B. LA CRÉATION DES SATT PAR LE BIAIS DU PIA : UNE « MANNE » FINANCIÈRE AU BÉNÉFICE DE LA VALORISATION DE LA RECHERCHE PUBLIQUE
1. 14 SATT couvrant la quasi-totalité du territoire, pour un démarrage souvent plus tardif que prévu
a) Du rapport « Investir pour l'avenir » au Fonds national de valorisation et à la création des SATT
De nouvelles structures sont donc apparues nécessaires pour porter un soutien financier à la maturation et professionnaliser le transfert de technologies en mettant fin aux différents services de valorisation éclatés auprès des universités et des quelques DMTT mis en place.
L'idée des SATT trouve son origine dans le rapport d'Alain Juppé et Michel Rocard , Investir pour l'avenir 13 ( * ) , qui préconisait dans son « Axe 1 » de soutenir la recherche, notamment en « professionnalisant la protection et la valorisation des résultats de la recherche publique par la constitution d'équipes de haut niveau, ainsi que le financement de la preuve de concept et de l'accélération du transfert de technologie dans les sociétés de valorisation des PRES, des fondations de coopération scientifique et des organismes de recherche nationaux. » Le rapport recommandait une augmentation des moyens alloués à la valorisation de la recherche, à travers la création d'un « fonds national de valorisation des projets innovants, doté en capital d'un milliard d'euros . » Ce fonds devait à la fois soutenir des projets à dimension nationale et des sociétés de valorisation à dimension territoriale.
Lors du lancement du Programme d'investissements d'avenir (PIA) par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, le Gouvernement a suivi cette recommandation avec l'action « Valorisation - Fonds national de valorisation » du programme « Pôles d'excellence » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dotée d'un milliard d'euros et faisant l'objet de la convention du 29 juillet 2010 entre l'État et l'ANR, laquelle a la qualité d'opérateur retenu pour sa mise en oeuvre.
Ce fonds regroupe initialement les dotations pour trois outils différents de valorisation, à savoir les SATT, pour 900 millions d'euros, les consortiums de valorisation thématiques (CVT) pour 50 millions d'euros et France Brevets, également pour 50 millions d'euros.
Ventilation initiale du Fonds national de valorisation
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir de la convention entre l'État et l'ANR du 29 juillet 2010
Au gré des redéploiements de crédits opérés au sein du PIA, le montant du FNV consacré aux SATT s'établit désormais à 857 millions d'euros .
b) La création en trois vagues de 14 SATT à vocation territoriale et ayant nécessité un temps certain de mise en place
L'État a donc décidé de créer des SATT ayant pour vocation de porter le financement de la maturation et le transfert de technologies en vue de développer la valorisation de la recherche publique.
Ainsi, comme l'indique la convention précitée du 29 juillet 2010, ces SATT, ayant le statut de sociétés privées par actions simplifiées (SAS ) et pour actionnaires des établissements de recherche, d'une part, et la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l'État, d'autre part, ont « vocation à regrouper l'ensemble des équipes de valorisation de sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures pour améliorer significativement l'efficacité du transfert de technologies et la valeur économique créée. Elles devront conduire à une plus forte professionnalisation de la valorisation de la recherche et renforcer les compétences . Elles auront une double mission :
- une activité principale consacrée au financement des phases de maturation des inventions et de preuve de concept ;
- une deuxième activité consacrée à la prestation de services de valorisation auprès des acteurs locaux de la recherche et développement (R&D) qui créent la valeur ajoutée scientifique et technologique. »
La convention précise également que « le soutien de l'État sera essentiellement consacré au financement de la maturation et des preuves de concept . » En effet, les prestations de services opérées par les SATT pour le compte des établissements et organismes de recherche doivent faire l'objet d'une facturation au prix du marché.
Chaque SATT devait présenter un plan d'affaires permettant d'atteindre un objectif d'équilibre financier dans les 10 ans suivant leur création .
14 SATT ont finalement été créées sur la quasi-totalité du territoire (hors Normandie et outre-mer) et dans le cadre de trois vagues .
Comme la plupart des autres actions du PIA, la création des SATT a été réalisée dans le cadre d'un appel à candidatures et d'une sélection par un jury indépendant et international. Les SATT n'ont pas dérogé à ce principe.
