B. UNE PRIORITÉ PROGRESSIVEMENT AFFIRMÉE

La notion de pertinence des soins s'inscrit dans le prolongement d'actions menées par l'assurance maladie depuis plus de dix ans en matière de « maîtrise médicalisée » des dépenses de santé, et s'est affirmée plus récemment comme un objectif partagé par l'État et l'assurance maladie, en tant que thématique prioritaire des programmes de gestion du risque.

La régulation de la croissance de la dépense de santé par la pertinence des soins présente une certaine légitimité aux yeux des acteurs du système de santé ou des patients. Toutefois, cela suscite encore une forme de défiance de la part des professionnels de santé, tenant notamment à des approches perçues comme trop administratives et assimilées à de la « maîtrise comptable ».

La définition et la mise en oeuvre des actions en matière de pertinence imbriquent, autour des établissements et professionnels de santé, plusieurs acteurs qui doivent agir de manière coordonnée : les administrations centrales et les agences régionales de santé (ARS), l'assurance maladie et la HAS, dont le rôle est clé par la garantie scientifique qu'elle apporte à la démarche. Un cadre de pilotage s'est récemment structuré. Toutefois, il demeure difficilement lisible, cloisonné entre une action de maîtrise médicalisée historiquement tournée, à titre principal, vers les soins de ville, et une démarche nationale plus récente, déclinée en région, d'abord ciblée sur des actes chirurgicaux.

1. De la maîtrise comptable à la maîtrise médicalisée
a) Des préoccupations anciennes de l'assurance maladie, des démarches longtemps hésitantes

La notion de « maîtrise médicalisée » de la dépense de santé a été définie pour la première fois dans la loi dite « Teulade » de janvier 1993 6 ( * ) , qui a mis en place le codage des actes et des pathologies et des outils d'analyse de l'activité des professionnels de santé. Le rapport de votre commission des affaires sociales sur ce projet de loi énonçait déjà la conviction que « donner le juste soin » permettra une amélioration de la qualité des soins et une diminution de leur coût.

La maîtrise médicalisée s'est progressivement affirmée dans la relation conventionnelle entre l'assurance maladie et les médecins.

Toutefois, les premiers instruments, contraignants et fondés sur un objectif de réduction de la dépense de santé, ont été perçus comme le reflet d'une approche purement administrative et comptable .

Dans les années 1990, les références médicales, rendues opposables par la loi précitée (RMO), ont été appréhendées comme une torsion à la liberté de prescription des médecins. Deux décisions du Conseil d'État ont conduit à l'annulation du système de sanctions. Puis le dispositif des « lettres clés flottantes », créé en 1999, a été abandonné sans jamais avoir été mis en oeuvre : il consistait à ce que la Cnamts fixe des objectifs de dépense par profession, les dépassements des volumes des différents actes devant être récupérés de façon quasi-automatique par une baisse de leur valeur unitaire, ce qui conduisait à pénaliser de façon indifférenciée l'ensemble des praticiens.

b) Une démarche orientée vers l'accompagnement et le contrôle des professionnels libéraux

Depuis 2005, l'assurance maladie établit chaque année un plan d'actions de maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville, dont le rapport « charges et produits » remis au Parlement rend compte. La convention d'objectifs et de gestion (COG) 2010-2013 en rappelait les objectifs : « mieux maîtriser l'évolution des dépenses de santé, notamment de prescription, en aidant les professionnels à adopter de meilleures pratiques. (...) En effet, les études disponibles démontrent que certains soins peuvent être délivrés de manière plus efficiente, soit parce que la prestation ou le service est inutile, soit parce qu'il existe une alternative au moins aussi efficace mais moins coûteuse pour la collectivité ».

Les actions en direction des professionnels de santé libéraux s'appuient sur trois principaux leviers :

- des outils conventionnels incitatifs en faveur des bonnes pratiques ont succédé aux dispositifs contraignants précités : d'abord les « contrats de bonne pratique » en 2002, puis les « contrats d'amélioration des pratiques individuelles » mis en place en 2009 sur la base de la libre adhésion, devenus la « rémunération sur objectifs de santé publique » (ROSP), entrée en vigueur le 1 er janvier 2012 ;

- l' accompagnement , via les échanges confraternels et visites de délégués de l'assurance maladie qui ont représenté, en 2014 et 2015, plus de 526 000 contacts auprès des professionnels libéraux ;

- le contrôle , à travers la procédure de mise sous accord préalable (MSAP) en cas de volumes de prescriptions nettement supérieurs à la moyenne régionale ou départementale.

Les actions ont principalement porté sur la pertinence des prescriptions médicamenteuses (antibiotiques, antidiabétiques, iatrogénie médicamenteuse...) et sur la prescription d'arrêts de travail . L'action mise en place depuis 2010 sur les arrêts de travail, sur la base de référentiels de la HAS, relève d'une démarche graduée selon les profils de prescripteurs : diffusion aux professionnels de leur profil de prescription (permettant de comparer leur pratique avec celles de leurs confrères), entretien avec un médecin-conseil sur la base de « cas patients », MSAP pour les plus gros prescripteurs. 16 600 médecins généralistes ont été accompagnés depuis 2015. Depuis 2016, un entretien précède le lancement de la procédure de MSAP, ce qui s'est traduit par un impact à la baisse sur les prescriptions.

2. Une amorce de pilotage national ciblé sur les actes chirurgicaux
a) La définition de 33 thématiques prioritaires


• Dans la continuité des travaux engagés par l'assurance maladie en matière de maîtrise médicalisée, l'amélioration de la pertinence des soins a été intégrée comme un axe transversal des programmes de gestion du risque entre l'État et l'assurance maladie 7 ( * ) , et étendue au secteur hospitalier.

Depuis 2011, cette démarche de pertinence est portée conjointement par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et la Cnamts, au sein d'un « groupe technique » national associant également la HAS et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).

En théorie, ce groupe technique rend compte de l'avancée de ses travaux à un comité de pilotage national à la composition élargie 8 ( * ) . Il ne semble pas toutefois, d'après les informations communiquées, que ce comité ait été récemment et régulièrement réuni.


• Ces travaux ont conduit à identifier, en 2014, 33 thématiques prioritaires pour l'élaboration d'outils et de référentiels nationaux. Ces thématiques ont été identifiées à partir de travaux déjà engagés par la Cnamts, de la littérature scientifique et sur la base de plusieurs critères, notamment :

- un volume d'activité important (supérieur à 20 000 séjours par an) ;

- une dynamique d'activité sur la période 2010/2014 ;

- des variations régionales importantes en termes de taux de recours (supérieures à un coefficient de 0,2).

Liste des 33 thématiques prioritaires définies au niveau national

- Endoscopies digestives

- Appendicectomies

- Chirurgie du rachis

- Affections des voies biliaires

- Affections de la bouche
et des dents

- Thyroïdectomie

- Interventions transurétrales

- Drains transtympaniques

- Oesophagectomie

- Lithotritie extracorporelle

- Angioplasties coronaires

- Colectomie totale

- Infections des reins
et des voies urinaires

- Infections et inflammations respiratoires

- Hypertrophie bénigne
de la prostate

- Libération du canal carpien

- Bronchiolites

- Hystérectomie

- Prothèse de genou

- BPCO surinfectées

- Pancréatectomie

- Prothèse de hanche
hors traumatisme récent

- Interventions sur le cristallin

- Anévrisme
de l'aorte abdominale

- Arthroscopies d'autres localisations

- Amygdalectomies et/ou adénoïdectomies isolées

- Césariennes
programmées à terme

- Cholécystectomies

- Chirurgie bariatrique

- Pontage coronaire

- Ligamentoplastie du genou

- Chirurgie des varices

- Valve aortique

Un guide méthodologique a été publié par la DGOS en décembre 2012, afin de préconiser des démarches régionales d'amélioration de la pertinence des soins auprès des établissements et professionnels de santé. Ce guide a été élaboré à la suite des travaux d'un groupe de travail constitué en mars 2012 et réunissant des représentants de six ARS.


• Enfin, un premier Atlas national des variations des pratiques médicales élaboré grâce à une collaboration entre les institutions membres du groupe technique national et l'IRDES, a été publié en novembre 2016.

