B. HIÉRARCHISER LES SANCTIONS

Sur le terrain pénal, le travail dissimulé est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Les quantums sont plus élevés en cas de récidive, d'infractions commises en bande organisée ou si elles concernent un mineur ou une personne vulnérable.

D'emblée, la peine d'emprisonnement apparaît très élevée au regard des infractions considérées, elle est donc vouée à rester relativement théorique, tandis que la peine d'amende apparaît faible au vu des montants considérés et donc peu dissuasive.

Des sanctions complémentaires sont encourues par les personnes physiques et les personnes morales : interdiction d'exercice, exclusion des marchés publics, confiscation, affichage, fermeture temporaire ou définitive, interdiction de percevoir toute aide publique.

La mise en cause pénale, avec transmission d'un procès-verbal au procureur de la République, est obligatoire pour qualifier le travail dissimulé.

Une fois cette transmission effectuée, la procédure de recouvrement est poursuivie par les Urssaf quelle que soit l'issue de la procédure pénale, ce qui suscite certaines incompréhensions : les deux procédures sont distinctes, l'une vise à réprimer un comportement, l'autre, à récupérer les cotisations dues.

Les Urssaf peuvent cependant procéder à des redressements forfaitaires, appliquer des majorations et procéder au retrait ou à la réduction des exonérations et allègements de cotisations (32 millions d'euros en 2014), pour des montants qui s'avèrent in fine supérieurs aux peines prononcées en matière pénale.

La réponse pénale est souvent décevante pour les inspecteurs, au regard de la fraude constatée et de leur implication.

Il y a environ 12 000 procédures pour travail dissimulé chaque année avec une réponse pénale de 93,5 %. Le taux de poursuite, après classement sans suite, est de 63 % dont près d'une moitié d'alternatives aux poursuites. Le taux de poursuite pure est de 36 %, dont une moitié de rappels à la loi.

On observe une baisse constante des condamnations depuis 2010. La tendance générale est le développement des alternatives aux poursuites et une baisse du nombre de condamnations mais avec des condamnations plus lourdes. En moyenne, les peines d'emprisonnement sont de cinq mois fermes et ne donnent donc pas lieu à incarcération et le montant des amendes est d'un mois de Smic, ce qui peut sembler faible.

Avec la succession des textes et des dispositifs nouveaux, les procédures, parfois sophistiquées, ne sont pas toujours connues des parquets, notamment dans les juridictions, les plus nombreuses, où les magistrats ne sont pas spécialisés sur ces questions.

Cela a été indiqué à vos rapporteurs par les Urssaf à propos de la mise en oeuvre de la solidarité financière des dirigeants d'entreprise mais aussi par le parquet lors de leur déplacement à Lyon où le procureur de la République est très impliqué dans la lutte contre le travail illégal. Les juges du siège sont difficiles à convaincre et les condamnations parfois symboliques : le travail dissimulé, dans l'échelle des peines, est mis en regard d'atteintes aux personnes qui sont plus fortement réprimées.

L'effectivité des sanctions n'est pas toujours garantie. Ainsi que l'a signalé l'un des interlocuteurs de la mission à propos des donneurs d'ordre et de la sous-traitance, « les textes ont renforcé les obligations mais pas la visibilité ».

Il y a un travail à mener sur la simplification et la hiérarchisation des sanctions qui sont nombreuses et parfois peu appliquées.

Certaines sanctions sont tout simplement inapplicables : c'est le cas du retrait des aides publiques ou de l'interdiction de répondre à des marchés publics parce que les informations nécessaires ne sont pas connues des personnes qui ont à prendre ces décisions.

La responsabilité des donneurs d'ordre reste un levier essentiel. Il s'agit d'atteindre le bénéficiaire économique de l'infraction. Comme le rappelait un des interlocuteurs de vos rapporteurs : « il n'y a pas de sens à confier un chantier de plusieurs millions d'euros à une entreprise de deux salariés ».

Cause ou conséquence des décisions prises en matière pénale, le recours aux sanctions administratives se développe. Il a semblé à vos rapporteurs que cette voie était effectivement à privilégier.

Ces sanctions administratives ont suscité un débat dans le cadre de la préparation d'une ordonnance 5 ( * ) relative aux pouvoirs de l'inspection du travail. La seule exception au principe selon lequel le procureur décide de l'opportunité des poursuites est actuellement la commission des infractions fiscales. L'équilibre reste à trouver entre l'administratif et le judiciaire. La transaction pénale, dans le cadre de laquelle l'administration décide d'une sanction, qui est ensuite validée par le parquet peut représenter un bon compromis.

Au cours de leurs travaux, vos rapporteurs ont été confrontés à la question du cumul des sanctions, que le Conseil constitutionnel venait de valider en matière fiscale à la suite de la solution adoptée dans le domaine boursier. La solution semble valoir également en matière sociale.

Le développement des sanctions administratives et des pénalités pourrait avoir pour conséquence à terme de faire remonter au niveau législatif des éléments de procédures qui existent actuellement mais sont du domaine réglementaire. Cet exercice permettrait un réexamen des règles de contrôle et de redressement afin de s'assurer de leur cohérence.

Il semble à vos rapporteurs que la matière pénale doit être réservée, comme c'est de fait le cas, aux infractions les plus graves et qu'une hiérarchie doit pouvoir être mieux établie, en tenant compte de la bonne foi des cotisants, en fonction de la typologie des fraudes établie par les Urssaf.

Vos rapporteurs souhaitent également l'adaptation des règles relatives à l'entraide familiale, notamment en cas de cession de l'entreprise. Elles sont de fait assouplies au sein de la MSA pour les agriculteurs mais ce serait nécessaire aussi pour les indépendants. Une protection simplifiée (accidents du travail) pourrait être prévue.


* 5 Ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l'application du droit du travail

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