Trois procédures d'appel à projets ont été lancées pour aboutir à la création de 14 SATT constituées en trois vagues (A, B et C).
Un premier processus de sélection a conduit le jury à retenir 5 SATT sur les 14 initialement candidates (dont deux couvrant la région Île-de-France), constituant ainsi la « vague A ».
Éléments clefs des SATT de la vague A au moment de leur conventionnement
SATT de la vague A |
Date de la convention avec l'ANR et dotation décennale |
Actionnaires |
Région(s) d'implantation |
Thématiques prioritaires 14 ( * ) |
Nombre de laboratoires et de chercheurs couverts |
Conectus (Strasbourg) |
1 er décembre 2011 36 millions d'euros |
Université de Strasbourg, Université de Haute-Alsace, Institut national des sciences appliquées de Strasbourg, École nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg, CNRS, INSERM |
Alsace (aujourd'hui Grand Est) |
Santé (biotechnologies, pharma, technologies médicales) ; sciences pour l'ingénieur (SPI) ; Matériaux ; Chimie |
93 laboratoires (juin 2014) 4 694 chercheurs (juin 2014) |
Sud Est (Marseille) |
1 er décembre 2011 78 millions d'euros |
Aix-Marseille Université, Université de Nice Sophia Antipolis, Université de Toulon et du Var, Université de Corse, École Centrale de Marseille, Université d'Avignon et des pays de Vaucluse, CNRS, INSERM |
Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Corse |
Oncologie, infectiologie, écotechnologie, multimédia, énergie, communications sécurisées |
200 laboratoires 10 000 chercheurs et doctorants |
Toulouse Tech Transfer |
1 er décembre 2011 70 millions d'euros |
Université de Toulouse, CNRS |
Midi-Pyrénées (aujourd'hui Occitanie) |
Santé; Technologies environnementales; Aéronautique, espace, transport |
110 laboratoires 7 800 chercheurs |
Idfinnov (Paris) |
1 er janvier 2012 68 millions d'euros |
Université Paris Cité, Université Paris
-Est,
|
Île-de-France |
Santé; Science de la matière ; sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) ; sciences humaines et sociales (SHS) |
340 laboratoires 17 000 chercheurs |
Lutech (Paris) |
1 er janvier 2012 78 millions d'euros |
Université Pierre et Marie Curie Paris VI, Université Technologique de Compiègne, Université Panthéon Assas Paris II, Université Sorbonne Paris IV, Muséum national d'Histoire naturelle, École nationale supérieure de création industrielle, CNRS |
Île de France, Picardie (aujourd'hui Hauts-de-France) |
Science de la vie ;
|
300 laboratoires (juin 2014) 8 350 chercheurs |
Source : ANR
Quelques mois après le lancement de la vague A, le Gouvernement a ainsi décidé de lancer un nouvel appel à projets ayant conduit à retenir, au cours de l'année 2012, quatre autres SATT constituant la vague B 15 ( * ) .
Éléments clefs des SATT de la vague B au moment de leur conventionnement
SATT de la vague B |
Date de la convention avec l'ANR et dotation décennale |
Actionnaires |
Région(s) d'implantation |
Thématiques prioritaires |
Nombre de laboratoires et de chercheurs couverts |
AST (Bordeaux) |
1 er juillet 2012 45,6 millions d'euros |
ComUE d'Aquitaine, Université de Pau et des Pays de l'Adour, CNRS, INSERM |
Aquitaine (aujourd'hui Nouvelle-Aquitaine) |
Aéronautique, spatial, défense et systèmes ; Santé et bien-être ; Énergie et filières vertes |
136 laboratoires (2015) 5 500 chercheurs (2015) |
Ouest Valorisation (Rennes) |
1 er juillet 2012 66,5 millions d'euros |
Université Bretagne Loire, Institut de recherche pour le développement (IRD), CNRS, INSERM |
Bretagne, Pays de la Loire |
Biotech, imagerie, et technologies de la santé ; TIC et usage ; technologies et ressources marines ; matériaux avancés et chimie |
154 laboratoires (2015) 7 697 chercheurs (2015) |
SATT Nord (Lille) |
1 er juillet 2012 59,85 millions d'euros |
Université de Reims-Champagne ; Université de Picardie Jules Verne ; Université Lille Nord de France ; CNRS |
Nord-Pas de Calais, Picardie (aujourd'hui, Hauts-de-France) et Champagne-Ardenne (aujourd'hui Grand Est) |
Biologie et santé ; SHS ; STIC/SPI ; Agro-Sciences environnement ; chimie-matériaux |
194 laboratoires (2015) 6 334 chercheurs (2015) |
AxLR (Montpellier) |
1 er août 2012 42,75 millions d'euros |
Université de Montpellier ; Université de Montpellier 3 ; Université de Perpignan Via Domitia ; Université de Nîmes ; École nationale supérieure de chimie de Montpellier ; Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) ; SUPAGRO ; IRD ; CNRS ; INSERM |
Languedoc-Roussillon (aujourd'hui Occitanie) |
Agronomie et environnement, informatique et électronique ; santé et biotechnologies ; chimie, matériaux et procédés ; physique appliquée |
200 laboratoires (2013) 12 000 chercheurs (chercheurs) |
Source : ANR
Finalement, permettant ainsi de couvrir la quasi-totalité du territoire national, une troisième vague (« vague C ») a été décidée, avec cinq autres SATT.
