II. DEUXIÈME ÉTAPE DU CYCLE DE VIE DES TÉLÉPHONES PORTABLES : MISE SUR LE MARCHÉ, UTILISATION ET COLLECTE
A. UN MARCHÉ MOBILE RYTHMÉ PAR DES ÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES TRÈS FRÉQUENTES
Le téléphone portable concentre les innovations. Il est également au coeur des technologies de l'information et de la communication. Produit mondialisé, il incarne dans une certaine mesure la société de consommation au début du XXI e siècle . « Objet-symbole », « miroir de soi », « indispensable compagnon de route » ou « instrument d'aliénation », l'importance sociale du téléphone portable n'a cessé de croître 34 ( * ) . Regardé en moyenne 150 fois par jour et par utilisateur selon une étude menée par Nokia, ce produit est désormais omniprésent dans la vie quotidienne des particuliers dans les pays développés.
Élémentairement, un téléphone portable est un appareil électronique capable de recevoir et d'émettre des données transmises à distance par l'intermédiaire d'ondes sur certaines fréquences du spectre radioélectrique. Préalablement à la vente de terminaux, le développement de la téléphonie mobile a nécessité l'identification de normes communes de transmission, l'utilisation de bandes de fréquences spécifiques, et la mise en place progressive d'un réseau de sites d'émission sur l'ensemble du territoire national.
Chaque nouvelle génération de réseau, associée à des capacités accrues de transmission de données, s'accompagne d'un renouvellement global des normes, fréquences, équipements et terminaux.
1. Un moyen de communication utilisé par les Français depuis 25 ans
La téléphonie mobile s'est démocratisée dans notre pays au cours des années 1990. Le réseau de deuxième génération , dit 2G, utilisant la norme GSM, a été déployé en France à partir de 1991, lors de la délivrance des premières autorisations d'utilisation de fréquences, également appelées « licences mobiles ». L'évolution des normes, GPRS puis EDGE, a permis de diversifier les services proposés par le réseau mobile : appels, messages courts (SMS), multimédia. Le débit de données disponible sur le réseau 2G est compris entre quelques dizaines et quelques centaines de kilobits par seconde pour les dernières technologies.
La mise en place d'un réseau de troisième génération , ou 3G, a permis de proposer un accès haut débit à l'internet mobile, utilisant la norme UMTS. L'exploitation de la 3G a commencé lors de l'attribution de fréquences dédiées à partir de 2001. Après avoir évolué vers la « 3G+ », avec la norme HSPA, ce réseau offre un débit pouvant dépasser 10 mégabits par seconde.
Le déploiement d'un réseau de quatrième génération constitue une nouvelle étape, permettant un accès au très haut débit mobile. Avec la mise en oeuvre de nouvelles technologies, comme la LTE, le débit proposé peut dépasser plusieurs dizaines de mégabits par seconde. Des autorisations ont été attribuées fin 2011 et fin 2015 pour l'utilisation de bandes de fréquences libérées par le passage à la télévision numérique terrestre, afin de déployer un réseau 4G. Une réorganisation du spectre radio, appelée refarming , permet par ailleurs aux opérateurs mobiles d'utiliser des autorisations antérieurement attribuées, pour des réseaux de générations plus récentes.
D'ici quelques années, les zones urbaines bénéficieront d'un réseau de cinquième génération . La 5G devrait faire l'objet d'un déploiement industriel à l'horizon 2020, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ayant autorisé l'opérateur Orange à mener des expérimentations jusqu'à la fin de l'année 2016 pour tester l'utilisation de fréquences hautes dites millimétriques, comprises entre 6 GHz et 100 GHz 35 ( * ) .
La succession de ces différentes générations de réseaux alimente un renouvellement des téléphones portables , généralement indispensable pour bénéficier des débits proposés par le dernier réseau .
2. Un produit omniprésent dans les foyers français et constamment renouvelé
L'extension de la couverture par les réseaux de 3G et 4G conduit sans surprise à une augmentation massive des clients actifs sur ces réseaux, compte tenu des avantages associés à leur réception : au premier trimestre 2016, le nombre de clients utilisant le réseau 4G s'élevait à 24,5 millions (+85 % en un an), et le nombre de clients utilisant le réseau 3G était de 49,7 millions (+12 % en un an).
Source : ARCEP, observatoire des services de communications électroniques, 1 er trimestre 2016.
Les dernières évolutions de la téléphonie mobile sont associées à une augmentation considérable de la consommation de données (+73,1 % en un an). Par carte SIM, le trafic moyen échangé est passé de 63 mégaoctets début 2011 à 954 mégaoctets début 2016.
