B. LES MOYENS D'ORES ET DÉJÀ DÉGAGÉS
En vue concrétiser les objectifs retenus par le Gouvernement en faveur du renforcement de la réserve militaire - le plan « Réserve 2019 » -, des moyens tant budgétaires que matériels ont été mis en place.
1. Les moyens financiers
La réserve militaire, de sa réorganisation par la loi du 22 octobre 1999 jusqu'à la LPM pour les années 2014 à 2019, a constamment vécu au rythme des coupes budgétaires : sur la période, à peu près aucune annuité prévisionnelle n'a été respectée. Les enveloppes financières qui se trouvaient prévues au titre de la réserve dans la programmation militaire puis, chaque année, dans la loi de finances, ont en effet très couramment été sollicitées afin de servir de variable d'ajustement du budget de la défense -lequel, il est vrai, devait dans le même temps supporter les charges d'importantes restructurations. La pratique a régulièrement permis au ministère de couvrir les déficits de masse salariale (titre 2) liés au fonctionnement de l'armée active, l'essentiel des crédits de la réserve tenant en effet au financement de la rémunération des réservistes qui exercent des périodes d'activité, ainsi qu'aux charges sociales afférentes. Nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam, dans leur rapport précité de 2010 77 ( * ) , avaient d'ailleurs établi l'écart croissant qui, d'année en année, séparait le budget planifié en LPM du budget effectivement inscrit, après une amputation sensible par rapport à la programmation, en loi de finances initiale.
Logiquement, l'activité de la réserve, pendant une quinzaine d'années, s'est vue traitée à l'image de son budget, c'est-à-dire « par solde » : elle était au niveau de ce qui restait possible, après les régulations dont elle faisait les frais, et non ce qu'il avait été programmé qu'elle fût, en fonction d'un budget a priori donné. Une large part des médiocres résultats enregistrés par le passé 78 ( * ) ne s'explique pas autrement. Un budget d'un million d'euros représente environ 10 000 jours d'activité de la réserve opérationnelle, soit dix jours d'activité pour 1 000 réservistes ; l'annulation d'un million d'euros emporte, en la matière, des effets automatiques.
Ainsi, par rapport aux prévisions de la LPM pour les années 2009 à 2014, les budgets réels de cette période ont été abattus de 30 %, contraignant les gestionnaires de la réserve à chercher un équilibre délicat entre le recrutement de volontaires sous ESR et l'employabilité de ces derniers. Le résultat de cette situation consistait, avant les mesures ci-dessus rappelées qui ont été décidées en 2015, dans un effectif de la RO1 des armées limité (DGA incluse) à 27 680 réservistes à la fin de l'année 2013 et 27 785 réservistes à la fin 2014, pour une durée moyenne d'activité par individu s'établissant à 24,18 jours en 2013 et 24,07 jours en 2014.
Rompant objectivement avec ce passé, la loi du 28 juillet 2015 , précitée, actualisant la programmation militaire en fixant l'objectif d'accroître le nombre de réservistes opérationnels jusqu'à 40 000 et d'augmenter leur durée d'emploi à hauteur de 30 jours par individu, a rehaussé le budget de la réserve des armées de 75 millions d'euros supplémentaires sur la période 2016-2019 . La prévision de besoins pour cette période s'élève même, aujourd'hui, à 101 millions d'euros selon la version actualisée du référentiel (VAR).
Cette inflexion budgétaire, concrétisée en loi de finances, a donné lieu à de premiers résultats positifs en 2015 - année pour laquelle l'enveloppe financière dédiée à la réserve de la défense (rémunération des réservistes et charges sociales associées), se montait à 82,01 millions d'euros, le budget alloué à la réserve militaire dans son ensemble s'élevant alors à 127,31 millions d'euros, gendarmerie incluse (45,3 millions d'euros). Certes, les effectifs de la RO1 des armées, en atteignant le nombre de 28 100 volontaires sous ESR (DGA incluse), n'a augmenté que de 0,8 % par rapport à 2014. En revanche, l'activité de cette réserve a progressé, l'année dernière, de 15,9 %, le nombre moyen de jours d'activité s'établissant à 27,9 jours. Ces résultats, du reste, illustrent bien le fait que, comme l'ont plus haut souligné vos rapporteurs, le taux d'emploi global de la réserve est beaucoup plus directement corrélé aux disponibilités financières que le volume des effectifs de volontaires pour souscrire un ESR.