Éléments clefs des SATT de la vague C au moment de leur conventionnement
SATT de la vague C |
Date de la convention avec l'ANR et dotation décennale |
Actionnaires |
Région(s) d'implantation |
Thématiques prioritaires |
Nombre de laboratoires et de chercheurs couverts |
Grand Centre (Clermont-Ferrand) |
1 er avril 2013 57 millions d'euros |
Université Blaise Pascal ; Université confédérale Léonard de Vinci ; CNRS, IRSTEA |
Auvergne (aujourd'hui, Auvergne-Rhône-Alpes) ; Centre ; Poitou-Charentes, Limousin (aujourd'hui, Nouvelle-Aquitaine) |
Santé et Biotechnologies ; Matériaux et Services intelligents et communiquant |
185 laboratoires 8 500 chercheurs |
Grand Est (Dijon) |
1 er novembre 2013 57 millions d'euros |
Agrosup Dijon ; École Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques ; Université de Technologie de Belfort Montbéliard ; Université de Bourgogne ; Université de Franche-Comté ; Université Lorraine ; Université de Technologie de Troyes ; INSERM ; CNRS |
Bourgogne ; Franche-Comté ; Lorraine |
STIC ; Matériaux & procédés chimie ; Santé & dispositifs médicaux ; Agro-Sciences Environnement |
140 laboratoires 6 500 chercheurs |
Pulsalys (Lyon) |
1 er décembre 2013 54,15 millions d'euros |
Université de Lyon ; CNRS |
Rhône Alpes (aujourd'hui, Auvergne-Rhône-Alpes) |
Santé ; Chimie ; STIC ; Micro & Nano Technologies ; SHS |
168 laboratoires 12 200 chercheurs |
Linksium (Grenoble) |
1 er juillet 2014 62,7 millions d'euros |
Institut national polytechnique de Grenoble ; Université de Savoie ; Université Joseph Fourier Grenoble 1 ; Université Pierre Mendes France Grenoble 2 ; Université Stendhal Grenoble 3 ; Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ; CNRS ; CEA |
Rhône Alpes (aujourd'hui, Auvergne-Rhône-Alpes) |
Numérique (Micro nanoélectronique et logiciel), Nouvelles technologies de l'énergie ; Technologies de la santé (biotechnologies, medtech ) ; Ressources durables ( cleantech ). |
104 laboratoires 7 300 chercheurs et doctorants (données de la ComUE Grenoble Alpes |
Paris Saclay |
1 er juillet 2014 54,15 millions d'euros |
Fondation de Coopération Scientifique Campus Paris Saclay |
Île-de-France |
Mathématiques, STIC, Ingénieries, Nanotechnologies ; Physique, Chimie, Optique ; Écotechnologies, Énergie, Biotechnologies vertes et blanches. |
320 laboratoires 10 500 chercheurs |
Source : ANR
La création des 14 SATT a permis que tous les établissements de recherche puissent intégrer l'une de ces structures de valorisation et bénéficier de ses services. Toutefois, on peut s'interroger sur ce choix de couvrir l'ensemble du territoire national, parfois en créant des structures au périmètre très large (par exemple, la SATT Grand Centre qui a pour actionnaires les établissements de quatre anciennes régions, à savoir l'Auvergne, le Centre, le Limousin et Poitou-Charentes), notamment au regard des difficultés qu'elles rencontrent ensuite pour développer efficacement leur activité .
