N° 362

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mars 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur leur déplacement aux Pays - Bas ,

Par MM. Jean BIZET, Benoît HURÉ, Mme Sylvie ROBERT et M. Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, MM. Thierry Foucaud, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert.

AVANT-PROPOS

La France et les Pays-Bas ont, de longue date, une relation étroite. Leur coopération économique, scientifique et culturelle est importante.

Aux côtés de la France, de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Italie et du Luxembourg, les Pays-Bas sont l'un des pays fondateurs de l'Union européenne. Cependant, ils ont en 2005, par voie du référendum, rejeté le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ce faisant, ils ont, comme la France, adopté une position singulière parmi les États qui ont jeté ensemble les bases de la construction européenne. Ils n'en demeurent pas moins des acteurs importants du jeu européen. Grâce à des efforts conséquents, les Pays-Bas ont par ailleurs réussi à surmonter les effets de la crise financière de 2008. Leurs performances économiques remarquables ne peuvent que susciter l'attention de leurs partenaires européens. Dans le contexte du Brexit et des incertitudes politiques en Italie, ils peuvent jouer un rôle appréciable pour contribuer, avec le couple franco-allemand, à une relance européenne.

C'est dans ce contexte qu'une délégation de la commission des affaires européennes du Sénat, conduite par son président M. Jean Bizet (Manche - Les Républicains), s'est rendue à La Haye les 5 et 6 mars 2018. Outre M. Jean Bizet, la délégation était composée de MM. Simon Sutour (Gard - Socialiste et Républicain), vice-président, Benoît Huré (Ardennes - Les Républicains), secrétaire de la commission, et Mme Sylvie Robert (Ille-et-Vilaine - Socialiste et Républicain).

Une réunion conjointe avec la commission homologue du Sénat néerlandais a permis de procéder à un échange de vues approfondi sur l'avenir de l'Union européenne, la compétitivité et le prochain cadre financier pluriannuel.

Au cours de son déplacement, la délégation a également eu des entretiens sur les thèmes de la fiscalité et du Brexit. Elle a par ailleurs rencontré les représentants français dans les agences européennes Europol et Eurojust, dont le siège est situé à La Haye.

I. LES PAYS-BAS ET L'AVENIR DE L'UNION EUROPÉENNE : LA RECHERCHE DE LA PLUS-VALUE EUROPÉENNE

A. UNE POSITION SOLIDE EN DÉPIT D'UNE SITUATION POLITIQUE ENCORE FRAGILE

1. Une position économique solide
a) Une réponse efficace à la crise économique et financière

5 e exportateur mondial, en raison notamment des réexpéditions de biens en grand nombre, les Pays-Bas sont très dépendants du commerce international. Ils avaient donc fortement subi l'impact de la crise économique et financière.

Sous l'effet de réformes structurelles et d'une politique de consolidation budgétaire mises en oeuvre à compter d'octobre 2012, ils ont pu redresser la situation et réalisent aujourd'hui des performances économiques remarquables. C'est ainsi que le pays a renoué avec la croissance qui a atteint 2,2% en 2016, 3,1% en 2017 et devrait s'établir à 3,1% en 2018. Cette accélération de l'activité est fortement entraînée par le commerce extérieur (avec une hausse des exportations de 5,7% en 2017). Mais elle bénéficie aussi désormais d'une progression de la demande intérieure. Les perspectives favorables en matière d'emploi et de revenu jouent dans ce sens en tirant vers le haut la consommation des ménages. Les investissements (+5,5% en 2017 et 2018) sont eux-mêmes portés par la dynamique des débouchés domestiques et internationaux ainsi que par le redressement du marché du logement.

Ce contexte économique favorable se traduit par ailleurs par un retour au quasi-plein emploi. Le taux de chômage est ainsi passé de 6% en 2016 à 4,9% en 2017 et devrait régresser encore en 2018 à 3,9% Ce serait son plus bas niveau en dix ans. Le chômage des jeunes est lui-même descendu sous la barre des 10% (9,1% au 2è trimestre 2017). On observe toutefois une dualisation croissante du marché du travail avec une augmentation rapide du nombre d'auto-entrepreneurs (plus d'1 million aujourd'hui).

La croissance économique néerlandaise reste exposée aux incertitudes créées par l'environnement international. La perspective du Brexit peut en particulier peser dès lors que le Royaume-Uni est le deuxième partenaire commercial et le 3 e excédent bilatéral des Pays-Bas.

b) Un redressement spectaculaire des finances publiques

Les Pays-Bas ont aussi su redresser leurs finances publiques. Ils respectent désormais tous les critères du Pacte de stabilité et de croissance, y compris celui de la dette. Les finances publiques ont bénéficié d'une augmentation des recettes fiscales, une diminution des allocations sociales, une baisse des intérêts de la dette mais aussi de recettes exceptionnelles issues de la revente de participations au capital d'institutions financières désormais assainies. Un excédent budgétaire a été dégagé en 2016. C'est la première fois depuis 2008. Après +0,4% en 2016, l'excédent a atteint +0,5% en 2017 et devrait se maintenir à ce niveau en 2018. Il en résulte un impact sur le niveau de la dette qui devrait rapidement régresser. Pour la première fois depuis 2010, il a respecté en 2017 (56,6% puis 53,1% en 2018) le critère (60% du PIB) fixé par le Pacte de stabilité et de croissance.

