III. FAVORISER LA RECHERCHE

Que la recherche médicale soit épidémiologique ou clinique, son développement nécessite des choix politique forts, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de la santé mentale des mineurs.

Dans ces disciplines en plein développement, l'enjeu est de permettre l'émergence des meilleures formes de prise en charge fondées sur les connaissances les plus précises possibles. Assurer l'avenir de la psychiatrie des mineurs et favoriser le dynamisme des équipes soignantes imposent une amélioration continue du savoir et des compétences. Cette exigence implique que les soignants et les enseignants soient aussi des chercheurs et qu'ils en aient les moyens.

Cela nécessite également que les équipes françaises soient insérées dans la recherche internationale afin de faire bénéficier le plus rapidement possible les patients des soins les plus innovants. C'est pourquoi la mission d'information est particulièrement sensible aux orientations qui doivent être données en la matière. Plusieurs constats et propositions ont déjà été formulés en particulier par le HCSP dans son évaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015. La mission d'information a été alertée sur plusieurs difficultés persistantes.

Les constats et recommandations du HCSP en matière de recherche

Le HCSP indique que tous les plans antérieurs ont souligné l'importance de développer la recherche en psychiatrie : recherche fondamentale, épidémiologique, étiologique, en sciences humaines et sociales. La majorité des recherches en psychiatrie sont faites dans le domaine biomédical (neurosciences et pharmacologie). Le plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 constatait le manque de moyens alloués à la recherche en psychiatrie par comparaison aux autres disciplines médicales. Il préconisait de soutenir particulièrement tous les aspects de la recherche en psychiatrie et recommandait d'améliorer les pratiques par des incitations fortes au développement de la recherche, par un meilleur transfert des connaissances de la recherche vers le terrain et par la formation. Il appelait à une meilleure connaissance de la prévalence des problèmes de santé mentale et proposait aussi de mettre en place des recherches sur l'offre de soins et les politiques publiques.

Le HCSP note que malgré des difficultés (manque de visibilité de la recherche clinique, évaluation insuffisante, collaboration complexe des différentes disciplines), d'importants efforts ont été faits : de nombreux appels d'offre dans le champ de la psychiatrie ont été lancés dans la période couverte par le plan (programme Samenta, programmes hospitaliers de recherche cliniques PHRC, appels à recherche de l'Institut de Recherche en Santé Publique). Le HCSP affirme que l'« on voit donc se développer un tissu français qui se saisit des enjeux grâce aux efforts faits pour soutenir des projets ciblés (...) L'impulsion donnée sur la période du plan par une modeste mais sensible augmentation d'appels d'offres ciblés reste très dépendante de la stabilité et de la pérennité des équipes ou des groupes de recherche qui fonctionnent beaucoup avec des chercheurs non statutaires ».

Le HCSP établit les recommandations suivantes :

- développer la recherche participative en santé mentale et en psychiatrie ;

- soutenir les étudiants des diverses disciplines intéressées par la santé mentale ;

- créer des filières de recherche dans les disciplines paramédicales ;

- favoriser le domaine de la recherche évaluative et les recherches sur le fonctionnement du système de soins ;

- pérenniser un dispositif de recherche en épidémiologie psychiatrique et clinique utilisant des instruments diagnostics standardisés.

Source : Haut Conseil de la santé publique, Évaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011 2015, avril 2016.

A. UN DYNAMISME DE LA RECHERCHE INSUFFISAMMENT SOUTENU

Plusieurs personnes auditionnées par la mission d'information ont souligné la vitalité de la recherche en matière de psychiatrie depuis quelques années. Selon le collège national des universitaires en psychiatrie (CNUP), « en France, depuis le milieu des années 2000, la dynamique de recherche est importante. On observe une hausse exponentielle des publications » 176 ( * ) .

Les infrastructures de recherche se sont également développées : « malgré le faible nombre d'universitaires, le nombre de laboratoires labellisés avec les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) sur l'ensemble des universités, a également augmenté. Une structuration s'est mise en place entre les CHU et des établissements mono-disciplinaires comme les centres hospitaliers spécialisés (CHS) ou les centres hospitaliers généraux, qui ont créé des fédérations dans le Nord-Pas-de-Calais, en Midi-Pyrénées, dans le Sud parisien, dans les Yvelines, dans le Poitou-Charentes, ce qui permet une dynamique de recherche en santé. »

Cette dynamique reste néanmoins insuffisante et doit être soutenue. En effet, le président de la conférence des doyens de faculté de médecine a indiqué à la mission d'information que la difficulté à recruter des universitaires en pédopsychiatrie tenait notamment aux exigences en matière de qualité de la recherche. Par ailleurs, le Pr Purper-Ouakil a insisté sur le fait que « la recherche demeure déficitaire dans notre spécialité. Nous manquons d'infrastructures et de laboratoires s'occupant de recherches en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ou en psychologie du développement et suffisamment rattachés aux services de psychiatrie » 177 ( * ) .

Pour se développer, la recherche en pédopsychiatrie manque de moyens. Ce constat a, par exemple, été formulé par le Pr Marion Leboyer qui a indiqué que : « nous ne consacrons que 2 % du budget de la recherche biomédicale à la recherche en psychiatrie » 178 ( * ) . La mission d'information appelle de ses voeux une augmentation des moyens alloués à la recherche en matière de psychiatrie et notamment de psychiatrie des mineurs . Lors de son audition, le Pr David Cohen a également pointé la difficulté à mobiliser les sources de financement du secteur privé. En dehors des cas où c'est une polémique qui interfère avec le financement de la recherche, ce moindre engagement pourrait notamment découler de l'impact moins immédiatement visible de la recherche en pédopsychiatrie que celle dans d'autres branches de la médecine.

Il apparaît en outre que l'accès aux moyens de recherche existants est plus difficile pour les équipes de psychiatrie . Le témoignage du Pr Marion Leboyer semble particulièrement éloquent sur ce point. La recherche en psychiatrie « a besoin d'avoir accès aux plateformes de métabolomique, de protéomique, de génomique, d'immunologie. Ça implique la construction de bio-banques. Or, la psychiatrie n'a pas accès aux réseaux des CIC par exemple, ce qui est totalement scandaleux. Je passe mon temps à supplier mes collègues d'avoir accès à toutes ces infrastructures. La psychiatrie est toujours reléguée, considérée comme le parent pauvre qui n'a pas accès à tout cela alors même que les neurologues y ont accès très facilement. Nous, psychiatres, n'avons accès ni aux financements ni aux infrastructures. »

Il s'agit donc également de reconnaître le potentiel de la psychiatrie en matière de recherche et de faciliter sa réalisation par l'accès des équipes aux infrastructures.

Proposition n°49 : Accroître les moyens dévolus à la recherche en psychiatrie des mineurs et faciliter l'accès des chercheurs aux structures existantes.


* 176 Audition du mardi 7 février 2017.

* 177 Audition du mercredi 25 janvier 2017.

* 178 Audition du mercredi 1 er février 2017.

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