à une gestion plus prudente de l'entreprise. Le tournant majeur dans le droit des faillites allemand de 2012 incite l'entrepreneur à agir plus en amont 389 ( * ) .
Les mesures contenues dans l'amendement ESUG doivent encourager le débiteur défaillant à intervenir plus en amont auprès du tribunal pour initier la procédure d'insolvabilité, de façon à accroître ses chances de redressement face aux créanciers. À terme, l'amendement ESUG pourrait donc sensiblement faire augmenter le nombre de défaillances en Allemagne.
Au final cependant, estime la COFACE, « l'incitation créée par la fermeté du droit des faillites allemand à l'égard de l'entreprise défaillante constitue probablement un facteur pouvant expliquer le nombre plus faible des défaillances en Allemagne ».
(3) Mixer le droit préventif français et la simplicité et la rapidité du droit allemand de la liquidation
Une convergence franco-allemande du droit de la faillite supposerait de combiner les droits les plus performants :
- le droit français pour le traitement précoce des difficultés des entreprises , qui est un modèle en Europe, a fait ses preuves lors de la crise financière de 2008 et repose sur la conciliation, confidentielle, dont le taux de réussite avoisine les 70 % ;
- le droit allemand pour la liquidation, qui est beaucoup plus favorable aux créanciers , lesquels sont regroupés en classes et qui permet de passer outre la résistance des actionnaires par un cross-class cram-down 390 ( * ) inspiré du Chapter 11 américain.
Compte-tenu de la complexité de ce rapprochement, votre Délégation préconise de créer très rapidement un groupe de travail commun, souple, entre les directions juridiques des deux ministères de la Justice, qui pourrait s'appuyer sur les cercles de réflexion existants, tels l'association Henri Capitant (proposition n° 29).
4. L'évolution du droit européen
Les exigences du bon fonctionnement du marché intérieur ont conduit à envisager la convergence du droit des procédures collectives. Il a fallu cependant attendre 2000 pour qu'un premier règlement soit adopté.
Chaque année, au sein de l'Union européenne , 200 000 entreprises font l'objet d'une procédure d'insolvabilité, soit 600 par jour, générant près d'1,7 million d'emplois perdus. Un quart de ces procédures, soit 50 000, correspondent à des procédures transfrontalières, impliquant créanciers et débiteurs dans plus d'un État membre de l'Union européenne.
a) Une harmonisation du droit européen en deux étapes
Le droit européen n'est applicable que si la procédure a des effets transfrontaliers .
En droit français, l'insolvabilité caractérise la situation d'une personne physique ou d'une entreprise dans l'incapacité de rembourser ses créanciers. En droit européen, l'insolvabilité désigne également la situation d'un débiteur en probabilité d'insolvabilité.
(a) Le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité
Ce règlement ne concernait que des questions de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution, de législation applicable et de coopération dans les procédures d'insolvabilité transfrontières.
En présence d'une procédure d'insolvabilité ouverte à l'égard d'un débiteur ayant des activités, des actifs ou des créanciers situés dans plusieurs États membres, il permettait de répondre aux questions suivantes :
- Quel est le tribunal compétent pour ouvrir la procédure d'insolvabilité ?
- Quel est le droit national applicable à cette procédure ?
- Quelle sera la reconnaissance de cette procédure dans les autres États membres concernés ?
Il s'agissait de la première tentative de coordination entre les différents droits nationaux des États membres (le Danemark n'était pas concerné), pour faciliter les procédures d'insolvabilité transnationales.
Ce règlement reposait sur la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur, le COMI 391 ( * ) . L'État membre sur le sol duquel est établi le débiteur est compétent pour ouvrir la procédure d'insolvabilité dite principale. Le tribunal compétent (lieu du COMI) devait appliquer son droit national et les effets de la procédure étaient automatiquement reconnus dans tous les autres États membres (sans formalité).
Un créancier situé dans un autre État membre où est localisé un établissement du débiteur (et non une filiale) pouvait demander au tribunal local l'ouverture d'une procédure dite secondaire dont les effets étaient limités aux seuls actifs situés dans cet autre État membre, avec une seule issue possible, la liquidation.
Curieusement, ce premier droit européen des procédures collectives n'a pas fait l'objet de transposition législative et n'a eu droit, pour son application par les juridictions françaises, qu'à deux modestes circulaires du ministère de la Justice.
(b) Le règlement (CE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilités transnationales
Il remplace et abroge le règlement (CE) n° 1346/2000.
Le règlement de 2015 met l'accent sur la résolution de conflits de juridiction et de lois dans les procédures d'insolvabilité transfrontières et garantit la reconnaissance des décisions judiciaires d'insolvabilité dans toute l'Union européenne. Toutefois, il n'harmonise pas le droit matériel de l'insolvabilité des États membres.
Afin de s'adapter au contexte de développement des activités transfrontalières des entreprises, le règlement poursuit les objectifs suivants : améliorer le fonctionnement du droit européen des procédures collectives, remédier à ses insuffisances, rattraper le décalage avec la nouvelle réalité économique, tenir compte de l'évolution des pratiques et des lois (nouveaux outils de prévention et de redressement), prendre en compte l'élargissement de l'Union européenne et lutter contre le « forum shopping » qui consiste pour un débiteur à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre qui servira au mieux ses intérêts, au détriment des créanciers.
Le nouveau règlement de 2015 élargit son champ d'application pour couvrir les procédures hybrides et de prévention des difficultés, mais reste limité aux procédures publiques, les procédures confidentielles restant exclues.
Il prévoit que, pour lutter contre le forum shopping , la présomption de la localisation du COMI du débiteur personne morale au lieu de son siège statutaire, nécessite que ce siège n'ait pas été transféré dans un autre État membre moins de trois mois avant la demande d'ouverture de la procédure. Le COMI doit être vérifiable par les créanciers qui disposent d'un droit de contestation. Autre nouveauté, le COMI des personnes physiques est désormais défini.
Le règlement considère que les procédures secondaires ne sont plus uniquement liquidatives : le redressement des établissements rentables devient une option. Il est désormais possible de suspendre leur ouverture pour faciliter un plan de restructuration. Ces procédures sont désormais facultatives : le tribunal peut écarter leur ouverture à condition d'avoir obtenu un engagement unilatéral du praticien nommé dans la procédure principale, garantissant aux créanciers locaux les mêmes droits dans la répartition des fonds que les droits qu'ils auraient eus en cas d'ouverture d'une procédure secondaire. Le droit applicable restera le droit local et cet engagement devra être approuvé à la majorité des créanciers locaux qui disposent d'un droit de recours contre le projet de répartition. Cette disposition, qui pourrait être de nature à favoriser la compétition entre les praticiens de l'insolvabilité, marque cependant pour nombre d'entre eux les prémices d'une harmonisation opérationnelle des pratiques.
Le règlement intègre les groupes de sociétés en difficulté, qui étaient ignorés par le précédent règlement de 2000, afin de permettre la restructuration d'un groupe dans sa globalité 392 ( * ) .
Il prévoit que, au plus tard le 26 juin 2018, les États membres devront tenir un ou plusieurs registres nationaux d'insolvabilité, accessibles au public et devant contenir un certain nombre d'informations. Au niveau de l'UE et au plus tard le 26 juin 2019, la Commission devra mettre en place un système décentralisé permettant l'interconnexion de ces registres d'insolvabilité nationaux via le portail e-justice.
Enfin, le règlement améliore les droits des créanciers étrangers, lesquels disposeront d'un délai minimum de 30 jours pour déclarer leurs créances.
Pour Hélène Bourbouloux, fondatrice et associée gérante du cabinet d'administrateurs judiciaires FHB, ce règlement apparaît majeur car « il s'agit d'un début de reconnaissance du traitement de l'insolvabilité d'un groupe de sociétés sur le fond et pas seulement sur la forme. Les propositions de sauvetage du règlement se font au niveau du groupe. C'est fondamental, car cela change la grille de lecture. Si l'échelon de sauvetage est au niveau de la personne morale dans nos législations nationales, celui retenu par le règlement se positionne au niveau du groupe. C'est perçu ainsi par les lenders 393 ( * ) ».
Plus de quatre mois après l'entrée en application du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité -ce texte étant applicable aux procédures ouvertes depuis le 26 juin 2017-, a été publiée l'ordonnance n° 2017-1519 du 2 novembre 2017 portant adaptation du droit français au règlement précité 394 ( * ) . Les dispositions de nature réglementaire auxquelles renvoient plusieurs nouveaux articles restent à venir.
L'ordonnance crée un nouveau titre IX du livre VI du Code de commerce ainsi intitulé : « Dispositions particulières aux procédures d'insolvabilité relevant du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité ». C'est donc la première fois que le Code de commerce comporte un titre relatif aux procédures d'insolvabilité .