La diminution du nombre de téléphones portables basiques et leur remplacement par des smartphones accompagne ces changements de réseaux . Par ailleurs, la diversification des usages sur téléphone est concomitante à la progression des réseaux : appel, envoi de messages courts, consultation de courriels, navigation sur internet, téléchargement d'applications, jeux vidéo, visionnage de photos et de vidéos, géolocalisation.
L'ARCEP évalue le parc total à 71,973 millions de cartes SIM en juin 2016, avec une croissance annuelle nette de 1,7 %. Si le parc continue de progresser légèrement, il semble stabilisé, avec un taux d'équipement de 108,8 %. Une relative saturation du marché apparaît depuis quelques années. Selon une étude menée en 2016 par les éco-organismes de la filière DEEE ménagers, 92 % des foyers français ont au moins un téléphone portable et un foyer possède en moyenne 2,4 appareils.
Source : ARCEP, observatoire des services de communications électroniques, 2 e trimestre 2016.
En 2015, 24,6 millions de téléphones portables ont été vendus en France , ce volume étant relativement stable depuis 2012. Ce marché est évalué à 6,5 milliards d'euros, en croissance de 16 % par rapport à 2014. Concernant les modèles vendus, le marché européen des smartphones est dominé par une demi-douzaine de fabricants : Samsung, Apple, Nokia-Microsoft, Sony, LG.
Rapportées aux 72 millions de lignes mobiles recensées par l'ARCEP, les ventes annuelles de téléphones portables suggèrent un renouvellement tous les trois ans en moyenne. Les informations transmises par les opérateurs font état d'une fréquence moyenne passée de 18 à 24 mois, en augmentation compte tenu des changements observés dans les modes de distribution des services et des téléphones. Une synthèse des éléments recueillis par votre mission conduit ainsi à situer la fréquence de renouvellement entre 24 et 36 mois.
Concomitamment au développement de nouvelles fonctionnalités proposées par les modèles successifs de téléphones, la progression de la couverture en 4G et la perspective d'un déploiement de la 5G à partir de 2020 devraient continuer à alimenter ce renouvellement.
3. La diffusion massive des smartphones
Schématiquement, un smartphone , également appelé ordiphone, est un appareil électronique au fonctionnement très proche d'un ordinateur , doté d'un système d'exploitation permettant d'exécuter des applications similaires à des logiciels. Capables de recevoir et d'émettre un volume massif de données pour permettre un accès rapide à l'internet mobile, les smartphones comportent par défaut plusieurs éléments récurrents, tels un appareil photo/caméra haute résolution, un écran de grande taille et une interface tactile.
L'importance des smartphones n'a cessé de croître sur la période récente , cette catégorie étant passée de 58 % des téléphones vendus en 2012 à 84 % en 2015, selon l'institut d'études GfK, concomitamment à l'érosion de la part des featurephones 36 ( * ) . La généralisation du recours à l'internet mobile et l'intensification des besoins en données s'accompagnent d'un remplacement progressif du parc de terminaux, en cours d'achèvement grâce à la diversification des gammes de smartphones et au développement du marché de l'occasion. Cette trajectoire s'observe très nettement au niveau mondial.
La diversification des usages et l'évolution technique des smartphones , mises en valeur par les campagnes publicitaires agressives des fabricants et des distributeurs, entretiennent le renouvellement des appareils : écran de meilleure qualité, appareil photo de plus haute résolution, espace de stockage accru, puissance supérieure. Certaines décisions d'achat sont par ailleurs motivées par l'engouement suscité par des phénomènes de mode , indépendamment de la vétusté réelle du téléphone possédé.
MARCHÉ FRANÇAIS DES TÉLÉPHONES PORTABLES (EN MILLIONS D'UNITÉS)
Source : Gfk, 2016
MARCHÉ MONDIAL DES TÉLÉPHONES PORTABLES (EN MILLIONS D'UNITÉS)
Source : Umicore, données Gartner
Comme mentionné précédemment, le développement des smartphones a des conséquences sur les matériaux utilisés et leur proportion. Il modifie également le cycle de vie des téléphones , en favorisant l'émergence d'un marché du réemploi, dès lors que ces appareils conservent de la valeur pendant une plus longue durée, ce qui retarde mécaniquement leur arrivée massive comme déchets dans la filière de recyclage. La catégorie des téléphones portables regroupe désormais des produits de valeur très hétérogène. En 2016, votre mission a pu constater lors des différentes auditions que les smartphones restent généralement absents des flux collectés dans le cadre des DEEE.
