B. LES CONDITIONS DU SUCCÈS
Le nouveau projet de l'INI et le confortement de son avenir supposent la réunion des ressources financières nécessaires au financement de ses travaux mais aussi une redéfinition du format de son personnel.
Par ailleurs, des aspects plus qualitatifs devront être pris en compte afin de dessiner des perspectives de progrès largement partagées.
1. Mettre à niveau les moyens de l'INI en ne négligeant pas certaines sources de financement par économies récurrentes
a) Le budget devra être abondé et sécurisé
Inévitablement, l'accomplissement du programme de travaux de l'INI occasionnera des besoins de financement.
Selon les estimations transmises à votre rapporteur spécial, le coût prévisionnel brut du projet décrit ci-avant serait de 50 millions d'euros ce qui est une somme importante au regard du budget de l'établissement et des dépenses d'investissement constatées en moyenne.
Le coût des travaux se répartit comme suit : bâtiment central : 35 millions d'euros, bâtiment sud : 12 millions d'euros ; bâtiment 08 : 3 millions d'euros. Les travaux devraient s'étaler sur cinq ans avec un achèvement en 2021.
Le plan de financement des travaux d'infrastructure désormais envisagés table sur une contribution du fonds de roulement de 10 millions d'euros, le reliquat devant être financé par le seul ministère de la défense.
La sollicitation du fonds de roulement telle qu'elle est prévue semble de bonne logique compte tenu des réserves qu'il offre et qui, précisément, avaient été constituées dans l'optique du financement de telles dépenses. Il faudra cependant veiller à ce que le besoin de fonds de roulement correspondant à la nécessité d'honorer les dépenses courante soit couvert par les disponibilités.
Par ailleurs, il convient de souligner le devoir d'équilibrage de la section de fonctionnement du budget de l'INI qu'implique le financement prévu. Il implique de rompre avec l'habitude des déficits courants et de leur financement par prélèvement sur la trésorerie de l'INI.
Cette contrainte implique aussi que la contribution des ministères au financement des activités de l'INI soit maintenue, dans un contexte intercalaire où, inévitablement, les activités de l'établissement seront plus ou moins légèrement ralenties. Il faudra, en particulier, que la DAF versée par le ministère de la santé soit consolidée.
À cet égard, il peut sembler étonnant que le financement des travaux soit assumé par le seul ministère de la défense, dans la mesure où, même si l'offre de soins de l'INI est dirigée prioritairement vers le monde combattant, elle profite majoritairement à des personnes extérieures à lui.
b) La mise à niveau nécessaire des moyens humains
En l'état, malgré des coefficients de besoins humains plus élevés que pour des établissements réputés analogues, l'INI ne fait pas état d'un déficit de personnel.
Le tableau ci-dessous présente les besoins de l'INI en personnels infirmier et aide-soignant compte tenu de l'offre de soins actuelle.
Centre des pensionnaires 83 lits |
MPR/USC 48 lits |
Chirurgie 24 lits SSPO + 2lits |
Hôpital de jour MPR/USC/CHIR 14 lits jour (9h-17h) |
Total |
Activités trans-verses |
Total Effectifs pour 171 lits |
||||||
Cible |
Requis |
Cible |
Requis |
Cible |
Requis |
Cible |
Requis |
Requis |
Requis |
Réel |
||
IDE 7 ( * ) |
||||||||||||
Matin |
5 |
9 |
6 |
10 |
3 |
5 |
1 |
2 |
26 |
10 |
||
Après-midi |
4 |
7 |
4 |
7 |
2 |
4 |
18 |
|||||
Nuit |
2 |
5 |
2 |
5 |
2 |
5 |
15 |
|||||
TOTAL |
59 |
10 |
69 |
|||||||||
A.S. 8 ( * ) |
||||||||||||
Matin |
13 |
22 |
11 |
18 |
3 |
5 |
2 |
4 |
49 |
|||
Après-midi |
9 |
15 |
5 |
9 |
2 |
4 |
28 |
|||||
Nuit |
6 |
15 |
3 |
8 |
1 |
3 |
26 |
|||||
TOTA |
103 |
103 |
Les besoins semblent assez largement couverts aujourd'hui.
Les réorganisations de l'offre de soins de l'INI s'accompagnent de la projection des besoins en ressources humaines de l'INI consécutifs à la mise en oeuvre du nouveau projet d'établissement. Elles font état d'une réduction de 41 postes, soit une baisse des effectifs de 10 %.
Cette réduction est un peu inférieure à celle apparemment évoquée dans le rapport des trois inspections générales mentionné plus haut qui, dans un scénario avec un quasi doublement des lits de MPR (de 48 à 80 lits), escomptait une réduction de 50 emplois.
