G. DES CHANTIERS DE RÉFLEXION À OUVRIR
1. Favoriser la mise en place d'une politique tarifaire incitative
Le coût de l'accès aux lieux de culture constitue aujourd'hui un frein indéniable pour les personnes handicapées, surtout lorsqu'il est mis en regard du montant de l'allocation adulte handicapé (AAH), qui s'élève depuis le 1 er avril 2017 à 810,89 euros mensuels pour un bénéficiaire sans ressource.
Il n'existe pas aujourd'hui de politique tarifaire générale destinée aux personnes handicapées . Si l'article L. 442-6 du code du patrimoine dispose, par exemple, que « les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à favoriser l'accès de ces musées au public le plus large », chaque musée ou monument est libre de sa politique tarifaire pour les personnes handicapées et leur accompagnateur. Même si un grand nombre d'entre eux aménagent leurs tarifs, cette décision n'est pas systématique.
L'application de la gratuité ou de tarifs préférentiels aux publics handicapés pourrait constituer un signal fort en leur direction , de même qu'il conviendrait de veiller à ce que la priorité d'accès leur soit systématiquement accordée.
À l'heure où la création d'un Pass culture pour les jeunes de dix-huit ans est envisagée, vos rapporteurs se demandent si un dispositif similaire ne pourrait pas être imaginé au profit des personnes handicapées pour témoigner de l'engagement de l'État à rendre concrets leurs droits culturels.
2. Faciliter la professionnalisation des artistes du spectacle handicapés
Les barrières à l'entrée des métiers du spectacle pour les personnes en situation de handicap sont aujourd'hui fortes . Les causes en sont partiellement imputables aux caractéristiques propres à ce secteur d'activité, qui le rendent peu accueillant à l'égard des personnes handicapées, qu'il s'agisse, par exemple :
- des rythmes de travail atypiques caractérisés par une activité intense sur de courtes périodes ;
- des fortes attentes des employeurs en termes de mobilité et de réactivité ;
- ou de la pratique de la « cooptation » qui préside à de nombreux recrutements avec un risque de rupture de carrière fort quand les relations professionnelles ne sont pas suffisamment entretenues.
De fait, les obligations qui incombent aux entreprises de plus de vingt salariés d'employer un minimum de 6 % de travailleurs handicapés par rapport à leur effectif total ne sont pas toujours respectées. La méconnaissance de la législation explique partiellement cette situation. À l'instar de l'ensemble des secteurs de la vie économique, elle trouve également son origine dans la crainte qu'un salarié handicapé soit moins efficace et génère du travail supplémentaire. Les postes occupés par des personnes handicapées dans ce secteur correspondent principalement à des emplois administratifs . Pour remédier à ces difficultés, il serait important que la problématique du handicap constitue une dimension des enseignements dispensés en formation initiale et continue .
Pour autant, il faut aussi reconnaître que les dispositifs d'aide actuels ne sont pas adaptés aux spécificités de l'emploi au sein des entreprises du spectacle . Ainsi, l'aide à l'insertion professionnelle accordée par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) n'est accordée à une entreprise que pour l'embauche d'un salarié en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins douze mois, excluant de fait les entreprises du spectacle, dont la durée des contrats se mesure davantage en heures ou en semaines.
De même, les règles actuelles de l'AAH en matière de plafond et de réduction n'encouragent pas les personnes handicapées à embrasser une carrière d'intermittents . La situation de ceux qui n'ont pas travaillé suffisamment pour bénéficier du régime de l'intermittence mais dont le montant des cachets est supérieur au niveau de rémunération leur permettant encore de percevoir l'AAH est particulièrement difficile.
Une autre difficulté porte sur les modalités de recrutement d'artistes handicapés. D'une part, les entreprises privilégient généralement les artistes présentant un handicap visible, alors même que la majorité des handicaps sont invisibles, ce qui est source de discriminations. D'autre part, le recrutement s'effectue généralement en passant par le biais d'associations représentatives de personnes handicapes, à l'image de l'Association des paralysés de France, et non en faisant appel au vivier d'artistes.
Le secteur d'activité n'est guère plus tendre à l'égard des artistes et techniciens qui deviendraient handicapés au cours de leur carrière, alors même qu'il s'agit de métiers où les risques médicaux sont réels. Le centre médical dédié aux professions du spectacle souligne les risques de troubles osthéo-articulaires, de maladies de l'oeil et de l'oreille ou d'hypertension artérielle liée au stress ou à la consommation de tabac et d'alcool. La reconversion ou la réorientation de carrière sont alors bien souvent nécessaires.