B. DES AMÉNAGEMENTS SOUTENUS PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
Deux aménagements des dispositions présentées ci-dessus ont été apportés, dans les cinq dernières années, avec le soutien de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : d'abord la création , en 2011 , d'une « réserve de sécurité nationale », qui inclue notamment la réserve opérationnelle des armées ; ensuite l' assouplissement , en 2015 , des conditions de recours à la réserve militaire opérationnelle , en cas de crise menaçant la sécurité nationale. Le régime complet de participation des salariés à la réserve opérationnelle qui résulte de ces réformes peut être synthétisé sous la forme du tableau suivant :
Délais de convocation des réservistes sous ESR et durée maximale d'emploi ne requérant pas l'accord préalable de leur employeur civil
Temps ordinaire |
Crise menaçant la sécurité nationale |
Appel à la réserve de sécurité nationale |
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Fondement légal (code de la défense) |
Art. L. 4221-4 |
Art. L. 4221-4-1 |
Art. L. 2171-1 et suiv. |
Réserviste sous ESR soumis au régime de droit commun |
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Délai de convocation |
30 jours |
15 jours |
1 jour franc minimum |
Durée maximale d'emploi opposable |
5 jours |
10 jours |
30 jours, renouvelables une fois |
Réserviste sous ESR ayant souscrit une clause de réactivité |
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Délai de convocation |
15 jours |
5 jours |
1 jour franc minimum |
Durée maximale d'emploi opposable |
5 jours |
10 jours |
30 jours, renouvelables une fois |
Source : Mariane Dubois et Joaquim Puey, rapport d'information n° 3322 (AN, XIV e législature), « Le service national universel », décembre 2015
1. La création en 2011 d'une « réserve de sécurité nationale » incluant la réserve opérationnelle des armées
La création d'une « réserve de sécurité nationale » est directement issue des travaux déjà cités de nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam . Leur rapport d'information n° 174 (2010-2011), adopté en décembre 2010 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées - et précisément intitulé : « Pour une réserve de sécurité nationale » - a donné lieu à leur proposition de loi « tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure 31 ( * ) », devenue la loi du 28 juillet 2011 32 ( * ) .
Cette réforme est partie du constat que le dispositif de réserves existant permettrait difficilement de faire face à une situation de crise grave, qui nécessiterait une réactivité importante et devrait s'inscrire dans la durée. Elle a institué un dispositif donnant la faculté au Premier ministre, par décret, de renforcer les moyens mis en oeuvre par les services de l'État, les collectivités territoriales, ou toute autre personne de droit public ou privé qui participe à une mission de service public, « en cas de survenance, sur tout ou partie du territoire national, d'une crise majeure dont l'ampleur met en péril la continuité de l'action de l'État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation » (articles L. 2171-1 et suivants du code de la défense).
Ce dispositif, qui ne s'est pas encore trouvé mis en oeuvre à ce jour, prévoit le concours commun des réservistes de la réserve militaire opérationnelle - soit celle des armées et celle de la gendarmerie, du premier niveau (RO1) et du deuxième (RO2) 33 ( * ) -, de la réserve civile de la police nationale, de la réserve sanitaire, de la réserve civile pénitentiaire et des réserves communales de sécurité civile 34 ( * ) . Toutefois, « en cas de nécessité inhérente à la poursuite de la production de biens ou de services ou à la continuité du service public », pourraient être dégagés de l'obligation de participer au dispositif les réservistes employés par un des opérateurs publics ou privés ou des gestionnaires d'établissements désignés par l'autorité administrative, conformément aux dispositions légales, comme étant d'importance vitale, c'est-à-dire ceux « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ».
Suivant les dispositions règlementaires d'application de la loi publiées - tardivement - en 2015 35 ( * ) , en cas d'activation de cette « réserve de sécurité nationale », une convocation doit être adressée au réserviste ; elle mentionne notamment la date à laquelle il est tenu de rejoindre son lieu d'affectation, avec un délai de préavis minimum d'un jour franc à compter de la date de réception de la convocation . La durée d'emploi des réservistes dans ce cadre, à fixer par le décret du Premier ministre décidant d'y avoir recours, ne peut excéder un maximum de trente jours consécutifs, renouvelables une fois « en cas de persistance des conditions ayant nécessité [ce] recours ». La loi précise que les périodes d'emploi réalisées au titre de la réserve de sécurité nationale ne sont pas imputables sur le nombre annuel maximal de jours d'activité pouvant être accomplis dans le cadre de l'engagement souscrit par le réserviste.