Alors que 33 priorités nationales avaient été initialement identifiées, selon un objectif sans doute trop peu ciblé, il porte finalement sur dix de ces thématiques 9 ( * ) :

- amygdalectomie ou ablation des amygdales ;

- appendicectomie ou chirurgie de l'appendicite ;

- césarienne ;

- chirurgie bariatrique ou de l'obésité ;

- chirurgie de la tumeur bénigne de la prostate ;

- chirurgie du syndrome du canal carpien ;

- cholécystectomie ou ablation de la vésicule biliaire ;

- hystérectomie ou ablation de l'utérus ;

- pose d'une prothèse du genou ;

- thyroïdectomie ou ablation de la thyroïde.

La part des séjours évitables pour ces dix actes varie de 1 à 18 % en 2015 d'après l'assurance maladie.

L'intérêt de l' analyse des taux de recours et de leurs variations géographiques a été mis en avant par un rapport publié en 2014 par l'OCDE 10 ( * ) qui a montré que ces variations s'observaient dans tous les pays, sans qu'aucun ne puisse l'expliquer entièrement par des différences en termes d'état de santé de la population ou de préférences individuelles.

Les auteurs de l'Atlas soulignent en effet que les taux de recours aux soins sont « également le reflet de l'organisation de l'offre, de la disponibilité des lits et des médecins ainsi que de leurs pratiques médicales » ; sans qu'elles soient un indicateur unique et direct de non-pertinence, identifier et interroger ces variations forment une première étape du diagnostic : « bien que les « taux appropriés » pour ces activités soient par essence difficile à définir, des taux extrêmes (très élevés ou très faibles) interrogent et poussent à étudier les territoires concernés ».

L'élaboration de cet Atlas, sur le modèle de ceux déjà publiés dans au moins dix pays de l'OCDE, constitue une avancée à saluer. Son actualisation régulière devrait permettre un suivi des résultats dans le temps et sa large diffusion, tant auprès des professionnels et établissements de santé que du grand public, devrait contribuer à donner plus encore une visibilité à la démarche de pertinence des actes . Il faut souhaiter que la deuxième édition qui devrait être prochainement publiée permette de répondre à ces objectifs.

Les variations de pratiques médicales :
focus sur trois gestes chirurgicaux

Donnée méthodologique : les taux de recours rapportent le nombre d'interventions à la population d'un département selon le lieu de résidence du patient (et non au département où le traitement est fourni). Ces taux sont standardisés pour corriger l'effet de la structure d'âge et de sexe.


La chirurgie du canal carpien

En 2014, cet acte a donné lieu à 143 744 hospitalisations, soit le deuxième plus fort taux national (220 actes pour 100 000 habitants).

Il s'agit de l'intervention présentant les disparités de taux de recours les plus élevées , avec un écart-type de 0,62 (contre 0,17 pour la chirurgie de référence, celle de la hanche) : de 66 séjours pour 100 000 habitants (la Réunion) à 386 séjours pour 100 000 habitants (Meuse).

Des référentiels ont été élaborés par la HAS en 2012 et 2013, montrant que l'intervention chirurgicale est la prise en charge ultime, après un traitement médical et la réalisation d'un examen de diagnostic. La Cnamts a élaboré en 2013 un référentiel de bonne pratique destiné aux professionnels et un livret d'information à destination des patients. Des échanges confraternels ont été conduits sur la base de ces supports d'information.

Une augmentation du recours à d'autres formes de traitement que l'acte chirurgical a été notée : le recours aux attelles et aux infiltrations a augmenté chez les chirurgiens « visités », avec une diminution du taux de recours à l'opération plus importante que chez les médecins « non visités » (- 3,6 % contre - 0,6 %).


La chirurgie bariatrique ou de l'obésité

Les taux de recours à cet acte ont quasiment doublé entre 2010 et 2014, passant de 26 405 à 46 861 séjours (soit 72 séjours pour 100 000 habitants). Les taux de recours ont augmenté bien plus fortement que la prévalence de l'obésité.

Les disparités entre départements se sont renforcées : les taux de recours varient de 8 séjours pour 100 000 habitants en Guyane et 24 dans le Puy-de-Dôme à 170 en Haute-Corse et plus de 140 dans l'Yonne et l'Aube. Or, ces différences ne s'expliquent pas par la prévalence de l'obésité.

