B. UN PROGRAMME DANS L'ENSEMBLE EFFICACE ET BIEN GÉRÉ
1. Un programme lancé dans le cadre des « Investissements d'avenir »
La loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 a prévu l'engagement d'un programme d' « investissements d'avenir » (PIA) financé par un emprunt national d'un montant de 35 milliards d'euros, dans des domaines aussi variés que la recherche et l'enseignement supérieur, l'enseignement scolaire, l'écologie et le développement durable, le travail et l'emploi et la ville et le logement.
S'agissant du logement, le PIA a autorisé l'engagement de crédits d'un montant de 500 millions d'euros sur un programme « Rénovation thermique des logements » contribuant au financement de l'aide de solidarité énergétique (ASE). Cette aide, cumulable avec l'éco-prêt à taux zéro et le crédit d'impôt « développement durable », est ciblée sur les ménages modestes.
Chaque opération de rénovation doit conduire à des économies d'énergie d'au moins 25 %, avec pour objectif global une réduction des consommations énergétiques d'au moins 30 %.
Les crédits sont versés à un fonds d'aide à la rénovation thermique des logements privés (FART) géré par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) 2 ( * ) .
Une convention conclue entre l'État et l'Anah, publiée au Journal officiel le 20 juillet 2010, a mis en oeuvre le programme « Habiter mieux ». Initialement réservé aux propriétaires occupants « modestes » ou « très modestes », il a été élargi aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés par un avenant n° 1 en 2013.
2. Un programme qui rompt avec la facilité des dépenses fiscales
La Cour des comptes fait observer que, parmi les dispositifs favorables au développement durable, le programme « Habiter mieux » est le seul programme de subvention comportant une instruction préalable des demandes .
Fondé sur une convention conclue entre l'État et l'Anah le 14 juillet 2010, ce programme répond à trois priorités non hiérarchisées : l'accompagnement social des plus défavorisés, les enjeux de rénovation du parc de logements privés et les engagements pris par la France en matière de baisse de consommation d'énergie et de transition énergétique.
Une enveloppe spécifique est concentrée dans le fonds d'aide à la rénovation thermique (FART), au sein du programme d'investissements d'avenir (PIA). Le FART prévoit deux types de financement :
- l'aide de solidarité énergétique (ASE) ou « prime FART », qui permet d'accompagner les travaux de rénovation afin d'atteindre un gain énergétique avec une cible moyenne de 30 % ;
- une aide aux frais d'ingénierie au titre de l'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Malgré l'élargissement en 2013 aux propriétaires bailleurs et aux copropriétaires, 88 % des logements rénovés concernaient des propriétaires occupants sur la période allant de 2012 à 2016.
L'aide de solidarité énergétique est accordée en complément des aides de base de l'Anah, avec des taux et des plafonds qui dépendent du type de travaux et du niveau de ressources des ménages.
Taux et plafonds des aides Anah
Types de travaux |
Montant maximal des travaux subventionnables |
Part de prise en charge |
Complément de prime « Habiter mieux » |
Travaux lourds pour réhabiliter un logement indigne ou très dégradé |
50 000 € HT |
Ménages modestes ou très modestes : 50 % |
Oui si des travaux de rénovation énergétique sont réalisés |
Habiter Mieux sérénité : travaux de rénovation énergétique avec bouquet de travaux permettant un gain énergétique de 25 % |
20 000 € HT |
Ménages modestes : 35 % Ménages très modestes : 50 % |
Oui |
Habiter Mieux agilité : travaux de rénovation énergétique avec un des trois travaux préconisés |
20 000 € HT |
Ménages modestes : 35 % Ménages très modestes : 50 % |
Non |
Source : Anah, commission des finances
La prime « Habiter mieux » représente 10 % du montant total HT des travaux, plafonnée à 1 600 ou 2 000 euros selon la catégorie de revenus (modestes ou très modestes).
