ANNEXE 2 - Lettre de M. Frans Timmermans, Premier vice-président de la Commission européenne
ANNEXE 3 - Audition de Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur le suivi des résolutions européennes du Sénat
M. Jean Bizet , président . - Madame la Ministre, nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation pour cet échange sur le suivi des résolutions européennes du Sénat. Dans le cadre de sa fonction de contrôle, le Sénat souhaite en effet avoir un dialogue régulier avec le Gouvernement. Celui-ci est chargé de la négociation européenne et n'est pas lié juridiquement par ces résolutions. Mais celles-ci expriment une position politique de la part de notre assemblée. Légitimement, nos collègues souhaitent savoir ce qu'il est advenu des résolutions du Sénat dans la négociation européenne.
Nous avions dressé l'an passé un bilan assez positif du sort de nos résolutions qui ont été suivies totalement ou partiellement dans près de 70 % des cas. Je remercie le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) qui nous apporte son concours à travers l'envoi de fiches de suivi. Je souhaite que cette collaboration soit poursuivie et approfondie, notamment en intégrant l'ensemble de nos résolutions.
Concernant la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, nos collègues Fabienne Keller et François Marc avaient notamment souligné que les propositions de la Commission européenne ne pouvaient avoir de sens que si elles étaient associées à la mise en place d'une gouvernance politique et au renforcement de la légitimité démocratique.
Sur la politique commerciale commune, nos collègues Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul avaient en particulier mis l'accent sur les instruments de défense commerciale, les droits anti-dumping vis-à-vis de la Chine, la réciprocité dans les marchés publics et le sujet sensible de l'extraterritorialité des lois américaines. Il est pertinent que l'Europe s'engage dans des accords de libre-échange, à condition qu'ils soient équilibrés, précisément au moment où les États-Unis adoptent une posture de crispation. Ce sont autant de normes européennes qui prendront à terme une dimension mondiale.
S'agissant du paquet énergie, avec Michel Delebarre, nous avions mis en doute l'articulation proposée par la Commission entre compétences nationales et compétences européennes ; nous avions aussi insisté sur l'enjeu de la compétitivité industrielle de l'Union européenne.
Enfin, en ce qui concerne la politique agricole commune, sujet qui va revêtir une grande importance dans les mois à venir, notre groupe de suivi commun avec la commission des affaires économiques a appelé à une politique forte, simple et lisible. Il faudra être extrêmement attentif au cadre financier pluriannuel lors des négociations, car l'agriculture est une activité stratégique pour l'Union européenne.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. - Les résolutions adoptées par le Sénat éclairent le Gouvernement sur des sujets majeurs, mais parfois un peu techniques : la défense des intérêts économiques de l'Union européenne, l'avenir de la politique agricole commune, celui de l'Union économique et monétaire, la transition énergétique ou encore l'objectif d'une énergie propre pour tous. Le rapport des cinq présidents sur l'Union économique et monétaire, de juin 2015, est presque ancien compte tenu du rythme de nos travaux, mais sa structure en trois phases reste largement d'actualité.
La première phase, dite d'« approfondissement par la pratique », s'est achevée fin 2017, avec des réformes qui pouvaient être mises en oeuvre en s'appuyant sur les instruments existants : stimuler la compétitivité et la convergence structurelle, compléter l'union financière, poursuivre la consolidation budgétaire.
La seconde phase dite d'« achèvement de l'Union économique et monétaire » a commencé en 2017, avec un processus de convergence rendu plus contraignant, la fixation de normes se rapprochant des objectifs du pacte de stabilité et de croissance dans les domaines du marché du travail ou bien encore de l'environnement des entreprises, mais aussi la mise en place d'un mécanisme de stabilisation budgétaire pour la zone euro, conçu comme l'aboutissement de ce processus de convergence.
Enfin, au cours de la phase finale, d'ici à 2025, les réformes mises en oeuvre produiraient leurs fruits.
Le bilan de la première phase est considérable. Le semestre européen fonctionne bien, même s'il existe une marge de progression sur la mise en oeuvre des recommandations. Il a profondément évolué, avec une dimension sociale renforcée, que la France a fortement soutenue. Le dialogue avec la Commission est aussi désormais plus fluide, notamment grâce à l'envoi, dès février, du projet de rapport pays. Le comité budgétaire européen est désormais en place et a rendu un premier rapport en novembre 2017. Cette analyse d'un cycle complet de surveillance budgétaire permet de mettre en perspective la mise en oeuvre des règles budgétaires et présente aussi le mérite d'être disponible en ligne.
Mais les plus grandes avancées concernent l'Union bancaire dont le socle de règles communes et les deux premiers piliers sont pratiquement achevés. Les discussions au Conseil sur le mécanisme européen de garantie des dépôts bancaires, troisième pilier de l'Union bancaire, ont cependant montré une ligne de partage claire entre les États qui mettent l'accent sur la mutualisation du risque - la France, l'Italie, le Portugal ou l'Espagne -, et ceux qui insistent sur le respect des règles existantes pour réduire d'abord le risque - l'Allemagne et les Pays-Bas. Nous sommes très vigilants sur les conséquences possibles pour les établissements bancaires français
L'effort doit aussi porter sur l'achèvement de l'Union économique et monétaire, en mettant notamment en place une capacité budgétaire de la zone euro, pour permettre de résister aux chocs macroéconomiques, ainsi que de financer des investissements. Nous pourrons ensuite régler la question du pilotage politique par un ministre européen et d'un contrôle parlementaire européen exigeant. Il semble que, dans le contrat de coalition qu'ont signé ensemble la CDU, la CSU et le SPD, figure une mention explicite du soutien à l'investissement au sein de la zone euro et augure d'avancées intéressantes.
Sur la politique commerciale, le Gouvernement est mobilisé pour que l'Europe puisse mieux protéger nos compatriotes au travers d'une approche plus réaliste des rapports de force commerciaux. Cela va dans le sens de votre résolution de janvier 2017. Il s'agit, non pas de protectionnisme, mais du rétablissement des conditions de concurrence équitables. La France s'est fortement engagée au Conseil et a obtenu des avancées sur la réforme des instruments de défense commerciale. Un accord politique a été trouvé le 5 décembre 2017. La réforme, lorsqu'elle entrera en vigueur, je l'espère en juin prochain, permettra de lever la règle dite du « droit moindre » et de dissuader plus fortement ceux qui faussent la concurrence.
La nouvelle méthodologie anti-dumping est entrée en vigueur en décembre 2017. Elle nous permet à la fois de maintenir notre niveau de protection et de sortir du débat sur le statut d'économie de marché de la Chine, puisqu'elle s'applique à tous.
Comme le texte de votre résolution nous y invite, nous sommes déterminés à aller plus loin, en particulier sur les marchés publics. L'Union ne peut rester totalement ouverte si nos grands partenaires sont fermés. Nous travaillons pour que les discussions, bloquées au Conseil depuis 2016, reprennent sous la présidence bulgare.
Nous devons aussi être plus vigilants collectivement face aux investissements étrangers en Europe, car les dispositifs nationaux sont inégaux. La Commission a présenté, sur notre demande, une nouvelle initiative législative, en cours de discussion au Conseil, en faveur d'une meilleure coopération européenne dans ce domaine sensible.
Enfin, la résolution appelait à une plus grande transparence et à une meilleure information sur les sujets de politique commerciale. Une commission d'experts indépendants a été mise en place pour faire toute la lumière sur l'impact du CETA, cet accord économique et commercial global, ainsi qu'un plan d'action et un comité de suivi de la politique commerciale. Nous continuerons à travailler conjointement pour approfondir ce dialogue régulier entre le Gouvernement et le Parlement.
Avec les deux résolutions 101 et 129 sur le paquet législatif « Une énergie propre pour tous les Européens », le Sénat a réalisé un travail d'ampleur. La lutte contre le dérèglement climatique est un défi considérable, y compris pour créer des emplois sur le sol européen dans des filières industrielles innovantes. Quelle est la perspective d'ensemble ? Après les deux orientations générales sur l'efficacité énergétique de juin 2017, des avancées importantes ont été obtenues lors du Conseil du 18 décembre 2017 sur la directive et le règlement définissant le marché de l'électricité, sur le règlement relatif à la gouvernance de l'Union de l'énergie et sur la révision de la directive « renouvelables ».
Vous aviez souligné votre préoccupation à l'égard de la proposition de la Commission de supprimer les tarifs réglementés de vente. La France a su construire une coalition pour supprimer cette disposition : il restera possible de réglementer les prix, dans les limites de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
Vous insistiez sur le danger de créer des centres de conduite régionaux qui pourraient imposer leur volonté au gestionnaire de réseau national d'électricité. Nous estimons aussi qu'il s'agirait d'une violation du principe de subsidiarité. Ce concept a disparu, on ne parle plus désormais que de centres de coordination régionaux.
Vous aviez souligné l'importance des mécanismes de capacité qui garantissent la sécurité d'approvisionnement et de l'ouverture transfrontalière réciproque de tous les types de mécanismes. La France a obtenu satisfaction : le niveau européen ne pourra pas interdire aux États membres de mettre en place de tels mécanismes, mais la charge de la preuve est inversée.
Enfin, la révision de la directive sur les énergies renouvelables constitue une étape essentielle pour la transition énergétique en Europe. Le Sénat nous avait mis en garde sur une ouverture par défaut des appels d'offres renouvelables aux capacités étrangères. Le Gouvernement a défendu une ouverture volontaire et a été largement suivi. Quant à une approche « technologiquement neutre » du soutien aux renouvelables, nous avons défendu la possibilité de conduire des appels d'offres spécifiques par technologie. La totalité de cette proposition n'a pu être reprise, mais nous avons desserré la contrainte.
Nous nous réjouissons que le Conseil maintienne le plafond actuel de 7 % pour les biocarburants de première génération entre 2020 et 2030 ; c'est un bon compromis. Seule reste donc ouverte la négociation sur le règlement ACER, sur lequel les positions du Gouvernement et du Sénat convergent.
Concernant l'avenir de la PAC, la Commission a publié, le 29 novembre 2017, sa « Communication sur l'avenir de l'alimentation et de l'agriculture », avec l'idée-force de recourir davantage à la subsidiarité.
Les principaux objectifs de la politique resteraient évidemment définis au niveau européen, mais les États membres auraient une marge de manoeuvre plus grande. Certains ont évoqué un risque de renationalisation de la PAC. Or la France, comme le Portugal et l'Irlande, n'acceptera aucune renationalisation, même partielle. Le commissaire Phil Hogan a rappelé lui-même, lors du Conseil agriculture du 29 janvier dernier, que cette option n'était pas envisagée par la Commission. Le contrat de coalition allemand confirme la nécessité de maintenir le niveau actuel de la PAC. Nous allons engager des discussions plus approfondies avec nos partenaires allemands pour obtenir un financement à 100 % communautaire du premier pilier de la PAC.
Le Président de la République a redit son ambition pour la PAC : assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires de l'Union, mais aussi renforcer la compétitivité du secteur agroalimentaire, tout en garantissant aux agriculteurs un revenu décent. La future PAC devra être plus simple, plus efficace et moins tatillonne, permettre le développement des entreprises agricoles et agroalimentaires, en assurant un juste prix pour les producteurs, en favorisant le travail en filière et en adaptant les règles et dispositifs aux spécificités de chacune d'entre elles. Les financements européens devraient renforcer la gestion des risques qui est insuffisamment prise en compte, responsabiliser les acteurs, valoriser et rémunérer les services environnementaux de l'agriculture, favoriser les transitions climatiques, énergétiques, territoriales. Il nous faudra rénover le fonctionnement de la réserve de crise agricole européenne, mais aussi développer des outils comme les fonds de mutualisation, l'épargne de précaution ou encore les assurances climatiques. Il est nécessaire de se concentrer sur la valeur ajoutée européenne de la PAC, d'où notre opposition à tout cofinancement du premier pilier.
La négociation du prochain cadre financier pluriannuel, qui devrait débuter en mai prochain, permettra de trouver des financements. Mais la PAC ne sera pas la variable d'ajustement, nous l'avons dit haut et fort à la Commission comme à nos partenaires.
M. Jean Bizet , président . - Merci, Madame la Ministre, de ces éclairages. Je rappelle la nécessité en amont de débats très approfondis sur les accords de libre-échange. Il faudra toujours mettre en exergue la réciprocité et faciliter la levée de la clause de sauvegarde, à l'instar des États-Unis.
Le Président de la République a laissé entendre que le cadre financier pluriannuel de la PAC n'était pas intangible. La subsidiarité nous amène parfois aux frontières de la renationalisation, risquant de créer des distorsions de concurrence inacceptables. Quant à la gestion des risques, la première approche nous laisse dubitatifs. Pour les Allemands, le premier pilier est l'assurance la plus importante. Le couple franco-allemand manque de cohérence, mais nous continuerons à soumettre des propositions au travers du groupe de travail sur la PAC : aujourd'hui, 3 % du premier pilier pourraient glisser vers le deuxième pour l'assurantiel, ce qui suppose un cofinancement ; pour une vraie politique assurantielle, ce transfert devrait atteindre 10 %. Nos homologues outre-Rhin sont d'accord avec cette politique plus nationale.
M. Michel Raison . - Madame la Ministre, vos propos nous rassurent en partie sur la position de la France concernant la renationalisation de la PAC. Le soutien du Portugal et de l'Irlande ne suffit pas, et nous devrons être plus unis. Les Français préfèrent en général que les sujets soient traités à l'échelon national, mais sont également favorables à une harmonisation. Quant aux garanties et à la gestion des risques, nous devons agir, car la fluctuation des prix va perdurer. Nous devons adapter la PAC pour sécuriser le revenu des agriculteurs, en nous inspirant du farm bill américain. Nous sommes prêts à vous aider, Madame la Ministre, et à participer à des travaux avec d'autres pays européens.
Mme Laurence Harribey . - Je voudrais vous alerter sur le deuxième pilier qui inclut un enjeu sur le mode de développement économique et rural. Les dernières prises de position de la Commission laissent présager l'abandon de programmes comme le programme européen de développement rural (Leader). Ce programme est particulièrement intéressant en ce qu'il favorise une stratégie de développement territorial de manière novatrice, grâce au nouvel entreprenariat rural ou aux réseaux de circuits courts. Il présente en outre l'avantage de mettre autour de la table des partenaires variés sur un territoire et de favoriser la coopération européenne. Cette action est très liée à la politique de cohésion ; or, si elle est affaiblie, la fracture territoriale risque de s'en ressentir.
M. Franck Menonville . - Je partage les propos de M. Raison sur les négociations concernant la PAC. Le groupe RDSE est très attaché à la construction européenne au travers d'une politique solide, prioritaire et le plus de convergence possible. La subsidiarité pourrait davantage s'appliquer au niveau du deuxième pilier, c'est-à-dire des politiques territoriales mises en oeuvre par chaque État membre. Par ailleurs, les filières de biocarburants sont très malmenées du fait d'importations massives de biodiésel brésilien et argentin. Quel est l'état d'avancement des procédures entamées par la Commission pour contrecarrer ces pratiques ? Ce volet est important, les excédents de production sont tels qu'ils pourraient menacer 75 % du colza français.
M. Yannick Botrel . - Vos propos sont rassurants pour l'avenir, Madame la Ministre, puisque la future PAC devrait être plus simple, plus efficace et moins tatillonne, conformément au souhait des agriculteurs. Pour autant, certains problèmes subsistent comme le risque de renationalisation de l'agriculture. De plus, le Brexit aura une double incidence : d'une part, il entraînera une perte de recettes de 13 milliards d'euros pour le budget européen - espérons que l'agriculture ne devienne pas la variable d'ajustement - ; d'autre part, le retrait des Britanniques de l'union douanière susciterait des difficultés pour les exportations outre-Manche de produits français. Nous aimerions connaître le point de vue du Gouvernement à ce sujet. Enfin, quelles options retenez-vous sur les services environnementaux de l'agriculture ?
Mme Fabienne Keller . - Ma première question porte sur les aspects monétaires et économiques. La liste s'allonge par rapport à la résolution qui avait été prise en décembre 2016. Madame la Ministre, vous avez indiqué que la conférence de l'article 13 était mieux organisée ; or, le calendrier n'est toujours pas en phase avec celui des procédures budgétaires nationales. De plus, cette instance est purement consultative. Enfin, une convergence des règles relatives au marché du travail devrait être encouragée. Je voudrais maintenant faire un aparté. Un accord a eu lieu ce matin en Allemagne entre le SPD et la CDU : le ministre des affaires étrangères serait M. Schulz et le ministre des finances serait le maire de Hambourg. Cela semble plutôt un signe favorable pour le programme d'investissement européen souhaité par le Gouvernement. Pourriez-vous nous donner vos premières impressions à ce sujet ?
M. Philippe Bonnecarrère . - Les affaires européennes doivent être considérées comme les affaires intérieures de notre pays. Mais à écouter Mme Keller, j'ai l'impression que les affaires allemandes sont elles-mêmes devenues des affaires intérieures. Sans aucune discourtoisie, pourquoi ne pas proposer la fusion de nos deux pays ?
M. Michel Raison . - Cela s'est déjà produit pour les départements...
M. Philippe Bonnecarrère . - Sur l'achèvement de l'union bancaire, il est assez étonnant de ne pas pouvoir aboutir tant la fragilité économique est majeure. Une garantie globale des dépôts est un outil plus que puissant comme arme anti-crise. Madame la Ministre, vous avez expliqué les deux approches entre ceux qui insistent sur la solidarité et ceux qui ne veulent pas mutualiser les dettes possibles. Or, des solutions intermédiaires sont envisageables, comme ces propositions de quatorze économistes français et allemands visant à assurer un mécanisme assurantiel variable suivant les pays.
S'agissant de la politique commerciale, l'accord de décembre 2017 est pertinent, de même que la décision d'avoir reconnu à la Chine le statut d'économie de marché. Le Sénat est assez favorable aux accords commerciaux. Sur la stratégie, l'Europe a un boulevard devant elle avec l'isolationnisme américain. Néanmoins, nous nous heurtons toujours aux mêmes obstacles, car des secteurs de l'agriculture se perçoivent comme défavorisés.
Je regrette l'inaptitude du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation à répondre à cette question. Il ne dispose en outre que de 150 millions d'euros par an. Un ajustement du monde agricole à la mondialisation faciliterait les conditions de négociation des accords internationaux. Comment y parvenir concrètement ?
J'en reviens au deuxième pilier, car des manifestations ont lieu à propos des indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN. Cet ajustement franco-français devrait être traité par le ministère de l'agriculture, mais ce sera peut-être insoluble. Madame la Ministre, je doute que vous puissiez rouvrir la discussion sur les 10 % supplémentaires, mais d'autres moyens comme le classement des zones humides pourraient être utilisés. Comment pourriez-vous ajuster votre action à celle de M. Travert pour régler ce sujet ?
