C. AMÉLIORER LA PRÉVENTION ET LE RECOUVREMENT EFFECTIF
1. Suivre un indicateur du recouvrement
Si les montants redressés augmentent, la part effectivement recouvrée reste stable entre 10 et 15 %.
Par comparaison, la DGFIP a notifié 22,2 milliards d'euros de rappels en 2015 et en a encaissé 12,2 milliards.
Comme cela a été indiqué à vos rapporteurs au cours des auditions, « en matière de travail dissimulé, personne ne paie ». Pour les petites affaires, les personnes disparaissent et pour les plus grandes, les recours sont systématiques.
Si vos rapporteurs préconisent plutôt la stabilité du droit, quelques modifications ponctuelles leur semblent nécessaires pour améliorer le recouvrement. L'extension aux cotisations de chômage des procédures de recouvrement forfaitaire et de majoration de 25 % semblerait utile.
Il s'agit également de la possibilité de prendre des mesures conservatoires en rendant opérante la flagrance sociale, mesure instaurée par la loi de financement pour 2011 et d'avoir recours plus systématiquement à l'AGRASC, l'agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
La réforme de la procédure de flagrance sociale par la LFSS pour 2017 La flagrance sociale, inspirée de la procédure applicable en matière fiscale (article L.16-0 BA du livre des procédures fiscales), est une procédure à disposition des Urssaf dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Elle prévoit que « dès lors qu'un procès-verbal de travail illégal a été établi et que la situation et le comportement de l'entreprise ou de ses dirigeants mettent en péril le recouvrement des cotisations dissimulées, l'inspecteur du recouvrement peut dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l'évaluation du montant des cotisations dissimulées ». Il peut demander sur cette base au juge de l'exécution de prendre des mesures conservatoires. La différence majeure avec la flagrance fiscale réside dans le fait que l'administration fiscale a la possibilité de pratiquer des saisies conservatoires dès la constatation de l'infraction, alors que les Urssaf doivent au préalable demander au juge de l'exécution l'autorisation d'en pratiquer. Le délai de mise en oeuvre des saisies conservatoires est trop long pour empêcher le cotisant dont l'illégalité a été constatée par un agent habilité d'organiser son insolvabilité, ou encore de disparaître. L'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale définit une nouvelle procédure. Elle prévoit, en cas de procès-verbal de travail illégal, la remise systématique d'un document comportant l'évaluation du montant des cotisations et contributions dissimulées, des pénalités et majorations y afférentes, du montant de l'annulation des exonérations de cotisations et des dispositions légales applicables. La personne contrôlée doit fournir, dans un délai qui n'est pas précisé, des garanties suffisantes pour couvrir les éléments ainsi évalués. À défaut, le directeur de l'organisme de recouvrement peut prendre des mesures conservatoires sans passer par le juge de l'exécution. Cette décision peut être levée à tout moment si la personne présente des garanties suffisantes et faire l'objet d'une contestation devant le juge de l'exécution. Le recours n'est pas suspensif. Source : Rapport de la commission des affaires sociales n° 114 T. VII 2016-2017 |
Un indicateur permettant de suivre les montants effectivement recouvrés devrait compléter la COG de la branche recouvrement.
2. Rendre effectif le fichier des interdits de gérer
Mesure de prévention, le fichier des interdits de gérer est prévu par le code de commerce mais il n'est pas effectif. Lors du déplacement de vos rapporteurs à l'Urssaf d'Île-de-France, un agent travaillait sur le dossier d'une personne qui avait pu immatriculer 180 sociétés !
La qualité des données produites laisse également à désirer tant en matière d'identité des gérants, dont l'authenticité de la pièce d'identité semble insuffisamment assurée, que des adresses. L'Urssaf Île-de-France a ainsi indiqué à vos rapporteurs qu'un quart des courriers revenait avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée ».
3. Stabiliser les dispositifs fiscaux applicables aux particuliers employeurs
Les particuliers-employeurs sont un secteur à fort enjeu de travail dissimulé. La sensibilité au coût du travail y est élevée et les contrôles sont limités en raison à la fois de la faiblesse des moyens juridiques, le lieu de travail étant le domicile de l'employeur, et des enjeux financiers.
Alors qu'employeur et salarié peuvent s'accorder à trouver un intérêt au travail dissimulé, un travail de communication s'impose pour relativiser cet intérêt, tant pour le salarié, qui y perd des droits sociaux que pour l'employeur, qui n'y a pas d'intérêt financier.
Faire savoir qu'il est moins cher de déclarer 10 euros nets donnent lieu à 8,53 euros de charges, soit un total de 16,53 euros avec la réduction de cotisations et un coût net de 8,25 euros après réduction fiscale. |
Pour le cas spécifique des particuliers-employeurs, vos rapporteurs recommandent de stabiliser les dispositifs fiscaux qui leur sont applicables mais aussi de développer les fonctionnalités numériques de la plateforme Cesu pour inclure le paiement , comme dans le cas du chèque, pour améliorer la traçabilité des flux financiers et automatiser les déclarations.
4. Lutter contre la fraude au détachement
En matière de détachement, il est nécessaire de travailler au niveau européen sur la révision des textes européens sur la coordination des régimes de sécurité sociale et sur le travail détaché.
Les évolutions souhaitables sont connues : allongement du temps de présence préalable du salarié dans l'entreprise, caractère plus relatif de l'opposabilité du formulaire, exigence qu'il soit préalable, qu'il ne soit plus seulement déclaratif...
Le contrôle de l'effectivité des textes est également à renforcer : les formulaires de détachement A1 sont des documents photocopiables et photocopiés, la Cour de justice de l'Union européenne a admis qu'ils puissent être produits deux ans après le détachement, il n'y a pas de possibilité de vérifier l'affiliation effective dans le pays d'origine pour les corps de contrôle qui doivent passer par une procédure administrative...
La France apparaît relativement isolée sur ce dossier au niveau européen : agir sur le donneur d'ordre est le seul levier efficace dont elle dispose à ce stade, il doit être plus systématiquement utilisé.
Des solutions intermédiaires sont peut-être à envisager, comme le paiement aux Urssaf des seules sommes supplémentaires par rapport aux cotisations payées dans le pays d'origine, sans exiger un remboursement.
Sur ce sujet aussi, seul un système d'information partagé, annoncé pour 2018, échange électronique d'informations sur la sécurité sociale (EESSI), permettrait un véritable contrôle. Ce projet est un système informatique destiné à aider les organismes de sécurité sociale dans l'Union européenne à échanger des informations plus rapidement et d'une manière plus sécurisée.