Les 14 SATT sur l'ensemble du territoire national
Source : Réseau SATT, 2015
Lors de l'évaluation des SATT à l'issue de leurs trois premières années de création, il est apparu que leur démarrage a généralement été plus tardif que prévu, avec une mise en place des structures assez longue et conduisant dès lors à des résultats plus faibles qu'espérés après quelques années d'exercice . Ainsi, les indicateurs permettant de déterminer le versement ou non d'une enveloppe complémentaire aux SATT ont pu être difficilement atteints.
Ce constat s'est également établi pour les SATT qui se sont pourtant appuyées sur de précédents dispositifs de mutualisation (DMTT).
2. Plus de 850 millions d'euros destinés au financement des SATT
a) Une enveloppe largement engagée et consommée
Comme indiqué précédemment, le PIA 1 consacre 857 millions d'euros au financement des 14 SATT par le biais du FNV.
Répartition du FNV (hors France Brevets) au 1 er janvier 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données transmises par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
Au 31 mars 2017, sur les 914 millions d'euros attribués au FNV, la quasi-totalité était engagée et 507 millions d'euros d'ores et déjà consommés .
Consommation des crédits du FNV au 31 mars 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données transmises par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
S'agissant plus spécifiquement des SATT, 406 millions d'euros étaient consommés sur les 857 millions d'euros initialement prévus et désormais totalement engagés et contractualisés .
Consommation des crédits du FNV alloués aux SATT au 31 mars 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données transmises par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
La majeure partie des crédits du PIA alloués aux SATT leur est directement versée en dotations consomptibles pour l'exercice de leurs missions . Toutefois, il est également prévu que 5 % du FNV financent indirectement les SATT par le truchement d'une enveloppe dont les établissements actionnaires peuvent bénéficier pour acheter des prestations dans les cinq ans suivant la création de ces structures. Il s'agissait ainsi de favoriser les relations entre les SATT et leurs actionnaires ainsi que de provoquer un effet de levier pour que les structures de valorisation étendent leurs activités.
Le présent rapport montre plus loin que cette modalité de financement des prestations réalisées par les SATT n'a probablement pas eu l'effet escompté et a même généré de « fausses » recettes aux SATT qui risquent de ne pas être remplacées une fois que l'enveloppe ne pourra plus être utilisée.
En tout état de cause, certaines SATT ont consommé l'intégralité de cette enveloppe à l'issue des cinq années ou devraient y parvenir, tandis que d'autres tardent encore à en faire usage.
b) Un versement triennal assis sur le « potentiel de recherche » du territoire
Le programme de financement des SATT s'étend sur dix ans, avec une dotation maximale versée par le FNV à chaque SATT, dont le montant est décidé par le Premier ministre.
Afin de leur constituer un capital, un versement d'un million d'euros est effectué dès la création de chaque SATT.
Puis, le versement s'effectue en quasi-fonds propres en trois tranches triennales. Chaque SATT a ainsi reçu une première tranche de la Caisse des dépôts et consignations, sous la forme d'une avance en compte courant pour ses trois premières années et à l'issue de laquelle un audit externe est mené . Le versement de la seconde et de la troisième enveloppe triennale tient compte des conclusions de cette enquête et se fait à nouveau après une décision du Premier ministre.
Les SATT étaient invitées à faire connaître leur besoin de financement pour le versement de la première enveloppe, calculé à l'aide des estimations de dépenses et de recettes de leur plan d'affaires, les résultats des DMTT et de la palette d'activités envisagée (prestations, incubation...). Le montant définitif de cette enveloppe a été proposé par la direction générale de la recherche et de l'innovation du MESR, qui préconisait de le déterminer à partir du potentiel de recherche du territoire qu'elle recouvre . Dès lors, les dotations ont été différentes d'une SATT à l'autre.
À l'issue de leur première évaluation, les SATT issues des deux premières vagues de création (entre 2011 et 2012) ont pu bénéficier de la seconde tranche.