M. André Reichardt . - Dans le cadre des travaux préparatoires à la future PAC, l'attente des agricultures est forte concernant la rapidité du versement des primes. Les élections approchent : c'est en prouvant sa capacité à résoudre ces difficultés que l'Europe pourra démontrer son efficacité.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Beaucoup de questions tournent autour de la PAC, ce qui ne me surprend guère, et sont révélatrices d'un état d'anxiété justifié. En effet, construire un cadre financier pluriannuel avec le départ d'un contributeur net est plus difficile, avec près de 13 milliards d'euros de moins. Cela nécessite des décisions fortes comme la fin des rabais obtenus par certains de nos partenaires en « copie cachée » du chèque britannique.
Le débat porte aussi sur le volume du budget et donc sur le pourcentage du revenu national brut sur lequel il faudra se caler. Il faut être capable de concilier notre ambition européenne et notre volonté de restaurer des finances publiques plus saines.
Nous sommes également attentifs à de nouvelles ressources propres. Le groupe de haut niveau présidé par Mario Monti avait formulé des propositions de qualité. C'est le moment de les utiliser. Il est néanmoins difficile de concilier notre attachement à la PAC, à la politique de cohésion, aux nouvelles priorités avec notre budget. Mais nous devons boucler celui-ci rapidement, car le précédent cadre financier pluriannuel avait pâti du retard lors de son adoption. Stéphane Travert et son ministère travaillent activement pour rattraper le temps perdu qui handicape fortement nos agriculteurs.
Prenons garde aux rumeurs, car si la négociation n'a pas commencé, la désinformation, elle, a déjà démarré.
M. André Gattolin . - Le groupe de Visegrád est très fort !
Mme Nathalie Loiseau, ministre . - J'ai eu l'occasion de le dire publiquement à Bruxelles lors d'une conférence sur le cadre financier pluriannuel, et le Premier ministre et moi-même avons interpellé à deux reprises le commissaire Oettinger.
À côté de l'Irlande et du Portugal, d'autres États membres sont très attachés à une priorité de la PAC. C'est le cas de l'Espagne, longtemps hésitante entre la politique de cohésion et la PAC, de la Pologne et d'autres pays du groupe de Visegrád. Nous avons un dialogue très régulier sur la PAC et ne sommes pas isolés. Certes, des résistances existent parmi les pays du Nord, dont les Pays-Bas.
Concernant les non-renationalisations, j'ai surtout parlé du premier pilier, mais le deuxième est tout aussi important au travers du rôle de l'agriculture dans la transition écologique. Comme vous, j'accorde une grande valeur à des programmes comme le programme Leader.
S'agissant des biocarburants, l'augmentation de la part des énergies renouvelables est un point fort de la stratégie climatique européenne. Mais l'Union européenne a dû baisser les droits sur l'importation de biocarburants.
Je comprends les inquiétudes à l'égard de la négociation relative à un accord commercial avec le Mercosur. Les autorités françaises ont affiché clairement nos lignes rouges sur ce projet d'accord. Nous devons tirer profit de ce moment historique pour conclure des accords à travers le monde, à condition qu'ils soient équilibrés, maintiennent nos intérêts, notamment agricoles, et ne fragilisent pas les filières les plus touchées. Certains pays voudraient signer tout de suite ; de son côté, le Mercosur n'a pas apporté de réponses très claires. Nous veillerons systématiquement à garantir nos exportations comme c'est le cas avec le Japon, la Turquie et la Chine.
Sur le service environnemental de l'agriculture, la note des autorités françaises sur la PAC diffusée en décembre évoque une conditionnalité renforcée, une simplification des aides que la France a longtemps contribué à complexifier. Nous sommes favorables à un outil de paiement incitatif dont l'ambition environnementale serait rehaussée à l'occasion de la future PAC, ainsi qu'à la rémunération des services environnementaux auxquels contribue l'agriculture.
J'ai partiellement répondu sur le Brexit. Quant à l'union douanière, nous attendons une position officielle des Britanniques sur la future relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. C'est à eux de nous dire où ils veulent aller et à nous de répondre, et non l'inverse. Néanmoins, Mme Theresa May a manifesté à plusieurs reprises le souhait de sortir de l'union douanière, en contradiction avec les attentes des milieux d'affaires britanniques. Ce retrait aurait de lourdes conséquences pour le Royaume-Uni, mais aussi pour nos propres filières.
Madame Keller, l'accord préalable à l'accord de coalition est satisfaisant car l'Europe y tient une place essentielle, contrairement à ce que les négociations laissaient présager. Nombre de nos propositions ont fait l'objet de débats entre les trois parties de la grande coalition : leurs réponses sont encourageantes. On parle de plusieurs ministères-clefs pour le SPD : les affaires étrangères, les finances et les affaires sociales. L'orientation pro-européenne du futur gouvernement allemand est très encourageante.