Le budget de la réserve militaire en 2015
(crédits de titre 2, en millions d'euros)
Source : Conseil supérieur de la réserve militaire
La loi de finances initiale pour 2016 a relevé le budget prévisionnel de la réserve dépendant du ministère de la défense à hauteur de 96,3 millions d'euros , compte non tenu de 2 millions d'euros destinés à financer les besoins liés au système d'information et à la communication du ministère en ce domaine. Par rapport à 2015, cette prévision de crédits, sous réserve de sa bonne exécution, représente une hausse de 17 % (+ 14,3 millions d'euros) ; par rapport à 2014, elle représente une hausse de 35 % (+ 25,3 millions d'euros). L'objectif pour l'année en cours est d'augmenter de 160 000 jours l'activité des volontaires sous ESR, soit + 20 % par rapport aux 784 044 jours enregistrés en 2015, et de créer 3 100 postes supplémentaires de réservistes opérationnels, soit + 11 % par rapport aux 28 100 réservistes comptabilisés l'année dernière. Cet effort devrait être presque intégralement consacré au renforcement de fonction stratégique de protection du territoire national.
2. Les moyens matériels
Parallèlement à l'accroissement des moyens budgétaires, des moyens matériels nouveaux ont été déployés, récemment, au profit de la politique de développement de la réserve militaire désormais conçue comme une priorité pour notre défense nationale.
a) Le pilotage administratif
Pour piloter la mise en oeuvre du plan « Réserve 2019 », le ministère de la défense a installé, au mois d'avril 2016, une direction de projet ad hoc . Celle-ci, dirigée par un officier général 79 ( * ) placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées, est composée de quatre groupes de travail . Ces derniers visent, respectivement :
- la définition d'un nouveau concept de réserve militaire, associé à une gouvernance rénovée ;
- la simplification des procédures administratives et l'allègement de la gestion afférentes ;
- la modernisation du système d'information ;
- enfin, l'élargissement des viviers de recrutement dans la réserve opérationnelle et la création de mesures incitatives à s'y engager.
Les travaux, menés en lien étroit avec le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) et les délégués aux réserves des armées, font l'objet de points de situation réguliers en comité directeur de la réserve militaire (CODIR Réserve) 80 ( * ) . Parallèlement, la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD) est chargée de piloter une communication renforcée du ministère dans ce domaine.
Au niveau local, les centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) sont naturellement chargés d'intégrer dans leur action les nouveaux objectifs ainsi définis.
b) Les premières transformations de l'organisation militaire
Les armées, pour répondre aux orientations décidées au titre du plan « Réserve 2019 » et mieux tirer parti de la ressource que représentent pour elles les réservistes opérationnels, ont commencé de se réorganiser.
Concernée au premier chef, l'armée de terre, ainsi, a mis en place au 1 er juin 2016 un commandement pour le territoire national ( COM TN ), dont l'ambition est de préparer cette armée à affronter une crise de type « systémique » sur notre territoire. Dans ce cadre, l'armée entend notamment créer des synergies entre les unités d'active et la réserve opérationnelle, afin de développer l'emploi de celle-ci dans les missions de protection du territoire national. C'est la raison pour laquelle il a été prévu que les fonctions de commandant pour le territoire national et de délégué aux réserves de l'armée de terre (DRAT) soit assumées, à l'avenir, par un même officier général, la délégation aux réserves de l'armée de terre se trouvant intégrée à une division « anticipation-préparation à l'engagement » du nouveau COM TN.
Cette ré-architecture de la chaîne de commandement s'accompagne de la mise en oeuvre du plan d'action pour la réserve de l'armée de terre , élaboré dès la fin 2013 et dénommé depuis l'automne 2014 « Réservistes au Contact », en référence au projet de transformation global « Au Contact ! » dont s'est dotée l'armée de terre. L'ordre d'opérations de ce plan a été finalisé à l'été 2015, en fonction des orientations du projet « Réserve 2019 ». À l'échéance du 1 er janvier 2019, l'armée de terre souhaite ainsi disposer, d'une part, de 16 000 volontaires sous ESR affectés dans des unités constituées de réservistes, dont les deux tiers en permanence formés et déployables sur le territoire national, et, d'autre part, de 8 200 volontaires employés au titre de compléments individuels, au profit des autres capacités, dont 3 500 serviraient dans le cadre interarmées.
Suivant les annonces précitées du ministre de la défense en mars dernier, 17 unités élémentaires de réserve (UER) supplémentaires doivent être créées pour l'armée de terre d'ici à 2019. Dans le même temps, l'armée de l'air doit bénéficier de la création de 4 sections de réserve et d'appui (SRA) et la marine de 21 compagnies dites « ROMEO », toutes constituées de volontaires sous ESR.
* 77 Rapport d'information n° 174 (2010-2011), « Pour une réserve de sécurité nationale ».
* 78 Cf. supra , 1 e partie (point II).
* 79 Le Général Gaëtan Poncelin de Raucourt, auditionné par le groupe de travail animé par vos rapporteurs.
* 80 Tel était l'objet de la réunion du CODIR Réserve du 16 juin 2016, mentionnée plus haut, à laquelle a participé votre rapporteure Gisèle Jourda.