3. Le rôle de l'État : un pilotage national et un contrôle local impliquant de multiples acteurs
Le financement que les SATT reçoivent de l'État implique de sa part un contrôle et une intervention dans ce nouveau dispositif, tant au niveau national que local.
a) Le pilotage national des SATT reposant sur deux opérateurs de l'État, le Commissariat général à l'investissement et plusieurs ministères
Comme le programme d'investissements d'avenir (PIA) le prévoit, l'ANR a été désignée comme opérateur de l'État afin de gérer, financer et suivre la mise en oeuvre de l'action « FNV ». À ce titre, l'Agence a notamment été responsable de l'organisation de l'appel à projets et de son évaluation .
Toutefois, la Caisse des dépôts et consignations a également été retenue comme second opérateur car l'ANR ne peut être actionnaire d'une société privée. La Caisse des dépôts et consignations verse ainsi pour le compte de l'État des apports en capitaux propres aux SATT regroupés dans le « fonds d'investissement dans les SATT », tel que le prévoit la convention tripartite du 13 janvier 2011 entre l'État, l'ANR et la Caisse des dépôts et consignations 16 ( * ) .
Les SATT doivent ainsi transmettre chaque trimestre les chiffres sur leur activité à l'ANR et rendre compte à la Caisse des dépôts de leur situation financière , ce qui n'est pas sans provoquer un dédoublement des opérateurs et donc une complexité du dispositif, comme l'illustre cet extrait de la convention de 2011 : « La Caisse des dépôts transmet sur demande de l'ANR trimestriellement toute information que l'ANR pourrait lui demander afin de remplir sa mission d'information à l'égard de l'État. L'ANR transmet sur demande de la Caisse des dépôts trimestriellement toute information que la Caisse des dépôts pourrait lui demander afin de remplir sa mission d'information à l'égard de l'État. »
Par ailleurs, le fonctionnement du PIA s'effectue également dans un cadre interministériel complexe , impliquant un grand nombre d'intervenants pour le pilotage des SATT .
Responsable de la mise en oeuvre des investissements d'avenir, le Commissariat général à l'investissement (CGI), adossé aux services du Premier ministre, est ainsi impliqué au premier chef. Par ailleurs, les ministères chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que de l'industrie sont naturellement présents.
Le suivi et l'exécution du FNV sont assurés par deux comités interministériels, le comité de pilotage du FNV , chargé de suivre l'action « Valorisation - Fonds national de valorisation », et le comité de gestion des SATT .
Le comité de pilotage du FNV Présidé par un représentant du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, le comité de pilotage du FNV est composé des représentants du ministère chargé de l'industrie, de l'ANR, de la Caisse des dépôts et consignations et de Bpifrance. Concernant les SATT, son rôle est de leur donner une orientation nationale et de déterminer le montant de leur dotation globale et triennale. Ses conclusions sont présentées au Commissariat général à l'investissement (CGI), qui les transmet accompagnées de son avis au Premier ministre, décideur final du versement de la dotation. Le comité de gestion des SATT Le comité de gestion des SATT est une déclinaison opérationnelle du comité de pilotage. Ses membres sont issus des mêmes organismes et se réunissent tous les mois. Les représentants du CNRS et de la Conférence des Présidents d'Université (CPU) ont été invités depuis peu (respectivement fin 2016 et avril 2017) à ce comité pour les questions ne relevant pas du pilotage national des SATT. En revanche, aucun représentant des SATT n'est prévu. Le comité de gestion est chargé de suivre l'évolution de chaque SATT, d'évoquer les situations rencontrées et d'en tirer d'éventuelles conclusions pratiques, en produisant notamment des notes à l'attention des présidents des SATT. Par exemple, deux notes de 2017 ont été rédigées par ce comité, l'une portant sur le traitement comptable et fiscal de la prise de participation des SATT dans les start-ups en 2016, l'autre sur la mise en oeuvre de la loi « NOTRe » sur l'entrée des régions et des métropoles à l'actionnariat des SATT. Par ailleurs, il exerce un pouvoir de contrôle sur les SATT : - en fixant le calendrier des évaluations triennales par un cabinet de conseil indépendant ; - en s'appuyant sur les rapports d'audit, les auditions des présidents de SATT, les données transmises chaque trimestre et chaque semestre par l'ANR ; - en recueillant les témoignages des représentants d'actionnaires (CNRS, universités, État) ; - en formulant des propositions et des recommandations sur la base des informations susmentionnées avant la poursuite du financement de chaque SATT. Source : commission des finances, d'après les renseignements transmis par le Commissariat général à l'investissement (CGI) |
À l'occasion des auditions, votre rapporteur spécial a pu constater que cette multiplicité d'intervenants représentant l'État pouvait être source de complexité, notamment pour les SATT qui ont alors un nombre importants d'interlocuteurs. L'existence de deux opérateurs de l'État (ANR et CDC) a notamment été plusieurs fois citée parmi les difficultés rencontrées .