Des référentiels sur le parcours des patients ont été élaborés par la HAS en 2009 et 2011, mettant l'accent sur l'information du patient dans le parcours préopératoire et l'élaboration d'un projet personnalisé.


La thyroïdectomie ou ablation de la thyroïde

En 2014, cet acte a donné lieu à plus de 46 000 séjours, en baisse par rapport à 2010 (plus de 48 000). Les taux de recours entre départements varient de 49 séjours pour 100 000 habitants dans le Nord et en Charente à 122 dans l'Indre.

En 2013, sur neuf patients opérés, quatre l'ont été pour cancer et cinq pour nodules bénins. Un examen diagnostique, la cytoponction (prélèvement de cellules), nécessaire pour orienter la prise en charge, reste insuffisamment réalisé : 40 % des patients en ont bénéficié, avec des variations d'un département à l'autre.

Des recommandations ont été publiées par la HAS et l'Institut national du cancer dès 2007. La Cnamts a également élaboré en 2015 un référentiel destiné aux professionnels et un livret d'information à destination des patients.

En 2015, le nombre d'interventions a baissé de 6,7 % et 60 % des patients ont bénéficié d'un parcours préopératoire conforme aux recommandations (le cas d'un tiers des patients en 2010).

Sources : Atlas des variations de pratiques médicales en France et Cnamts, rapports « charges et produits »

b) Une réponse graduée auprès des établissements de santé par l'assurance maladie et les agences régionales de santé

L'assurance maladie joue un rôle clé dans la mise en oeuvre des démarches d'amélioration de la pertinence des soins. Elle a développé, sur le modèle des actions engagées en direction des professionnels de ville, des outils d'action graduée auprès des établissements de santé . Leur mise en oeuvre s'inscrit, depuis 2015, dans un cadre territorial co-piloté avec les agences régionales de santé (ARS).


L'identification d'un programme régional de pertinence

Dans le prolongement des actions intégrées dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) passés entre l'État et les ARS, l'article 58 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a renforcé les leviers régionaux d'amélioration de la pertinence des soins en établissement de santé. Il a prévu l'élaboration par chaque ARS d'un plan d'actions pluriannuel régional d'amélioration de la pertinence des soins (PAPRAPS), arrêté pour quatre ans et intégré au programme pluriannuel régional de gestion du risque. Ce plan d'actions définit, à partir d'un diagnostic de la situation régionale, les domaines d'actions prioritaires en matière d'amélioration de la pertinence des soins dans la région, en conformité avec les orientations nationales, et les critères de ciblage permettant d'identifier les pratiques non pertinentes.

Le décret du 19 novembre 2015 11 ( * ) en a précisé le contenu et a instauré une instance régionale d'amélioration de la pertinence des soins , consultée sur le projet de plan d'actions et comprenant notamment l'ARS, l'assurance maladie, ainsi que des représentants des fédérations hospitalières, d'une des unions régionales des professionnels de santé et des associations d'usagers. Ces instances se sont mises en place à l'été 2016.

Les plans régionaux ont ciblé leurs priorités sur les actes chirurgicaux ayant fait l'objet d'une analyse dans l'Atlas national des variations des pratiques médicales (notamment la césarienne, le syndrome du canal carpien, l'appendicectomie, la thyroïdectomie, la cholécystectomie, la chirurgie ORL et la chirurgie bariatrique). Certains sont allés au-delà pour appréhender la pertinence des prescriptions (par exemple le transport sanitaire en Nouvelle-Aquitaine), voire la dimension pertinence des prises en charge avec des actions sur les séjours en soins de suite et de réadaptation.

Tout en saluant ces avancées, votre commission avait proposé, lors des discussions sur ces mesures dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'aller au-delà des ambitions modestes fixées - essentiellement ciblées sur les établissements de santé - et de mettre en oeuvre un programme permettant de réduire les actes inutiles dans la relation ville-hôpital et en médecine de ville.


