B. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES IMPLIQUÉES DANS LA GOUVERNANCE DU FOOTBALL À TRAVERS LA PROPRIÉTÉ DES STADES
Le stade constitue aujourd'hui le principal lien entre les clubs professionnels et leurs collectivités territoriales . Alors qu'il est devenu un outil essentiel du modèle économique des clubs, le fait que, dans la plupart des cas, celui-ci soit la propriété de la collectivité ou de son groupement pose question.
1. Des stades qui appartiennent aux collectivités territoriales
Sur les 20 stades utilisés par les clubs de Ligue 1, 19 appartiennent en effet aux collectivités territoriales 18 ( * ) . Seul l'OL de Jean-Michel Aulas a choisi de devenir propriétaire de son nouveau stade construit à Décines dans la banlieue lyonnaise . Si une tendance se dessine qui voit les agglomérations s'impliquer de plus en plus dans la gestion des stades (à Lille, Saint-Etienne, Bastia, Montpellier, Nancy, Dijon), il reste donc du chemin à parcourir avant que les clubs français prennent la voie suivie par les clubs allemands qui sont souvent propriétaires de leur « outil de travail ».
L'exemple du Parc OL La mission d'information s'est rendue à Lyon pour visiter le nouveau stade de l'Olympique lyonnais et examiner son projet de développement stratégique fondé sur la propriété de son nouveau stade. Pour le directeur général adjoint Patrick Iliou, l'idée est de trouver une adéquation entre « le contenant et le contenu », sachant que « tous les grands clubs européens à l'exception de Milan sont propriétaires de leur stade » . Dans cette perspective, le partenariat public-privé (PPP) n'est pas la meilleure option car le club n'est locataire que pour 24 heures et doit, à chaque fois, configurer le stade. Il y a aussi un problème concernant la juste évaluation de la location du stade. L'objectif de l'OL est d'utiliser le stade 365 jours/an. Pour cela 10% des sièges ont été configurés pour des prestations « VIP » soit 6 000 places réparties en loges (1 500 places) et salons (4 500 places). Le développement de la restauration a permis grâce aux 58 points de restauration, de faire passer le panier moyen de 50 centimes par match à Gerland à 6 € au Parc OL. En dehors des matchs, les loges deviennent des bureaux et les salons accueillent des séminaires. Un hôtel de 150 chambres est également prévu. Le nouveau centre d'entraînement a été conçu avec une tribune pour accueillir le public et une brasserie conçue par Paul Bocuse est ouverte en permanence. Chaque jour le stade accueille 3 à 4 séminaires. Alors qu'il n'a été inauguré qu'en janvier 2016, le nouveau stade a déjà eu un impact positif sur les résultats du club au cours de la saison 2015-2016 avec une hausse des recettes de billetterie de 150% à 27,7 M€. La capacité, portée à 59 186 places contre à peine plus de 40.000 à Gerland, a permis de faire bondir la fréquentation sur les 10 premiers matches joués dans le nouveau stade de 31 % (environ 48 000 spectateurs en moyenne). |
Les stades des clubs de Ligue 1 (capacité, propriété, exploitation)
Club |
Nom du stade |
Capacité stade |
Propriétaire |
Régime d'exploitation de l'enceinte et de mise à disposition du club |
contrat de naming |
Paris Saint-Germain |
Parc des Princes |
48 527 |
Ville de Paris |
Convention d'occupation du domaine public au profit du club |
non |
Olympique lyonnais |
Parc Olympique lyonnais |
59 186 |
Olympique Lyonnais |
Propriété privée |
En négociation |
AS Monaco FC |
Stade Louis-II |
18 523 |
Principauté de Monaco |
N/A |
non |
OGC Nice |
Allianz Riviera |
35 624 |
Ville de Nice |
PPP signé entre la ville et Nice Eco Stadium (NES) (filiale de Vinci Concessions) accompagné d'un contrat de mise à disposition de l'enceinte signé entre la ville et le club |
