B. ÉLÉMENTS DE MÉTHODE POUR UNE STRATÉGIE TERRITORIALE DE PRÉVENTION DE LA RADICALISATION
Tirer les leçons de la prévention de la délinquance en matière de prévention de la radicalisation implique concrètement plusieurs éléments :
Il s'agit d'abord de reconnaître que le champ géographique pertinent en la matière est la commune, ou l'intercommunalité, en articulation avec le conseil départemental pour ses compétences sociales et avec la préfecture de département pour tous les aspects régaliens.
Il en résulte que les instances locales de la prévention de la délinquance, en particulier les CLSPD, doivent pouvoir être mises en condition de traiter aussi de la prévention de la radicalisation. Vos rapporteurs reviendront sur ce point ultérieurement.
Il en résulte aussi que les services des conseils départementaux devraient pouvoir disposer de référents au sein de ces instances locales, tandis que les services infradépartementaux de l'État, en particulier les sous-préfets d'arrondissement, devraient être davantage impliqués dans cette prévention qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Un deuxième acquis de la prévention de la délinquance, à transposer en matière de radicalisation consisterait à établir un diagnostic partagé avec les services de l'État et les structures locales quant à la situation du territoire. Ce travail est essentiel et ne saurait être efficace sans une relation de confiance forte entre les partenaires . Concrètement, les maires et les élus référents doivent pouvoir s'appuyer sur le commissariat ou l'unité de gendarmerie territorialement compétente, ainsi que sur le Renseignement territorial, mais aussi sur les enseignants, les animateurs périscolaires, les personnels municipaux, les travailleurs sociaux... pour dresser une cartographie fine des lieux de radicalisation, et mesurer autant que possible la nature de cette radicalisation et les risques de déboucher sur des actes violents. Comme nous le verrons plus loin, ce diagnostic suppose que l'État délivre certaines informations aux élus.
Un diagnostic partagé, c'est aussi un recensement des acteurs et dispositifs susceptibles d'être mobilisés sur le territoire . Et qui dit acteurs mobilisables sur un sujet aussi difficile dit acteurs formés.
Une fois le diagnostic établi, il revient au maire, ou au président d'intercommunalité, de définir en concertation avec ses partenaires, une stratégie territoriale de prévention de la radicalisation. L'expérience de la prévention de la délinquance est ici particulièrement pertinente, dans la mesure où elle a clairement démontré l'inefficacité des stratégies vagues et abstraites et où, au contraire, elle a prouvé qu'une stratégie efficace devait obéir à au moins quatre critères :
- elle doit d'abord être correctement connectée avec le diagnostic ;
- elle doit ensuite être déclinée en objectifs opérationnels, c'est-à-dire précis et si possible chiffrés, ce qui implique qu'ils puissent être mesurables. Ils doivent aussi s'inscrire dans le temps, généralement dans le moyen terme (3 à 5 ans). Ainsi, si l'un des axes de la stratégie territoriale est la « prévention basculement des mineurs dans la radicalisation », des objectifs opérationnels pourraient être :
-» prendre en charge X% des mineurs en voie de radicalisation dans le cadre d'un accompagnement éducatif adapté » ;
-» réduire de X% le nombre de cas de mineurs déscolarisés au niveau de l'école primaire » ;
- à chaque objectif opérationnel doivent être associés un ou des programmes d'actions. De nombreuses collectivités ont désormais l'expérience des « fiches action », généralement structurées autour de 8 points :
1. Constats/Références
2. Objectifs généraux/Objectifs précis de l'action
3. Présentation succincte de l'action
4. Modalités de mise en oeuvre
5. Désignation du responsable du projet
6. Identification des partenaires
7. Calendrier général
8. Indicateurs d'évaluation
- le quatrième critère consiste à prévoir d'emblée des méthodes d'évaluation pour chaque action menée, mais aussi pour les grands axes et pour la stratégie prise dans sa globalité . En la matière, vos rapporteurs ont pu constater que l'absence de méthodes d'évaluation consistantes est souvent un des points de fragilité des initiatives locales existantes. Cela n'est pas surprenant dans la mesure où la culture de l'évaluation, dans ce domaine comme dans bien d'autres, n'est pas assez répandue dans notre pays, au contraire de ce qui existe en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Recommandation n ° 5 : Insérer dans les stratégies territoriales de prévention de la radicalisation des modalités d'évaluation pertinentes. Destinataires : Communes, intercommunalités et départements. |