Le ciblage des établissements de santé « atypiques »

Comme l'ont expliqué les représentants de l'assurance maladie lors de leur audition, la Cnamts a développé une méthode de ciblage des établissements de santé atypiques , sur la base d'un faisceau d'indicateurs d'alerte issus des référentiels de la HAS et des bases de données, notamment du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) ; ces analyses sont fondées, en particulier, sur les variations de pratiques interdépartementales non expliquées par des indicateurs démographiques ou épidémiologiques ou par d'autres facteurs liés à l'organisation de l'offre de soins (présence de plateaux techniques, de filières territoriales...). Les établissements visés sont les établissements de médecine chirurgie et obstétrique (MCO), quel que soit leur statut.

Ce ciblage peut être complété par le retour au dossier médical des patients par les médecins-conseils de l'assurance maladie. Si elle permet d'affiner l'analyse des pratiques et de comprendre les disparités des taux de recours, cette méthodologie est très lourde et nécessite une importante « force de frappe » médicale.

D'après les données transmises à votre rapporteur général par la Cnamts, ont par exemple été ciblés :

- pour la chirurgie bariatrique, 56 établissements réalisant près de 19 % des séjours ;

- pour le syndrome du canal carpien, 32 établissements réalisant près de 11 % des séjours ;

- pour la thyroïdectomie, 38 établissements réalisant près de 7 % des séjours ;

- pour l'appendicectomie, 156 établissements réalisant près de 5 % des séjours ;

- pour les examens pré-anesthésiques (thématique ajoutée en 2016 en collaboration avec la société française d'anesthésie et de réanimation), 976 établissements réalisant près de 91 % des séjours.

Au total, pour six actes et la thématique portant sur les examens pré-anesthésiques, la démarche couvre 35 % des séjours chirurgicaux.

Au plan qualitatif, de premiers résultats ont été transmis par la Cnamts en ce qui concerne le seul recours à l'appendicectomie :

- la baisse des taux de recours, toutefois déjà engagée avant le début des actions, s'est poursuivie (- 11 % entre 2011 et 2015) ; sur la seule année 2013, elle a été un peu plus importante pour les établissements visités (- 1,4 % contre - 1 %) ;

- cette baisse s'est accompagnée d'une homogénéisation sur le territoire, l'écart étant passé de 1,29 à 0,97 point de 2011 à 2015.


Une stratégie graduée en direction des établissements ciblés

Pour les thématiques identifiées au plan régional, l'intervention de l'assurance maladie, en liaison avec les ARS, auprès des établissements de santé ciblés se décompose en trois temps :

- l' accompagnement des équipes , par le suivi de l'évolution des taux de recours, l'information des établissements de santé en leur fournissant des éléments de comparaison de leurs pratiques, des échanges confraternels, la mise à disposition d'outils (mémo de bonne pratique, livret d'information patient), etc. ; pour l'année 2016, la Cnamts recense près de 250 visites de délégués ou échanges confraternels sur le champ de la pertinence auprès des établissements de santé ;

- en cas de persistance de l'atypie, le recours à la contractualisation tripartite entre l'ARS, la caisse primaire d'assurance maladie et l'établissement de santé concerné . Introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le « contrat d'amélioration de la pertinence des soins » fixe des objectifs à atteindre concernant les pratiques identifiées comme non pertinentes ; des sanctions sont prévues en cas de non-respect des objectifs fixés. Ce support contractuel a été refondu, juste un an après, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 : les différents contrats existants (contrat d'amélioration de la qualité et de l'organisation des soins portant sur les médicaments, contrat d'amélioration des pratiques en établissements de santé, contrat d'amélioration de la pertinence des soins...) sont remplacés, à compter du 1 er janvier 2018, par un contrat unique d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (CAQES), dont les modalités ont été précisées par le décret n° 2017-584 du 20 avril 2017. Ces évolutions ont pu retarder la mise en place de ce dialogue de gestion avec les établissements sur le champ de la pertinence, mais elles vont dans le bon sens, en engageant une simplification des modes de contractualisation ;

- en cas de non-respect des engagements du contrat ou de réalisation partielle des objectifs, la mise en place d'une procédure de mise sous accord préalable (MSAP). Depuis 2015, cette procédure est intégrée au sein des plans d'actions régionaux et déclenchée par le directeur général de l'ARS, après avis du directeur de la Cpam et mise en oeuvre d'une procédure contradictoire avec l'établissement. L'assurance maladie n'est plus force de proposition en la matière, comme c'était le cas jusqu'alors : il conviendra d'examiner si cette évolution présente un impact sur la mise en oeuvre de cette procédure.