2. L'assouplissement en 2015 des conditions de recours à la réserve opérationnelle en cas de crise menaçant la sécurité nationale
En vue d'assurer un continuum d'action de la réserve militaire, de la situation courante à la situation de crise majeure, la loi du 28 juillet 2015 36 ( * ) a assoupli les conditions du recours aux réservistes salariés de la réserve opérationnelle , pour le cas de « crise menaçant la sécurité nationale » (article L. 4221-4-1 du code de la défense 37 ( * ) ). Dans cette hypothèse, il est possible au ministre de la défense (comme au ministre de l'intérieur pour ce qui concerne les réservistes de la gendarmerie nationale), par arrêté :
- d'une part, de réduire le préavis que doit respecter le réserviste salarié pour prévenir son employeur de son absence pour activités dans la réserve, à 15 jours pour le régime de droit commun, contre un mois en temps ordinaire, et à 5 jours pour les réservistes ayant souscrit une clause de réactivité, contre 15 jours en temps ordinaire ;
- d'autre part, d' augmenter le nombre de jours d'activité dans la réserve que peut effectuer le réserviste salarié sur son temps de travail sans avoir besoin de l'autorisation de son employeur, à 10 jours par an, contre 5 jours en temps ordinaire.
La mise en application de ces mesures n'est possible que pour un temps limité , à fixer par l'arrêté ministériel décidant d'y faire appel. Ainsi, lorsque ces dispositions ont été activées, pour la seule et unique fois à ce jour, par un arrêté du 4 janvier 2016 du ministre de la défense 38 ( * ) , leur durée de mise en oeuvre a été indexée sur celle de l'état d'urgence alors prévue par la loi 39 ( * ) , soit jusqu'au 26 février 2016.
Par ailleurs, afin d'éviter de faire obstacle à l'activité d'opérateurs ou d'établissements identifiés comme étant d'importance vitale, une limitation, analogue à celle que comporte le dispositif de « réserve de sécurité nationale » comme noté ci-dessus, a été prévue. Ainsi, les employés de ces opérateurs ou établissements, « en cas de nécessité inhérente à la poursuite de la production de biens ou de services ou à la continuité du service public », peuvent être dégagés de leurs obligations au titre des aménagements du régime des réservistes salariés pour cause de crise menaçant la sécurité nationale.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lors de l'examen du projet de loi qui devait devenir la loi susmentionnée du 28 juillet 2015 40 ( * ) , avait estimé que ce dispositif d'assouplissement était utile, dans la mesure où il instituait un échelon intermédiaire entre le recours ordinaire à la réserve opérationnelle et le dispositif exceptionnel de la réserve de sécurité nationale créé en 2011. Elle avait en conséquence adopté sans modification les dispositions en cause - tout en formulant, à cette occasion, plusieurs observations sur les efforts nécessaires afin de rénover la politique des réserves militaires.
* 31 Texte n° 194 (2010-2011) déposé au Sénat le 21 décembre 2010.
* 32 Loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.
* 33 Dans une disposition « miroir » insérée dans le livre du code de la défense consacré à la réserve militaire, l'article L. 4211-1-1 prévoit ainsi que « les membres de la réserve opérationnelle militaire font partie du dispositif de réserve de sécurité nationale mentionné à l'article L. 2171-1 [...] ».
* 34 Sur ces réserves civiles, cf. infra , point C.
* 35 Articles R. 2171-1 et suivants du code de la défense, issus du décret n° 2015-508 du 7 mai 2015. Cf. le rapport d'information n° 725 (2013-2014) de notre ancien collègue Marcel-Pierre Cléach, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sur la mise en oeuvre de la loi précitée du 28 juillet 2011, « Réserviste : un engagement citoyen au service de la Nation », juillet 2014.
* 36 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
* 37 Les dispositions d'application (articles R. 4221-10-2 et suivants du code de la défense) ont été prises par le décret n° 2015-1636 du 10 décembre 2015.
* 38 Arrêté du 4 janvier 2016 relatif à la mise en oeuvre en cas de crise menaçant la sécurité nationale des dispositions de l'article L. 4221-4-1 du code de la défense, NOR : DEFH1531564A.
* 39 Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.
* 40 Cf. le rapport n° 547 (2014-2015) de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, juin 2015.