L'interconnexion des registres d'insolvabilité, soit la possibilité pour tout citoyen européen de consulter gratuitement sur le site de la Commission européenne des informations relatives à la procédure d'insolvabilité d'un débiteur, est prévue pour courant 2019.
b) La mise en place d'un droit matériel harmonisé des procédures d'insolvabilité
(1) Une nouvelle stratégie de l'Union européenne : faciliter le rebond par la rapidité
La Commission européenne a pris conscience de la nécessité de la rapidité du traitement des procédures de défaillance des entreprises pour offrir une seconde chance et faciliter le rebond du chef d'entreprise.
Dans une recommandation du 12 mars 2014 « relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d'insolvabilité des entreprises », la Commission européenne souhaitait « assurer aux entreprises viables en difficulté financière, où qu'elles se trouvent dans l'Union, un accès aux cadres nationaux en matière d'insolvabilité leur permettant de se restructurer à un stade précoce afin de prévenir leur insolvabilité et d'optimiser ainsi leur valeur totale pour les créanciers, les travailleurs, les propriétaires et l'économie dans son ensemble ». La recommandation entendait également « offrir une seconde chance, dans l'ensemble de l'Union, aux entrepreneurs honnêtes ayant connu la faillite ».
Dès une « communication pour un Acte unique II » du 3 octobre 2012, la Commission considérait que la modernisation des règles en matière d'insolvabilité était « une mesure clé ».
Dans son Plan d'action Entrepreneuriat 2020 , du 9 janvier 2013, la Commission invitait les États membres à « limiter, si possible, à trois ans tout au plus d'ici à 2013, la durée des procédures de réhabilitation et de concordat pour les faillis honnêtes, et à fournir aux entreprises des services de soutien à la restructuration précoce ainsi que des conseils pour éviter la faillite, et aider les PME à se restructurer et à redémarrer ».
La recommandation de 2014 constate que l'harmonisation des cadres nationaux d'insolvabilité serait bénéfique à plusieurs titres :
- pour l'économie , car elle « permettraient d'optimiser les rendements des différents créanciers et investisseurs et encourageraient les investissements transfrontières. Cette cohérence accrue faciliterait également la restructuration des groupes de sociétés, quel que soit le lieu de l'Union où sont établis les membres du groupe » ;
- pour l'emploi , « la création d'activités non salariées dans les États membres serait stimulée par un meilleur accès des entrepreneurs à cette seconde chance. Par ailleurs, des cadres d'insolvabilité plus efficaces amélioreraient l'évaluation des risques liés aux décisions de prêt et d'emprunt et faciliteraient, en minimisant les coûts économiques et sociaux inhérents aux procédures de désendettement, l'ajustement des entreprises surendettées » ;
- pour les PME « qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour assumer les coûts élevés d'une restructuration et profiter des procédures de restructuration plus efficaces de certains États membres ».
Les éléments principaux de la recommandation de 2014 Un cadre de restructuration devrait permettre aux débiteurs de prendre en charge leurs difficultés financières à un stade précoce, lorsque leur insolvabilité peut encore être évitée et la poursuite de leur activité assurée. Toutefois, pour éviter tout risque potentiel d'abus de la procédure, les difficultés financières du débiteur doivent être de nature à entraîner son insolvabilité et le plan de restructuration doit être capable de prévenir l'insolvabilité du débiteur et d'assurer la viabilité de l'entreprise. Pour permettre un gain d'efficacité et minimiser les délais et les coûts, les cadres de restructuration préventifs devraient comporter des procédures souples limitant les formalités judiciaires aux situations dans lesquelles elles sont nécessaires et proportionnées afin de préserver les intérêts des créanciers et des autres parties intéressées susceptibles d'être affectées. Á titre d'exemple, afin d'éviter des coûts inutiles et de refléter le caractère précoce de la procédure, il conviendrait en principe de laisser aux débiteurs le contrôle de leurs actifs et de ne pas rendre obligatoire la nomination d'un médiateur ou d'un superviseur, mais de la prévoir au cas par cas. |
Un débiteur devrait être en mesure de saisir une juridiction en vue d'obtenir un moratoire sur les procédures individuelles d'exécution et la suspension des procédures d'insolvabilité à son encontre demandées par les créanciers, lorsque ces actions peuvent affecter de manière négative les négociations et compromettre les possibilités de restructuration de l'entreprise du débiteur. Toutefois, afin d'assurer un juste équilibre entre les droits du débiteur et ceux des créanciers et compte tenu de l'expérience des réformes récentes dans les États membres, le moratoire devrait être initialement accordé pour une période n'excédant pas quatre mois. Le plan de restructuration doit être validé par une juridiction compétente, afin d'assurer la mise en balance de la diminution des droits des créanciers et des avantages de la restructuration et de garantir l'accès des créanciers à un recours effectif, dans le plein respect de la liberté d'entreprise et du droit à la propriété qui sont consacrés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La juridiction saisie doit dès lors rejeter tout plan qui serait susceptible d'entraîner une diminution des droits des créanciers dissidents en-deçà du niveau qu'ils auraient pu raisonnablement escompter si l'entreprise du débiteur n'était pas restructurée. Alors qu'il semble être démontré que les entrepreneurs faillis ont plus de chance de réussir la seconde fois, les effets de la faillite et plus particulièrement la stigmatisation sociale, les conséquences juridiques et la persistance du défaut de paiement, sont autant de facteurs dissuasifs pour ceux qui souhaitent créer une entreprise ou bénéficier d'une seconde chance. D'où la nécessité de prendre des mesures propres à réduire les effets négatifs des faillites sur les entrepreneurs, en prévoyant des dispositions pour un apurement complet des dettes à l'expiration d'un délai déterminé. Source : Recommandation 2014/135/UE de la Commission du 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d'insolvabilité des entreprises |
Dans ce contexte, le « plan d'action pour la mise en place d'une union des marchés des capitaux » 395 ( * ) de 2015 a annoncé une initiative législative dans le domaine de l'insolvabilité des entreprises, couvrant la restructuration précoce et la seconde chance. Cette initiative vise à supprimer les principaux obstacles à la libre circulation des capitaux et s'inspire des régimes nationaux qui fonctionnent bien.
Dans le même sens, la « stratégie pour le marché unique » 396 ( * ) du 28 octobre 2015 a annoncé le soutien aux entrepreneurs par une législation mettant en place un environnement réglementaire permettant de gérer l'échec sans décourager les entrepreneurs de se relancer dans des projets innovants.
Le rapport des cinq présidents de juin 2015 Compléter l'Union économique et monétaire européenne mentionne le domaine du droit des faillites parmi les principaux goulets d'étranglement qui empêchent l'intégration des marchés de capitaux dans la zone euro et au-delà :
« Une véritable Union des marchés des capitaux nécessite également d'autres améliorations, dont certaines ne peuvent être obtenues que par le biais de la législation, telles que : une simplification des exigences en matière de prospectus; une revitalisation du marché européen des titrisations de grande qualité; une plus grande harmonisation des pratiques comptables et d'audit ; et la suppression des principaux goulets d'étranglement qui empêchent l'intégration des marchés de capitaux, dans des domaines tels que le droit des faillites, le droit des entreprises, les droits de propriété et le caractère exécutoire des créances transfrontières ».
La Commission européenne estime, dans sa communication du 22 novembre 2016 annonçant cette nouvelle approche en matière d'insolvabilité, consistant à promouvoir la restructuration précoce pour soutenir la croissance et protéger les emplois, que « des systèmes d'insolvabilité et de restructuration qui fonctionnent sont essentiels pour soutenir la croissance économique et la création d'emplois. Cette initiative renforcera les possibilités, pour les entreprises en proie à des difficultés financières, de se restructurer sans attendre, afin d'éviter la faillite et le licenciement de leurs employés. Elle garantira que les entrepreneurs auront une seconde chance après une faillite. Elle conduira également à des procédures d'insolvabilité plus efficaces et plus efficientes dans toute l'UE ».
M. Franz Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne a indiqué que celle-ci voulait : «aider les entreprises à se restructurer à temps, de façon à sauver des emplois et à préserver leur valeur. Nous voulons aussi soutenir les entrepreneurs qui ont échoué, pour qu'ils se relèvent plus rapidement, repartent de l'avant et se remettent en selle, plus avisés ».
Allant dans le même sens, la commissaire chargée de la justice, des consommateurs et de l'égalité des genres, Mme Vera Jourová, a souligné que « bien souvent, la faillite pourrait être évitée si nous disposions de procédures d'insolvabilité et de restructuration plus efficientes. Il est grand temps de donner aux entrepreneurs une seconde chance de démarrer une activité, par l'apurement complet de leurs dettes dans un délai maximal de trois ans ».
En effet, actuellement, la moitié des Européens déclarent qu'ils ne sont pas prêts à créer une entreprise par crainte de la faillite.
(2) La proposition de directive du 22 novembre 2016
La Commission européenne a publié, le 22 novembre 2016, une proposition de directive sur les procédures préventives de restructuration, la seconde chance et les mesures accroissant l'efficacité des procédures de restructuration, d'insolvabilité et de décharge de dettes. Elle entend promouvoir un système de procédures plus « efficientes ». Cette proposition modifie une directive CE 2012/30 relative au droit des sociétés. Elle s'inscrit dans le prolongement de la Recommandation de la Commission européenne du 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d'insolvabilité des entreprises en prescrivant aux États membres de modifier leur loi sur l'insolvabilité. Il s'agit de dépasser le règlement européen du 20 mai 2015 portant sur les procédures d'insolvabilité.
Par cette démarche, l'Union européenne entend soutenir la croissance et protéger les emplois en développant une «culture commune de sauvetage ».
La Commission européenne propose ainsi, pour la première fois, une série de règles de fond concernant le droit de l'insolvabilité des entreprises.
En effet, comme on l'a vu, le droit européen harmonisait les procédures mais non le droit matériel de l'insolvabilité des entreprises au sein de l'Union européenne. Cette volonté d'harmoniser partait du constat simple de l'existence de disparités entre divers États membres.
Ainsi, les taux de recouvrement des créances, étroitement corrélés aux possibilités de restructuration, varient de 30 à 90 % (78 % en France, au-dessus de la moyenne européenne).
L'impact macro-économique d'une réforme de l'insolvabilité a été chiffré entre 0,3 et 0,55 % du PIB européen , représentant entre 41 et 78 milliards d'euros 397 ( * ) . Par ailleurs, elle permettrait la libéralisation d'une partie du capital mobilisé par les prêts improductifs (NPL) 398 ( * ) dont le montant a été estimé en 2014 par la BCE à 879 milliards d'euros, à hauteur de 167 à 522 milliards, ce qui entraînerait de nouvelles activités de prêt 399 ( * ) . Or, ce sont les PME qui détiennent la plus forte part (18,5 % en juin 2015) de ces NPL.
La proposition de directive du 22 novembre 2016 vise l'harmonisation des droits nationaux des 28 États membres en matière d'insolvabilité à partir du constat d'imprévisibilité et d'inefficacité des procédures collectives et de l'effet dévastateur des procédures sur les entreprises et l'emploi.
La directive proposée 400 ( * ) est axée sur trois éléments principaux :
a) des principes communs pour l'utilisation de cadres de restructuration précoce, qui aideront les entreprises à poursuivre leur activité et à préserver les emplois;
b) des règles autorisant les entrepreneurs à bénéficier d'une seconde chance, puisqu'ils seront entièrement libérés de leurs dettes à l'expiration d'un délai maximal de trois ans ;
c) des mesures ciblées pour que les États membres améliorent l'efficience des procédures d'insolvabilité, de restructuration et de réhabilitation. Cela réduira la longueur excessive et le coût des procédures dans de nombreux États membres, qui génèrent une insécurité juridique pour les créanciers et les investisseurs et aboutissent à de faibles taux de recouvrement des créances impayées.
Une harmonisation améliorerait la prévisibilité que recherchent les investisseurs et encouragerait le sauvetage précoce des entreprises viables et donc l'emploi. La Commission européenne évoque une nouvelle approche en matière d'insolvabilité et une culture du sauvetage mais n'a pas pour ambition d'harmoniser les aspects fondamentaux de l'insolvabilité : ce projet serait trop complexe, compte tenu des divergences nationales importantes et des interconnexions avec les autres branches du droit.
Ce manque d'ambition a été critiqué dans l'avis sur cette proposition de directive de la Banque centrale européenne (BCE) du 7 juin 2017 401 ( * ) . La BCE regrette, notamment, que la directive proposée renforce la fragmentation actuelle concernant la définition des procédures applicables et ne soit pas utilisée comme un moyen d'harmonisation de la définition de ces procédures.
La proposition de directive : « ne suit pas une approche globale visant à harmoniser les législations en matière d'insolvabilité dans l'ensemble de l'Union, à la fois pour la restructuration et la liquidation, et elle ne cherche pas non plus à harmoniser les aspects essentiels du droit de l'insolvabilité, tels que : a) les critères d'ouverture de la procédure d'insolvabilité ; b) une définition commune de l'insolvabilité ; c) le classement des créances en cas d'insolvabilité ; et d) les actions révocatoires. Bien que la BCE reconnaisse pleinement les difficultés considérables, sur les plans juridique et pratique, qu'entraînerait l'élaboration d'une approche globale, en raison des changements profonds du droit commercial, du droit civil et du droit des sociétés qu'un tel effort nécessiterait, des mesures plus ambitieuses doivent être prises pour déterminer des points communs en vue de l'harmonisation, sur le fond, des législations des États membres en matière d'insolvabilité; ceci garantirait une harmonisation plus globale à long terme et contribuerait au bon fonctionnement de l'union des marchés des capitaux ».
La BCE réclame aussi une hiérarchisation claire entre la proposition de directive et d'autres actes juridiques ayant une incidence sur la stabilité des marchés comme les directives n° 98/26/CE et 2002/47/CE ou le règlement (UE) n° 648/2012.
Enfin, elle appelle à une définition plus précise de la « probabilité d'insolvabilité » : « en raison de son importance cruciale pour le cadre de restructuration, elle ne devrait pas être laissée à l'entière appréciation des États membres ».
La proposition de directive définit des principes et une série de mesures ciblées et réalistes autour de trois thèmes.
Le premier thème est la promotion des outils de restructuration précoce des entreprises viables pour les aider à poursuivre leur activité et à préserver l'emploi, via des outils d'alerte précoce de détection des difficultés et des procédures de prévention permettant la restructuration et évitant l'insolvabilité, articulées autour de principes simples parfois inspirés du Chapter 11 américain parmi lesquels :
- le maintien du débiteur aux commandes de son entreprise,
- la limitation à quatre mois, renouvelables deux fois, de la suspension des poursuites,
- l'encadrement du plan de restructuration,
- le regroupement des créanciers en différentes classes,
- la possibilité d'imposer ce plan à une ou plusieurs classes de créanciers dissidents ainsi qu'aux actionnaires réfractaires ( cross class cram-down ),
- l'évaluation systématique de la valeur de l'entreprise,
- la protection absolue du new money et des transactions prévues au plan,
- et enfin, les contraintes fortes sur le dirigeant pour qu'il prenne les mesures qui s'imposent en cas de probabilité d'insolvabilité, de façon à protéger l'entreprise et son environnement.
Le deuxième thème porte sur la seconde chance des entrepreneurs « honnêtes » en vue d'un rebond, articulée autour de la libération totale du poids de la dette, la limitation des mesures d'interdiction de gérer dans un délai maximum de trois ans et le traitement coordonné des dettes professionnelles et personnelles.
Le troisième thème vise l'efficacité des procédures collectives par la formation et la spécialisation des juges . Pour les praticiens de l'insolvabilité, la Commission insiste sur leur formation, un code de conduite, des contrôles, un processus de désignation prévisible avec consultation du débiteur et des créanciers, un régime de sanctions approprié et un système de rémunération au mérite. En cas de procédure transfrontalière, leur désignation devra dépendre (i) de leur capacité à communiquer et à coopérer avec leurs collègues étrangers et (ii) de la taille de leurs équipes. D'autres mesures sont préconisées comme l'optimisation des moyens de communication électroniques et la mise en place d'un outil national de statistiques avec un rapport annuel à la Commission.
Les États membres auraient deux ans pour appliquer cette directive qui prévoit un premier contrôle de la Commission au bout de cinq ans, puis d'autres tous les sept ans.
La proposition de directive a fait l'objet d'une première lecture par le Conseil européen. La deuxième lecture s'est déroulée à l'automne 2017 sous présidence estonienne et la nouvelle lecture est programmée sous la présidence bulgare en 2018.
(3) L'impact de la proposition de directive sur le droit français du redressement d'entreprise
(a) Une proposition de directive compatible avec le droit français de la procédure de conciliation
Comme on l'a vu, la France est classée 14 ème sur 28 en Europe pour l'efficacité de ses procédures collectives en raison notamment de sa préférence pour la voie judiciaire et du nombre de procédures se soldant par une liquidation judiciaire, et ce malgré le succès de ses procédures préventives.