Il est urgent, je vous l'accorde, d'achever enfin l'union bancaire. Des économistes français et allemands ont conjointement fait des propositions intéressantes en ce sens. L'Europe n'a que trop tardé. Pourtant, certains États membres - je pense notamment aux Pays-Bas - demeurent très réticents à toute initiative, qui, comme les garanties de dépôts, pourrait ressembler à une mutualisation plutôt qu'à une réduction des risques. Nous avançons, certes, sur la mise en oeuvre de mesures comme le filet de sécurité, mais il devient urgent de prendre des décisions plus ambitieuses : la croissance économique et la stabilité politique des États membres, établie à l'issue des élections italiennes, le permettent. Le sommet informel de la zone euro, qui se tiendra en mars, puis le Conseil du mois de juin devraient valider une feuille de route sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Il conviendra également de revoir, dans le prochain cadre financier pluriannuel, les modalités de fonctionnement du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, peu opérationnel et dont les résultats n'ont pas répondu aux attentes de ses concepteurs.
S'agissant de l'ICHN, sujet plus particulièrement suivi par mon collègue Stéphane Travert, nous sommes effectivement en retard sur la définition d'une nouvelle cartographie et nos marges de négociation sont désormais étroites au niveau européen. Nous avons néanmoins pleinement conscience des inquiétudes soulevées par la réforme et les conséquences qui pourraient en découler.
M. Jean Bizet , président . - Vos services pourraient-ils nous faire parvenir une note circonstanciée sur les biocarburants ? Il me semble, en effet, que l'Union européenne a, il y a quarante-huit heures, porté plainte contre l'Argentine auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour dumping fiscal et environnemental. Or le sujet avait fait l'objet d'un large débat au Sénat lors de l'examen de la dernière loi de finances.
Mme Pascale Gruny . - Notre commission a adopté une proposition, devenue résolution du Sénat le 17 février 2017, relative aux perturbateurs endocriniens. Nous y formulions un ensemble de critiques sur deux projets de textes en cours d'élaboration par la Commission : un acte d'exécution dans le cas des produits phytopharmaceutiques et un acte délégué pour les produits biocides.
Au cours de l'année écoulée, la question des perturbateurs endocriniens a fait l'objet d'une abondante actualité et la Commission a largement revu la rédaction de ces deux propositions de texte, dans un sens à nos yeux satisfaisant : les critères d'identification ont été élargis, conformément à la demande du Sénat, pour que davantage de substances puissent être identifiées comme perturbateurs endocriniens. Quelles sont, désormais, les prochaines étapes du dialogue engagé entre la France, les autres États membres et la Commission sur la question des perturbateurs endocriniens ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - La résolution du Sénat avait effectivement mis en évidence les insuffisances de la législation européenne : à la fois la faible lisibilité du cadre applicable et le manque de cohérence des critères d'identification des perturbateurs endocriniens dans les règlements de 2009 et de 2012. Fort logiquement, le Gouvernement a tenu compte de vos remarques et recommandations lors des négociations européennes, comme à l'occasion de l'élaboration de sa stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Les modifications apportées aux deux textes en discussion sont encourageantes, mais il convient d'approfondir encore, pour restaurer la confiance dans le système d'évaluation des substances chimiques, les objectifs de transparence et d'indépendance des agences chargées de cette mission. Nicolas Hulot a proposé à ses homologues, lors du Conseil Environnement d'octobre dernier, d'entamer un travail sur ce sujet. Vous aviez proposé de renforcer la coordination entre les agences européennes et nationales ; le Gouvernement examine attentivement cette option. Je trouve également fort intéressante la proposition sénatoriale consistant à retenir la notion de « perturbateurs endocriniens présumés ». Nous avons défendu cette position dans notre réponse à une consultation publique récente de l'Agence européenne des produits chimiques et de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Dans les prochains mois, sera définie par la Commission une stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens, qui pourrait utilement s'inspirer de la stratégie française, robuste et concrète. Nous allons la promouvoir auprès de la Commission et intensifier nos échanges sur les mesures à mettre en oeuvre en matière de transparence et d'indépendance des agences d'évaluation. J'effectuerai prochainement une visite de terrain sur ce sujet avec ma collègue Brune Poirson.