Sur le champ de la pertinence des actes, 45 MSAP ont été mises en oeuvre pour l'année 2016, prioritairement sur la chirurgie bariatrique (35) et la chirurgie du canal carpien (4). Pour la chirurgie bariatrique , cette procédure était appliquée par l'assurance maladie dès 2009-2010. D'après les données transmises par la Cnamts, 20 établissements avaient été mis sous MSAP pour cet acte fin 2014 ; sur 428 actes, 64 ont été refusés soit 15 % des actes demandés ce qui représente un taux plutôt élevé.

La procédure de mise sous accord préalable (MSAP)
des établissements de santé

Prévue à l'article L. 162-1-17 du code de la sécurité sociale, la mise sous accord préalable consiste à subordonner à l'accord préalable du service du contrôle médical de l'organisme local d'assurance maladie, pour une durée déterminée (en l'occurrence six mois), la prise en charge par l'assurance maladie de certains actes, prestations ou prescriptions, hors des cas d'urgence.


• Le dispositif a été introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 pour les prestations d'hospitalisation . Il s'est appliqué en cas de recours à une proportion élevée de prestations d'hospitalisation avec hébergement qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement, ainsi qu'en cas de recours non conforme aux référentiels établis par la HAS ou significativement supérieur aux moyennes régionales ou nationales.


• La procédure a été étendue aux prestations d'hospitalisation pour les soins de suite ou de réadaptation (SSR) par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.


• Elle a de nouveau été modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, et, plus ponctuellement, celle pour 2016, d'une part pour tenir compte des outils mis en place au niveau régional en matière d'amélioration de la pertinence (notamment du plan d'actions régional dans lequel s'inscrit désormais la procédure), d'autre part pour l'étendre à tous les actes, prestations ou prescriptions délivrés par un établissement de santé .

En application de ces dispositions, la MSAP peut être justifiée par l'un des constats suivants :

- une proportion élevée de prestations d'hospitalisation avec hébergement (ou de prescriptions de ces prestations) qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement ou sans hospitalisation ; en 2016, 55 gestes chirurgicaux entrent dans cette procédure de MSAP visant à favoriser la chirurgie ambulatoire et 346 MSAP ont été réalisées ;

- un écart significatif entre le nombre d'actes, de prestations ou de prescriptions réalisés par l'établissement de santé et les moyennes régionales ou nationales pour une activité comparable ;

- une proportion élevée d'actes, de prestations ou de prescriptions non conformes aux référentiels établis par la HAS .


* 6 Loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie.

* 7 « Améliorer la pertinence des actes prescrits et diffuser les recommandations de bon usage pour réduire les soins et prescriptions redondants ou inadéquats » constitue l'une des quatre orientations du « plan national de gestion du risque et d'efficience du système de soins », arrêté pour deux ans entre l'État et l'Uncam, sur la période 2016-2017.

* 8 Outre les membres du groupe technique, ce comité comprend : d'autres partenaires institutionnels (direction de la sécurité sociale, direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, direction générale de la santé, Institut national du cancer, Institut de recherche et documentation en économie de la santé-IRDES), les fédérations hospitalières, les conférences (présidents de commission médicale, directeurs généraux de centre hospitalier, conférence des doyens), les représentants des syndicats de médecine libérale, les représentants des usagers.

* 9 L'atlas comporte en outre l'analyse d'une intervention de référence, la chirurgie de la hanche, pour laquelle il existe relativement peu de variations dans les indications et les prises en charge.

* 10 « Variations géographiques des soins médicaux : que savons-nous et que pouvons-nous faire pour améliorer la performance des soins de santé », OCDE, 2014.

* 11 Décret n° 2015-1511 du 19 novembre 2015 relatif à la promotion de la pertinence des actes, des prestations et des prescriptions de santé.

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