Elle bénéficie en effet d'un avantage par rapport à ses concurrents européens dans la prévention et la seconde chance grâce à la sauvegarde, avec la possibilité d'imposer aux créanciers d'un comité une solution de restructuration avec deux tiers des voix alors que cette majorité est portée aux trois quarts avec les procédures britanniques.
Pour le Président de l'Association pour le Retournement des entreprises 402 ( * ) , Me Jean-Dominique Daudier de Cassini, « le projet de directive s'inspire du droit français de l'entreprise en difficulté, en reconnaissant l'intérêt des outils amiables de prévention, sans toutefois les reproduire à l'identique. C'est l'idée d'anticipation qui est reprise ».
Pour ce faire, la Commission propose, comme on l'a vu, des procédures de détection précoces des difficultés et d'autre part, des procédures de restructuration préventive des dettes, avec la possibilité pour le débiteur pendant la période de renégociation, de bénéficier d'une suspension des poursuites individuelles. Le but est de faciliter l'adoption d'un plan de restructuration par une autorité judiciaire ou administrative, après accord de la majorité des créanciers, au détriment des créanciers minoritaires qui se trouvent alors écrasés. C'est précisément le schéma proposé par le droit français avec la procédure de sauvegarde et sa variante financière.
La Commission européenne cherche en outre à favoriser le rebond des chefs d'entreprises en leur permettant de ne pas supporter indéfiniment les conséquences d'un échec économique.
Le volet « seconde chance des entrepreneurs » est axé sur l'objectif de décharger les débiteurs du paiement de leur passif non apuré dans un délai qui ne saurait être supérieur à trois ans après la fin du plan d'apurement ou la clôture de la procédure collective, malgré l'absence de règlement du passif. C'est donc encore une règle inspirée de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif existant en droit français.
Ainsi, « le droit français ayant constitué le modèle de cette proposition, si la directive était adoptée en l'état, sa transposition en France ne provoquerait pas de révolution du droit des entreprises en difficulté » selon Michel Menjucq, Professeur à l'École de droit de la Sorbonne.
Pour le Haut comité juridique de la place financière de Paris , dans son avis rendu le 7 juillet 2017, le projet de directive ne remet pas en cause les procédures préventives du droit français.
Il serait en revanche opposé à une transposition ayant pour effet d'imposer « une suspension générale ou partielle des poursuites individuelles dès l'ouverture de la procédure de conciliation, remettant ainsi en cause le principe de confidentialité indispensable pour une mise en oeuvre harmonieuse d'une procédure préventive et garant de la préservation de la valeur de l'entreprise ».
Cette directive nécessiterait des ajustements du droit français comme :
- la suppression de l'implication systématique des tribunaux ou des mandataires de justice,
- la limitation de la suspension des poursuites à une durée de quatre mois prorogeable à 12 mois (contre 6 à 18 mois actuellement),
- la séparation des créanciers privilégiés et chirographaires en 2 classes distinctes, l'intégration du cross-class cram-down (suppression de l'accord unanime de tous les comités de créanciers)
- la systématisation d'une évaluation de l'entreprise best interests test 403 ( * ) .
Le classement des créanciers introduirait une rupture majeure dans le droit français lui permettant de se rapprocher du droit américain ou allemand de la faillite.
(b) Une proposition de directive qui permettrait d'aller plus loin en introduisant des classes de créanciers
(i) Le classement des créanciers, une notion qui fait son chemin
Ce classement a été préconisé, sur le plan théorique, par une note du Conseil d'analyse économique du 7 juin 2013 , « Les enjeux économiques du droit de la faillite ».
Une meilleure protection des créanciers apparaît en effet nécessaire pour améliorer leur taux de recouvrement, faciliter l'accès au crédit des entreprises, augmenter in fine la probabilité de poursuite de l'activité des entreprises défaillantes.
Le Conseil d'analyse économique a donc préconisé d'inverser le paradigme du droit français des procédures collectives qui favorise la poursuite de l'activité de l'entreprise au profit de la réalisation rapide de la valeur de liquidation de l'entreprise « lorsque cela est optimal ». À cet effet, il propose de classer les créanciers en fonction de leur rang et de mettre la décision finale « entre les mains de la classe pivot ».
Proposition du Conseil d'analyse économique du 7 juin 2013 Afin de clarifier le processus de décision lors des procédures collectives et d'éviter les conflits d'intérêts délétères entre investisseurs, nous proposons une évolution du redressement judiciaire (et de la procédure de sauvegarde) qui s'articule autour des trois étapes suivantes : une classification des créanciers en fonction de leur rang, en prenant en compte toutes les sûretés ; la proposition, d'abord par le débiteur puis éventuellement par les créanciers, d'un plan de réorganisation qui comporte une projection de l'activité et une identification des classes pivots - celles dont les créances sont partiellement modifiées, sans être totalement annulées par le plan de réorganisation ; un vote sur le plan de réorganisation au sein de ces classes pivots seulement, assorti de la possibilité pour le juge d'imposer le plan si seules certaines classes l'approuvent. Cette approche a deux avantages principaux. D'une part, le processus est clair et sa mise en oeuvre plus rapide, ce qui permet à l'entreprise de retrouver plus vite un bilan assaini et limite le stigmate et la désorganisation liés aux restructurations de dette. D'autre part, les classes pivots n'ont a priori ni le biais en faveur de la continuation et de la prise de risque de celles qui perdent vraisemblablement tout en cas de cessation d'activité (par exemple, les actionnaires), ni le conservatisme des classes de créanciers les mieux protégés. Leurs incitations sont donc mieux alignées avec l'objectif de maximisation de la valeur totale. Cette proposition introduit trois ruptures majeures avec les procédures sous leur forme actuelle : les rangs des créanciers et leurs sûretés sont respectés tout au long de la procédure. Dans la législation actuelle, au contraire, les créanciers sont regroupés en classes qui ne reflètent pas nécessairement le rang de leurs créances (fournisseurs, banques, créanciers obligataires) ; l'actionnaire devient un acteur marginal, ce qui reflète l'idée selon laquelle la valeur de ses droits résiduels sur les actifs est a priori très faible à ce stade. Dans les procédures actuellement en place, les actionnaires ne sont en général pas obligés par le juge d'absorber les pertes et de perdre leurs droits, sauf dans l'hypothèse d'une liquidation judiciaire ; le nouveau rôle du juge consulaire est de s'assurer que les créanciers implémentent la procédure correctement et arrivent à une décision. Il peut éventuellement imposer un plan à tous dès lors qu'au moins une classe de créanciers pivots vote en sa faveur. |
Le Haut comité juridique de la place financière de Paris, dans son avis précité, s'est rallié à cette proposition et préconise également « d'établir des seuils clairs à partir desquels la constitution de classes de créanciers serait obligatoire. Ils pourraient être ceux existants en droit français pour la consultation en comités de créanciers ».
(ii) La différenciation des créanciers
En France, la loi de sauvegarde des entreprises n° 2005-845 du 26 juillet 2005 avait introduit, à titre d'expérimentation, le concept des comités de créanciers en optant pour une approche simple et efficace. La sélection entre les différentes catégories de créanciers est opérée en fonction de la qualité du créancier et non pas de celle de leurs créances. C'est ainsi que le code de commerce distingue trois catégories de créanciers : les créanciers financiers, les fournisseurs et les obligataires.
La pertinence de ce classement est aujourd'hui remise en cause et « ne correspond plus aux meilleurs standards internationaux dans un monde de financement des entreprises de plus en plus sophistiqué - notamment en matière de leverage buy out (LBO) », selon des avocats spécialistes du sujet 404 ( * ) . .
L'ordonnance du 12 mars 2014 a tenté d'y remédier en introduisant la possibilité pour l'administrateur judiciaire de moduler les droits de vote en prenant en considération l'existence de garanties et d'accords de subordination. Pour les praticiens précités, « cette solution - unique en Europe - n'est guère convaincante. L'absence de critères objectifs est, en effet, de nature à créer une insécurité juridique ».
Le projet de directive prévoit de créer des classes de créanciers , distinguant entre créanciers garantis et non garantis, et traitant les salariés dans une classe distincte, seuls ceux affectés par le plan participant au vote. Des sous-classes de créanciers ayant des droits similaires et une communauté d'intérêts pourraient être créées.
La grande nouveauté proposée par le projet de directive serait l'introduction d'un mécanisme pour vaincre l'opposition des créanciers minoritaires.
(iii) L'introduction d'un mécanisme d'application forcée interclasse
En droit français, le rapport de force favorise débiteurs et actionnaires.