Mme Colette Mélot . - Il y a presque un an, le Sénat s'engageait en faveur de la défense de la conception française du droit d'auteur en adoptant une résolution européenne sur le paquet droit d'auteur, réforme qui se décomposait en plusieurs textes d'importance inégale. Les dispositions relatives au traité de Marrakech visaient à faciliter l'accès des déficients visuels aux oeuvres publiées. Elles ont, depuis, été adoptées et nous en sommes globalement satisfaits. Le règlement dit « câble et satellite », auquel nous nous étions formellement opposés, a vu son champ d'application considérablement restreint. Même si la version définitive du texte n'est pas encore adoptée, les compromis réalisés semblent de nature à préserver le modèle économique de nos industries culturelles. Je souhaiterais revenir aujourd'hui sur le dernier texte du paquet qui harmonise le régime des exceptions au droit d'auteur, et plus précisément sur la question de la création d'un droit voisin au profit des éditeurs de presse. Nous nous étions interrogés notamment sur les contours de la notion de droit voisin au profit des éditeurs de presse. Je comprends que depuis une clarification est intervenue, pourriez-vous nous en dire davantage et nous indiquer quelles grandes orientations sont retenues actuellement ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'enjeu de la refonte du droit d'auteur, très justement analysée par la proposition de résolution de votre commission, est de moderniser la législation pour l'adapter à l'univers numérique et à l'émergence des plateformes, tout en préservant les droits des créateurs et en assurant, autant que faire se peut, un partage équitable de la valeur. À cet effet, je suis convaincue de l'intérêt que constitue la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, même si elle est loin d'être garantie à ce stade : seuls onze États membres y sont favorables, les autres lui préférant la protection moins favorable d'une présomption de transfert de droits au bénéfice des éditeurs de presse. Les négociations se poursuivent avec, en perspective peut-être, la création d'un droit assorti d'une durée de protection réduite. Nous sommes également attachés à ce que soit clairement définie la communication publique en ligne et, partant, le régime de responsabilité des plateformes : celles qui réalisent un acte de communication au public devraient conclure une licence avec les ayants droit et toutes, y compris les simples hébergeurs, oeuvrer pour lutter efficacement contre la diffusion de contenus illégaux. Enfin, la France s'est opposée à toute remise en cause du principe de territorialité des droits, garantie de la juste rémunération des créateurs, par celui du pays d'origine du radiodiffuseur en ligne, avec quelque succès puisqu'elle a réussi à réunir une minorité de blocage sur sa position.
M. Didier Marie . - Depuis 2015, le Sénat a suivi avec une particulière attention la mise en oeuvre du plan Juncker visant à mobiliser quelque 315 milliards d'euros d'investissement au 31 décembre 2017, puis 500 milliards à l'horizon 2020. Il a ainsi adopté plusieurs résolutions pour en renforcer l'efficacité. Plus particulièrement, le Sénat a souhaité que les PME, voire les TPE, qui jouent un rôle majeur en matière de croissance et d'emploi, bénéficient de financements via des plateformes ouvertes à des investissements plus modestes. Pouvez-vous nous confirmer que l'accent a effectivement été mis sur le financement de ces investissements et nous indiquer si des résultats probants ont été enregistrés au profit de l'économie française ? Pouvez-vous, en outre, nous préciser comment et dans quelle mesure la mise en oeuvre du plan associe de manière plus étroite les collectivités territoriales, qui entendent appuyer le développement de l'économie dans les territoires ?
M. Cyril Pellevat . - Annoncé à l'automne 2016, un plan d'investissement européen spécifique devait constituer le volet externe du plan Juncker avec un objectif de mobilisation de 44 milliards d'euros d'ici 2020 pour financer de façon innovante des projets en Afrique et dans le voisinage méridional et oriental. Ce plan entendait encourager les investisseurs privés à participer au développement durable des pays partenaires de l'Union européenne en stimulant les investissements privés, notamment où des marchés économiquement viables peuvent contribuer à satisfaire certains besoins de la société et où les fonds publics peuvent jouer un rôle de levier dans la mobilisation des fonds privés. La Commission a indiqué qu'elle était prête à investir dans ce plan 4,1 milliards d'euros, à travers le Fonds européen pour le développement durable (FEDD), qui comprend une garantie d'un montant de 1,5 milliard d'euros et 2,6 milliards d'euros de mécanismes de financement mixte. Quel est l'état d'avancement de la mise en oeuvre de ce plan que la résolution du Sénat de décembre 2016 a entendu appuyer ? Par ailleurs, Le FEDD est ouvert aux contributions des États membres : qu'en est-il concrètement et quelles sont les perspectives en la matière ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - La France est le premier pays destinataire des investissements du plan Juncker et, Monsieur Marie, les PME et TPE en bénéficient très largement : trente-deux conventions les concernant ont d'ores et déjà été approuvées, pour 1,7 milliard d'euros au titre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). À l'échelle européenne, 30 % des financements générés au titre du FEIS se sont portés sur des PME et des TPE. Les collectivités territoriales jouent un rôle majeur pour accompagner cette dynamique. Elles ont, à cet égard, intérêt à articuler fonds structurels et FEIS pour financer de grands projets régionaux. Si ce n'est pas toujours possible en raison des modalités différentes de fonctionnement des fonds, cette stratégie est encouragée au cas par cas et devrait être facilitée par la simplification des règles actuellement applicables annoncée par la Commission. À titre d'illustration, grâce à la mobilisation conjointe du plan Juncker et des fonds structurels européens a pu être créé dans la région des Hauts-de-France un fonds d'investissement en capital dédié aux entreprises de la troisième révolution industrielle pour soutenir des projets de modeste envergure. Le plan Juncker contribue également au financement de projets d'intérêt local : une usine de traitement des eaux usées dans le Val-d'Oise ou six lignes de bus à haut niveau de service à Lens.
