C. AMÉLIORER LA COORDINATION ET HARMONISER LES PRATIQUES

La prise en charge psychiatrique, en particulier celle des mineurs, est assurée par de multiples structures de nature diverse et dont chacune a sa logique. La mise en réseau des acteurs est d'autant plus déterminante que la prise en charge fait intervenir le champ tant sanitaire que médico-social, avec des enjeux de financement propres à chacun. Malgré l'existence de pivots dans l'organisation du système, comme les CMP pour les soins et les MDPH pour l'orientation en matière de handicap, il existe une grande variété des parcours de prise en charge, souvent tributaires du cadre dans lequel sont détectés les troubles et de la première réponse apportée à ceux-ci.

Dans ce cadre, l'enjeu est davantage de conforter les dispositifs existants et leur articulation que de créer de nouvelles structures. Le maillage territorial aujourd'hui assuré par ces dispositifs résulte d'une volonté ancienne de prise en charge de l'ensemble des mineurs et il faut insister sur leur utilité, qui place la France parmi les pays bien dotés en la matière.

Face à l'évolution des besoins, grâce à la mobilisation de leurs équipes, les structures ont généralement évolué dans leurs méthodes de travail et leurs partenariats avec les autres acteurs. Ce mouvement d'adaptation doit se poursuivre et être accompagné par les autorités. Ainsi que le Pr Raynaud l'a indiqué, « nous disposons déjà de toutes les structures nécessaires : les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) pour les jeunes qui ont des troubles des conduites, les instituts médico-éducatifs (IME) pour les enfants qui ont des retards mentaux. Mais nous devons aujourd'hui les adapter parce que les définitions ne sont plus les mêmes que dans les années 1970 ou 1980 et qu'il faut tenir compte des comorbidités. Par ailleurs, grâce aux progrès qui ont été réalisés, les jeunes qui fréquentaient ces structures il y a 20 ans peuvent aujourd'hui être pris en charge en ambulatoire » 112 ( * ) . La mission d'information est convaincue qu'il convient de conforter les structures existantes tout en renforçant leur coordination afin d'aboutir à une meilleure cohérence d'ensemble du dispositif de prise en charge.

1. Conforter les structures existantes
a) Rendre plus efficace et lisible l'articulation des différentes phases du parcours de soins

L'organisation du parcours de soins, en particulier en pédopsychiatrie, souffre encore d'un déficit de lisibilité et son efficacité peut être renforcée. Plusieurs critiques peuvent lui être adressées : diversité voire hétérogénéité des dispositifs, générant des difficultés de compréhension de la part des usagers, confusion possible entre le rôle des CMP du secteur infanto-juvénile et celui des CMPP, inégalités d'accès, délais d'attente importants.

De l'avis des acteurs de la prise en charge eux-mêmes, l'articulation des différents intervenants peut être améliorée sans bouleversement par une meilleure structuration . Plusieurs d'entre eux ont fait part à la mission d'information des projets dont ils sont porteurs. L'idée généralement admise aujourd'hui est de privilégier la logique de parcours par rapport à la logique de structures .

Cette idée s'appuie sur le principe qui a présidé à la création du secteur. La mission d'information note avec intérêt le dynamisme que traduisent les propositions d'amélioration dont elle a eu communication.

La mission d'information a en particulier été intéressée par le projet présenté par la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et disciplines associées (SFPEADA) 113 ( * ) . Celui-ci tend à la mise en place d'une plateforme territoriale en santé mentale pour les enfants âgés de 6 à 11 ans souffrant de troubles psychiques ou psychiatriques. Cette plateforme serait le pivot entre trois niveaux permettant d'articuler le parcours depuis le repérage jusqu'à la prise en charge sanitaire.

Le premier niveau est composé de l'ensemble des acteurs du repérage et de ceux susceptibles de mettre en place un accompagnement court (familles, école et psychologues scolaires, PMI, médecin traitant, pédiatre, psychiatres libéraux et psychologues).

Il trouverait un appui permanent dans le deuxième niveau constitué de la plateforme elle-même. Celle-ci doit leur proposer des formations et les accompagner dans les actions de prévention et de coordination. Elle doit leur procurer des avis pluridisciplinaires rapidement sur les cas qui peuvent se présenter.

