C. UNE ARTICULATION MANQUANT PARFOIS DE CLARTÉ AVEC LES AUTRES RÉSERVES
La réserve opérationnelle des armées coexiste, dans des rapports plus ou moins étroits de collaboration effective ou potentielle, et suivant une articulation plus ou moins clairement définie en droit ou en fait, avec les autres réserves militaires bien sûr, mais aussi avec les diverses réserves civiles actuellement en place.
1. Les autres réserves militaires
Naturellement, la réserve opérationnelle des armées a partie liée, avant tout, avec les autres composantes de la réserve militaire. Les liens qu'elle entretient avec la réserve de la DGA ne justifient pas, ici, qu'on s'y attarde beaucoup. En revanche, la réserve citoyenne et, d'autre part, la réserve de la gendarmerie, bien qu'elles appartiennent l'une et l'autre au même ensemble militaire, présentent évidemment, avec la réserve opérationnelle des armées, des différences essentielles.
a) La réserve de la DGA
La réserve de la DGA, placée sous l'autorité du délégué général à l'armement, est bien distincte, organiquement, en particulier au plan budgétaire, des réserves qui relèvent de l'autorité du chef d'état-major des armées. Toutefois, à l'instar de ces dernières pour ce qui les concerne, elle intervient par définition en tant que complément des effectifs de la DGA, et dans le cadre habituel de la mission que remplit celle-ci au bénéfice des forces.
Ainsi, la réserve opérationnelle de la DGA - réserve de spécialistes essentiellement, comptant 101 volontaires sous ESR en 2015, pour environ 9 700 agents d'active -, permet à la direction générale, à titre principal, de conduire comme il convient les opérations d'armement et de fourniture d'équipements aux armées, qui constituent son coeur de métier, mais aussi d'assurer les actions de soutien aux exportations d'armes qui se multiplient, aujourd'hui, du fait des succès à l'export des entreprises françaises du secteur. Elle y contribue soit en apportant aux services les renforts nécessaires en période de suractivité ou de déficit de ressources, soit en leur procurant certaines compétences techniques nécessaires par intermittence seulement, et qui sont trop spécifiques pour se trouver développées au sein des effectifs permanents. Elle est en outre utilisée, en particulier, dans des analyses comparatives des procédures et méthodes que met en oeuvre la DGA, par rapport aux pratiques des entreprises notamment.
De la sorte, même s'il ne s'agit pas d'appuyer des forces combattantes - la DGA n'en comporte pas -, le rôle de cette réserve, dans son esprit, ne diffère pas de façon fondamentale de celui que remplissent, dans leurs domaines respectifs, les réserves également spécialisées du service des essences ou du service de santé des armées, plus haut évoquées. En d'autres termes, sous l'aspect fonctionnel, la réserve de la DGA peut être assimilée à celle des armées lato sensu . Du reste, quelques réservistes des armées se trouvent appelés à servir au sein de la DGA.
b) La réserve citoyenne des armées
La réserve militaire citoyenne est régie par les articles L. 4241-1 et suivants du code de la défense, qui dispose qu'elle est composée de volontaires agréés par l'autorité militaire , ou par les services spécialisés de renseignement, « en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions relevant de la défense nationale ». Ces volontaires, qui reçoivent un grade militaire à titre honorifique, ont, lorsqu'ils participent à des activités définies ou agréées par l'autorité militaire, le statut de collaborateurs bénévoles du service public 41 ( * ) . En 2015, ils étaient comme on l'a déjà relevé, dans les armées et à la DGA, hors gendarmerie, 2 778 réservistes, représentant plus de 68 % de l'ensemble de la réserve militaire citoyenne .
Conçue, lors de la réorganisation de la réserve militaire par la loi précitée du 22 octobre 1999, comme une forme de « réserve pour la réserve opérationnelle », dans laquelle se trouvaient à ce titre comptabilisés les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité, cette réserve citoyenne, depuis la loi du 18 avril 2006, n'est plus définie par le code de la défense que comme un relai des forces armées vers la société civile . Certes, il est expressément prévu que l'autorité militaire, en fonction des besoins, « peut faire appel aux volontaires de la réserve citoyenne pour, avec leur accord, les affecter dans la réserve opérationnelle » ; mais, en pareil cas, les intéressés doivent souscrire, comme tout volontaire de la RO1, un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. Pour le reste, la loi dispose que la réserve citoyenne « a pour objet d'entretenir l'esprit de défense et de renforcer le lien entre la nation et ses forces armées ».
Dans ce cadre, peuvent cependant intervenir, en pratique, les formes les plus variées d'actions en faveur du « rayonnement » militaire dans le monde civil - dont la participation à des cérémonies nationales ou locales -, de l'enseignement de défense, du développement de la résilience attendue de la Nation... Mais la réserve citoyenne est également appelée à servir au titre d'expertise au profit des armées - cyberdéfense, intelligence économique ou autre -, d'appui au recrutement et à la reconversion des militaires ou à d'autres entreprises encore. Sur ces missions, le rapport annexé à la LPM pour les années 2014 à 2019 s'avère sensiblement plus détaillé que le code de la défense.
La réserve citoyenne selon le rapport annexé à la LPM pour 2014-2019 (rédaction issue de la loi du 28 juillet 2015) « La réserve citoyenne, constituée de bénévoles, appartient pleinement à la réserve militaire. Elle constitue un vecteur de cohésion entre la Nation et les armées et contribue à la diffusion de l'esprit de défense. Elle permet aussi d'apporter aux armées des expertises additionnelles dans des domaines présentant une forte dualité. « Son déploiement sera encouragé, notamment dans les départements ne possédant plus d'implantation militaire autre que la gendarmerie nationale. Par ailleurs, une attention particulière sera apportée à son recrutement pour qu'elle représente la société française de manière équilibrée et dans toute sa diversité. « Un vivier sera identifié pour faire bénéficier la défense de réseaux et de compétences pointues dans des domaines spécifiques. Ainsi, pour faire face aux enjeux de la cybersécurité, un réseau de réservistes citoyens, constitué sous l'égide de l'état-major des armées pour la cyberdéfense et piloté conjointement par l'EMA, l'ANSSI et la gendarmerie nationale, sera développé afin d'apporter son concours au ministère et plus généralement aux divers services de l'État. « Dans le cadre du plan d'égalité des chances du ministère, le réseau des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (RLJC) sera développé. Leur rôle, à partir des réseaux RLJC mis en place, sera d'améliorer la couverture des quartiers sensibles, en s'adaptant à la nouvelle géographie de la politique de la ville et en encourageant les échanges ainsi que les synergies entre les différents acteurs locaux. « Un réseau de réservistes citoyens consacré à la reconversion contribuera au rapprochement des mondes civil et militaire afin d'accompagner l'action du ministère de la défense dans le domaine de la transition professionnelle. Associant les réservistes citoyens issus du secteur public comme du secteur privé, il facilitera la mise en relation des candidats avec les recruteurs et favorisera la création et la reprise d'entreprises. « Dans le cadre de la «Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République», la réserve citoyenne du ministère de la défense apportera son concours au développement de la réserve citoyenne d'appui aux écoles et aux établissements. » Source : Légifrance |
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a lui-même mis l'accent sur deux aspects. En premier lieu, il énonce que, « compte tenu des enjeux multiples et croissants dans ce domaine, une réserve citoyenne sera particulièrement organisée et développée pour la cyberdéfense , mobilisant en particulier les jeunes techniciens et informaticiens intéressés par les enjeux de sécurité ». Cette « cyber réserve » constituait l'une des préconisations formulées en 2012 par votre rapporteur Jean-Marie Bockel , dans son rapport d'information sur la cyberdéfense 42 ( * ) . Aujourd'hui en plein essor, elle consiste dans un « cercle de confiance » d' environ 500 professionnels et étudiants en fin d'études ou s'intéressant de près au domaine de la cybersécurité et de la cyberdéfense, placé sous l'autorité de l'officier général de cyberdéfense à l'état-major des armées et co-piloté avec la direction générale de la gendarmerie nationale.
Le réseau de réservistes citoyens « cyberdéfense » - Quels sont ses objectifs ? Il vise à sensibiliser, expliquer, débattre et proposer, organiser et susci-ter des évènements contribuant à faire de la cyber défense une priorité nationale, tout en concentrant l'action du réseau sur les aspects les plus régaliens et les volets les plus stratégiques. Le réseau cyberdéfense de la réserve citoyenne travaille au bénéfice de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), des armées et de la gendarmerie nationale. Une moitié de son activité s'exerce dans 7 régions sous la forme de 6 thématiques fédérant le travail de 6 groupes de travail. L'autre se tient à Paris sous la forme de groupes de réflexion et de missions individuelles de conseil et d'expertise. - Comment travaille-t-il ? Il fonctionne sur le principe des groupes de travail, chacun mené par un chargé de mission. La coordination générale est assuré par un co-mité exécutif qui rassemble des réservistes et des étatiques, l'un des réservistes exerçant la fonction de « coordonnateur national du réseau cyberdéfense ». Les six groupes de travail se réunissent autour d'une thématique définie : - un groupe « élus et journalistes » intéressés par l'émergence d'une culture de cyberdéfense ; - un groupe « jeunes » à destination des étudiants et des jeunes pro-fessionnels. Cela se concrétise notamment par la mise en place d'activités de sensibilisation à destination de ce public au travers de conférences, d'interventions dans les universités, les écoles, d'actions d'information sur les métiers existants... ; - un groupe « évolution de l'engagement citoyen», qui contribue aux réflexions sur les évolutions possibles d'une réserve spécifique dédiée à la cyberdéfense ; - un groupe « think tanks et réflexion stratégique », en soutien à la réflexion stratégique et aux évolutions techniques au sein des universités, des laboratoires et des think tanks . Il s'agit par exemple de cartographier la recherche française en matière de cyber et de susciter des réflexions dans ce domaine ; - un groupe « PME/PMI » afin de les sensibiliser aux questions de cyber sécurité/cyber défense ; - enfin, un groupe « grandes entreprises » dont l'objectif est similaire au groupe « PME/PMI ». Source : Conseil supérieur de la réserve militaire, rapport d'évaluation de la réserve militaire pour 2014 |
En second lieu, le Livre blanc indique qu'« une attention particulière sera également portée au développement du réseau des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté [ RLJC ] qui, déployés au sein des quartiers sensibles et des zones rurales, constituent auprès des jeunes un relais important du monde de la défense et de la sécurité nationale ». Ces RLJC, dont la nomination est soumise à l'agrément de l'officier général de la zone de défense et de sécurité (ZDS) où ils exercent, sont rattachés au délégué ministériel à la jeunesse et à l'égalité des chances (DMJEC) du ministère de la défense, et placés sous l'autorité des délégués militaires départementaux. Ils étaient au nombre de 169 au 31 décembre 2015.
Les réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (RLJC) Les RLJC ont trois objectifs majeurs : répandre l'esprit de défense, développer la citoyenneté et promouvoir le devoir de mémoire. Pour ce faire, ils organisent des forums de la défense, des séjours de jeunes dans des unités militaires, des activités sportives, culturelles ou mémorielles, participent dans des établissements scolaires à des journées « portes ouvertes » ou à des forums pour l'emploi. Bénévoles, ils peuvent toutefois, sur justificatif, être défrayés pour certaines de leurs activités (frais de déplacement notamment). L'action des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté est aujourd'hui reconnue et prise en compte au niveau interministériel. La convention d'objectifs pour les quartiers prioritaires, signée en juillet 2013 entre le ministre de la défense, le ministre délégué chargé des anciens combattants et le ministre délégué chargé de la ville, prévoit une adaptation progressive du réseau des RLJC à la nouvelle géographie de la politique de la ville. Par ailleurs, conformément au chapitre de cette convention d'objectifs prévoyant le développement des actions mémorielles dans les quartiers prioritaires, les services du DMJEC ont lancé, en partenariat avec la fondation Varenne (groupe La Montagne-Centre France), un concours intitulé « Mon quartier en ma ville en 14/18 », qui s'adresse à des jeunes encadrés par des RLJC. Ce concours a reçu le label de la mission du Centenaire 14-18 et prendra fin en 2018. Source : Conseil supérieur de la réserve militaire, rapport d'évaluation de la réserve militaire pour 2014 |
La mention dans la loi d'un « réseau de réservistes citoyens consacré à la reconversion [...] afin d'accompagner l'action du ministère de la défense dans le domaine de la transition professionnelle » est apparue avec l'actualisation de la LPM en juillet 2015. La création de ce réseau avait été approuvée par l'assemblée plénière du CSRM en novembre 2014, avec l'objectif de 160 membres. Les réservistes citoyens concernés doivent contribuer à l'action de Défense Mobilité, l'agence de reconversion du ministère de la défense, au niveaux local, régional ou national, en favorisant la mise en relation des candidats avec les recruteurs, en accompagnant ces candidats dans leur démarche, en épaulant les porteurs de projets entrepreneuriaux... Ils peuvent aussi prendre part aux réflexions sur l'offre de service du ministère de la défense en matière de reconversion.
Il est certain que, comme l'ont récemment souligné nos collègues députés Mariane Dubois et Joaquim Puey dans leur rapport d'information sur les dispositifs citoyens du ministère de la défense 43 ( * ) , l'exercice de ce type d'activité par des réservistes citoyens tend à atténuer la distinction entre réserve citoyenne et réserve opérationnelle . Le développement de la réserve de cyberdéfense en est le meilleur exemple , dans la mesure où, à la suite de la constitution d'une « cyber réserve citoyenne », qui poursuit sa montée en puissance, une réserve opérationnelle , en la matière, est en cours de création - conformément, d'ailleurs, aux prescriptions du Livre blanc de 2013 ; elle devrait se constituer, en 2016, d'une vingtaine de réservistes sous ESR.
c) La réserve de la gendarmerie
La réserve de la gendarmerie se compose, à l'instar de celle des armées :
- en premier lieu, d'une réserve opérationnelle , elle-même décomposée :
? d'une part, en réserve d'engagement volontaire, RO1 effectivement employée : 26 274 volontaires sous ESR en 2015, soit l'équivalent de 27 % du plafond prévisionnel d'emplois de la gendarmerie et plus de 48 % de l'ensemble de la RO1 militaire ;
? d'autre part, en réserve de disponibilité statutaire, RO2 d'emploi potentiel, à ce jour jamais sollicitée : les anciens gendarmes soumis à obligation de disponibilité pendant cinq ans après la cessation de leur état militaire, au nombre de 28 758 en 2015, soit près de 23 % de l'ensemble de la RO2 militaire ;
- en second lieu, d'une réserve citoyenne : on comptait dans la gendarmerie 1 284 réservistes de cette catégorie en 2015, soit près de 32 % de la totalité de la réserve citoyenne militaire.
Tous les principes juridiques ci-dessus exposés pour les réserves des armées, mutatis mutandis , s'appliquent à celles de la gendarmerie, qui sont partie intégrante de la réserve militaire. En revanche, pour ne s'attacher ici qu'à la réserve opérationnelle de premier niveau, au moins trois traits d'organisation différentient fondamentalement, dans les faits, la réserve de la gendarmerie de celle des armées.
Premièrement, il s'agit du caractère unifié de la constitution la RO1 de la gendarmerie, depuis la réforme de 2015 qui a procédé à la fusion des réserves de la gendarmerie départementale, de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine, donnant lieu à une seule « réserve territoriale » en poursuivant un objectif de plus grande réactivité. Les gendarmes réservistes sont ainsi affectés, aujourd'hui, au sein de 367 compagnies de réserve territoriale (CRT) rattachées aux compagnies de gendarmerie départementale, qui ont succédé, notamment, aux pelotons de réserve de la gendarmerie départementale (PRGD) et aux escadrons de réserve de la gendarmerie mobile (ERGM).
Deuxième différence avec la situation des armées, on constate un fort adossement de la RO1 de la gendarmerie aux territoires, favorisé par le caractère complet du maillage territorial dont jouit cette dernière, qui ne connaît pas l'équivalent des « déserts militaires » nés de la fermeture de bases et unités - et d'ailleurs improprement nommés, puisqu'ils ne visent que l'absence d'implantation des armées . Cette couverture territoriale permet en effet à la gendarmerie d'employer ses réservistes, en général, à proximité de leur lieu de vie « civile », familiale ou professionnelle, alors que les armées, au contraire, sont souvent contraintes de faire se déplacer leurs volontaires, pour leur entraînement et l'accomplissement de leurs missions, à plusieurs centaines de kilomètres de leur domicile. Elle autorise également, de ce fait, un emploi « à la journée » des gendarmes réservistes, et le fractionnement en autant de courtes périodes de leur temps annuel d'activité dans la réserve (en moyenne 20,6 jours, au total, en 2015) ; c'est un système très souple, pour les intéressés et, le cas échéant, pour leurs employeurs, que les armées peuvent rarement offrir à leurs propres réservistes.
Enfin, une troisième différence avec la RO1 des armées tient à la facilitation du recrutement dans la réserve de la gendarmerie qu'induit, à l'évidence, l'importante visibilité des missions de celle-ci , due à la proximité qu'elle entretient, par sa vocation même, avec la population. Cet élément de « familiarité » et, en même temps, de valorisation de l'image de la gendarmerie, explique certainement qu'en 2015, plus des trois quarts des réservistes volontaires de celle-ci se trouvaient directement issus de la société civile, contre moins d'un quart de réservistes anciens gendarmes d'active, alors que, dans la RO1 des armées, les anciens militaires représentaient plus de 42 % du total des volontaires sous ESR et les réservistes issus de la société civile moins de 58 % seulement.
L'activité de la RO1 de la gendarmerie en 2015
Effectif des réservistes |
Proportion |
Activité de la réserve |
Proportion |
Moyenne d'activité |
|
Anciens militaires d'active |
6 381 |
24,29 % |
177 235 jours |
32,81 % |
27,78 jours |
Issus de la société civile |
19 893 |
75,71 % |
362 965 jours |
67,19 % |
18,24 jours |
Total |
26 274 |
100,00 % |
540 200 jours |
100,00 % |
20,56 jours |
Source : Conseil supérieur de la réserve militaire
Indispensable au bon accomplissement quotidien des missions de la gendarmerie, ces réservistes volontaires sont chargés, aux côtés des gendarmes d'active en complément d'unité, voire de façon autonome dans des unités constituées de réservistes, des différentes missions de surveillance, protection, contrôle et intervention habituellement assurées par la gendarmerie départementale , tendant en particulier à la lutte contre la délinquance et la défense de points sensibles ; ils ne participent pas, cependant, aux opérations de maintien de l'ordre de la gendarmerie mobile. L'organisation de leur service peut varier, d'une région à l'autre, mais ils s'avèrent particulièrement sollicités, en renfort, lors de grands événements, culturels ou sportifs notamment, durant les périodes d'affluence touristique, à l'occasion de crises... Vos rapporteurs ont noté avec intérêt la convention conclue entre la gendarmerie et la SNCF qui permet actuellement que des réservistes effectuent, dans les trains roulant en Île-de-France et dans les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, des missions de patrouille en renfort de la police ferroviaire, à certaines heures ou sur certains tronçons de lignes. Les trois quarts des effectifs de la RO1 de la gendarmerie sont affectés à des emplois opérationnels ; par ailleurs, certains réservistes se trouvent employés au titre de compléments d'administration, pour du soutien ou de l'instruction.
Ce faisant, à bien des égards - mais grâce à une situation de facto différente, comme on l'a vu, de celle des armées -, le fonctionnement de la réserve opérationnelle de la gendarmerie est souvent admise comme concrétisant un « idéal » du genre.
2. La « nébuleuse » des réserves civiles
À côté de la réserve militaire dans ses différentes composantes, héritière d'une longue histoire même si sa configuration actuelle résulte de la professionnalisation des armées et de la réorganisation de 1999, diverses réserves civiles ont été mises en place dans le paysage institutionnel français, de façon beaucoup plus récente. Ces réformes, lancées de façon ponctuelle au fil des années mais participant d'un esprit similaire, apparaissent commandées par le double objectif d'offrir des voies de réalisation aux souhaits d'engagement civique de la population, en renforçant ainsi le lien entre la Nation et ses services publics, et de procurer aux pouvoirs publics les moyens de consolider en tant que de besoin l'action de ces services . Il n'en reste pas moins que les régimes existant aujourd'hui font largement figure de « nébuleuse » hétérogène 44 ( * ) .
Le dispositif de « réserve de sécurité nationale » créé en 2011, dont on a rappelé le régime plus haut ici 45 ( * ) , fait appel, aux côté de la réserve militaire opérationnelle, à quatre réserves civiles ainsi destinées à pouvoir coopérer directement avec les forces armées et la gendarmerie :
La réserve civile de la police nationale , créée en 2003 46 ( * ) et régie par le code de la sécurité intérieure (articles L. 411-7 et suivants). Constituée des retraités des corps actifs de la police nationale, tenus à une obligation de disponibilité dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service, et de volontaires ayant souscrit un contrat d'engagement, cette réserve « est destinée à des missions de soutien aux forces de sécurité intérieure et des missions de solidarité, en France et à l'étranger, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public ». Elle coexiste avec le « service volontaire citoyen de la police nationale », créé en 2007 47 ( * ) , expressément « dans le but de renforcer le lien entre la Nation et la police nationale », et rassemblant des bénévoles qui accomplissent, en tant que collaborateurs occasionnels du service public, « des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de l'exercice de toutes prérogatives de puissance publique ».
La réserve sanitaire , instituée en 2007 48 ( * ) et régie par le code de la santé publique (articles L. 3132-1 et suivants). Cette réserve a pour objet de compléter, « en cas d'événements excédant leurs moyens habituels », ceux que mettent en oeuvre, notamment, les services de l'État, les collectivités territoriales, les établissements de santé et autres personnes ou organisations concourant à la sécurité sanitaire, « en vue de répondre aux situations de catastrophe, d'urgence ou de menace sanitaires graves sur le territoire national ». On distingue une réserve sanitaire d'intervention , dont la pour mission consiste à faire face, dans un délai très court, à des crises sanitaires graves (catastrophe naturelle ou attentat par exemple), et une réserve sanitaire de renfort , qui a vocation à gérer les conséquences sanitaires à long terme d'un évènement grave ou d'une pandémie. Le dispositif repose sur les professionnels en activité et les jeunes retraités professionnels de santé, ainsi que les étudiants des filières médicales ou paramédicales, qui ont souscrit un contrat d'engagement à servir à ce titre.
La réserve civile pénitentiaire , créée et organisée par la loi pénitentiaire de 2009 49 ( * ) . Exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire, ayant souscrit un contrat d'engagement, cette réserve est « destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice ainsi que des missions de formation des personnels, d'étude ou de coopération internationale » ; elle « peut également être chargée d'assister les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans l'exercice de leurs fonctions de probation ».
Les réserves communales de sécurité civile , instituées en 2004 50 ( * ) et régies par le code de la sécurité intérieure (articles L. 724-1 et suivants). Chaque commune, sur délibération du conseil municipal, peut instituer une telle réserve, dont l'objet est « d'appuyer les services concourant à la sécurité civile en cas d'événements excédant leurs moyens habituels ou dans des situations particulières. À cet effet, [les réserves communales de sécurité civile] participent au soutien et à l'assistance des populations, à l'appui logistique et au rétablissement des activités. Elles peuvent également contribuer à la préparation de la population face aux risques. » Ces réserves doivent être composées de volontaires bénévoles, ayant souscrit un engagement et disposant des « capacités et compétences correspondant aux missions qui leur sont dévolues au sein de la réserve ».
À cette liste, il convient d'ajouter :
Pour mémoire ici, la réserve judiciaire . Mise en place par la loi en 2011 51 ( * ) , composée de volontaires à la retraite et âgés de 75 ans au plus, soit magistrats, soit issus des corps de greffiers, ses membres peuvent être délégués, par les chefs de cour, pour l'accomplissement d'activités non juridictionnelles.
En second lieu, la réserve citoyenne de l'éducation nationale . Créée par voie de circulaire ministérielle en 2015 52 ( * ) , aux termes de ce texte elle « constitue une forme d'engagement individuel bénévole au service de l'École de la République », accessible à tous les citoyens. Sur la base de la candidature de ces derniers, il revient aux rectorats d'établir un fichier de réservistes susceptibles d'être sollicités, par la suite, directement par établissements d'enseignement, « si [leur] profil correspond à un besoin formulé dans le cadre d'un projet pédagogique ». Ils sont alors « principalement chargés d'illustrer, par des témoignages tirés de leur expérience professionnelle et de vie, les enseignements et activités éducatives assurées par les enseignants et autres personnels éducatifs en matière notamment d'éducation à la laïcité et à la citoyenneté, d'éducation à l'égalité entre filles et garçons, de lutte contre toutes les formes de discriminations, de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, de rapprochement de l'école et du monde professionnel et d'éducation aux médias et à l'information. Ils peuvent également participer à des actions éducatives destinées à développer la vie démocratique au collège et au lycée et à faciliter le développement des initiatives des élèves dans l'école ou en dehors de l'école. »
Le rapport annexé à la LPM pour les années 2014 à 2019, dans sa rédaction précitée issue de la loi du 28 juillet 2015, prévoit en termes exprès que la réserve citoyenne du ministère de la défense apporte son concours au développement de cette réserve citoyenne de l'éducation nationale.
* 41 Agissant dans ce cadre, les réservistes citoyens ont droit à l'indemnisation de leurs éventuels frais de déplacement (article R. 4241-2 du code de la défense).
* 42 Rapport d'information n° 681 (2011-2012) fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, « La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale », juillet 2012.
* 43 Rapport d'information, déjà mentionné, n° 3322 (AN, XIV e législature), « Le service national universel », décembre 2015.
* 44 Le projet de loi « Égalité et citoyenneté », en cours d'examen par le Parlement lors de la rédaction du présent rapport, tend à instaurer un socle commun de règles pour les réserves « citoyennes ». Cf. infra , 2 e partie (point II, A, 3).
* 45 Cf. le point B ci-dessus.
* 46 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
* 47 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
* 48 Loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.
* 49 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, articles 17 et suivants ; décret d'application n° 2011-740 du 27 juin 2011.
* 50 Loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.
* 51 Article 164 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; décret d'application n° 2011-946 du 10 août 2011.
* 52 Circulaire n° 2015-077 du 12 mai 2015 de la ministre de l'éducation nationale.