Oui |
Lille OSC |
Stade Pierre-Mauroy |
50 157 |
Communauté Urbaine Lille Métropole |
PPP signé entre la ville et ELISE (filiale d'Eiffage) accompagné d'un contrat de mise à disposition de l'enceinte signé entre la ville et le club |
non |
AS Saint-Étienne |
Stade Geoffroy-Guichard |
41 965 |
Saint-Etienne Métropole |
Régie accompagné d'une convention de mise à disposition au profit du club |
non |
SM Caen |
Stade Michel-d'Ornano |
21 250 |
Ville de Caen |
Convention d'occupation du domaine public au profit du club |
non |
Stade rennais FC |
Roazhon Park |
29 778 |
Ville de Rennes |
Convention domaniale (contrat administratif d'occupation) au profit du club (locataire exploitant) |
non |
Angers SCO |
Stade Jean-Bouin |
18 000 |
X |
non |
|
SC Bastia |
Stade Armand-Cesari |
17 000 |
Communauté d'Agglomération de Bastia |
Convention d'occupation du domaine public au profit du club |
non |
Girondins de Bordeaux |
Stade Matmut-Atlantique |
42 115 |
Ville de Bordeaux |
PPP signé entre la ville et la société Stade Bordeaux-Atlantique (détenue à parts égales par Vinci et Fayat). accompagné d'un contrat de mise à disposition de l'enceinte signé entre la ville et le club |
Oui |
Montpellier HSC |
Stade de la Mosson |
32 950 |
Montpellier Agglomération |
non |
|
Olympique de Marseille |
Orange Vélodrome |
67 395 |
Ville de Marseille |
PPP signé entre la ville et AREMA (filiale de Bouygues construction) accompagné d'un contrat de mise à disposition de l'enceinte signé entre la ville et le club |
Oui |
FC Nantes |
Stade de la Beaujoire |
38 004 |
Ville de Nantes |
Délégation de Service Public au profit du club |
non |
FC Lorient |
Stade du Moustoir |
18 500 |
Ville de Lorient |
non |
|
EA Guingamp |
Stade de Roudourou |
18 500 |
Ville de Guingamp |
non |
|
Toulouse FC |
Stadium |
33 500 |
Ville de Toulouse |
Régie accompagné d'une convention de mise à disposition au profit du club |
non |
AS Nancy-Lorraine |
Stade Marcel-Picot |
20 087 |
Métropole du Grand Nancy |
non |
|
Dijon FCO |
Stade Gaston-Gérard |
10 578 |
Grand Dijon |
non |
|
FC Metz |
Stade Saint-Symphorien |
25 636 |
Ville de Metz |
Convention d'occupation du domaine public au profit du club |
non |
Total |
647 275 |
||||
Moyenne |
32 364 |
Cette situation, qui a fait l'objet de nombreux travaux du Sénat 19 ( * ) , explique une part importante du retard français en matière de football professionnel puisque les clubs ne peuvent gérer leur stade comme ils le souhaitent et peuvent même être amenés à devoir partager les recettes d'exploitation avec un concessionnaire privé. Concernant ce dernier cas de figure, le directeur général adjoint de la FFF, Victoriano Melero, a rappelé les difficultés inhérentes au recours aux partenariats public-privé, les entreprises de BTP qui ont la responsabilité de la gestion quotidienne n'ayant pas la culture de l'événementiel.
2. Aider les clubs à maîtriser leur « outil de travail »
La propriété locale des stades de football a, quant à elle, pour conséquence de placer les collectivités territoriales et leurs groupements dans la situation où leurs choix ont un impact direct sur la gouvernance des clubs professionnels puisqu'elle réduit fortement leur capacité à s'organiser et interfèrent avec leur politique d'investissement et les recettes qu'elles sont susceptibles de générer. Autant de raisons qui amènent la mission à estimer qu'il serait utile de permettre aux clubs qui en ont les moyens de pouvoir devenir propriétaires de leur stade . Le directeur général de la LFP, Didier Quillot, est également très favorable au fait de permettre aux clubs qui le peuvent de devenir propriétaires de leur stade à travers une société d'exploitation.
