D. UN SYSTÈME JUDICIAIRE FRANÇAIS MOINS BIEN CLASSÉ QUE SES HOMOLOGUES EUROPÉENS
Depuis plusieurs années, la commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), instance du Conseil de l'Europe créée en 2002 pour évaluer l'efficacité des systèmes judicaires, et qui a publié son dernier rapport en octobre 2016 35 ( * ) , fait le constat d'une relative modestie du budget de la justice française. Entendu par votre mission, le président du groupe de travail chargé d'établir ce rapport, M. Jean-Paul Jean 36 ( * ) , a précisé qu'il était important de pouvoir situer la France par rapport à des pays comparables tant en termes de niveau de richesse, que d'architecture et de fonctionnement du système judiciaire dans son ensemble. Il convient en outre d'aborder avec « précaution » les comparaisons entre les différents pays , en raison des disparités de définition du périmètre du système judiciaire et des règles budgétaires des crédits consacrés à la justice 37 ( * ) .
Selon le rapport de la commission européenne pour l'efficacité de la justice, le montant annuel du budget par habitant consacré au système judiciaire 38 ( * ) est assez faible , puisque la France n'y consacre que 64 euros en moyenne, ce qui la place assez loin du niveau de dépenses consenti par des pays dont les structures sont comparables comme l'Autriche (96 euros), la Belgique (85 euros) ou l'Italie (73 euros). Si l'on rapproche ce niveau de dépenses en faveur de la justice du produit intérieur brut par habitant, qui est un bon indicateur de comparaison en zone euro, à niveau de richesse comparable, les Pays-Bas réalisent un effort budgétaire presque deux fois plus important que la France en faveur de leur système judiciaire 39 ( * ) .
En revanche, le nombre de juges judiciaires professionnels 40 ( * ) pour 100 000 habitants est comparable en France (10) à d'autres pays comme l'Espagne (12) et l'Italie (11), même si ce nombre est bien inférieur à celui de l'Allemagne (24). Votre mission invite néanmoins à la prudence dans la comparaison avec le système judiciaire allemand, dans la mesure où celui-ci est plus professionnalisé qu'en France 41 ( * ) et qu'il n'existe pas l'équivalent des juges non professionnels français des tribunaux de commerce, des conseils de prud'hommes ou des tribunaux des affaires de sécurité sociale.
L'attention de votre mission a également été retenue par l'analyse de la situation du ministère public : le procureur 42 ( * ) français serait, selon cette étude comparative de référence, l'un des magistrats dont la charge de travail est la plus importante en Europe . La France compte en effet seulement 2,8 procureurs pour 100 000 habitants, contre 7,6 en Belgique ou 4,7 aux Pays-Bas. Examinant les différentes tâches dévolues aux parquets, la commission européenne pour l'efficacité de la justice a établi que la France faisait partie des quatre pays 43 ( * ) à assurer l'intégralité des 13 missions qu'elle a répertoriées comme pouvant leur être attribuées 44 ( * ) . L'analyse de ces données la conduit à conclure que « les parquets les plus chargés se trouvent incontestablement en France, qui compte en Europe quasiment le plus petit nombre de procureurs, mais doit en même temps faire face au plus grand nombre de procédures reçues (7 pour 100 habitants), tout en ayant à remplir un nombre record de fonctions différentes (13) » 45 ( * ) . Le rapport précise toutefois qu'au regard de ces critères, l'Autriche, l'Irlande et l'Italie ont également des parquets particulièrement chargés, mais qu'il convient de nuancer cette analyse en précisant que, dans ces pays, dont la France, d'autres personnels exercent des tâches similaires à celles des procureurs 46 ( * ) , sans qu'il soit toutefois possible pour la commission européenne pour l'efficacité de la justice de mesurer l'impact de ce phénomène sur la charge des parquets.
* 35 Systèmes judiciaires européens, efficacité et qualité de la justice , études de la CEPEJ n° 23, édition 2016 (données 2014). Ce rapport est fondé sur des données de 2014 et est consultable à l'adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/cepej/evaluation/default_fr.asp
* 36 À la date de publication du rapport, M. Jean-Paul Jean était également président de chambre, directeur du service de documentation, des études et du rapport et directeur du service des relations internationales de la Cour de cassation.
* 37 Ibid. , page 22.
* 38 Le périmètre ne comprend pas l'administration pénitentiaire et les juridictions administratives.
* 39 Ibid . page 26.
* 40 Ne comprend que les magistrats du siège.
* 41 Ce qui a pour conséquence un effectif mécaniquement plus important de juges professionnels.
* 42 Concerne les magistrats du parquet.
* 43 Ibid . page 127. Avec la Hongrie, le Luxembourg et Monaco.
* 44 Ibid . page 127. Il s'agit des 13 missions suivantes : diriger ou superviser les enquêtes de la police ; mener des enquêtes ; en cas de besoin, demander au juge d'ordonner certaines mesures d'investigation ; porter une accusation ; soumettre des affaires aux tribunaux ; proposer une sanction au juge ; exercer un appel ; superviser la procédure d'exécution ; classer une affaire sans suite sans décision du juge ; classer une affaire sans suite en appliquant ou négociant une sanction ou une mesure sans décision d'un juge ; et autres attributions importantes.
* 45 Ibid . page 132.
* 46 Il s'agit pour la France de l'exercice des fonctions du ministère public par le commissaire de police compétent devant le tribunal de police et la juridiction de proximité, ainsi que des délégués du procureurs.