Les actionnaires ont la faculté de bloquer une restructuration reposant sur une conversion des créances en capital et entraînant leur dilution, même s'ils n'ont plus aucun espoir de gain. Si les créanciers, qui ne peuvent imposer leur solution, rejettent le projet du débiteur, les tribunaux peuvent les contraindre à rééchelonner sur dix ans leurs créances, retardant l'adoption d'une solution pérenne.
Les créanciers ont le même poids lorsqu'ils votent sur le projet de restructuration, quel que soit leur rang de remboursement, et qu'ils bénéficient ou non de sûretés, créant conflits d'intérêts et solutions de compromis, parfois non viables.
Dans le projet de directive, un plan de restructuration qui n'est pas approuvé par toutes les classes concernées peut néanmoins être validé par une autorité judiciaire ou administrative et être imposé à la demande du débiteur (ou d'un créancier avec l'accord du débiteur) à une ou plusieurs classes dissidentes. Le plan doit être approuvé par au moins une classe de créanciers qui a un intérêt financier dans le plan de restructuration 405 ( * ) . Les États membres devront prendre les dispositions nécessaires pour éviter que des actionnaires puissent empêcher l'adoption ou la mise en oeuvre d'un plan de restructuration viable 406 ( * ) .
Afin de ne pas constituer une disposition « repoussoir » qui empêcherait des PME de solliciter l'ouverture d'une procédure de restructuration préventive, les détenteurs de capital n'étant pas de simples investisseurs mais également les propriétaires de leur entreprise (parfois familiale), le projet de directive prévoit que le mécanisme de cross-class cram down reste facultatif pour le débiteur, auteur du plan.
Se pose néanmoins la question de savoir si un debt equity swap 407 ( * ) peut être imposé aux actionnaires d'une société dans le cadre d'une procédure de restructuration préventive sous l'angle du droit constitutionnel des États membres.
En France, le Conseil constitutionnel a validé , dans sa décision du 5 août 2015, la disposition de la loi dite « Macron » n° 2015-990 du 6 août 2015 qui avait introduit un dispositif de dilution et de cession forcée des actionnaires 408 ( * ) .
Le projet de directive instaure par ailleurs deux garde-fous :
1/ La restructuration doit être plus favorable qu'une liquidation ( best interests of creditors ). Seront comparés les montants que recevraient les créanciers dans deux scenarii : liquidation ou poursuite de l'activité. Si le montant reçu dans le premier est supérieur, la restructuration ne pourra être imposée.
2/ La restructuration ne peut déroger à l'ordre des remboursements ( absolute priority ). Aucun créancier ne peut recouvrer même partiellement sa créance si les créanciers bénéficiant d'un rang meilleur n'ont pas recouvré l'intégralité de leur dû.
(iv) Créer une seconde chance et faciliter le rebond de l'entrepreneur
La proposition de directive prévoit enfin l'apurement des dettes du débiteur, entrepreneur individuel, au-delà d'un délai maximum de trois ans 409 ( * ) . Il est actuellement de sept ans en Autriche et cinq ans en Allemagne. C'est un signal fort de soutien aux créateurs d'entreprise. En effet, la stigmatisation sociale et les suites juridiques d'un défaut de paiement sont trop souvent dissuasives pour ceux qui souhaiteraient bénéficier d'une seconde chance.
Le droit français ne fixe pas à l'heure actuelle de délai impératif, deux procédures permettant, dans des cas particuliers, d'aller vite :
- la procédure de liquidation simplifiée, introduite par la loi du 26 juillet 2005, qui a pour objet de permettre une réalisation rapide des opérations de liquidation qui doivent être terminées au plus tard un an après l'ouverture de la procédure, qu'elle soit obligatoire ou facultative. Elle implique toutefois l'absence de biens immobiliers et le respect de seuils relatifs au chiffre d'affaires et au nombre de salariés ;
- la procédure de rétablissement personnel introduite dans notre droit par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 dont le but est de parvenir à l'effacement des dettes du débiteur, personne physique, qui n'a que très peu d'actifs, afin de lui permettre de se réinstaller.
À noter que la proposition de directive semble affirmer que, si le débiteur refuse tout plan, aucune réhabilitation ne sera possible. Une modification du droit français sera donc nécessaire sur ce point.
c) Objectif n° 27 : amorcer le rapprochement franco-allemand à l'occasion de la transposition de la directive du 22 novembre 2016
Votre Délégation préconise de profiter de la future transposition de cette directive , relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des procédures de restructuration, d'insolvabilité et d'apurement et modifiant la directive 2012/30/UE, pour opérer un premier rapprochement franco-allemand (proposition n° 30).
(1) Rééquilibrer le droit des entreprises en difficulté
La proposition de directive ne va pas assez loin en conservant les procédures collectives nationales de pré-insolvabilité tout en introduisant des dispositions relatives à l'éviction des actionnaires et des créanciers, lesquelles ne peuvent être envisageables qu'à la condition que l'entreprise soit insolvable et qu'elle soit réalisée dans le cadre d'un forum transparent et sous le contrôle du juge.
Pour le laboratoire de recherche Droit et croissance , il faudrait revoir complètement le modèle français du droit de la faillite.
À cet effet, il faudrait « modifier la procédure de sauvegarde afin d'assurer le respect de l'ordre d'absorption des pertes et faciliter les plans de cession d'entreprises en faveur du meilleur offrant, le tout dans un cadre totalement transparent, condition indispensable au respect des droits des investisseurs susceptibles de se retrouver évincés », voire « supprimer la procédure de redressement judiciaire ainsi que les procédures de sauvegarde annexes (sauvegarde financière accélérée, sauvegarde accélérée) pour améliorer la lisibilité du droit français du point de vue des investisseurs et éviter que la direction de la société débitrice procède à des arbitrages entre telle ou telle procédure, conduisant à une modification des droits des investisseurs de manière totalement imprévisible » et « abroger la règle de la confidentialité absolue en procédure de conciliation (pour laisser les parties imposer une confidentialité relative) afin d'améliorer la liquidité du marché secondaire et permettre aux établissements bancaires de pouvoir plus rapidement financer de nouveaux projets ».
Le changement de paradigme de la procédure collective serait complet si, pour améliorer l'efficacité, le droit français réduisait le privilège accordé aux salariés, en reconnaissant que la protection des salariés passe davantage par un système de protection sociale amélioré : « le droit des faillites doit être cantonné à son seul rôle : la coordination des créanciers afin de préserver la valeur d'entreprise dans un objectif d'apurement du passif et, par voie de conséquence, de préservation des activités viables ».
Le droit des entreprises en difficulté est en effet devenu « un droit de la crise du travail et non un instrument qui permet d'améliorer le recouvrement des créanciers tout en préservant la valeur des entreprises défaillantes » 410 ( * ) .
Ce rapprochement franco-allemand harmoniserait, selon Maître Reinhard Dammann 411 ( * ) , les procédures préventives :
- en retenant le droit français de la restructuration de la dette en deux temps : (i) la phase de conciliation, dont le taux de réussite avoisine les 70 % car elle est confidentielle, (ii) la phase de sauvegarde, abrégée et simplifiée, pour imposer un plan de sauvegarde à la majorité des deux tiers des créanciers ;
- en retenant le droit allemand pour la technique de regroupement des créanciers en classes homogènes et la possibilité d'opérer un cram-down des actionnaires récalcitrants.
L'objectif étant de fluidifier le marché de la dette secondaire pour stabiliser le secteur bancaire et améliorer le recouvrement des créances financières en facilitant la cession des portefeuilles de non performing loans 412 ( * ) à des fonds d'investissement.
En effet, en décembre 2016, ce type de créances totalisait 1 092 milliards d'euros en Europe 413 ( * ) . Or, si l'Italie vient devant la France avec 276 milliards d'euros de ces prêts dans les bilans de ses banques, la France vient en deuxième position avec 148 milliards d'euros devant l'Espagne (141 milliards d'euros), la Grèce (115 milliards d'euros), l'Allemagne (68), les Pays-Bas (45), le Portugal (41).
Cette fragilité de notre système bancaire n'est pas inquiétante lorsque l'on ramène ces prêts à la taille du bilan des seules grandes banques françaises qui équivaut à trois 3 fois le PIB national. Toutefois, lorsque ces 148 milliards d'euros de prêts défaillants sont ramenés aux fonds propres réels des banques ( 259,7 milliards d'euros fin 2016 ) mobilisables en cas de crise, on obtient un ratio de 57 % : plus de la moitié des fonds propres des banques françaises sont donc menacés par ces prêts défaillants .
(2) Procéder à une réforme du droit des sûretés
Le droit des sûretés fixe les conditions dans lesquelles une entreprise offre en garantie ses actifs à ses créanciers et les conditions dans lesquels ces derniers peuvent exercer leurs droits sur ces actifs.