Une avancée dans cette direction a été faite au travers du vote, le 15 février dernier au Sénat, de l'article 18 de la loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de garantir les emprunts des associations et des sociétés sportives en vue d'acquérir des équipements sportifs . Cette disposition peut en effet aider certains clubs à devenir propriétaires de leur stade.
En première lecture, le débat législatif avait permis d'envisager de permettre aux collectivités territoriales d'accorder des subventions d'investissement aux clubs professionnels afin d'accompagner le processus d'acquisition par les clubs de leur outil de travail. Malheureusement, les arbitrages rendus n'ont pas permis de faire aboutir cette proposition. Une telle disposition apparaît néanmoins nécessaire si l'on souhaite véritablement renforcer le sport professionnel en France.
À noter que pour donner une impulsion à cette évolution, nos collègues Michel Savin et Claude Kern avaient souhaité prévoir dans la même loi (art. 7 bis A) le principe d'un plafonnement du financement par les collectivités territoriales des dépenses de construction d'une nouvelle enceinte sportive afin de favoriser l'implication du secteur privé dans ces investissements. Même si cette disposition n'a pas finalement été retenue, il convient d'observer que l'idée fait son chemin au Parlement.
L'extension de la garantie d'emprunt par les
collectivités territoriales
La loi n° 2017-261 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs promulguée le 1 er mars 2017 a prévu dans son article 18 de modifier l'article L. 113?1 du code du sport afin d'ouvrir la possibilité pour les collectivités territoriales de garantir les emprunts souscrits pour réaliser des équipements sportifs. Les collectivités et leurs groupements peuvent ainsi « accorder leur garantie aux emprunts contractés en vue de l'acquisition, de la réalisation ou de la rénovation d'équipements sportifs par des associations ou des sociétés sportives. » |
Tous les clubs professionnels de football ne sont pas, néanmoins, en situation de pouvoir devenir propriétaires de leur stade, en particulier en Ligue 2. la mission d'information entend donc réaffirmer la position de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication en faveur du bail emphytéotique qui, du fait de sa longue durée, présente de nombreuses caractéristiques communes avec la propriété de plein exercice .
Les modes juridiques d'exploitation des équipements sportifs 1) La régie La collectivité assure la gestion de l'infrastructure avec son propre personnel et procède à l'ensemble des dépenses et à leur facturation à l'usager - en particulier le club ; 2) La convention d'occupation du domaine public Il s'agit d'une convention permettant au titulaire d'occuper temporairement le domaine public, assortie de certains droits et obligations réels relevant normalement du propriétaire (exemples : aménagement selon ses besoins, exploitation pour son propre compte, contrat de naming, prise en charge de la maintenance et de l'entretien, etc). 3) Le bail emphytéotique administratif (BEA) Il s'agit d'un bail, conclu pour une durée de 18 à 99 ans, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'enceintes sportives et des équipements connexes nécessaires à leur implantation. Ils peuvent porter sur une partie de l'enceinte (cf. le cas de stades de rugby où une tribune fait l'objet d'un BEA). L'emphytéote, qui peut être le club, se voit reconnaître un véritable droit réel sur le bien qui lui est donné à bail. 4) La délégation de service public (DSP) La collectivité propriétaire confie la gestion d'un service public (qu'il convient alors de définir précisément) à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d'exploitation du service. 5) Le partenariat public-privé (PPP) La collectivité territoriale confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion de l'équipement. Source : direction des sports |
* 18 Le cas de Monaco est particulier, mais là encore c'est la Principauté qui est propriétaire et non le club.
* 19 Voir en particulier le rapport précité de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales.