DEUXIÈME PARTIE - DE NOUVELLES AMBITIONS À CONCRÉTISER : LES ENJEUX D'UNE « GARDE NATIONALE »
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a tracé pour la réserve militaire une ambition réelle, anticipant sur des enjeux qui, à la fois pour les armées et pour l'ensemble de la société, ne se sont pleinement fait jour qu'avec la perpétration des attentats terroristes qui ont frappé notre pays en 2015. Ce document, en effet, énonce en termes exprès que « les réserves manifestent la volonté forte de toutes les composantes de la Nation de garantir la sécurité de notre pays et de contribuer à sa défense. Elles constituent aussi une partie intégrante du modèle d'armée défini par [ce] Livre blanc. Elles représentent en effet un renfort pour les forces de défense et de sécurité nationale qui, sans elles, ne pourraient être en mesure de remplir l'ensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise . »
À la suite, le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, dans sa version initiale de 2013 66 ( * ) , a fait valoir que « la réserve opérationnelle est indispensable aux forces armées pour qu'elles remplissent l'ensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise grave ».
La réserve militaire opérationnelle selon le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 « Les réserves manifestent la volonté forte de toutes les composantes de la Nation de garantir la sécurité de notre pays et de contribuer à sa défense. Elles constituent aussi une partie intégrante du modèle d'armée défini par le présent Livre blanc. Elles représentent en effet un renfort pour les forces de défense et de sécurité nationale qui, sans elles, ne pourraient être en mesure de remplir l'ensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise. [...] « Afin de donner à la réserve opérationnelle les moyens d'atteindre le niveau nécessaire à l'accomplissement de ses missions, il convient d'attirer en priorité des femmes et des hommes disposés à y servir au minimum vingt jours par an et pendant plusieurs années. Une partie d'entre eux pourra, en raison de leur emploi opérationnel, être rappelée pour des durées beaucoup plus importantes (de 90 à 120 jours) pour être projetée dans les mêmes conditions que les militaires d'active. Cela impose d'une part de consacrer les ressources budgétaires adaptées aux actions de formation et d'entraînement et de pouvoir financer les déploiements opérationnels de ces réservistes. Cela impose d'autre part d'alléger toutes les procédures, en particulier administratives, autorisant ces engagements. Les missions confiées à cette réserve sur le territoire national doivent continuer à être développées. La réserve opérationnelle de disponibilité, employée exclusivement en cas de crise grave, doit être rénovée pour devenir plus rapidement mobilisable et mieux identifiée. Il faudra en outre organiser la montée en puissance de nouvelles composantes de la réserve opérationnelle, spécialisées dans des domaines dans lesquelles les forces de défense et de sécurité sont déficitaires. C'est notamment le cas de la cyberdéfense, qui fera l'objet d'une composante dédiée au sein la réserve opérationnelle. [...] » Source : Légifrance |
La brutale réalisation, en janvier puis novembre 2015, d'une menace liée au mouvement djihadiste qui, jusqu'alors, était demeurée à l'état virtuel sur le territoire national, a malheureusement donné tout leur sens à ces orientations. Désormais , la réserve militaire apparaît comme un élément-clé de notre politique de défense, tant du point de vue opérationnel, compte tenu des besoins de renfort d'effectifs éprouvés par les armées, que sous l'aspect politique, eu égard à l'accentuation des exigences de cohésion du corps social commandée par le nouveau contexte .
L'Exécutif, de fait, soutient depuis 2015 la poursuite d'objectifs relativement ambitieux - et d'ailleurs déjà anciens - de renforcement de la réserve opérationnelle des armées. Celle-ci se trouve de la sorte engagée dans une nouvelle évolution, tenant d'abord à l'accroissement de ses effectifs et de son emploi, mais aussi à une réorientation de sa vocation, en faveur de la protection du territoire national, tandis qu'une réserve de spécialistes est développée, notamment dans le domaine de la cyberdéfense ; des moyens conséquents, en premier lieu budgétaires, ont d'ores et déjà été dégagés. Les déclarations faites sur ce thème par le Président de la République, en particulier à l'occasion de son discours précité devant le Congrès du Parlement, à Versailles, le 16 novembre 2015, et les directives formulées depuis lors, notamment par le ministre de la défense au printemps 2016, tiennent lieu de cap au projet - auquel le Chef de l'État a d'emblée donné pour horizon, du reste encore très imprécis : « demain, [...] une garde nationale encadrée et disponible ».
En dépit du constat attristé qu'il a fallu deux épisodes particulièrement tragiques pour voir la politique des réserves militaires inscrite dans cette nouvelle dynamique, vos rapporteurs se réjouissent de la relance ainsi amorcée. Le dossier s'était trop longtemps trouvé relégué au second rang des préoccupations du Gouvernement comme, souvent, des armées elles-mêmes.
D'une certaine façon, c'est ainsi une mutation d'ordre culturel qui est peut-être en train de se dessiner . Elle serait le corolaire logique du changement de paradigme de défense intérieure imposé par les nouvelles menaces visant notre sol - tel que l'a préfiguré, en mars dernier, le rapport remis au Parlement par le Gouvernement sur les conditions d'emploi des armées intervenant sur le territoire national 67 ( * ) . Ce document, en particulier, prescrit aux armées de « s'organiser et s'entraîner pour mettre à la disposition permanente de la Nation une réserve générale d'intervention militaire [vos rapporteurs soulignent cette formule] permettant d'agir sur le territoire national de façon rapide, le cas échéant massive et, lorsque nécessaire, dans la durée [...] en coordination et complémentarité avec les forces de sécurité intérieure ».
Sur la base des travaux menés par le groupe de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées qu'ils ont animé, vos rapporteurs exposent ci-après leurs propres préconisations en vue de réussir une réforme qu'ils estiment, aujourd'hui, indispensable. Car il s'agit de donner à la France, avec une réserve militaire rénovée, non seulement - ce qui est déjà beaucoup - les moyens supplémentaires requis pour sa défense, en allégeant le poids des opérations pesant sur l'armée active, mais aussi de nouveaux points d'appui, qui paraissent aujourd'hui bien utiles, pour le renforcement interne et la résilience du pays .
I. LE RENFORCEMENT DE LA RÉSERVE MILITAIRE ENGAGÉ PAR LE GOUVERNEMENT
A. LA RÉAFFIRMATION D'OBJECTIFS ANCIENS DANS UN CONTEXTE NOUVEAU
1. L'utilité de la réserve dans le contexte sécuritaire actuel
Les attentats qui ont meurtri notre Nation en 2015 ont débouché sur une double prise de conscience.
En premier lieu, la « révélation » que le terrorisme djihadiste est susceptible de frapper mortellement sur notre sol même, et le déclenchement de l'opération « Sentinelle » décidée au lendemain des attentats des 7 et 9 janvier et mobilisant, depuis lors, entre 7 000 et 10 000 militaires chaque jour, ont mieux fait apparaître, en contribuant eux-mêmes à l'accentuer, l'« hyper-sollicitation » des forces - déjà engagées, auparavant, et qui le demeurent, de façon concomitante et à un important niveau, sur différents théâtres d'opérations extérieures. Les mesures de protection qu'appelle la menace nouvellement déclarée excédant ce que prévoyaient les contrats opérationnels inscrits dans la loi de programmation militaire, l'attribution de nouveaux moyens aux armées, afin de leur permettre d'accomplir leur mission, s'est - enfin - imposée comme une nécessité impérieuse . La réserve opérationnelle, par définition, constitue l'un de ces moyens , parallèlement à la révision à la hausse du schéma d'emploi des forces d'active.
Certes, dans les premiers moments d'une crise majeure, c'est d'abord sur l'armée active que la réponse des pouvoirs publics doit reposer, même si la réserve opérationnelle remplit, durant cette phase, sa fonction habituelle d'appui à la continuité de la mission des forces, dans les différentes activités courantes où des réservistes peuvent se trouver affectés au moment du déclenchement de la crise. Néanmoins, passée une période de montée en puissance de l'active pour faire face à cette crise, les réservistes sont appelés à jouer un rôle d'une forme nouvelle : celui qui tend à permettre aux forces de s'inscrire dans la durée , en donnant des marges de manoeuvre à l'active et en lui conférant la possibilité de se concentrer sur le haut du « spectre » des opérations . C'est le schéma même que les nouvelles exigences de protection du territoire national doivent conduire à mettre en place, au niveau requis par l'importance de ces besoins sécuritaires. Les réservistes doivent ainsi pouvoir prendre toute leur place dans des opérations du type « Sentinelle » ou des plans à l'image de « Cuirasse », qui concerne la protection des emprises de la défense, de façon à décharger un peu de son actuel fardeau, en particulier, l'armée de terre, et permettre aux militaires d'active de retrouver le temps requis pour leur formation, leur entraînement 68 ( * ) et leur nécessaire repos après les périodes d'engagement.
Actuellement, comme le présent rapport l'a signalé déjà, les opérations militaires n'utilisent qu'une fraction modeste de l'activité des volontaires sous ESR : en 2015, elles représentaient, en prenant en compte la gendarmerie, 1,6 % de cette activité pour ce qui concerne les OPEX (2,7 % sur le seul périmètre « armées ») et 7,2 % pour les opérations intérieures, dont « Sentinelle ». Une mesure plus large de la contribution des réservistes à la protection du territoire national permet d'estimer que seulement 21,3 % de l'activité de la RO1 des armées a été consacrée, l'année dernière, à la défense intérieure de notre pays - en intégrant, outre les opérations intérieures, la partie des renforts affectés en unité ou dans les états-majors qui se trouve dédiée à cette protection (surveillance maritime ou aérienne, cyberdéfense, renseignement militaire, DPSD, etc. ; le graphique reproduit ci-après détaille ces activités). Il s'agissait en effet de 167 148 jours d'activité de la RO1 des armées, sur un total de 784 044 jours d'activité de celle-ci enregistrés pour l'année.
La protection du territoire national par la RO1 des armées en 2015
(en nombre de jours)
Source : Conseil supérieur de la réserve militaire
Certes, du fait des déploiements sur le sol national de « Sentinelle », l'activité des réservistes dans les opérations intérieures, en 2015, s'est trouvée multipliée par 2,5 par rapport à 2014. Mais, comme on l'a souligné déjà, les 400 volontaires sous ESR environ qui participent à « Sentinelle » ne constituent que 4 à 6 %, au plus, du total des militaires déployés dans ce cadre au quotidien. Pourtant, ainsi que le chef d'état-major des armées a eu l'occasion de le faire observer 69 ( * ) , « les réservistes peuvent davantage aider à la protection du territoire national . Qui connait mieux son canton, sa ville, son département, que celui qui y vit et y travaille ? »
Or cet appui offert par les réservistes aux forces d'active, en contribuant au renforcement global de notre outil militaire, est d'autant plus nécessaire que, parallèlement aux périls terroristes d'inspiration djihadiste - ceux qui se confirment en Afrique et au Proche et Moyen Orient comme ceux qui s'affirment, à haute intensité également, en Europe, et qui constituent aujourd'hui la principale des « menaces de la faiblesse », suivant la typologie retenue par le Livre blanc sur la défense de 2013 -, les « menaces de la force » identifiées par ce dernier n'ont fait que s'intensifier dans les dernières années : tensions géopolitiques entre États ; déstabilisations de certaines régions, induites par l'exacerbation du sentiment national ou l'augmentation rapide des dépenses militaires et des arsenaux conventionnels, à l'image de la situation créée par la Russie ; risque de prolifération nucléaire... C'est à l'ensemble de ces menaces que doivent faire face, simultanément, les armées - unités d'active et renforts issus de la réserve opérationnelle.
En second lieu, alors que le djihadisme a fait la preuve de sa capacité à mobiliser des combattants parmi les populations européennes, et en particulier au sein de la nôtre, la cohésion du pays apparaît désormais, plus que jamais, comme une priorité pour l'action politique . La réserve militaire, par nature élément-clé du lien entre la Nation et son armée, mais aussi dispositif catalyseur d'engagements civiques et incubateur d'esprit de service, se trouve à même d'y contribuer , puissamment. « Je suis pour ma part persuadé que le développement de la réserve pourrait contribuer, davantage encore, à la cohésion nationale », indiquait le chef d'état-major des armées, l'année dernière, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 70 ( * ) .
De fait, dès le lendemain des attentats de janvier 2015, et à nouveau après ceux du mois de novembre suivant, une aspiration à l'engagement au service de la collectivité s'est manifestée dans la société française, de façon tangible, et notamment auprès des armées . Les forces, sur leurs sites Internet et dans leurs centres d'information et de recrutement (CIRFA), ont alors en effet enregistré une hausse sensible de demandes de renseignement relatives aux modalités d'engagement dans leurs rangs, voire des offres directes de services, pour rejoindre soit les unités d'active, soit la réserve dans ses différentes composantes.
Même si toutes les marques d'intérêt ainsi témoignées pour les missions militaires ne débouchent sans doute pas sur un recrutement effectif, il n'est pas douteux que la période difficile que traverse notre pays constitue également - et par ce fait même - un moment propice à promouvoir un nouvel essor pour la réserve. Le nécessaire, en l'occurrence, apparaît heureusement sous les traits du possible.
2. Les objectifs mis en avant par le Gouvernement
Poussant au renforcement des forces d'active et à la consolidation du lien national suivant la logique qui vient d'être décrite, les évènements tragiques de janvier et novembre 2015 ont conduit le Gouvernement à redéfinir, pour la réserve militaire, des objectifs déjà fixés par le passé mais, comme on l'a rappelé 71 ( * ) , jamais atteints. Ils amplifient sensiblement l'action entreprise par les armées, avec un degré de priorité évidemment moindre, sur le fondement du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et de la LPM pour les années 2014 à 2019.
Le ministre de la défense , dès le discours qu'il a prononcé à la fin du mois de mars 2015 à l'occasion de la « Journée nationale du réserviste » (JNR) 72 ( * ) , a souligné « les impératifs de sécurité et de cohésion » devant faire apparaître la réserve « à l'ensemble des Français comme une formidable opportunité pour contribuer à la défense de leur pays ». La double cible était alors fixée, à l'horizon 2019, d'une part, d'une réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) des armées à hauteur de 40 000 volontaires sous ESR et, d'autre part, du déploiement quotidien de 1 000 de ces réservistes - dont environ 800 dans les rangs de l'armée de terre - pour participer à la protection du territoire. Ce faisant, en ce qui concerne le nombre de réservistes, le Gouvernement dans ce projet « Réserve 2019 » a quasiment renoué avec l'objectif des 40 470 volontaires qui avait été établi en 2004 pour l'échéance de 2008, et avec celui des 40 500 que la LPM pour les années 2009 à 2014 avait reconduit en visant l'échéance de 2015.
Traduisant ces décisions, la loi du 28 juillet 2015 , dans le même temps qu'elle a aménagé l'assouplissement plus haut rappelé ici des conditions de recours à la réserve opérationnelle en cas de crise menaçant la sécurité nationale 73 ( * ) , a procédé à une actualisation des objectifs assignés à la réserve militaire dans le rapport annexé à la LPM pour 2014-2019 . À l'occasion de l'examen du projet qui allait devenir cette loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a d'ailleurs mis en avant plusieurs points d'attention sur les efforts nécessaires afin de rénover la politique des réserves militaires, parmi lesquels la nécessité d'un effort budgétaire suffisant et celle d'améliorer l'attractivité de la réserve, l'employabilité de cette dernière et la fidélisation des volontaires engagés, en son sein, auprès des armées 74 ( * ) .
La rédaction ainsi actualisée du rapport annexé à la LPM a fait apparaître, pour le recrutement dans la RO1, « l'objectif [...] d'attirer et de conserver en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum trente jours par an pendant au moins trois ans et, dans certains cas, jusqu'à deux cent dix jours ». Il s'agit d'une révision à la hausse de l'ambition fixée, en termes d'activité des réservistes, par le Livre blanc sur la défense de 2013, qui recommandait « d'attirer en priorité des femmes et des hommes disposés à y servir au minimum vingt jours par an et pendant plusieurs années », tout en réservant de manière expresse la possibilité qu'une partie d'entre eux soit « rappelée pour des durées beaucoup plus importantes (de 90 à 120 jours) ». Rappelons ici que, pour sa part, la loi (article L. 4221-6 du code de la défense) retient la durée de 30 jours par an comme le maximum de principe pour les activités effectuées au titre de la réserve opérationnelle, cette limite pouvant être augmentée à hauteur de 60 jours « pour répondre aux besoins des armées », voire de 150 jours « en cas de nécessité liée à l'emploi des forces » et jusqu'à 210 jours « pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale ».
La réserve opérationnelle selon le rapport annexé à la LPM pour 2014-2019 (rédaction issue de la loi du 28 juillet 2015) « La réserve opérationnelle est indispensable aux forces armées pour qu'elles remplissent l'ensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise grave. Elle contribue en outre à la capacité de résilience de la Nation. « La rénovation du dispositif de la réserve opérationnelle du ministère de la défense permettra de renforcer sa contribution aux missions des armées, notamment celle de protection du territoire national, à travers : « - une augmentation des effectifs à hauteur de 40 000 réservistes, principalement en renfort des unités d'active ; « - un accroissement des capacités de la réserve opérationnelle, par l'amélioration de son attractivité, de son employabilité et de la fidélisation du personnel. Il s'agit notamment d'optimiser la cohérence entre les parcours offerts, le niveau de formation et de préparation, la nature et la durée des missions, avec une pyramide des grades adaptée ; « - un élargissement des recrutements, en favorisant l'adhésion de réservistes issus de la société civile. La diversité des réservistes constitue un vecteur majeur pour favoriser l'étroitesse du lien entre la Nation et son armée sur l'ensemble du territoire. La recherche de partenariats avec les entreprises, notamment par l'établissement de conventions, sera poursuivie pour mieux valoriser le rôle des réservistes et accroître l'adhésion des employeurs au principe de la réserve. Le recrutement de réservistes issus de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale sera favorisé et leur emploi facilité par des durées de services plus longues. L'objectif est d'attirer et de conserver en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum trente jours par an pendant au moins trois ans et, dans certains cas, jusqu'à deux cent dix jours ; « - un effort prioritaire en direction de l'enseignement supérieur. Des partenariats devront être conclus avec les grandes écoles et les universités afin d'encourager les étudiants à souscrire un engagement à servir dans la réserve et de leur faire effectuer leur formation militaire à l'occasion d'un semestre ou d'une année de césure. Cet engagement sera valorisé dans les parcours de formation des étudiants et des accès privilégiés aux bourses et aux logements étudiants seront mis en place. Une attention particulière sera portée aux écoles dont les élèves ont le statut de fonctionnaire, où la question de sa généralisation sera étudiée ; « - un recours accru et structuré à des réservistes opérationnels dans des domaines déficitaires ou sensibles, tels que la cyberdéfense, la reconstruction post conflit ou l'intelligence économique. L'objectif sera également de développer et d'animer, au sein de la réserve opérationnelle, des réseaux d'experts susceptibles de renforcer efficacement et utilement la performance de la défense dans des domaines duaux, civils et militaires ; « - la mise en place et la création, en particulier, d'un commandement de la réserve de cyberdéfense et d'une réserve à l'emploi spécifique au profit des armées et plus généralement de l'État, qui fera appel aux différents statuts de la réserve militaire ; « - une amélioration du mode de gestion de la réserve opérationnelle afin que, en cas de crise menaçant la sécurité nationale ou de crise majeure sur le territoire national, la France dispose de ressources identifiées et rapidement mobilisables. En particulier, un suivi de la réserve de disponibilité sera instauré en se concentrant particulièrement sur les deux premières années de disponibilité des anciens militaires ; « - le développement d'une politique de communication adaptée vers la société civile. « Les budgets consacrés à la réserve seront adaptés aux effectifs et aux besoins en formation, en entraînement et en équipement des réservistes opérationnels. » Source : Légifrance |
À la suite des attentats du 13 novembre 2015 , le Président de la République , devant le Parlement réuni en Congrès, à Versailles, le 16 suivant, a inscrit ces orientations au compte des mesures que commandaient, selon lui, les exigences de la nouvelle « guerre » dans laquelle la France se trouvait engagée, contre le terrorisme djihadiste. Le Chef de l'État déclarait alors : « Je souhaite [...] que l'on tire mieux parti des possibilités des réserves de la défense , encore insuffisamment exploitées dans notre pays alors que nous avons justement ce gisement ». C'est à compter de ce discours que l'Exécutif a repris à son compte une formule - celle de la « Garde nationale » - disparue de l'organisation française depuis la chute de la Commune et la loi du 27 juillet 1872 75 ( * ) , le Président de la République indiquant que « les réservistes [...] constituent les éléments qui peuvent, demain, former une garde nationale encadrée et disponible ».
Après que, le surlendemain de ce discours, une autre déclaration du Chef de l'État eut jeté quelque confusion sur cette dernière intention, en proclamant les maire et élus locaux « avant-garde nationale 76 ( * ) », ses voeux aux armées, au début de l'année 2016, lui ont donné l'occasion de se montrer un peu plus précis. En effet, réaffirmant les objectifs chiffrés qui avaient été déterminés en mars 2015 et inscrits dans la LPM pour 2014-2019 actualisée au mois de juillet suivant, il a alors lié la notion de « garde nationale », à nouveau évoquée, à « l'enjeu [...] d' améliorer le maillage territorial de la réserve pour qu'elle soit au plus près des populations ». Cependant, ni ce que pourrait recouvrir cette « garde nationale », ni ce que devraient être un meilleur maillage territorial de la réserve n'étaient davantage explicités dans ce discours.
Voeux aux armées du Président de la République, M. François Hollande (14 janvier 2016, Saint-Cyr Coëtquidan ; extrait) « La réserve opérationnelle assure des déploiements permanents et renforce l'armée active face aux menaces les plus fortes. J'ai donc demandé au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian que le nombre de réservistes passe à 40 000, contre 28 000 aujourd'hui. « L'objectif est de déployer 1 000 réservistes en permanence pour la protection de nos concitoyens. L'enjeu, c'est d'améliorer le maillage territorial de la réserve pour qu'elle soit au plus près des populations et puisse devenir à terme une véritable garde nationale. Et je sais que le Parlement travaille aussi sur ce sujet. « Nous devons mobiliser, non seulement les anciens militaires, mais tous ceux qui ont justement ce lien avec l'armée et cette volonté de servir le pays. » Source : présidence de la République |
En mars 2016 , des précisions sur les objectifs et les moyens de montée en force de la réserve opérationnelle sont intervenues. Certes, le rapport au Parlement sur les conditions d'emploi des armées sur le territoire national , susmentionné, dans sa partie consacrée à « La rénovation de la politique des réserves », n'a guère fait que reprendre, pour l'essentiel, les éléments qui figuraient déjà au sein du rapport annexé à la LPM pour 2014-2019 dans sa rédaction précitée issue de la loi du 28 juillet 2015.
« La rénovation de la politique des réserves » selon le rapport au Parlement sur les conditions d'emploi des armées intervenant sur le territoire national (extrait) « La rénovation du dispositif de la réserve opérationnelle du ministère de la défense permettra de renforcer sa contribution aux missions des armées, notamment celle de protection du territoire national, à travers : « - une augmentation des effectifs à hauteur de 40 000 réservistes, principalement en renfort des unités d'active ; « - un accroissement des capacités de la réserve opérationnelle, par l'amélioration de son attractivité, de son employabilité et de la fidélisation du personnel. Il s'agit notamment d'optimiser la cohérence entre les parcours offerts, le niveau de formation et de préparation, la nature et la durée des missions, avec une pyramide des grades adaptée ; « - un élargissement des recrutements, en favorisant l'adhésion de réservistes issus de la société civile. La diversité des réservistes constitue un vecteur majeur pour favoriser l'étroitesse du lien entre la Nation et son armée sur l'ensemble du territoire. La recherche de partenariats avec les entreprises, notamment par l'établissement de conventions, sera poursuivie pour mieux valoriser le rôle des réservistes et accroître l'adhésion des employeurs au principe de la réserve. Le recrutement de réservistes issus de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale sera favorisé et leur emploi facilité par des durées de services plus longues. Le recrutement de réservistes parmi les Français à l'étranger sera encouragé, en lien avec le réseau diplomatique et consulaire. L'objectif est d'attirer et de conserver en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum trente jours par an pendant au moins trois ans et, dans certains cas, jusqu'à deux cent dix jours ; « - un effort prioritaire en direction de l'enseignement supérieur. Des partenariats devront être conclus avec les grandes écoles et les universités afin d'encourager les étudiants à souscrire un engagement à servir dans la réserve et de leur faire effectuer leur formation militaire à l'occasion d'un semestre ou d'une année de césure. Cet engagement sera valorisé dans les parcours de formation des étudiants et des accès privilégiés aux bourses et aux logements étudiants seront mis en place. Une attention particulière sera portée aux écoles dont les élèves ont le statut de fonctionnaire, où la question de sa généralisation sera étudiée ; « - un recours accru et structuré à des réservistes opérationnels dans des domaines déficitaires ou sensibles, tels que la cyberdéfense, la reconstruction post-conflits ou l'intelligence économique. L'objectif sera également de développer et d'animer, au sein de la réserve opérationnelle, des réseaux d'experts susceptibles de renforcer efficacement et utilement la performance de la défense dans des domaines duaux, civils et militaires ; « - la mise en place et la création, en particulier, d'un commandement de la réserve de cyberdéfense et d'une réserve à l'emploi spécifique au profit des armées et plus généralement de l'État et de la Nation qui fera appel aux différents statuts de la réserve militaire ; « - une amélioration du mode de gestion de la réserve opérationnelle afin que, en cas de crise menaçant la sécurité nationale ou de crise majeure sur son territoire, la France dispose de ressources identifiées et rapidement mobilisables. En particulier, un suivi de la réserve de disponibilité sera instauré en se concentrant particulièrement sur les deux premières années de disponibilité des anciens militaires ; « - le développement d'une politique de communication adaptée vers la société civile. « Il s'agit bien, aux termes de la loi de programmation militaire actualisée en juillet 2015, et compte tenu des changements du contexte stratégique, de pérenniser les réserves comme une partie intégrante du modèle d'armée 2025. Conformément à la volonté du Président de la République exprimée devant le Congrès le 16 novembre 2015 et le 14 janvier 2016 lors de ses voeux aux armées, l'enjeu est d'en tirer le meilleur parti, notamment grâce à leur implantation territoriale au plus près des populations. Au-delà, afin de prendre en compte l'engagement citoyen et de donner à la cohésion nationale un sens renouvelé, les travaux d'optimisation de la réserve incluent également une réflexion sur la création d'une Garde nationale, qui pourrait, en cas de crise majeure, combiner les dispositifs des réserves militaires avec celui, en cours de création, de réserve citoyenne interministérielle . » Source : Rapport au Parlement « Conditions d'emploi des armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population », mars 2016 |
En revanche, le ministre de la défense a dressé une sorte de « feuille de route » du projet « Réserve 2019 » au cours de son allocution prononcée, le 10 mars 2016, dans le cadre d'« Assises de la réserve » organisées au titre de la JNR. Il a ainsi mis l'accent, entre autres :
- d'une part, sur l' utilisation des réserves militaires pour renforcer le lien de l'armée avec le territoire . La création de nouvelles unités de réserve au sein de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine ont été annoncées dans cette optique ;
- d'autre part, sur le développement d'une réserve de spécialistes , opérationnels ou citoyens. Des attentes fortes ont ainsi été exprimées pour ce qui concerne la cyberdéfense, avec l'ambition de 400 réservistes opérationnels et 4 000 réservistes citoyens à l'horizon 2019.
En outre, le ministre a donné la version la plus détaillée à ce jour, dans le cadre d'une expression officielle, de ce que pourrait être la « garde nationale » évoquée quatre mois plus tôt, pour la première fois, par le Président de la République. Il a en effet indiqué que la réserve opérationnelle « devra contribuer plus fortement à la protection du territoire national et à la sécurité des Français. Elle renforcera ainsi la capacité de l'État à réagir en cas de crise majeure. Elle constituera le socle, éventuellement, d'une garde nationale, militaire, composée des réserves des armées et de la gendarmerie nationale, déployée en métropole pour assurer des missions de défense et de sécurité telles que la surveillance et la protection de sites, le contrôle de zones ou le soutien des opérations . »
Discours pour les « Assises de la réserve » de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense (10 mars 2016, École militaire ; extrait) « Pour atteindre rapidement les objectifs que j'ai fixés, j'ai demandé à l'équipe de projet "Réserve" de mener un certain nombre de chantiers. « Le premier d'entre eux concerne le lien avec le territoire. La présence des militaires est aujourd'hui inégalement répartie sur l'ensemble du territoire français. Les réserves constituent ici un levier que nous devons mettre à profit pour renforcer la présence de nos armées auprès de tous nos concitoyens. « C'est ainsi que nous avons décidé la création d'unités de réserve supplémentaires au sein de chaque armée, afin d'améliorer leur maillage territorial : 4 sections de réserve et d'appui (SRA) pour l'armée de l'Air, 21 Compagnies ROMEO pour la Marine et 17 unités élémentaires de réserve (UER) pour l'armée de Terre. « Ce sont également dans ces territoires que la réserve citoyenne a bien sûr le plus à apporter, pour garantir partout le lien armée-nation. « Un autre axe majeur du projet porte sur la jeunesse, qui doit être au coeur de nos objectifs, à la fois pour les réserves opérationnelle et citoyenne. « J'ai eu l'occasion de le dire à maintes reprises, le métier de militaires requiert toute la vigueur et l'énergie des jeunes générations, dans le corps et dans l'esprit. Plus que jamais, nous avons donc besoin de jeunes gens convaincus et volontaires au sein de nos armées. « Autre grand chantier, il nous tirer un meilleur profit de l'expertise des réservistes, en complément de celle détenue par les forces d'active. Je souhaite ici voir émerger une réserve de spécialistes, opérationnels ou citoyens, qui soient désireux d'apporter leurs compétences et leur expérience aux armées pour lutter contre les nouvelles menaces. « Dans cette perspective, il est nécessaire d'améliorer le recours à des réservistes dans des domaines hautement spécialisés - je pense en particulier à la cyberdéfense, qui constitue l'une de nos priorités les plus impérieuses. « Le développement de la réserve de la Cyberdéfense répond parfaitement à ce besoin. Cette structure permanente, mise en place en avril prochain, sera composée de cadres d'actives, de réservistes citoyens et de réservistes opérationnels, tous mobilisables en cas de cyber attaque majeure. Elle va rapidement monter en puissance, avec l'objectif de mobiliser, à l'été 2019, 400 réservistes opérationnels et 4000 réservistes citoyens, qui seront en mesure d'aider à rétablir et sécuriser nos réseaux dans le cas d'une attaque. « Des spécialistes sont également nécessaires pour contribuer à la reconstruction post-conflit et l'action d'influence indirecte-économie. C'est la raison sera créée pour laquelle une cellule dédiée à l'EMA, en interface avec le ministère des affaires étrangères. Ce ne sont là que quelques exemples. Il y en a bien sûr d'autres, que je souhaite voir pareillement développés. « Les quelques chantiers que je viens de mentionner contribuent, avec d'autres, à la montée en puissance des réserves, que je nous fixe comme ambition de court terme et que le Président de la République a lui-même appelée de ses voeux. « Cette nouvelle réserve d'emploi devra contribuer plus fortement à la protection du territoire national et à la sécurité des Français. Elle renforcera ainsi la capacité de l'État à réagir en cas de crise majeure. Elle constituera le socle, éventuellement, d'une garde nationale, militaire, composée des réserves des armées et de la gendarmerie nationale, déployée en métropole pour assurer des missions de défense et de sécurité telles que la surveillance et la protection de sites, le contrôle de zones ou le soutien des opérations. » Source : ministère de la défense |
* 66 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013.
* 67 « Conditions d'emploi des armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population », rapport au Parlement établi en application de l'article 7 de la loi précitée du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 (disposition introduite à l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées) ; ce rapport a fait l'objet d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat du débat du Sénat, en séance publique, le 15 mars 2016. - Sur ces enjeux, voir notamment le rapport d'information de nos collègues députés Olivier Audibert-Troin et Christophe Léonard, n° 3864 (AN, XIV e législature), sur la présence et l'emploi des forces armées sur le territoire national, « Le rôle des armées sur le territoire national : après l'heure de la riposte, le temps des choix politiques », juin 2016.
* 68 Dans leur rapport d'information susmentionné n° 3864 (AN, XIV e législature, juin 2016), nos collègues députés Olivier Audibert-Troin et Christophe Léonard font notamment observer que, du fait de l'opération « Sentinelle », dans l'armée de terre, « le nombre de jours de préparation opérationnelle par personnel a chuté en 2015 ; l'objectif fixé s'établissait à 83 jours ? ce qui est déjà en deçà de la norme de référence, qui s'élève à 90 jours ? , mais le nombre de jours effectifs s'est établi, selon les unités, entre 51 et 64 ».
* 69 Le Général Pierre de Villiers, le 25 novembre 2015, lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale.
* 70 Audition du Général Pierre de Villiers, le 10 juin 2015, sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019.
* 71 Cf. supra , 1 e partie (point II).
* 72 M. Jean-Yves Le Drian, discours du 27 mars 2015 prononcé dans le cadre de la JNR au forum « entreprises-défense » qui se tenait au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
* 73 Cf. supra , 1 e partie (point I, B).
* 74 Cf. le rapport déjà mentionné n° 547 (2014-2015) de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, juin 2015.
* 75 Cf. infra , point II B, 1, a.
* 76 Discours du Président de la République au Rassemblement des maires de France, prononcé le 18 novembre 2015, à Paris, au Palais des Congrès.