Une première réforme issue du rapport de la commission Grimaldi de 2005 414 ( * ) a été réalisée par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés.
Sur la demande du ministère de la justice, l'Association Henri Capitant a constitué une commission en vue d'élaborer un avant-projet de nouvelle réforme du droit des sûretés présentée comme « urgente » pour répondre à l'attractivité du droit français car :
- la réforme de 2006 a exclu de son périmètre le cautionnement et les privilèges qui, de ce fait, demeurent sous l'empire de textes remontant pour la plupart à 1804. Or « il est indispensable, dans l'intérêt des acteurs économiques (créanciers et cautions), de clarifier le droit du cautionnement, très fragilisé par l'intarissable contentieux que suscitent notamment le formalisme qui l'encadre et l'exigence de proportionnalité » 415 ( * ) ;
- certaines difficultés d'interprétation de la réforme doivent être clarifiées 416 ( * ) ;
- il convient de mettre en cohérence la réforme de 2006 et les réformes ultérieures 417 ( * ) .
Un avant-projet a été rendu public le 14 septembre 2017 418 ( * ) . Il propose la modification de 216 articles du code civil et contribue à augmenter le niveau de complexité du droit alors même que la France connaît déjà une complexité excessive du droit des sûretés comparable à celle du droit des procédures collectives. Il ne prend pas non plus en considération la réforme à venir de la réglementation communautaire du droit des faillites.
Celle-ci devrait 419 ( * ) garantir aux créanciers titulaires de sûretés que leurs droits réels survivront à la procédure collective en leur conférant un véritable droit de priorité sur les actifs et se traduire de la manière suivante :
- les créanciers titulaires de sûretés ne seront plus logés au sein des comités de créanciers pour l'approbation du plan ;
- le vote des créanciers chirographaires à un plan n'aura pas d'effet sur les droits des créanciers titulaires de sûretés ;
- les créanciers titulaires de sûretés seront prioritaires par rapport aux créanciers chirographaires et aux actionnaires pour un montant égal à la valeur de marché des actifs remis en garantie
- les créanciers titulaires de sûretés seront alors les seuls à conserver des droits sur l'entreprise et les actionnaires et chirographaires pourront être évincés ;
- le droit pour les créanciers à ne pas être moins bien traités que dans un scénario liquidatif devra être instauré.
Les sept pistes d'une réforme ambitieuse du droit des sûretés créer un registre de publicité des sûretés uniques pour l'ensemble des sûretés afin de faciliter l'information des créanciers et donc la constitution des sûretés ; établir un régime général de droits et obligations des créanciers titulaires de sûretés uniques pour l'ensemble des sûretés, quelle que soit la nature des actifs sous-jacents, afin de simplifier le droit ; toute exception au régime général (par exemple en cas de nantissement de compte-courant afin d'assurer le bon fonctionnement du système bancaire) doit être explicitement justifiée dans la loi ; supprimer le plus possible les exceptions à la règle de l'arrêt des poursuites au bénéfice de tel ou tel intérêt catégoriel ; par exemple, le privilège des salariés doit être revu à l'aune de la réforme du droit du travail ; traiter de manière uniforme les gages avec dépossession du débiteur, comme les gages sans dépossession en cas d'ouverture de procédures collectives ; il convient de ne pas encourager les nantissements qui entraînent inutilement une immobilisation des actifs ; réduire, sur le modèle de droits étrangers, l'usage d'instruments conférant fictivement les transferts de propriété en garantie : les ventes avec transferts de propriété différés doivent être analysées comme des simples prêts ; de manière générale un principe de « substance over the form 420 ( * ) » doit prévaloir, afin d'éviter le plus possible aux techniques financières d'échapper aux règles de la procédure collectives ; encourager d'autres formes de nantissements que ceux sur des sommes d'argent : les sûretés sur des sommes d'argent conduisent souvent à bloquer des sommes d'argent appartenant au débiteur sur un compte nanti, au moment où le débiteur en a le plus besoin, c'est à dire en cas d'ouverture d'une procédure collective. Il est préférable de privilégier la constitution de nantissements produisant des effets sur l'ensemble des actifs du débiteur (et pas seulement sur le fonds de commerce), sur le modèle de la floating charge 421 ( * ) de droit anglais, sans dépossession pour le débiteur. Source : Droit et croissance. |
Cette orientation serait de nature à renforcer considérablement l'attractivité des sûretés traditionnelles. La réforme du droit des sûretés devrait en tout état de cause s'opérer en étant accompagnée d'une approche économique et pas seulement juridique de ses objectifs .
Dans cet objectif, la commission « droit des sûretés » de Paris Europlace 422 ( * ) , présidée par M. Etienne Gentil, regroupant des praticiens, des universitaires et des représentants des établissements de crédit et du monde de l'entreprise, et aux réunions de laquelle participent en observateurs des représentants des ministères des finances et de la justice, avait publié un rapport le 1 er septembre 2015 comprenant de nombreuses propositions détaillées et explicitées sur le sujet. Elle a repris ses travaux dans l'optique de renouveler ses propositions ou d'en formuler de nouvelles, tenant notamment compte de l'avant-projet de réforme publié par l'association Henri Capitant en 2017.
Ses propositions, qui enrichiraient la réforme des sûretés d'une approche économique, sont attendues au plus tôt en juin 2018.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demanderait à être habilité, dans la loi PACTE, à procéder à une réforme du droit des sûretés par voie d'ordonnance afin d'intégrer, d'une part, cette approche économique et d'autre part, une dimension européenne, avec la transposition de la future directive proposée le 22 novembre 2016.
* 343 Pour rappel, le stock d'entreprises (Insee) en 2015 est de 4 226 400 :
72 % d'entreprises n'emploient aucun salarié,
23 % d'entreprises emploient 1 à 9 salariés,
4 % d'entreprises emploient 10 à 50 salariés,
1 % d'entreprises emploient plus de 50 salariés.
* 344 Références statistiques 2017, Ministère de la Justice.
* 345 Source : observatoire économique du Conseil national des administrateurs judiciaires - mandataires judiciaires.
* 346 Selon la COFACE pour les défaillances 2008-2016.
* 347 Selon Ellisphère.
* 348 L'Assurance de garantie des salaires a pris en charge pour 1,7 milliard de salaires.
* 349 « La petite entreprise », colloque du 10 mars 2017, Université de Pau et des Pays de l'Adour, LGDJ, 2017.
* 350 Code de commerce, art. L. 653-1 et s.
* 351 Qui entend « sensibiliser l'opinion publique à l'importance de la santé des indépendants que ces derniers soient artisans, commerçants, dirigeants de PME ou professions libérales ».
* 352 Souscrite auprès d'un pool d'assureurs dont Groupama SA est l'assureur apériteur.
* 353 Pour un taux de cotisation à 6,8 % et une allocation brute moyenne annuelle de 10 800 euros. Dans ce scénario, il existerait un déficit structurel de 400 millions d'euros.
* 354 Séminaire du 23 mai 2017 : « Comment mieux protéger les actifs du risque de perte ou d'insuffisance de revenus ? ».
* 355 Challenges.fr, 30 janvier 2018 .
* 356 Au vu notamment de l'accord national interprofessionnel du 22 février 2018 relatif à la réforme de l'assurance chômage.
* 357 La loi prévoit ainsi que le juge peut discrétionnairement rééchelonner les créances des titulaires de sûretés jusqu'à dix ans, sans contrepartie financière.
* 358 Commissaires aux comptes, représentants du personnel, administrations publiques, organismes de sécurité et de prévoyance sociales, services de centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, etc....
* 359 « Le guide de l'entrepreneur éclairé », FHB Editions.
* 360 Un commerçant ou artisan, ainsi qu'un EIRL, et toute personne morale de droit privé peut adhérer à un groupement de prévention agréé par arrêté du préfet de région. Ce groupement fournit à ses adhérents, de façon confidentielle, une analyse comptable et financière des informations que ceux-ci s'engagent à lui transmettre. Lorsqu'il détecte des indices de difficultés, il en informe l'adhérent et peut lui proposer l'intervention d'un expert. Les administrations prêtent leur concours aux groupements de prévention agréés. La Banque de France peut aussi être appelée à donner des avis sur la situation financière des adhérents. Les groupements de prévention agréés sont habilités à conclure des conventions au profit de leurs adhérents, notamment avec les banques et les assurances.
* 361 Le Leveraged Buy-Out (LBO), ou « rachat de l'entreprise par effet de levier », est l'acquisition du contrôle d'une société financée par endettement dont le remboursement est assuré par les revenus opérationnels de la société rachetée.
* 362 Dans le cadre d'une procédure amiable, les parties sont appelées aux discussions par le mandataire ad hoc ou le conciliateur en lien avec l'entreprise qui bénéficie de la procédure amiable. Les créanciers ne sont jamais tenus de participer aux discussions.
* 363 Mécanisme financier prévu par un contrat ou ordonné par le juge, selon lequel les intérêts échus s'ajoutent à la dette initiale pour le calcul des intérêts futurs.
* 364 Organe regroupant les créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure et appartenant à une même catégorie (établissements de crédit ou fournisseurs) dès lors que l'entreprise en procédure collective dépasse une certaine taille, ou sur demande de celle-ci. Les créanciers y votent leur accord sur le plan et les modalités de règlement et/ou d'abandon de leur créance à la majorité des deux tiers.
* 365 Droit de priorité de remboursement dont bénéficient les créanciers ayant consenti un nouvel apport en trésorerie dans le cadre de la conciliation ou en exécution d'un accord de conciliation à condition qu'il ait été homologué, dans l'hypothèse d'une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
L'attractivité du privilège de new money a été renforcée par l'ordonnance du 12 mars 2014 en confirmant qu'en cas de procédure collective ultérieure, la créance ne serait pas étalée dans le cadre du plan mais payée immédiatement au moment de son arrêté ; d'autre part, la loi prévoit désormais que ce privilège bénéficie tant aux injections d'argent frais effectuées pendant la durée de la conciliation qu'en exécution de l'accord de conciliation.
* 366 Restructuration du taux d'endettement de l'entreprise.
* 367 Mécanisme fiscal de report en arrière du déficit d'une année sur les bénéfices éventuels des années précédentes, permettant à l'entreprise de bénéficier d'une créance d'impôt sur les sociétés (IS), égale à l'IS acquitté sur ces bénéfices passés.
* 368 Le Comité interministériel de restructuration industrielle est compétent pour étudier la restructuration des entreprises de plus de 400 salariés.
* 369 Les Comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises sont compétents pour les entreprises de moins de 400 salariés.
* 370 Le Comité consultatif du secteur financier a pour mission d'étudier les questions liées aux relations entre les établissements financiers (établissements de crédit, assurances et entreprises d'investissement) et leurs clientèles, et de proposer toutes mesures appropriées dans ce domaine sous forme d'avis ou de recommandations. Composé paritairement de membres représentant les établissements financiers et les consommateurs ainsi que les parlementaires, de personnalités qualifiées et de représentants des entreprises et des salariés du secteur financier, le CCSF constitue un lieu unique de dialogue.
* 371 Obligatoirement quand le chiffre d'affaires dépasse 3 millions d'euros ou quand il y a plus de 20 salariés ; en deçà, sa désignation est facultative.
* 372 L'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS) est un organisme patronal fondé sur la solidarité interprofessionnelle des employeurs et financé par leurs cotisations. Elle intervient en cas de redressement, de liquidation judiciaire de l'entreprise ou encore, sous certaines conditions, en procédure de sauvegarde. Elle garantit le paiement, dans les meilleurs délais, des sommes dues aux salariés (salaires, préavis, indemnités de rupture...) conformément aux conditions fixées par le code du travail.
* 373 Entreprises de plus de 150 salariés ou avec un chiffre d'affaires supérieur à 20 millions d'euros.
* 374 Entreprises réunissant l'un des trois critères suivants : plus de 20 salariés / un chiffre d'affaires de plus de 3 millions d'euros HT / un bilan supérieur à 1,5 million d'euros.
* 375 L'entreprise a l'interdiction de payer ses créances antérieures à l'ouverture de la procédure, mais doit payer les dettes nées postérieurement et qui ont contribué à l'activité après l'ouverture de la procédure. En outre, le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous les intérêts de retard et de toutes les majorations est arrêté. Seuls les intérêts des prêts de plus d'un an à l'origine continuent de courir, mais ils ne sont pas décaissés durant la période d'observation : dans le cas des emprunts bancaires, les échéances cessent alors d'être payées, en capital et intérêts.
* 376 Pour les entreprises les plus significatives (employant au moins 150 salariés ou réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 20 millions d'euros - en deçà de ces seuils, la constitution des comités est possible mais pas obligatoire), ce plan est négocié avec les créanciers réunis en comités, ce qui permet l'adoption d'un plan à la majorité des 2/3 des créanciers concernés. Cette règle de vote majoritaire permet d'aboutir à imposer des délais, des remises de dettes ou des conversions de dettes en capital aux récalcitrants. Les comités de créanciers ont dorénavant la possibilité de proposer un plan de redressement concurrent de celui présenté par l'entreprise.
* 377 Désigne une entreprise qui n'est pas en cessation des paiements. L'expression est souvent utilisée pour désigner une entreprise qui ne fait pas l'objet d'une procédure collective.
* 378 Selon l'article article L. 631-22 du code de commerce.
* 379 Le manuel de référence en la matière Droit et pratique des procédures collectives de M. Pierre-Michel Le Corre (Dalloz, 9 ème édition 2016) compte près de 3 000 pages et le livre VI du code commerce dépasse, dans l'édition Dalloz, les 400 pages .
* 380 « Ein neuer Aufbruch für Europa ; Eine neue Dynamik für Deutschland ; Ein neuer Zusammenhalt für unser Land ».
* 381 Page 55 : « Wir werden mit Frankreich konkrete Schritte zur Verwirklichung eines deutsch-französischen Wirtschaftsraums mit einheitlichen Regelungen vor allem im Bereich des Unternehmens- und Konkursrechts und zur Angleichung der Bemessungsgrund-lage der Körperschaftsteuer vereinbaren ».
* 382 Fin décembre 2016, cumul sur 12 mois.
* 383 La loi allemande sur l'insolvabilité de 1994, entrée en vigueur le 1er janvier 1999, a fait l'objet d'une étude du service de législation comparée du Sénat (n°135) de juin 2004, à l'occasion de la présentation du projet de loi de sauvegarde des entreprises, devenu la loi du 26 juillet 2005 : http://www.senat.fr/lc/lc135/lc135.html .
* 384 Insolvenzordnung adoptée en 1994 mais entrée en vigueur le 1er janvier 1999. Elle est décrite en annexe.
* 385 Gesetz zur Erleichterung von Sanierung von Unternehmen (ESUG). Il est décrit en annexe.
* 386 Cette analyse comparative des procédures de faillite n'intègre par l'amendement ESUG entré en vigueur le 1 er mars 2012.
* 387 Correspondant à leur poids dans les montants totaux récupérés tout au long de la procédure à partir de la continuation temporaire, la cession partielle ou totale de l'entreprise et la liquidation des actifs.
* 388 Selon l'étude, on ne dispose d'aucune mesure de la durée de la liquidation dans le cas des dossiers non ouverts (même s'il ne s'agit en définitive pas de procédures collectives). En second lieu, cette durée de 39 mois correspond à la durée entre la demande d'ouverture et le jugement de clôture qui constate la fin (et valide la légalité) de la liquidation et de la répartition des montants recouvrés. Au contraire, dans le cas français, le jugement de liquidation marque la décision de liquidation et donc le début de celle-ci. Cependant, dans le cas allemand, c'est la seconde assemblée des créanciers qui prend la décision sur le sort de l'entreprise (liquidation, recherche d'un repreneur ou construction d'un plan de continuation). Elle doit en principe se réunir dans un délai de trois mois suivant le jugement d'ouverture. Dans le cas des liquidations (la quasi-totalité des cas), on peut donc considérer que la décision de liquidation est prise dans un délai de trois mois.
* 389 Sans remettre en cause le poids des créanciers dans les procédures collectives, l'amendement ESUG vise en effet à privilégier la restructuration des entreprises à leur liquidation, en facilitant le recours à l'auto-administration du débiteur (le chef d'entreprise n'est plus dessaisi d'office par le tribunal). Depuis mars 2012, les tribunaux locaux sont en effet dans l'obligation de nommer un comité de créanciers provisoire lors de la demande d'ouverture de la procédure et ce, jusqu'au lancement de celle-ci, sous certaines conditions. Le comité provisoire peut soit proposer la nomination de l'administrateur de l'insolvabilité auprès du tribunal, soit soutenir l'auto-administration de l'entreprise demandée par son dirigeant. Lorsque le débiteur sollicite l'auto-administration, validée par le rapport d'un expert et avec l'appui du comité, le tribunal ne peut s'y opposer (comme c'était le cas auparavant), car il est présumé que l'auto-administration ne crée aucun préjudice aux créanciers. Durant une période de trois mois maximum, le débiteur peut alors préparer en collaboration avec les créanciers et sous contrôle du tribunal un plan de restructuration qui sera voté, à terme, en tant que plan d'insolvabilité. Pendant cette même période, les créanciers ne peuvent engager de procédures d'exécution à l'encontre du débiteur, c'est le principe du « bouclier de protection » (Schutzschirm).
