B. LA TAXE D'AÉROPORT PÈSE SUR LA COMPÉTITIVITÉ DES AÉROPORTS ET DES COMPAGNIES FRANÇAISES, CAR ELLE EST NETTEMENT PLUS CHÈRE QUE LES REDEVANCES PRÉLEVÉES DANS LES AUTRES PAYS EUROPÉENS
En comparant le montant des redevances et taxes de sûreté de 58 aéroports européens importants à la partie de la taxe d'aéroport 2013 des aéroports français accueillant plus de un million de passagers par an, le CGEDD a démontré que nos aéroports étaient en moyenne 35 % plus chers pour les compagnies aériennes que les autres aéroports européens , ce qui pénalise naturellement les compagnies basées en France, et en premier lieu Air France.
Les aéroports français sont ainsi 25 % plus chers en moyenne que les aéroports allemands , 60 % plus chers que les aéroports britanniques (en excluant le cas particulier de Londres), 75 % au-dessus des aéroports suédois et 21 % au-dessus des autres pays européens hors Espagne et Italie 41 ( * ) .
Les aéroports parisiens sont en moyenne 43 % plus chers que leurs concurrents européens et les aéroports régionaux ont un écart de tarif moyen de 21 % avec ceux des aéroports régionaux européens .
Selon le CGEDD, cet écart de tarif s'explique en partie, pour les principaux aéroports français, par la majoration de 1,25 euro destinée à la péréquation qui bénéficie surtout aux aéroports d'outre-mer et aux aéroports qui accueillent moins de un million de passagers par an.
En l'absence de cette péréquation , l'écart de tarif des aéroports de province français ne serait plus que de 10 % en moyenne avec leurs homologues européens . Le surcoût des aéroports parisiens demeurerait néanmoins élevé , puisqu'il serait de 33 % par rapport aux autres grands aéroports européens .
On peut en conclure que la péréquation explique environ 50 % des écarts de tarifs des aéroports de province avec les aéroports régionaux européens mais seulement 23 % des écarts de tarifs des aéroports parisiens avec les grands aéroports internationaux européens .
C. UN SYSTÈME TROP PEU VERTUEUX, QUI DOIT FAIRE L'OBJET DE CONTRÔLES D'EFFICIENCE BEAUCOUP PLUS EXIGEANTS, RENDUS POSSIBLES PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2016
Dans le prolongement des recommandations du rapport du groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien français 42 ( * ) de novembre 2014, le renforcement du contrôle des dépenses de sûreté constitue un axe prioritaire en vue d'un retour à l'équilibre du dispositif de financement par la taxe d'aéroport des missions de sûreté et de sécurité des aéroports.
Le constat sévère du CGEDD selon lequel « l'utilisation d'une taxe représentant des dépenses annuelles de plus de 900 millions d'euros n'est pas contrôlée par les compagnies aériennes , et ne l'est que partiellement par la DGAC » n'est en effet plus tenable.
Ce contrôle implique d'abord de ne financer que des dispositifs qui relèvent de la sûreté aéroportuaire au sens strict .
Ainsi, votre rapporteur spécial considère que le système de sas PARAFE mis en place par Aéroports de Paris, s'il permet de fluidifier le passage aux frontières et de limiter la formation de files d'attente , reste avant tout un outil d'attractivité et non de sûreté pour les aéroports franciliens.
Pour mémoire, la taxe d'aéroport 43 ( * ) a financé, sur la période 2009-2014, environ 45 % du coût total d'installation de 27 sas PARAFE sur les plates-formes d'Aéroports de Paris (ADP) , ce qui représente une somme de 10,6 millions d'euros . En complément, l'État a pour sa part directement financé 44 % de ce coût, soit 10,4 millions d'euros , via le budget du ministère de l'intérieur. Enfin, ADP a complété ce financement à hauteur de 2,1 millions d'euros (soit 9 % du coût total).
Par la suite, 10 sas supplémentaires ont été financés grâce à 2,6 millions d'euros provenant de la taxe d'aéroport (soit 80 % du coût de cette « deuxième tranche ») et 600 000 euros provenant d'ADP (soit 20 % du coût).
Le système de passage automatisé rapide des frontières extérieures (PARAFE) Le système de passage automatisé rapide des frontières extérieures (PARAFE) permet, lors de déplacements en avion, de passer la frontière en quelques secondes (une vingtaine), en empruntant un sas automatique qui identifie le passager grâce à son empreinte digitale . Les voyageurs évitent ainsi les files d'attente liées au contrôle manuel des passeports. Les titulaires d'un passeport biométrique français peuvent emprunter les sas sans inscription préalable. Pour bénéficier de PARAFE, les autres voyageurs doivent s'inscrire dans un salon situé dans l'un des terminaux des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle, Orly ou Marseille-Provence. Un policier y relève les empreintes digitales du passager, puis les intègre dans la base de données PARAFE. Cette inscription permet ensuite de s'assurer, grâce à un contrôle optique de l'empreinte digitale, que la personne qui franchit la frontière est bien titulaire du passeport présenté. Pour profiter du dispositif, il faut être citoyen majeur de l'Union européenne, de l'espace économique européen ou de la Confédération suisse, voire ressortissant majeur des autres États, résidant d'un État membre de l'Union européenne et titulaire d'une carte de séjour européenne portant la mention : « membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ». Il faut également disposer d'un passeport en cours de validité doté d'une bande de lecture optique. Les données personnelles des personnes volontairement inscrites sont conservées cinq ans. Elles peuvent à tout moment être modifiées ou supprimées à la demande du passager, notamment lorsque ce dernier souhaite renoncer au bénéfice du dispositif. Au 30 août 2015, 5 423 793 passagers avaient utilisé le service PARAFE à Roissy-Charles-de-Gaulle ou à Orly depuis son ouverture fin novembre 2009. Source : site internet parafe.gouv.fr |
Surtout, les récents rapports des missions d'inspection concernant le financement de des missions de sûreté et de sécurité des aéroports concluent à la nécessité de mieux maîtriser les dépenses qu'elles entraînent et d'en améliorer l'efficience .