Or, le plan de charge de l'INI résultant du nouveau projet médical semble devoir être plus léger que celui associé aux hypothèses envisagées dans le rapport tripartite. Par ailleurs, la fermeture du bloc opératoire qui pouvait mobiliser, et immobiliser, des personnels relativement nombreux, pour une faible activité, doit être prise en compte. Elle devrait permettre de restructurer les emplois dans un sens favorable à la productivité générale de l'établissement.
Il semble donc à votre rapporteur spécial que quelques marges de manoeuvre peuvent sans doute exister encore pour proportionner les personnels médicaux aux besoins nouvellement définis.
Surtout, il lui apparaît souhaitable que les fonctions de support soient davantage mutualisées dans le cadre du rapprochement de l'INI avec son environnement. Elles réunissent une centaine d'emplois dont certains doublonnent sans doute avec des ressources du service de santé des armées.
Des adaptations des effectifs un peu plus amples que celles prévues semblent accessibles. Il convient de mes explorer tout en satisfaisant une exigence, absolue aux yeux de votre rapporteur spécial, celle de préserver la qualité des soins fournis à l'ensemble des usagers de l'établissement, exigence qui suppose que les personnels eux-mêmes ne soient pas exposés à des tensions excessives. |
c) Mieux gérer certains frais de fonctionnement
La section de fonctionnement de l'INI et, en particulier, les achats de services extérieurs ont fait l'objet de quelques observations plus haut dans le présent rapport.
Certains frais généraux mériteraient par ailleurs d'être considérés. Il apparaît, par exemple, que l'INI doive gérer une crèche avec des coûts élevés (750 000 euros par an). S'il faut se réjouir que des personnels sollicités par des horaires atypiques puissent accéder à cette indispensable facilité, il faut envisager des solutions visant à rationaliser la prise en charge de ce service afin de réduire la pression financière qu'il exerce, dans le maintien d'une offre d'accueil des enfants de qualité.
Enfin, d'après certaines informations transmises à votre rapporteur spécial, l'efficacité de l'INI gagnerait sans doute à l'informatisation d'un certain nombre de processus.
2. Demeurer attentif à des dimensions qualitatives importantes
a) Cibler une utilisation plus forte des capacités de l'établissement.
Selon certaines données , le nombre des bénéficiaires potentiels du centre des pensionnaires aurait chuté de 25 % entre 2009 et 2013 pour passer de 17 655 à 13 000 personnes.
Votre rapporteur spécial s'interroge sur la fiabilité de ces estimations.
Certes, la démographie des invalides suit une tendance déclinante. Toutefois, les chiffres avancés paraissent très éloignés de ceux qui résument la population des titulaires de pensions militaires d'invalidité (plus de 200 000 personnes). Par ailleurs, il faut, hélas, compter avec l'éventualité d'un renouvellement des besoins dans un contexte marqué par l'engagement de nos forces sur de nombreux terrains de conflit et par la récurrence d'actes de terrorisme sur le sol national. La visite de l'INI par votre rapporteur spécial lui a permis de constater combien le centre des pensionnaires pouvait devoir être sollicité pour faire face à ces besoins. Enfin, il ne faut pas négliger l'éventualité, certes discutée, d'une ouverture à d'autres catégories de victimes lourdement blessées dans des opérations de sécurité nationale, en particulier des forces de police.
En toute hypothèse, les capacités de l'INI sont très nettement inférieures à la population actuellement recensée de ses éventuelles bénéficiaires si bien que même si celle-ci devait être correctement résumée par les données mentionnées, elle excèderait, de loin, les capacités d'accueil de l'établissement.
On ne peut donc se rallier à l'appréciation selon laquelle celles-ci seraient surdimensionnées.
En revanche, il convient de rechercher une meilleure utilisation de ces capacités.
Il est difficile de les apprécier précisément compte tenu des travaux d'ores et déjà entrepris qui ont conduit à geler certaines d'entre elles.
Il n'y a guère, les capacités du centre des pensionnaires calculées sur la base d'une offre de 91 lits, aujourd'hui ramenée à 83 lits, faisaient état d'une capacité théorique de 33 215 journées, le volume des journées effectivement enregistrées étant généralement compris entre 25 000 et 30 000 journées. Dans ces conditions, le taux d'occupation était de l'ordre de 80 %.
La réduction du nombre de lits s'est accompagnée d'une augmentation de ce taux, qui, d'une certaine manière, s'est trouvé artificiellement redressé.
Compte tenu des besoins potentiels, votre rapporteur spécial souhaite que l'INI préserve ses capacités d'accueil en renforçant l'effectivité de son offre. Ceci peut passer par un élargissement des publics accueillis.
Les mêmes observations valent pour les activités strictement médicales de l'INI. En ce domaine, la demande ne manque pas qu'elle provienne du monde combattant ou soit liée aux tragiques événements auxquels la France fait face ou qu'elle soit le fait d'usagers de droit commun. Or, l'INI est loin de répondre à celle-ci.