La plateforme n'a pas vocation à être l'émanation d'un acteur unique mais serait constituée en fonction de chaque situation de l'ensemble des parties prenantes du premier diagnostic et de l'orientation, en particulier les CMP et les pédopsychiatres.

Si l'accompagnement court se révèle insuffisant pour régler le problème, la plateforme orienterait vers la structure adéquate pour les cas plus complexes, vers le troisième niveau, composé notamment des CMP et des CMPP. Le Pr Michel Wawrzyniak indique que cette solution « faciliterait aussi la formation des CMP dont on a pu dire qu'ils sont lents à réagir et pas toujours spécialisés sur certaines problématiques » 114 ( * ) .

Cette structuration en trois niveaux pourrait trouver à s'appliquer également pour d'autres tranches d'âge puisque pour la petite enfance (0-6 ans) le niveau intermédiaire est assuré par les centres d'action médico-sociale précoce (CAMPS) et que pour les adolescents ce sont les MDA qui pourraient être appelées à la jouer.

L'un des avantages escomptés de ce système est qu'il devrait permettre de privilégier, pour ceux à qui elle peut bénéficier, la prise en charge la plus légère et ainsi de concentrer les moyens des CMP sur les cas les plus difficiles. La plateforme territoriale apporte aux acteurs de première ligne l'appui nécessaire pour aller le plus loin possible dans l'accompagnement qu'ils peuvent offrir dès lors que le repérage est effectué.

Ce schéma d'organisation semble de nature à garantir l'adéquation et la continuité des soins, une plus grande lisibilité ainsi qu'une meilleure allocation des ressources sans nécessiter beaucoup de moyens complémentaires. Il s'agit de valoriser et de mieux coordonner les structures existantes.

Proposition n°26 : Rendre plus efficace et lisible l'articulation des structures de prise en charge en identifiant les différents niveaux d'intervention et les voies de passage de l'un à l'autre (niveau de repérage, niveau permettant le diagnostic et niveau plus spécialisé pour la prise en charge des cas complexes).

Proposition d'organisation en niveau de soins de la prise en charge psychologique et psychiatrique des enfants de 6 à 11 ans

Source : Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et disciplines associées (SFPEADA)

b) Soutenir les réseaux en pédopsychiatrie

De nombreux professionnels auditionnés par la mission d'information ont regretté ce qu'ils vivent comme un affaiblissement des réseaux de santé en pédopsychiatrie. Ceux-ci doivent leur permettre de se coordonner pour améliorer l'accès aux soins et les prises en charge.

Il n'existe pas de suivi de ces réseaux au niveau national, les ARS étant l'interlocuteur des professionnels qui les mettent en place. Trouvant le plus souvent leur origine dans l'initiative des professionnels de terrain, ils reçoivent un financement en provenance des ARS.

Les réseaux, qui prennent différentes formes en fonction des contextes et sont plus ou moins intégrés, constituent également un moyen de mobiliser une ressource rare dans certains territoires.

Cependant, l'évolution des priorités des ARS semble avoir entraîné une baisse de financement des réseaux, ce que les professionnels perçoivent comme un désengagement de la part des autorités sanitaires . La DGOS considère quant à elle qu'il s'agit d'un simple redéploiement des financements dans le cadre d'une incitation à la constitution de réseaux pluri-thématiques et d'une recherche d'une plus grande efficacité.

La mission d'information tient à rappeler que depuis la création de leur statut juridique par la loi du 4 mars 2002 115 ( * ) , les réseaux ont trouvé leur place dans l'organisation des soins. Les plus anciens doivent nécessairement évoluer tandis que d'autres se mettent en place. Ce mouvement trouve une légitimité d'autant plus forte pour la psychiatrie des mineurs, domaine où la diversité d'approches nécessite tout particulièrement une articulation des prises en charge. Pour la mission d'information, il importe donc d'assurer aux réseaux leurs moyens de fonctionnement . Compte tenu du temps passé par les professionnels et de leur investissement dans les actions de coordination, voire de formation, le financement est un élément déterminant. Comme l'a indiqué le Pr Purper-Ouakil, la constitution d'un réseau « n'est pas si compliqué[e]. Encore faut-il disposer d'un budget pour en assurer le lancement et être soutenu par les institutions. Or nous ne disposons pas d'un réel soutien en ce sens » 116 ( * ) .

Proposition n°27 : Soutenir les réseaux en pédopsychiatrie en leur donnant les moyens de fonctionner.

Ainsi que le prévoit le code de la santé publique 117 ( * ) , les réseaux de santé en pédopsychiatrie sont également de nature à permettre une meilleure articulation entre le champ sanitaire et les interventions du secteur médico-social.

c) Mieux articuler le sanitaire et le médico-social

Le constat de l'hétérogénéité de la prise en charge médico-sociale est aujourd'hui assez largement partagé. La situation varie en fonction de l'organisation de chaque département et de la tradition qui s'y est plus ou moins ancrée en fonction des contingences historiques.

L'articulation entre le sanitaire et le médico-social relève en partie des missions des ARS. L'analyse du directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine, M. Michel Laforcade, est, de ce point de vue, d'autant plus intéressante. Il estime que les ruptures de parcours sont souvent liées en particulier aux insuffisances de l'accompagnement social et médico-social et que, dès lors, « retrouver la qualité de la psychiatrie passe par un investissement dans l'accompagnement médico-social » 118 ( * ) .

Il faut cependant souligner que de nombreux départements appuient fortement le développement des structures médico-sociales et leur articulation avec le sanitaire. Il peut donc y avoir une différence de perception entre les acteurs selon qu'ils relèvent de l'un ou l'autre de ces secteurs.

M. Michel Laforcade cite, comme exemple de rapprochement du médico-social et du sanitaire, le centre hospitalier Esquirol de Limoges qui a recruté directement des travailleurs sociaux. D'autres hôpitaux ont passé des conventions avec les services sociaux de départements.

L'un des instruments aujourd'hui privilégiés par les ARS pour renforcer la coopération entre ces deux secteurs semble être la mise en place d'équipes mobiles de liaison . Ce dispositif est de plus en plus utilisé non seulement en pédopsychiatrie mais aussi pour d'autres publics dont la prise en charge fait intervenir le secteur médico-social comme les personnes âgées ou handicapées.

Les équipes de liaison en pédopsychiatrie sont pluridisciplinaires et comportent notamment des infirmiers et pédopsychiatres. Leur rôle est de venir apporter dans le lieu où est pris en charge le mineur un renfort ponctuel à l'équipe en place pour toutes les questions relatives aux aspects psychiatriques de la prise en charge (consultations, traitements, voire orientation vers un dispositif adapté).

Le rapport Moro-Brison constate que « depuis ces dernières années, des équipes de liaison de plus en plus nombreuses se déplacent à domicile ou près des lieux de vie des adolescents et des jeunes pour leur faciliter l'accès aux soins. Des consultations mobiles de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent existent par exemple à Lille, à Rennes et en région parisienne. Elles seraient intéressantes à développer en zone rurale ».

Leur action prend des formes variées en fonction des initiatives locales et des réalités de terrain. L'ARS Ile-de-France a indiqué à la mission d'information ne pas autoriser la création de nouveaux lits ou de nouvelles structures sans équipes mobiles.

Le Dr Catherine Isserlis souligne l'intérêt des équipes de liaison dans la période qui précède et dans celle qui suit l'hospitalisation d'un jeune dans une unité de psychiatrie. « Quand un jeune placé hors de sa famille est pris en charge dans une unité de psychiatrie et que son état est stabilisé il y a en général beaucoup de difficultés pour le faire revenir dans la structure où il était hébergé car il y est vu comme étant difficile. Ceci est sans doute lié à un manque d'accompagnement des structures médico-sociales par la pédopsychiatrie pour faciliter la prise en charge de ces jeunes dans leur établissement. C'est pour cette raison qu'en Ile-de-France nous souhaitons augmenter le nombre d'équipes mobiles de pédopsychiatrie et adjoindre de telles équipes à chaque ouverture d'unité pour qu'elles interviennent à la fois en pré et en post-hospitalisation. » 119 ( * )

Les équipes mobiles apparaissent comme un moyen de limiter le recours aux hospitalisations. M. David Causse a notamment fait référence au dispositif mis en place en Ile-de-France pour faire prendre en charge les situations de crise affectant les jeunes patients souffrant de troubles du spectre autistique 120 ( * ) .

Des équipes mobiles d'intervention ont été instituées plutôt que de créer des unités d'hospitalisation. Celles-ci n'auraient pas permis de trouver des solutions de sortie. La démarche privilégiée a été de contractualiser avec des unités médico-sociales à temps plein où le jeune patient sera hébergé et dans lesquelles les équipes d'urgence interviendront. Dans d'autres cas, les équipes de liaison interviennent à l'intérieur même de l'hôpital.

Le Pr Jean-Philippe Raynaud en a donné l'exemple suivant au cours de son audition 121 ( * ) : « L'ARS Midi-Pyrénées nous a d'ailleurs sollicités pour mettre en place un nouveau dispositif. Nous proposons ainsi des équipes de liaison : dans les services de médecine, il doit y avoir des psychiatres d'enfants pour s'occuper des patients. N'oublions pas que de jeunes cancéreux peuvent avoir des troubles associés, se trouver en grave dépression et montrer des syndromes de stress post traumatique car chimiothérapie et radiothérapie sont traumatisantes. Ce sont des catastrophes individuelles que vivent les enfants. Dans mon service, j'ai une équipe extraordinaire de liaison composée de médecins, d'infirmiers et de travailleurs sociaux. En psychiatrie d'adultes, mes collègues sont en train de constituer des équipes analogues car les malades mentaux ont aussi le droit d'être malades dans le droit commun ».

Malgré le développement de ce dispositif, les besoins restent très importants. Le Dr Sylvaine Gissinger déplore « le manque de partenariats entre la psychiatrie et la pédopsychiatrie, un manque de pédopsychiatres de liaison avec l'hôpital et en ambulatoire, mais aussi entre les services de psychiatrie adulte et les maternités ».

Se pose également la question des moyens dont disposent ces équipes. Dr Catherine Lacour-Gonay le souligne : « Le groupe hospitalier de l'est francilien possède également une équipe mobile. Se pose toujours la question des moyens. Le fait de ne compter, pour tout le nord de la Seine et Marne, que sur quatre personnes qui sont parfois appelées à faire plus de 200 kilomètres en voiture pour intervenir peut être problématique. C'est notamment le cas si elles sont appelées à intervenir à différents endroits du département ».

La mission d'information est convaincue que le développement de ces dispositifs doit être soutenu car ils offrent une amélioration des prises en charge et une alternative à des hospitalisations qui marquent l'échec des prises en charge et sont particulièrement coûteuses.

Proposition n°28 : Soutenir les équipes mobiles de liaison pour favoriser une meilleure articulation entre le sanitaire, le médico-social et le social afin d'éviter le recours aux hospitalisations.

D'autres innovations méritent d'être étudiées pour mieux articuler le sanitaire et le médico-social. Certaines structures nouvelles permettent de surmonter le cloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social comme le dispositif intégré mis en place par une association à Marseille et dont une délégation de la mission d'information a pu rencontrer les responsables. Sans créer de nouvelles structures, des modifications en matière de financement peuvent également permettre de favoriser les prises en charge et les échanges de professionnels.

L'association Serena, dont l'engagement social et médico-social est ancien à Marseille, a développé pour éviter les ruptures de parcours et favoriser le répit des familles et des accompagnants une structure légère permettant la réactivité aux demandes. Le service de soutien, soin, intervention et accueil temporaire (SSSIAT), qui est une composante d'une offre de prise en charge complète des adolescents sur les plans sanitaire et médico-social, permet un accueil temporaire qui combine les deux approches.

L'exemple d'une structure intégrée d'accueil séquentiel gérée par l'association Serena à Marseille : le service de soutien, soin, intervention et accueil temporaire (SSSIAT)

Une délégation de la mission d'information a été reçue par plusieurs responsables des établissements créés par l'association Serena à Marseille. L'originalité de cette association ancienne est de proposer une prise en charge à la fois sanitaire et médico-sociale car elle dispose d'un côté d'un hôpital pédopsychiatrique et de l'autre de plusieurs structures médico-sociales dans un ensemble qui regroupe 17 établissements. Elle a notamment développé une structure à la lisière du sanitaire et du social, le service de soutien, soin, intervention et accueil temporaire (SSSIAT) .

Celui-ci se compose de deux unités :

- l'unité d'intervention et de soins dotée, outre de personnels assurant l'accueil, d'une équipe mobile dont la mission est d'intervenir auprès d'adolescents et de leurs familles. Elle contribue au travail de prévention, de soutien et d'élaboration de projets pour les adolescents en grande difficulté ;

- l'unité d'accueil temporaire, au croisement du sanitaire et du social, possède une capacité d'accueil de six lits et de deux places de jour pour des adolescents âgés de 12 à 18 ans qui nécessitent à la fois un hébergement social et une prise en charge thérapeutique. Ses modalités d'intervention sont multiples : consultations, visites à domicile, soutien aux équipes et aux familles.

Les enfants accueillis au SSSIAT relèvent de l'aide sociale à l'enfance (ASE). L'un des avantages de cette structure est qu'elle permet aux adolescents accueillis et aux équipes des structures et aux familles d'accueil d'où ils viennent de « souffler ». Elle constitue ainsi également une forme d'aide au répit.

Du fait de l'accueil séquentiel qui permet une rotation sur les places disponibles (43 adolescents sont accueillis chaque année avec une file active de 15 à 18 jeunes), la structure est particulièrement réactive. Sous sept jours, une commission d'admission qui réunit tous les partenaires est mise en place, un diagnostic est posé et une proposition de prise en charge formulée.

L'une des difficultés souvent pointées de l'articulation entre secteur sanitaire et secteur médico-social est la multiplicité des sources de financement (assurance maladie et conseils départementaux) qui doivent pouvoir se compléter. Le risque existe que le financement par un acteur entraîne le désengagement du ou des autres. La plupart des structures médico-sociales ont un seul financeur, ce qui peut limiter la prise en charge sanitaire.

Le principe d'interdiction de la double prise en charge par l'assurance maladie peut également constituer un frein à l'accès aux soins. En l'état actuel du droit, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) refuse en effet de rembourser dans certains cas, pour un même patient, une prise en charge médico-sociale avec des soins dispensés en ville. Lors de son audition par la mission d'information, le représentant de la Fehap a estimé intéressant de prévoir dans un cadre déterminé des dérogations à ce principe sur le modèle de ce qui a été mis en place pour permettre l'hospitalisation à domicile dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Concrètement, il s'agirait par exemple de permettre la prise en charge par l'assurance maladie d'une hospitalisation de jour en pédopsychiatrie avec une prise en charge médico-sociale dans un IME ou un ITEP, de même une consultation d'orthophonie en ville pourrait être remboursée parallèlement à la prise en charge dans une structure médico-sociale où l'accès à l'orthophonie est impossible .

L'enjeu est de permettre une meilleure synergie des différente interventions, celles qui impliquent des équipes au long court et celles qui, non moins nécessaires, sont plus ponctuelles.

Proposition n°29 : Permettre la double prise en charge par l'assurance maladie pour les prises en charge sanitaires des mineurs souffrant de troubles psychiatriques.

Il conviendrait également de favoriser sur le plan réglementaire la possibilité pour les soignants de partager leur activité entre structures sanitaires et structures médico-sociales. Il s'avère qu'un certain nombre de postes de pédopsychiatres demeurent non pourvus dans le secteur médico-social. Il a par exemple été indiqué à la mission d'information qu'en Haute-Garonne, c'était le cas pour huit postes. Cette situation pourrait justifier une fongibilité des moyens entre l'hôpital et le médico-social.

Proposition n°30 : Prévoir le cadre réglementaire permettant aux soignants de partager leur temps entre structures sanitaires et structures médico-sociales.

d) Conforter l'accès aux soins somatiques et mieux répondre aux urgences
(1) Renforcer l'accès aux soins somatiques

Le manque d'accès des personnes atteintes de troubles psychiatriques aux soins somatiques est un constat établi. Cette situation contribue pour une part importante à la réduction de l'espérance de vie des malades psychiatriques, tout particulièrement pour ceux atteints de troubles sévères. Si la surmortalité est le plus souvent liée à la pathologie elle-même, comme dans le cas de la schizophrénie, les pathologies somatiques, dont celles résultant de la prise des traitements, doivent être prises en charge.

Le rapport de M. Michel Laforcade relaye les constats issus des acteurs de terrain qui montrent que la nécessité d'accéder à des soins somatiques est une : « réalité sous-estimée (...) encore mal prise en compte, tant dans les équipes de psychiatrie publique hospitalière que par les médecins généralistes ».

Dans d'autres domaines, comme celui du cancer par exemple, l'importance du traitement des autres maladies dont peut souffrir le malade a été mieux prise en compte. Le Pr Manuel Bouvard a ainsi indiqué lors de son audition 122 ( * ) : « A l'instar des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) en cancérologie, il faut prendre en compte les problèmes somatiques qui sont fréquemment associés aux pathologies. C'est tout l'enjeu de la pluridisciplinarité ».

La DGOS a souligné le double défi que représente encore le suivi psychiatrique des malades atteints de pathologies somatiques et celui des malades psychiatriques nécessitant une prise en charge somatique. Elle reconnaît que « tous les hôpitaux n'ont pas résolu le problème. Certains, qui n'ont pas d'équipe de psychiatrie, se sont déjà organisés avec des équipes mobiles ou des professionnels de l'hôpital voisin. Mais (...) nous ne sommes pas encore arrivés, dans tous les territoires, au bout de la prise en charge des besoins somatiques des patients pris en charge dans les établissements de psychiatrie ! ». La DGOS considère que, de ce point de vue, la constitution des GHT peut apporter des solutions. La mission d'information rappelle que la structuration des services hospitaliers en pôles permet déjà de rapprocher les services de pédopsychiatrie, de psychiatrie générale et les services de prise en charge somatique, en même temps qu'elle renforce la visibilité des premiers, notamment pour les familles, et les habitudes de travail commun.

Les associations d'usagers représentées au sein de la Fnapsy partagent le constat du manque d'accès aux soins somatiques et ont formulé une proposition à laquelle la mission d'information a été attentive. Il s'agirait de la mise en place, sur l'emprise des établissements psychiatriques, de maisons de santé ouvertes au public général et aux personnes hospitalisées. Cette solution n'est pas mise en oeuvre à l'heure actuelle étant donnée la difficulté pour les établissements spécialisés d'ouvrir des services de type MCO.

Proposition n°31 : Conforter l'accès aux soins somatiques des patients pris en charge en service de psychiatrie.

La meilleure articulation entre soins somatiques et soins psychiatriques passe également par les CMP, à tout le moins les CMP des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile qui sont l'une des portes d'entrée principales dans le soin et l'un des pivots de l'orientation vers une prise en charge adaptée. Se pose dès lors la question de savoir quels moyens mettre en place pour mieux associer les pédiatres aux consultations des mineurs accueillis dans ces CMP.

(2) Mieux répondre aux urgences

Le problème de l'accès aux soins somatiques se pose avec une acuité particulière dans les cas d'urgence. Comme cela a pu être affirmé lors des auditions de la mission d'information, la tendance est naturellement de faire passer l'urgence psychique derrière l'urgence vitale dans la mesure où dans le second cas la survie du patient semble en dépendre plus directement.

Plusieurs modalités d'organisation de l'accueil en urgence des mineurs souffrant de troubles psychiatriques existent. La prise en charge peut avoir lieu dans un service de psychiatrie infanto-juvénile équipé pour ce faire, notamment en chambres dédiées et en lits, dans des structures dédiées ou dans des structures adossées à des hôpitaux généraux comme c'est le cas à l'hôpital Nord de Marseille. Dans l'ensemble de ces cas de figure, l'enjeu est celui de l'articulation entre les urgences psychiatriques et les urgences somatiques. Il s'agit d'écarter les éventuelles causes somatiques des troubles psychiatriques et de prendre en compte les conséquences somatiques de ces troubles .

Dans un certain nombre de cas, ce seront les urgences pédiatriques qui auront d'abord à prendre en charge le mineur. Il en va notamment ainsi en cas de tentative de suicide.

Comme l'a indiqué l'ARS Ile-de-France : « L'hospitalisation en pédiatrie générale est très utilisée y compris pour les adolescents et les tentatives de suicide. Il me semble que c'est une possibilité intéressante à condition que l'équipe de pédopsychiatrie soit aux côtés de l'équipe de pédiatrie. Cela permet notamment d'éviter les hospitalisations stigmatisantes. » 123 ( * ) .

Pour assurer la qualité de la prise en charge, les équipes de soins pédiatriques doivent pouvoir s'appuyer sur les compétences des équipes de pédopsychiatrie soit en ayant directement recours à elles, soit en organisant une astreinte téléphonique de pédopsychiatre 124 ( * ) . Le Dr Roger Teboul a souligné que si un service d'urgence pédopsychiatrique est mis en place pour fonctionner en continu, cela n'est pas forcément la meilleure solution, ne serait-ce que d'un point de vue financier : « Il faut noter qu'une garde coûte très cher, aux alentours de 100 000 euros par an. Les hôpitaux y ont donc recours avec précaution. Il est, en revanche, possible de s'appuyer, comme on le fait à Montreuil, sur les urgences pédiatriques assorties d'éventuelles astreintes téléphoniques de pédopsychiatres. Il est aussi possible de s'appuyer sur une organisation de liaison afin que des pédopsychiatres puissent tous les jours passer et orienter les enfants et adolescents dans les services de pédiatrie » 125 ( * ) .

Proposition n°32 : Généraliser l'association des pédopsychiatres dans les équipes des services d'urgences pédiatriques, en particulier par la mise en place d'astreintes téléphoniques.

Dans les cas de tentatives de suicide, l'absence de solution de prise en charge post-urgence a été soulignée avec force devant la mission d'information puisque des cas d'absence de prise en charge à l'hôpital ont été signalés.

Dans certaines situations, les professionnels jugent préférable de ne pas hospitaliser le mineur dans un service de psychiatrie pour adultes ce qui conduit à ce que, faute d'alternative, il ne soit pas pris en charge dans des conditions adaptées.

Principales données du HCSP sur le suicide des mineurs

Le suicide est beaucoup plus fréquent chez les hommes en milieu de vie et le suicide des jeunes reste rare.

Le suicide est un phénomène complexe : des troubles psychiatriques sont présents dans 90 % des cas de personnes qui se suicident.

Le suicide est multifactoriel.

Il est influencé par les évènements négatifs de la vie et des stress.

La plupart du temps, le suicide est précédé par des événements notables de la vie, en particulier interpersonnels ou liés à la santé.

Une problématique importante est celle de la perception des rôles relatifs à des fragilités personnelles versus les évènements extérieurs, qui peuvent être des déclencheurs

Source : HCSP (présentation réalisée devant la mission d'information lors de l'audition du mercredi 15 février 2017)

2. Harmoniser les pratiques et mieux prendre en compte les innovations
a) Harmoniser les pratiques et diffuser les connaissances
(1) Harmoniser les pratiques

La diversité des approches de soins et leur hétérogénéité sont un reproche généralement adressé à la psychiatrie et à la pédopsychiatrie en particulier.

Malgré les efforts engagés, ce constat semble toujours d'actualité et il figure notamment dans l'évaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 par le HCSP. L'un des enjeux est d'éviter que les familles ne reçoivent des informations contradictoires de la part de leurs interlocuteurs successifs.

De nombreux interlocuteurs ont ainsi insisté sur la nécessité d'harmoniser les pratiques pour remédier aux inégalités de prise en charge. Des dispositifs d'harmonisation existent déjà. C'est notamment l'une des missions de la HAS que de diffuser les bonnes pratiques auprès des professionnels de santé. Il va de soi que ceci passe également par la formation continue des professionnels concernés. A cet égard, l'ARS d'Ile-de-France a donné l'exemple du programme qu'elle a engagé dans lequel un PU-PH référent anime la formation d'un ensemble de professionnels en pédopsychiatrie.

De manière générale, il semble que le recours aux méthodes évaluées soit encore trop peu généralisé . C'est le constat fait notamment par le Pr Purper-Ouakil qui a souligné la diffusion insuffisante des programmes de gestion parentale. Comme elle l'a indiqué lors de son audition 126 ( * ) : « Je souhaite également insister sur la nécessaire diffusion des programmes de gestion parentale, qui sont des modèles bien diffusés dans les pays anglo-saxons. Il s'agit de programmes destinés à des parents qui rencontrent des difficultés. Certains sont très généralistes. Il en existe en France, comme l'école des parents. Le problème est que souvent on n'utilise pas des programmes qui ont fait la preuve d'une vraie efficacité. Les programmes de gestion parentale sont utilisés à différents niveaux d'intervention, en particulier pour des parents dont les enfants présentent des troubles comportementaux. Plus ces programmes sont utilisés tôt, plus ils sont efficaces » .

Proposition n°33 : Assurer une plus large diffusion des meilleures pratiques. En particulier, permettre l'accès de tous aux programmes de gestion parentale.