Jusqu'en 2015, les contrôles sur pièces et sur place de ces dépenses ne portaient que sur la stricte imputabilité à la taxe d'aéroport , conformément à l'article 1609 quatervicies du code général des impôts, qui prévoyait que « les données [relatives au besoin de financement, aux prestations assurées, aux coûts et aux autres produits des aérodromes] peuvent faire l'objet de contrôles sur l'année en cours et les deux années antérieures , diligentés par les services de la direction générale de l'aviation civile ».
Dans sa version résultant de l'article 103 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, cet article prévoit désormais que « ces contrôles peuvent également porter sur l'adéquation des moyens mis en oeuvre par l'exploitant de l'aérodrome ou du groupement d'aérodrome concerné avec la réglementation en matière de sécurité et de sûreté aéroportuaires , ainsi qu'au regard des bonnes pratiques et des usages communément admis par la profession ».
Ces contrôles devraient, selon la DGAC, participer au retour à l'équilibre du dispositif de financement des missions de sûreté et de sécurité des aérodromes.
La nouvelle rédaction de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts offre en effet la possibilité à la DGAC d'effectuer des contrôles organisationnels portant sur l'adéquation des moyens mis en oeuvre par l'exploitant aéroportuaire avec le respect , au moindre coût, de la réglementation , et de pouvoir en tirer les conséquences en termes de financement par la taxe d'aéroport , y compris sous la forme d'un moindre remboursement .
En effet, afin que les leçons des éventuels dysfonctionnements constatés lors de ces contrôles puissent être tirées , il dispose également que « lorsque le contrôle met en évidence des économies de gestion de nature à diminuer le coût des missions de sécurité et de sûreté , l'exploitant d'aérodrome est tenu de soumettre au ministre chargé de l'aviation civile un plan d'actions correctrices dans un délai de trois mois .
« En l'absence de mesures ou en cas d'insuffisance avérée de celles-ci, la déclaration des coûts éligibles , pour l'année en cours, est retenue à hauteur des montants correspondant aux bonnes pratiques précitées . Pour les années antérieures soumises au contrôle, les déclarations de coûts éligibles sont rectifiées à hauteur des montants correspondant aux bonnes pratiques précitées. Elles donnent lieu à l'émission d'un titre exécutoire, à concurrence du surcoût. »
Afin d'aider les gestionnaires d'aéroports à améliorer leur efficience, la DGAC a élaboré un guide de bonnes pratiques avec l'union des aéroports français (UAF).
Ce guide s'adresse plus particulièrement aux aéroports de classes 3 et aux aéroports non assujettis à la taxe d'aéroport, sur lesquels sont observés des écarts de coûts significatifs entre aéroports au trafic comparable . L'objectif consiste à homogénéiser autant que possible les pratiques tant en termes d'organisation que de moyens .
À terme, selon la DGAC, il est prévu :
- d'utiliser les considérations générales du guide comme circulaire fiscale et de compléter l'arrêté du 30 décembre 2009 relatif aux modalités de déclaration des exploitants d'aérodromes pour l'établissement du tarif passager de la taxe d'aéroport, avec certaines dispositions opposables aux exploitants d'aérodromes ;
- d'organiser , sur cette base, des contrôles organisationnels sur l'adéquation avec la réglementation des moyens mis en oeuvre par l'exploitant aéroportuaire .
Enfin, votre rapporteur spécial estime que les compagnies aériennes , sur qui pèse directement la taxe d'aéroport, doivent avoir leur mot à dire sur son tarif et sur son utilisation , ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, comme le rappelle le CGEDD dans son rapport : « les compagnies , même si elles sont informées des évolutions prévisibles de cette taxe sur certains aéroports, ne discutent pas réellement avec les gestionnaires d'aéroports des choix d'investissement et d'exploitation qui sont à l'origine des coûts de sûreté aéroportuaire comme ils le font pour les redevances aéroportuaires ».
Cette consultation des compagnies aériennes pourrait avoir lieu chaque année à l'occasion de la réunion de la commission consultative économique aéroportuaire (cocoéco) , présidée par une personnalité désignée par le préfet, au cours de laquelle elles examinent par ailleurs le niveau des redevances aéroportuaires.
Recommandation n° 14 : Assurer un meilleur contrôle de l'utilisation par les aéroports de la taxe d'aéroport , en vérifiant l'efficience de leurs dépenses de sûreté au-delà de leur simple éligibilité. |
* 41 Les aéroports italiens et espagnols ont des tarifs très bas mais il est possible qu'ils bénéficient de subventions ou de prestations de leurs États pour des montants financiers que le CGEDD n'a pas été en mesure de déterminer.
* 42 Rapport du groupe de travail compétitivité du transport aérien français, présidé par Bruno Le Roux (Seine-Saint-Denis, président du groupe SRC), Assemblée nationale, 3 novembre 2014.
* 43 L'article 1609 quatervicies du code général des impôts prévoit en effet que le produit de la taxe « contribue, dans une proportion fixée annuellement par arrêté, au financement des matériels de contrôle automatisé aux frontières par identification biométrique installés dans les aéroports ».