4. L'évolution des modes de distribution a des conséquences sur la durée de vie et la collecte des téléphones portables
Le marché mobile s'est historiquement développé par des offres d'abonnement avec engagement , permettant à l'utilisateur de bénéficier d'un service mobile et d'acquérir un téléphone à moindre coût, dit « subventionné », en contrepartie d'un engagement de sa part à ne pas rompre le contrat passé avec l'opérateur sur une durée minimum.
Depuis quelques années, le marché a évolué, d'une part vers la souscription d'offres dites SIM only , limitées à l'acquisition d'une carte SIM associée à la fourniture de différents services (voix, SMS/MMS, data), d'autre part vers la vente de téléphones nus . L'opérateur Free Mobile, dernier entrant sur le marché, a concentré sa stratégie sur la fourniture de services, sans proposer la vente « subventionnée » de terminaux. Ce positionnement a profondément modifié l'ensemble du marché, dès lors que les offres incluant un téléphone « subventionné » sont passées de plus de 90 % du marché en 2011 à environ 35 % en 2016. Désormais, le service et le téléphone sont davantage séparés l'un de l'autre.
Une telle évolution s'accompagne d' un recul du nombre d'utilisateurs engagés auprès d'un opérateur . L'ARCEP estime au deuxième trimestre 2016 que 67,4 % des clients possédant un forfait sont libres d'engagement. Le législateur a accompagné cette évolution dès 2008, pour protéger les consommateurs et éviter certains abus de la part des opérateurs, par un encadrement de la durée des engagements proposés et une facilitation du désengagement 37 ( * ) . Le graphique suivant présente cette augmentation du parc post-payé résidentiel 38 ( * ) libre d'engagement.
Source : ARCEP, observatoire des services de communications électroniques, 2 e trimestre 2016.
Ces nouvelles conditions de fourniture des services peuvent avoir un effet sur l'achat de téléphones, neufs ou d'occasion, et sur le cycle de vie des produits. L'acquisition d'un téléphone seul, compte tenu de son coût, peut conduire l'utilisateur à modérer sa « consommation » de terminaux, en conservant son appareil plus longtemps ou en souhaitant le valoriser en seconde main, plutôt que de le jeter ou de le mettre de côté sans l'utiliser. Plusieurs opérateurs confirment cette analyse. Le recul du nombre d'engagements et la baisse de leur durée sont susceptibles de favoriser la circulation et le réemploi des téléphones portables .
Les canaux de distribution évoluent également . Alors qu'ils cumulaient 92 % des ventes en 2011, les opérateurs de téléphonie mobile représentent moins de la moitié des distributeurs, avec 46 % des téléphones vendus début 2016, contre 54 % par les grandes surfaces spécialisées ou généralistes et la vente à distance, selon GfK. Le recul des parts détenues par les opérateurs sur le marché des téléphones mobiles s'explique notamment par le développement des offres SIM only , centrées sur la fourniture de services mobiles, tandis que l'acquisition du terminal peut être réalisée auprès d'un distributeur distinct de l'opérateur.
Cette évolution implique une adaptation des conditions d'information des utilisateurs et de collecte des équipements usagés . En particulier, la croissance de la vente de téléphones portables neufs sur des sites internet nécessite une application systématique des obligations de reprise, incombant à tout distributeur. Or, la mise en oeuvre de ces dispositifs apparaît lacunaire pour de nombreux sites en ligne ( cf.infra ). La part significative de grandes surfaces parmi les distributeurs suppose également une application rigoureuse de l'obligation de reprise « 1 pour 0 ». À défaut, la collecte des téléphones portables usagés risque de peu progresser, voire de décroître.
* 34 « La place du téléphone mobile dans la société, des discours aux pratiques », étude de l'Association française des opérateurs mobiles (AFOM), 2004.
* 35 Décision de l'ARCEP n° 2015-1117 du 22 septembre 2015 attribuant une autorisation d'utilisation de fréquences à la société Orange pour une expérimentation technique à Belfort.
* 36 Un téléphone portable simple ou basique, également appelé featurephone, correspond aux terminaux majoritairement possédés jusqu'au milieu des années 2000 et dont les fonctionnalités se limitent généralement aux appels téléphoniques, à l'envoi et à la réception de messages courts et à la gestion d'un répertoire. Leurs équipements sont moins évolués : clavier mécanique, écran de taille réduite, absence d'appareil photo ou de caméra.
* 37 Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
* 38 Le parc post-payé correspond aux cartes SIM associées à un abonnement mensuel, par distinction avec le parc de cartes SIM prépayées.