S'agissant de la diffusion des pratiques validées scientifiquement, le rapport de M. Michel Laforcade évoque une « impérieuse nécessité » pour rejoindre « une médecine fondée sur les preuves ». La mission d'information partage cette préconisation tout en rappelant que la psychiatrie, a fortiori celle des mineurs, revêt des spécificités qu'il convient de prendre en compte et qui empêchent d'appliquer sans modification des méthodes utilisées pour d'autres disciplines médicales.

Dans l'identification des bonnes pratiques, il convient également de prendre en compte l'expérience des professionnels, en particulier lorsqu'il s'agit d'interventions qui ne peuvent faire l'objet d'études randomisées et contrôlées pour des raisons méthodologiques et/ou éthiques.

(2) Diffuser les connaissances

Dans un contexte d'augmentation des connaissances issues des différentes sciences, notamment des sciences humaines mais aussi des neurosciences, de multiples innovations ont pu voir le jour et, sur des sujets précis, des initiatives se mettre en place sur différents points du territoire, en particulier avec la création des centres experts, centres de référence ou centres de diagnostic.

Face à l'émergence de multiples sources de savoirs spécialisés, la mission d'information note qu'il existe des appréciations divergentes sur le rôle que doivent jouer les centres experts dans l'organisation des soins. Selon la DGOS, il existe quatre réseaux de centres experts dont trois concernent des pathologies qui surviennent au cours de l'enfance et de l'adolescence : les troubles bipolaires (9 centres), la schizophrénie (10 centres), l'autisme de type Asperger (4 centres). Ces centres offrent des consultations spécialisées de diagnostic dans certaines pathologies afin de définir des indications pour une prise en charge médicale personnalisée. Ce sont également des centres de recherche. Le Pr Marion Leboyer 127 ( * ) a ainsi indiqué à la mission d'information : « Nous avons apporté les premiers résultats médico-économiques de l'impact du déploiement des centres experts. On montre, que deux ans après le passage dans un centre expert, il y a une diminution de 50 % du nombre de journées d'hospitalisation. Un bilan précoce complet, accompagné de recommandations thérapeutiques, permet vraiment de faire des économies ».

Si les centres experts semblent avoir fait la preuve de leur utilité, il convient d'éviter une structuration trop verticale de l'expertise susceptible de remettre en cause la continuité thérapeutique. La mission d'information considère qu'il est nécessaire de s'appuyer sur les centres experts pour diffuser le dernier état des connaissances en matière de diagnostic.

b) Mieux prendre en compte les innovations

Il semble également exister un consensus sur la multiplicité des innovations portées par les équipes de terrain pour la prise en charge des mineurs souffrant de troubles psychiatriques. Certaines gagneraient à être généralisées mais une évaluation préalable est nécessaire. Tant la HAS que le HCSP ont en effet souligné que trop souvent une nouvelle pratique, qui a été mise en place pour répondre à un problème identifié par une équipe de soignants, n'est jugée efficace que par ses promoteurs.

Il est en effet difficile de mettre en place des évaluations véritablement objectives. Même quand cette évaluation a eu lieu, certains projets dépendent trop du contexte de leur création pour pouvoir être d'emblée généralisés.

Le travail de recension et d'évaluation des innovations incombe aux administrations centrales et aux agences sanitaires, au premier rang desquelles la HAS. C'est pourquoi la mission d'information ne juge pas opportun de créer une instance ad hoc qu'il s'agisse d' « un observatoire national des innovations en santé mentale » préconisé par le rapport de M. Michel Laforcade ou d'un « institut national de la santé des jeunes » qui serait créé sur le modèle australien afin de colliger et d'évaluer les ressources comme l'appelle de ses voeux le rapport Moro-Brison.

Proposition n°34 : Systématiser le recensement et l'évaluation, par les administrations centrales et les agences, des innovations en vue de leur éventuelle généralisation tout en respectant la diversité des approches.


* 112 Audition du mardi 24 janvier 2017.

* 113 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 114 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 115 Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 116 Audition du mercredi 25 janvier 2017.

* 117 Article L. 6321-1 du code de la santé publique.

* 118 Audition du mercredi 21 décembre 2016.

* 119 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 120 Audition du mardi 17 janvier 2017.

* 121 Audition du mardi 24 janvier 2017.

* 122 Audition du mercredi 25 janvier 2017.

* 123 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 124 Audition du Dr Teboul du mercredi 18 janvier 2017.

* 125 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

* 126 Audition du mercredi 25 janvier 2017.

* 127 Audition du mercredi 1 er février 2017.

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