* 390 Possibilité d'imposer le plan à une classe de créanciers qui l'aurait refusé, sous réserve notamment du respect de l'absolute priority rule (désintéressement intégral des classes prioritaires avant que des classes plus juniors ne puissent recevoir une distribution).
* 391 Acronyme anglais « Centre Of Main Interests », pour « centre des intérêts principaux ».
* 392 Dans cet objectif, le règlement comprend des mesures de coopération et de communication entre les praticiens et les juridictions pour faciliter la gestion effective des procédures d'insolvabilité : échange d'informations, entraide, répartition des tâches et des pouvoirs, désignation des praticiens, tenue des audiences, homologation de protocoles, suspension de vente d'actifs, etc. Par ailleurs, il créée une procédure spécifique et facultative, dite de coordination : les praticiens désignent à la majorité des deux tiers le tribunal le plus approprié pour ouvrir cette procédure. Ce tribunal nomme ensuite un coordinateur (tiers indépendant) qui, à son tour, émet des recommandations qui ne s'imposent pas aux praticiens. Il propose un programme de coordination collective (série de mesures pour une approche intégrée de la résolution des difficultés financières des entités du groupe) et arbitre les conflits entre praticiens. Le succès de cette procédure de coordination dépendra de la qualité des relations entre praticiens et de l'autorité du coordinateur.
* 393 En français, prêteur.
* 394 Prise sur le fondement de l'article 110 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
* 395 https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/growth-and-investment/capital-markets-union_en
* 396 http://ec.europa.eu/growth/single-market/strategy_fr
* 397 « Avantages économiques potentiels à tirer de la réforme du droit de l'insolvabilité en Europe », Association for Financial Markets in Europe, février 2016.
* 398 Le non performing loans (NPL) ou prêts non performants sont considérés comme tels lorsque plus de 90 jours se sont écoulés sans que l'emprunteur ait versé les tranches prévues.
* 399 Une banque détenant trop de créances douteuses ne peut accorder le crédit nécessaire aux entreprises qui souhaitent investir et créer des emplois. Lorsque cette situation concerne de nombreuses banques pour des volumes importants, l'économie est affectée globalement ainsi que ses différentes composantes. La baisse de l'investissement dans les entreprises et la diminution des créations d'emploi ralentissent la croissance.
* 400 Analysée notamment par l 'Observatoire Consulaire des Entreprises en Difficultés (OCED) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris dans un rapport du 13 juillet 2017 : http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/rapport_adopte.pdf
* 401 Document CON/2017/22)(2017/C 236/02.
* 402 L'Association pour le Retournement des Entreprises (ARE) s'est constituée en 2002 et a pour vocation de regrouper l'ensemble des professionnels (avocats, expert-comptables, conseils, mandataires ad hoc, banquiers, fonds d'investissement, managers de crise, etc.) impliqués de façon régulière dans les opérations de retournement, de refinancement ou de restructuration.
* 403 Bankruptcy Code Section 1129(a)(7) is known as the «Best Interests of Creditors» or «Best Interests» test. 11 U.S.C. § 1129(a)(7). It is one of thirteen requirements that a plan proponent must satisfy in order to obtain confirmation of its plan of reorganization, guaranteeing that unless it otherwise agrees, each creditor or interest holder will receive at least as much under the plan as it would in a liquidation of the debtor in a chapter 7 case. In other words, it establishes a «floor» with respect to the level of recovery to which creditors and interest holders are entitled pursuant to any confirmed plan of reorganization. The test only applies to creditors in impaired classes of creditors. The point of a Chapter 11 is that it was the tool created by Congress to allow businesses to continue operating if its creditors believed it could pay more by continuing to operate than if it was liquidated. In other words, the company was «worth more alive than dead.
Source : Culhane Meadows, Business Reorganization and Bankruptcy,Subpractice Group.
* 404 « Transposition du projet de directive sur l'harmonisation des procédures de restructuration préventive en Europe, une chance à saisir pour la France », Reinhard Dammann, Avocat associé Clifford Chance, Chargé de cours à Sciences Po et Mylène Boché-Robinet, Avocat à la Cour, Clifford Chance ; Recueil Dalloz 2017 p. 1264.
* 405 C'est-à-dire une classe qui est « in the money » ou « where the money breaks ».
* 406 En d'autres termes, un actionnaire, qui est « out of the money » ne doit pas être en mesure d'empêcher l'adoption d'un plan de restructuration qui permet de sauver l'entreprise.
* 407 Il s'agit de transformer les dettes d'une société envers des tiers (banques, fournisseurs, et de plus en plus des investisseurs financiers) en capitaux propres . Au cours d'une telle transaction, les créanciers « renoncent » à leurs créances envers la société et, en contrepartie, reçoivent des parts sociales ou des actions de leur ancien débiteur. Les participations des anciens actionnaires se trouvent alors diluées. Cela peut prendre la forme d'un rachat de dettes (un créancier transforme sa dette en capitaux propres) ou de de participations croisées (deux sociétés s'échangent respectivement une partie de leur capital).
* 408 La décision du Conseil constitutionnel a édicté des conditions particulièrement strictes qui justifient une exclusion forcée de l'actionnaire. Mais le Conseil constitutionnel a également visé la seule véritable justification des dispositifs de dilution et de cession forcée, tirée de ce que, sans cela, le gage commun des créanciers risque d'être affecté et, partant, les créanciers ruinés par la défaillance de la société que la procédure collective n'aura pas su éviter.
* 409 La date d'ouverture de ce délai de trois ans variera selon que l'entrepreneur effectue des paiements en faveur de créanciers dans le cadre d'un plan de remboursement ou que la procédure consiste uniquement en une réalisation des actifs.
* 410 « Objet social de l'entreprise : gare aux contorsions de la règle de droit », Sophie Vermeille, Régis Bourgueil, L'Opinion, 21 janvier 2018.
* 411 « Comment améliorer le traitement des entreprises en difficulté », Les Échos, 26 juillet 2017.
* 412 Les prêts "douteux", en défaut ou presque (les Non-Performing Loans - NPL), sont considérés comme tels, selon la définition internationale, lorsque les remboursements accusent un retard d'au moins 90 jours. Autrement dit, la situation est largement désespérée, la reprise des remboursements étant peu probable.
* 413 « Non-performing loans in the Banking Union: state of play », 13 juillet 2017.
* 414 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000230.pdf
* 415 « Présentation d'un avant-projet de réforme des sûretés » Michel Grimaldi, Denis Mazeaud, Philippe Dupichot, Secrétaire général de l'Association Henri Capitant, Recueil Dalloz 2017 p. 1717.
* 416 Selon l'article précité : « en affirmant le caractère exclusif du droit qui découle d'un nantissement de créance, en reconnaissant la possibilité - jusqu'alors débattue - d'établir un gage sur des meubles immobilisés par destination, ou en dotant le nantissement de monnaie scripturale du régime qui lui fait actuellement défaut. De même est-il temps de tirer les conséquences de la modernisation du droit commun du gage opérée en 2006 en supprimant des régimes spéciaux rendus inutiles (warrant hôtelier, warrant industriel, gage commercial, etc.) ».
* 417 Idem : « consécration de la fiducie par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 et l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, réforme du gage des stocks par l'ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016, réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sans oublier les réformes successives des procédures d'insolvabilité ».
* 418 http://henricapitant.org/storage/app/media/pdfs/travaux/avant-projet-de-reforme-du-droit-des-suretes.pdf
* 419 « Note sur l'avant-projet de loi sur la réforme du droit des sûretés », Sophie Vermeille, Benjamin Fremaux, Octobre / novembre 2017, Droit et Croissance.
* 420 Ce principe consiste à accorder plus d'importance à la substance économique des opérations (prééminence de la réalité économique sur l'apparence) et d'en tenir compte, lors de la comptabilisation, même si la forme juridique de celles-ci donne l'impression qu'un traitement différent est nécessaire.
* 421 Sûreté mobilière qui grève l'ensemble des biens de la société qui l'a créée afin de garantir sa dette. Elle permet à l'entreprise d'utiliser les biens visés dans le cours normal de ses affaires.
* 422 Paris Europlace est l'organisation en charge de développer et promouvoir au plan international la Place financière de Paris et, d'une manière générale, l'industrie financière française dont elle fédère l'ensemble des parties prenantes : entreprises émettrices, investisseurs, intermédiaires bancaires et financiers, professions juridiques et comptables, sociétés de conseil, autorités de marchés, soit plus de 400 membres. L'association est présidée par Gérard Mestrallet, Président du conseil d`administration d'ENGIE.