L'Anah pilote le programme en accompagnant les propriétaires qui ont un projet de rénovation. La Cour des comptes souligne que l'opérateur visite les locaux avant et après les travaux. Les instructeurs de l'Anah effectuent des contrôles sur place et l'Agence dispose de procédures globales d'évaluation du dispositif.
L'enquête met également en évidence l'effet déclencheur du programme pour des opérations qui ne seraient pas réalisées sans ces aides et surtout un effet d'aubaine finalement très limité.
Le dispositif « Habiter mieux » s'oppose sur tous ces points aux nombreuses dépenses fiscales « de guichet » qui souffrent de l'absence généralisée de vérifications et présentent toujours des risques d'effet d'aubaine pour des projets qui n'auraient pas eu nécessairement besoin de l'aide :
- le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) est accordé à hauteur de 30 % du montant des travaux, ceux-ci devant être réalisés par une entreprise bénéficiant du label « Reconnu garant de l'environnement » (RGE). Le CITE a bénéficié à 1 175 000 ménages en 2016 pour une dépense globale de 1 678 millions d'euros ;
- le taux réduit de TVA à 5,5 % pour des travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements, par des entreprises non nécessairement labellisées, est encore plus difficile à évaluer puisqu'on ne connaît pas le nombre de bénéficiaires. Le coût global est de 1 180 millions d'euros en 2016 d'après les déclarations faites par les entreprises ;
- le crédit d'impôt « éco-prêt à taux zéro » permet de financer, sans condition de ressources, des travaux à hauteur de 30 000 euros, par des entreprises « RGE ». Il connaît peu de succès : 22 300 ménages en ont bénéficié en 2016 pour un coût de 34 millions d'euros.
Votre rapporteur encourage le Gouvernement à tirer parti des enseignements apportés par cette enquête, ainsi que par la précédente enquête relative aux dépenses fiscales dans le domaine du développement durable, tout particulièrement lors de la transformation du CITE en prime directement utilisable pour payer les travaux énergétiques du logement, annoncée par le Gouvernement pour 2019.
3. L'efficacité de la territorialisation
Cette enquête permet aussi de constater l'efficacité de la territorialisation de ce type de politique publique, en s'appuyant sur les collectivités territoriales ayant la qualité de délégataires d'aides à la pierre.
En application des articles L. 301-3 et suivants du code de la construction et de l'habitation, l'attribution des aides publiques en matière de logement peut être déléguée aux collectivités territoriales ou à leurs groupements. La délégation, attribuée par une convention d'une durée de six ans renouvelable, précise annuellement, au sein des droits à engagement alloués, les parts affectées au logement social ou à l'hébergement d'une part, à l'habitat privé d'autre part. On distingue deux principaux types de convention pour la gestion des aides à l'habitat privé : - la convention de type 2, dans laquelle les demandes d'aides sont instruites par la délégation locale de l'Anah, intégrée au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) ; - la convention de type 3, dans laquelle les demandes d'aides sont instruites par les services de la collectivité. Au 1 er janvier 2018, on dénombrait 109 collectivités délégataires à la fois des aides de l'Anah et de celles du fonds national des aides à la pierre (FNAP). |
La Cour des comptes fait valoir que « cette gestion de proximité facilite le respect des objectifs du programme et permet la mobilisation des acteurs pour sensibiliser et accompagner les bénéficiaires des subventions ».
Comme l'ont indiqué plusieurs intervenants lors de la table ronde, cette proximité est d'autant plus importante que les aides sont nombreuses et difficiles à connaître. Leur articulation nécessite une véritable pédagogie auprès de leurs bénéficiaires, qui ignorent souvent leur existence et leur importance. Si cette pédagogie est en effet indispensable, votre rapporteur souligne surtout la nécessité de simplifier et harmoniser les procédures afin d'en améliorer la compréhension par leurs bénéficiaires.
* 2 Exposé des motifs du projet de loi n° 2239 de finances rectificative pour 2010 .