Monsieur Pellevat, les ressources allouées au Fonds d'affectation d'urgence (FFU) s'élèvent à 3,3 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros ont d'ores et déjà été versés, comprenant 1,2 milliard d'euros pour la région du Sahel, pour le financement de 143 projets sélectionnés en comité opérationnel. Le FFU est abondé par le FEDD, par des instruments communautaires et par les États membres, qui y ont contribué à hauteur de 378 millions d'euros. La participation de la France, si elle a récemment triplé, reste inférieure à 10 millions d'euros, soit fort peu en comparaison des 154 millions d'euros versés par l'Allemagne. Mais n'oublions pas combien nous sommes présents civilement et militairement au Sahel. Le FFU pourrait à nouveau être abondé par les États membres comme par le FEDD.
M. Michel Raison . - Notre commission a adopté une proposition, devenue résolution du Sénat le 21 janvier 2017, invitant à une convergence accrue au sein de l'Union, en matière d'étiquetage et de gaspillage alimentaires. En France, après avoir obtenu l'accord de principe de la Commission, deux expérimentations inédites sont en cours en matière d'étiquetage nutritionnel et des plats cuisinés. Dans les deux cas, la Commission a donné un accord de principe à notre pays. S'agissant de l'étiquetage nutritionnel, le feu vert de la Commission prévoyait que « les autorités françaises (s'assurent) que le logo sélectionné est compatible avec les dispositions de la législation applicable en la matière et en particulier le règlement INCO du 22 novembre 2011 » . Certains États membres ayant formulé des inquiétudes, la Commission juge également « crucial que le rapport que les autorités françaises se [sont] engagées à soumettre sur cette expérimentation, aborde aussi la question de l'accès au marché français des producteurs des autres États membres » . Qu'en est-il des échanges entre la France et la Commission sur ces deux dossiers ? Certains États membres formulent-ils toujours des inquiétudes sur l'expérimentation en cours portant sur l'origine des viandes et du lait ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - L'expérimentation, autorisée pour un an, sur l'étiquetage des plats cuisinés répondait à une forte attente des Français après le scandale des fraudes sur l'utilisation de viandes chevalines dans certaines préparations. L'Allemagne et la Belgique ont alors fait part de leurs craintes de voir leurs exportations vers la France s'éroder, tandis que l'Italie et l'Espagne y étaient plutôt favorables. À l'issue de l'expérimentation, la France s'est engagée à produire un rapport d'évaluation et à en transmettre les conclusions à la Commission. Dans cette attente, les deux parties ont suspendu leurs échanges.
M. André Gattolin . - Je m'inquiète des effets pervers de certaines initiatives européennes en matière commerciale, craintes confirmées lors d'un échange récent avec la commissaire au commerce Cécilia Malmström. Prenez l'accord « tout sauf les armes », qui devait originellement encourager la croissance des pays les plus pauvres en leur accordant un accès privilégié au marché européen grâce à l'élimination des quotas et droits de douanes. En réalité, pour ne prendre que l'exemple du commerce du riz, l'accord favorise exagérément le Cambodge, dont on connaît par ailleurs le degré de corruption, au détriment des sept pays rizicoles du Sud de l'Europe, qui se trouvent désormais en position d'importateurs. Nous aimerions disposer régulièrement de retours d'expérience des accords commerciaux conclus par l'Europe ; je m'en suis ému auprès de la commissaire européenne. Exception faite de l'accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et la Corée du Sud, je suis personnellement favorable à ces initiatives, mais leur multiplication rend difficile d'en connaitre l'étendue - qui comprend les règles en matière de quotas de boeuf, qui dépendent de différents accords commerciaux ? - et d'en dresser un bilan. Or, toute politique doit être suivie, évaluée et, le cas échéant, modifiée en conséquence.
M. Jean Bizet , président . - Je partage cette analyse s'agissant de la réactivité européenne pour le déclenchement de clauses de sauvegarde : il est fort dommage que nous ne disposions pas d'un mécanisme identique à la mesure 623, qui permet aux États-Unis de fermer leurs frontières en quelques minutes. Je souhaite rappeler en conclusion les travaux que nous avons conduits sur la nécessaire simplification du droit européen, qui constitue une exigence pour les entreprises comme pour les particuliers. Nous avons d'ailleurs, en collaboration avec la délégation aux entreprises, lancé une plateforme pour permettre aux entreprises de faire part de leurs préoccupations dans ce domaine. La simplification implique aussi de se prémunir contre les excès de zèle lors des transpositions en droit national. La dernière Conférence des présidents a souhaité, à cet effet, que notre commission exerce une veille sur les sur-transpositions, un peu comme la commission des finances le fait avec l'article 40. Je vous remercie, Madame la Ministre, de vous être prêtée à cet exercice qui nous a permis d'engager un dialogue fructueux.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. - Nous espérons ne pas vous donner un travail trop important, grâce à notre veille attentive pour éviter de faire preuve du génie français à tout compliquer et à aller au-delà de ce que l'Europe exige. Nous cherchons aussi à harmoniser les transpositions entre la France et l'Allemagne.