b) L'action locale de l'État dans chaque SATT
La convention tripartite de 2011 prévoit que l'État est représenté dans chaque SATT, à travers la Caisse des dépôts et consignations, détenant 33 % du capital et des droits de vote dans chaque SATT. L'État est représenté par quatre administrateurs qui composent le « collège B » du conseil d'administration comptant douze membres au total.
Là encore, la complexité et la multiplicité de la représentation de l'État se retrouve : parmi ces quatre administrateurs, l'un au moins est issu de la Caisse des dépôts et consignations, les autres peuvent émaner soit du ministère chargé de la recherche, soit de Bpifrance, soit de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) locale.
Le seuil de 33 % des voix assure aux administrateurs de l'État une « minorité de blocage », leur permettant d'opposer un véto à certaines décisions majeures soulevées en conseil d'administration, telles que :
- la nomination, le renouvellement, la révocation et la rémunération éventuelle du président ;
- la composition du comité d'investissement ;
- la validation du plan d'affaires et du budget annuel ;
- l'engagement d'un investissement supérieur à 120 000 euros ;
- d'autres décisions impliquant la gestion des ressources humaines et la gestion financière, comptable et immobilière de la société.
Dans le cadre des mesures annoncées en juin 2016 par Emmanuel Macron et Thierry Mandon, alors respectivement ministre de l'économie et secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour « Valoriser plus, valoriser mieux », des évolutions étaient toutefois prévues afin d'alléger ce contrôle de l'État. Ce dernier pourrait ainsi renoncer à son droit de véto, notamment en matière de maturation, dans les SATT les plus performantes et dont le premier bilan triennal était positif, pour « renforcer la responsabilité des représentants académiques et des acteurs du territoire ».
Le contrôle de l'État s'appuie également sur sa présence au comité d'audit, deux de ses administrateurs figurant parmi les quatre membres. Réuni au moins trois fois par an, ce comité permet en particulier à l'État de suivre la situation financière de chaque SATT.
Bien organisé en théorie, le contrôle des représentants de l'État connaît tout de même quelques limites dans la pratique . Il existe notamment une rotation importante de ses administrateurs , nommés pour un mandat n'excédant pas trois ans et renouvelable. Sur les 79 administrateurs qui ont siégé dans le conseil d'administration d'une SATT, 52 % l'ont quitté avant deux ans. 13 % y sont même restés moins d'un an. Et parmi les 55 administrateurs principaux qui siègent actuellement dans un conseil d'administration, seuls 8 effectuent leur second mandat. 17 ( * )
Il devient ainsi délicat pour l'État de suivre et d'évaluer une société dans laquelle ses représentants y siègent pour des courtes durées.
De même, les représentants de l'État manifestent parfois une certaine « frilosité » pour intervenir dans les décisions des SATT, compte tenu de leur qualité de sociétés privées .
Toutefois, la Caisse des dépôts et consignations assure par exemple son rôle de garante des intérêts de l'État, en incitant notamment les SATT à privilégier les transferts dans des entreprises françaises, à défaut européennes ou hors de l'Europe, et pour ce faire, n'hésite pas à s'opposer au transfert si la SATT n'a pas assez prospecté pour trouver un preneur français.
* 13 Rapport « Investir pour l'avenir », remis au nom de la commission sur les priorités d'avenir financées par l'emprunt, présidée par Alain Juppé et Michel Rocard, au Président de la République le 19 novembre 2009.
* 14 Ces thématiques sont retenues en tenant compte de l'activité de recherche (nombre de chercheurs) et d'innovation (nombre de brevets) dans ces domaines.
* 15 Comité de pilotage du FNV, procès-verbal du 21 mars 2011.
* 16 Convention du 13 janvier 2011 entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations et l'Agence nationale de la recherche relative au programme d'investissements d'avenir (action : « Valorisation-Fonds national de valorisation relative au Fonds d'investissement dans les SATT »).
* 17 Données transmises par la Caisse des dépôts et consignations.