D. PROMOUVOIR DES POLITIQUES BIENVEILLANTES
1. Encourager les politiques inclusives
Vos rapporteurs sont très attachées à ce que soit privilégiée, dès que cela est possible, la mise en oeuvre de politiques destinées à la fois aux personnes en situation de handicap et à la société dans son ensemble . Seules de telles démarches offrent des bénéfices mutuels aux personnes en situation de handicap et au reste de la société et contribuent à changer le regard sur les personnes en situation de handicap et à mettre un terme à la ségrégation qui règne entre « valides » et « non-valides ».
La sociologie distingue l'inclusion de l'intégration. L' intégration est un processus par lequel une personne ou un groupe de personnes se rapproche d'un groupe de personnes plus vaste en s'adaptant à l'ensemble des comportements de celui-ci. L' inclusion est une situation dans laquelle toutes les personnes, quelles que soient leurs capacités, peuvent participer pleinement à la vie de la cité. Les différences de capacités entre les individus au sein de la société sont acceptées et valorisées. C'est en quelque sorte une société qui donne véritablement sa chance à chacun en l'acceptant dans sa différence et dans ce que celle-ci peut apporter aux autres . Une politique d'inclusion du handicap nécessite avant tout d'apporter une diversité de solutions, au regard des besoins et des capacités de chacun.
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Les mesures d'accessibilité universelle devraient être encouragées pour devenir progressivement un réflexe. Elles présentent l'avantage de bénéficier à toutes sortes de publics - personnes en situation de handicap, personnes âgées, enfants - sans stigmatisation . Les expériences menées dans des musées montrent d'ailleurs que les « valides » ne se rendent même pas compte de cette adaptation. Par ailleurs, la mise en oeuvre de solutions d'accessibilité universelle ne doit pas être envisagée comme un coût, mais comme un investissement au profit de la société et de son avenir . Elles s'inscrivent dans une démarche de vivre-ensemble. Elles constituent des réponses appropriées au problème posé par le vieillissement de la population, sur lequel nos politiques publiques ne se sont pas, jusqu'à présent, suffisamment penchées.
Dans une tribune publié dans le journal Le Monde en 2011, Guy Hagège, alors président de la Fédération nationale des associations gestionnaires d'établissements et de services pour personnes handicapées et fragiles (Fegapei), déclarait que l'inclusion devait être « appréhendée, en dehors de toute logique budgétaire à court terme, comme un investissement durable, source d'humanité mais aussi de richesses pour la société toute entière », puis ajoutait : « Quand un enfant handicapé est scolarisé dans les meilleures conditions, c'est un futur citoyen qui s'épanouit. Et quand cet enfant accède à une formation puis à un ' emploi , c'est un chômeur de moins et un acteur économique de plus ».
Vos rapporteurs sont conscientes que cette démarche d'accessibilité universelle est une oeuvre de longue haleine, d'autant qu'elle nécessite, de la part de tous, d'opérer en quelque sorte une révolution culturelle : de la part des enseignants en développant de nouvelles propositions pédagogiques et en adaptant, à la capacité de chacun, le niveau des attentes, de la part des professionnels de la culture en adaptant leurs offres, de la part des architectes en intégrant systématiquement la contrainte de l'accessibilité, de la part des « valides » dans leur ensemble en s'ouvrant à la différence.
Cette révolution doit s'appuyer sur l'association des personnes en situation de handicap à l'élaboration des solutions d'accessibilité universelle . Vos rapporteurs ont pu constater qu'il n'était pas rare que des mesures censées profiter aux personnes handicapées, à l'image de la signalétique dans les musées, soient définis sans qu'ils soient consultés et se révèlent, une fois mises en place, inutilisables ou inexploitables. Il importe que les solutions soient élaborées et mises en oeuvre de façon conjointe.
2. Conserver des politiques spécifiques pour les publics les plus empêchés
Il existe cependant des cas dans lesquels le maintien d'une offre réservée aux publics handicapés demeure nécessaire. La situation très particulière des personnes qui vivent dans des établissements ou des services spécialisés du secteur médico-social le justifie en particulier. Compte tenu de leur état de santé, ces personnes ont difficilement accès aux activités culturelles qui se déroulent en milieu ordinaire.
Ce n'est pas pour autant qu'il faut perdre de vue l'objectif d'inclusion . La pratique d'une activité artistique et culturelle dans les établissements du secteur médico-social ne s'inscrit pas dans une démarche d'art-thérapie. Elle vise à introduire des moments de respiration dans le quotidien de ces patients et à leur permettre de conserver ou de tisser des liens avec le milieu ordinaire pour les inscrire dans la société. Il importe donc qu'elle soit assurée par des acteurs du monde culturel , sur la base de partenariats avec les établissements culturels locaux ou avec des artistes reconnus.
La dignité des patients doit être inscrite au coeur de cette démarche . Il ne s'agit pas d'offrir aux patients un « ersatz de culture », mais bien la culture, telle que la vit et la pratique l'ensemble de la société.
Fortes de ce constat, vos rapporteurs saluent les actions « hors les murs » menées par certains établissements culturels dans lesquels ils s'efforcent de présenter des oeuvres originales ou des reproductions les plus fidèles possibles aux patients. L'initiative « les conversations du Louvre » qui permet à un membre du personnel du musée du Louvre d'intervenir dans un établissement de santé pour présenter une oeuvre, une période artistique ou son métier est très apprécié des patients qui se sentent considérés par le fait qu'une grande institution comme Le Louvre vient à leur rencontre, comme de l'intervenant qui estime que ce type d'expérience donne du sens à son travail.
Le respect de la dignité des patients exige aussi d'éviter les ateliers de pratiques artistique et culturelle dès lors qu'ils ne sont vus que comme une activité occupationnelle , car ils ne permettent pas d'atteindre l'objectif recherché. De même, il convient de veiller à ce que les activités ne soient pas humiliantes ou dégradantes pour les patients, soit parce qu'un artiste instrumentaliserait leur handicap, soit parce que leur travail ne serait pas considéré. Au contraire, l'organisation d'expositions pour présenter les créations des patients devrait être systématique, d'autant qu'elles constituent une occasion de tisser des liens avec le monde extérieur, qu'elles aient lieu au sein de l'établissement en l'ouvrant à cette occasion au public, ou dans un établissement culturel, permettant alors d'inscrire pleinement les patients de l'établissement médico-social dans la vie de la cité.