EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 19 octobre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur les banques spécialistes en valeur du Trésor .
La commission a donné acte de sa communication à M. Serge Dassault, rapporteur spécial et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Banque de France
- M. Denis BEAU, directeur général des opérations de la Banque de France ;
- Mme Véronique BENSAID-COHEN, conseillère parlementaire.
Agence France Trésor
- M. Anthony REQUIN, directeur général ;
- M. Hugues MAIGNAN, directeur des opérations.
Crédit suisse
- M. Bruno ANGLES, président Crédit suisse France et Belgique ;
- M. Éric ELBAZ, Head Western Europe solutions .
BNP Paribas
- M. Benito BABINI, responsable de l'activité de spécialiste en valeur du Trésor.
Société générale
- M. Michel BINE, responsable mondial des activités de trading sur le fixed income .
ANNEXE : COMPARAISONS INTERNATIONALES
1. Un modèle répandu
Les États-Unis ont été premier pays à mettre en place un réseau de SVT (les primary dealers ) pour appuyer la politique d'émission de la dette publique en 1960. La Federal Reserve Bank (« Fed ») de New York avait mis en place un groupe comportant dix-huit établissements.
Le modèle s'est ensuite exporté dans les autres pays industrialisés à partir du milieu des années 1980, puis dans les pays émergents à partir des années 1990.
Cette évolution connaît néanmoins des exceptions : au sein de l'Union européenne, l'Allemagne n'est par exemple pas formellement dotée d'un système de primary dealers . Un groupe d'établissements (trente-sept à la fin de l'année 2015) fait partie de la Bietergruppe Bundesemissionen . La liste des banques y appartenant est établie par l'agence financière allemande, placée sous l'autorité du Gouvernement. Seuls les membres de ce groupe peuvent participer directement aux adjudications. Le marché fonctionnant bien même sans ce statut d'établissements spécialistes, il n'est pas apparu nécessaire de mettre en place un régime de primary dealers .
2. La sélection
Les procédures de nomination des membres du réseau SVT varient selon les pays . La sélection peut relever de l'agence chargée de gérer la dette publique ou du ministère des finances, de la banque centrale ou encore du ministère des finances et de la banque centrale. En principe, plusieurs types d'établissement sont éligibles au statut de primary dealer . Toutefois, dans les marchés des pays développés, les établissements sélectionnés pour faire partie du réseau de SVT sont quasi-exclusivement des banques.
Dans la plupart des pays, la sélection des membres du réseau de primary dealers se fait par l'agence de gestion de la dette publique ou par le ministère des finances. En pratique, on peut considérer que les deux cas de figure ne présentent pas de différence majeure, puisque l'agence est placée sous l'autorité du ministère. Ce mode de sélection est par exemple en vigueur en France et en Belgique.
Les États-Unis laissent à leur banque centrale le soin de sélectionner les établissements membres du groupe de SVT. Depuis les années 1960, la Fed établit la liste des établissements spécialistes.
3. Les statuts différenciés de primary dealers
Tous les pays européens n'ont pas nécessairement fait le choix d'un statut unique du primary dealer . Certains ont en effet prévu, à côté du modèle classique de contrepartie, un second statut pour des établissements ayant une mission plus spécifique.
En Belgique, l'agence de la dette belge établit également une liste de recognised dealers (huit établissements au quatrième trimestre 2015). Ces établissements ont des droits et obligations plus souples que les primary dealers (au nombre de quatorze au quatrième trimestre 2015). Ce second groupe est établi pour servir les mêmes objectifs stratégiques que les primary dealers , avec la spécificité de promouvoir les titres de dette belge auprès de certains marchés ou dans certaines zones géographiques.
Aux Pays-Bas, l'agence du Trésor d'État néerlandaise nomme, en plus des primary dealers , une liste de single market specialists . Ces derniers ont en charge le marché des titres de court-terme.
Au Danemark, l'agence de gestion de la dette passe deux types de contrats avec les établissements primary dealers . Certains établissements sont chargés du marché des obligations d'État, quand d'autres sont primary dealers pour les bons du Trésor danois. En pratique, ce sont actuellement cinq banques qui disposent de ce second statut, en plus du premier. Une distinction similaire est en vigueur au Royaume-Uni entre les Gilt-Edged Market Makers (GEMMs) et les Treasury Bill Primary Participants .
En Suède, ce sont trois types de primary dealers différents qui peuvent être reconnus par l'agence de gestion de la dette : ceux spécialisés dans les obligations nominales, les obligations liées à l'inflation ou les bons du Trésor suédois.
4. Adjudications et privilèges des primary dealers
La plupart des pays ont adopté un système d'adjudications fermées réservées aux établissements primary dealers . Ce privilège semble constituer la principale caractéristique commune de ces établissements spécialistes. Toutefois, selon les pays, les modalités précises de mise en oeuvre ce privilège ne sont pas les mêmes. À titre d'exemple, l'Espagne accorde une demi-heure supplémentaire aux établissements agréés pour soumettre leurs offres. La Suède accorde quant à elle un accès exclusif au marché primaire pour les primary dealers .
Les États-Unis ont récemment décidé d'ouvrir les adjudications à des institutions financières non SVT ( direct bidding ), mettant ainsi un terme au monopole de participation de leurs SVT à leurs adjudications.
5. Évaluation des primary dealers
Une fois les établissements admis à figurer dans la liste de primary dealers , leur performance fait l'objet d'une évaluation visant à déterminer s'ils peuvent continuer à y figurer lors de la prochaine sélection . Cette évaluation est généralement conduite par le ministère des finances ou l'agence chargé de la gestion de la dette d'État.
Cette évaluation est basée sur des critères quantitatifs et qualitatifs . Ainsi, la performance d'un établissement peut se mesurer à la fois par le nombre d'offres qu'il effectue à l'occasion d'une adjudication ainsi que par la qualité du conseil qu'il prodigue à l'agence de gestion de la dette. Les différents critères sont en outre pondérés en fonction de leur importance du point de vue d'émetteur.
Tous les pays de l'Union européenne ne suivent pas la même politique en matière de publication des évaluations relatives à la performance des primary dealers . Certains pays font le choix de ne pas le rendre public : la Belgique, la Finlande, l'Irlande, la Suède, le Royaume-Uni. D'autres pays publient un classement des primary dealers selon leur performance : l'Autriche, la France, la Grèce, l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne. Le classement n'est, en règle générale, que partiel. Seuls les noms des établissements les plus performants sont publiés, de manière à ne pas nuire à la réputation des autres établissements.
En outre, toutes les agences de gestion de la dette ne publient pas nécessairement la méthode et les critères d'évaluation . Une transparence complète sur les critères d'évaluation peut en effet avoir le désavantage de donner la possibilité aux établissements d'utiliser des biais statistiques pour améliorer leur performance . La France, la Grèce, l'Italie et le Portugal se distinguent quant à eux par la précision des informations disponibles relatives aux méthodes d'évaluation utilisées.