Le nouvel accord de coalition gouvernementale prévoit une utilisation prudente des marges de manoeuvre budgétaires ainsi dégagées. Il affiche la priorité de la préservation de l'équilibre économique, notamment en matière fiscale, et de la soutenabilité du modèle social. Il prévoit ainsi des mesures fiscales en faveur de la compétitivité et de l'investissement (baisse de l'impôt sur les sociétés, réforme de l'impôt sur le revenu et hausse de la TVA). Il entend mieux équilibrer le modèle de flexisécurité (avec un meilleur encadrement du statut des travailleurs indépendants) et mieux maîtriser les dépenses de santé et vieillesse. Parallèlement sont prévues des dépenses nouvelles dans les infrastructures, la défense, l'éducation et la recherche. Au total, l'utilisation des marges de manoeuvre budgétaires (7,9 milliards d'euros de dépenses supplémentaires et 6,6 milliards d'euros d'allègements fiscaux d'ici 2021) devraient contribuer à la croissance sans remettre en cause l'équilibre budgétaire (avec une prévision d'un excédent budgétaire de 0,5% du PIB en 2021).

c) Des échanges bilatéraux importants mais déséquilibrés

On notera par ailleurs le niveau très élevé des échanges bilatéraux entre la France et les Pays-Bas (environ 40 milliards d'euros par an). Cette relation commerciale demeure toutefois fortement déséquilibrée au détriment de notre pays. La dégradation de notre solde commercial s'est poursuivie pour atteindre 8,5 milliards d'euros en 2017 (soit une aggravation de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2016 et le double du déficit de 2015). Les Pays-Bas représentent ainsi notre 3 e déficit bilatéral derrière l'Allemagne et la Chine.

2. Une situation politique fragile
a) Un parlement bicaméral

Les Pays-Bas sont une monarchie constitutionnelle dotée d'une longue tradition parlementaire. Le 30 avril 2013, la reine Beatrix, qui était en fonction depuis 1980, a abdiqué en faveur de son fils Willem-Alexander.

Le parlement néerlandais est composé de deux chambres. La Première chambre ( Eerste Kamer , chambre haute ou Sénat) comprend 75 membres, élus au suffrage universel indirect par les douze provinces du royaume pour quatre ans. Elle dispose d'un rôle limité dans le processus législatif puisqu'elle ne peut qu'approuver ou rejeter les textes sans pouvoir les amender. Les projets de loi ne lui sont transmis qu'après approbation par la Deuxième chambre. Celle-ci ( Tweede Kamer , chambre basse) compte 150 députés élus au suffrage universel direct à la proportionnelle intégrale sur des listes nationales pour un mandat de quatre ans. Ce mode de scrutin se traduit systématiquement par la constitution de gouvernements de coalition.

b) Une majorité gouvernementales très étroite

Les élections législatives, organisées le 15 mars 2017, ont été marquées par un fort éparpillement des voix. Le parti VVD (libéral) du Premier ministre sortant Mark Rutte est arrivé en tête avec 21,2% de voix. Il aura fallu plusieurs mois de négociations pour qu'un accord de coalition puisse être finalisé entre quatre partis : le VVD, les Chrétiens démocrates du CDA, les centristes du D66 et le parti confessionnel conservateur ChristenUnie. Le processus de formation du nouveau gouvernement s'est achevé le 26 octobre 2017 avec la prestation de serment devant le Roi, Mark Rutte demeurant Premier ministre. Le CDA détient six postes au gouvernement, dont les Finances et la Défense, comme le D66, derrière le VVD qui dispose de neuf postes. Cette coalition demeure fragile puisqu'elle ne dispose que d'une majorité d'un siège à la chambre basse du Parlement.

En outre, le gouvernement a subi la démission inopinée du ministre des affaires étrangères Halbe Zijlstra qui s'est vu reproché d'avoir menti sur une rencontre avec Vladimir Poutine en 2006. Il a dû affronter une motion de défiance déposée par le PPV (extrême droite). Cette motion n'a toutefois recueillie que 43 voix sur 150 députés. Cette affaire, ajoutée à des controverses sur l'exploitation du gaz dans le Nord du pays à Groningue et à des scandales agricoles, pourrait avoir un impact électoral lors des élections municipales du 21 mars prochain.

Mais celles-ci sont traditionnellement marquées par la prépondérance des partis et des enjeux locaux 1 ( * ) . On notera d'ailleurs que l'accord de coalition prévoit de confier un rôle croissant aux 380 communes néerlandaises dans la mise en oeuvre des principales missions de service public tout en s'engageant à allouer des moyens supplémentaires aux provinces et aux communes 2 ( * ) . Une loi pourrait en outre remettre en question la nomination des maires et des commissaires du Roi au profit d'une élection. Le regroupement des communes continuerait à être encouragé (on en dénombre 380 aujourd'hui contre 774 en 1987) de même que la coopération intercommunale afin de mutualiser les services et les équipements.


* 1 La taille d'un conseil municipal, élu pour quatre ans, dépend u nombre d'habitants : de 45 élus pour les municipalités de plus de 200 000 habitants à 9 pour les communes de taille plus modeste ; le mode de scrutin local est celui de la proportionnelle de lite à un tour, sans prime majoritaire ; comme au niveau national, la constitution des majorités municipales passe par des négociations de coalition.

* 2 Les communes sont notamment responsables, depuis 2015, de la lutte contre le chômage, de la jeunesse, des soins pour les personnes âgées, handicapées ou malades dans un cadre législatif défini au niveau national ; dans ce contexte, la question des ressources est très sensible.

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