Sont indiquées ci-dessous, à titre d'exemple, les statistiques du service de médecine physique et de réadaptation depuis 2010. Le taux de refus, qui n'a cessé de s'élever, atteignait 88,9 % en 2014. Le ministère indique que les motifs de refus sont principalement dus à des demandes de prise en charge qui ne correspondent pas aux spécialités de l'INI, ou concernent des patients trop lourds pour une prise en charge en toute sécurité à l'INI.
Il ajoute que les autres motifs de refus concernent l'absence de place disponible.
Années |
Demandes |
Accord |
% |
Refus |
% |
|
Service de Médecine Physique et de Réadaptation |
2014 |
837 |
93 |
11,11 % |
744 |
88,89 % |
2013 |
549 |
180 |
32,79 % |
369 |
67,21 % |
|
2012 |
593 |
190 |
32,04 % |
403 |
67,96 % |
|
2011 |
704 |
187 |
26,56 % |
517 |
73,44 % |
|
2010 |
767 |
197 |
25,68 % |
570 |
74,32 % |
Ces données semblent quelque peu paradoxales dans la mesure où l'évaluation du dernier contrat d'objectifs et de performance avait pu souligner que les objectifs d'activité fixés à la médecine physique et de réadaptation et à l'hôpital de jour n'avaient pas été atteints.
Des raisons économiques semblent pouvoir jouer dans la sélection des patients dans la mesure où les évolutions de la DAF qui couvre certains coûts de l'activité de santé de l'INI ne permettraient pas de financer les coûts auxquels l'établissement se trouve exposé dans l'accueil de sa patientèle civile.
Votre rapporteur spécial verrait dans ce biais de sélection, s'il devait être vérifié, une raison de plus pour normaliser les contributions des différents cofinanceurs de l'INI.
b) Fidéliser les personnels et l'ensemble des parties prenantes
D'un point de vue qualitatif, l'INI semble exposée à un problème de fidélisation de son personnel, la pyramide des âges faisant ressortir une concentration à la base et au sommet mais une sorte d'attrition des catégories en milieu de carrière. L'INI est attractive pour les jeunes agents mais, apparemment, moins pour les agents confirmés. Le taux de rotation des effectifs, qui obéit à une série de déterminants, dont certains sont mécaniques, est important et semble illustrer, en partie, cette situation.
Il convient de veiller à ce que l'attractivité de l'INI se prolonge dans le temps afin que des personnels confirmés puissent continuer à servir en son sein. Ceci suppose sans doute certaines réflexions sur le déroulement des carrières. À titre d'exemple, la mobilité interne pourrait sans doute progresser tandis que la titularisation dans un contexte de large recours aux contractuels (plus de 20 % des effectifs) pourrait entrer dans un projet de motivation et de fidélisation des personnels.
À cet égard, il est possible que le rapprochement de l'INI avec son environnement permette des ouvertures pour les agents.
Quant à l'absentéisme, votre rapporteur spécial note qu'avec un taux de 8 %, il ressort comme nettement moins élevé que dans les hôpitaux en général où il atteindrait 14 %. Il est en partie composé par des congés de maternité, paternité et adoption (9,2 % des absences en 2014). Cependant, il est équivalent à 34,9 agents à temps plein (8 % des effectifs) et appelle une vigilance certaine, représentant 16,5 jours d'absence par agent.
Les bénévoles sont une composante importante de l'animation nécessaire dans un établissement comme l'INI. Il est souhaitable que leur reconnaissance continue d'être pleinement consacrée par la direction de l'établissement.
c) Optimiser certaines activités
La valorisation des activités du CERAH, en particulier, de celles consacrées à la recherche, a connu quelques développements intéressants au cours de ces dernières années. Le transfert d'une partie des activités du centre dans les nouveaux locaux pourrait favoriser la poursuite de cette tendance. Par ailleurs, comme acteur de la recherche sur les appareillages le CERAH pourrait sans doute s'appliquer à davantage valoriser les fruits de cette recherche. Celle-ci n'est actuellement pas brevetée et les conventions passées entre le CERAH et des fournisseurs industriels sont essentiellement des contrats où le centre se présente en client. Il faut envisager des relations plus diversifiées, le savoir-faire du centre méritant d'être valorisé.
La réinsertion professionnelle des pensionnaires a longtemps été une préoccupation seconde de l'INI, situation normale compte tenu des caractéristiques de cette population. Dans la mesure où l'établissement renouvellerait ses usagers en accueillant des personnes plus jeunes, comme c'est actuellement le cas, il conviendra de poursuivre les initiatives pour les accompagner dans la réinsertion professionnelle, et, plus largement, sociale.
Enfin, l'INI, lieu d'accueil et de soins est également un lieu de mémoire, trop peu connu dans ses activités d'hébergement et de santé. Dans toute la mesure des volontés et des possibilités des pensionnaires, il est souhaitable que cette mémoire se transmette pleinement.
* 7 Infirmiers diplômés d'État.
* 8 Aides-soignants.