B. LES ÉVALUATIONS ALTERNATIVES DU PIB POTENTIEL

Par suite, il n'est pas sans intérêt d'examiner les hypothèses relatives au PIB potentiel avancées par l'Insee, mais également par la Commission européenne et différentes organisations internationales , avant de présenter les premiers résultats du nouveau « consensus de la croissance potentielle » de la commission des finances.

1. Les estimations avancées par l'Insee...

Une estimation de la croissance potentielle de l'économie française a été proposée dans une étude publiée en juin 2013 par trois économistes de l'Insee 40 ( * ) . À partir d'une nouvelle mesure de la productivité globale des facteurs (PGF), reposant sur la prise en compte de la contribution à la croissance de la « qualité » du capital et du travail, soit des différences de productivité des différentes catégories de capital et de main d'oeuvre, ces derniers avancent trois scénarii d'évolution de la croissance potentielle. Ils notent, à cet égard, que l'incertitude la plus forte concerne les évolutions de la productivité globale des facteurs - les effets de la crise économique et financière sur celle-ci étant difficiles à appréhender.

Ainsi, dans le scénario central , il est supposé que la croissance de la productivité globale des facteurs a été marquée par une rupture durable , évoluant de + 0,5 % par an entre 2015 et 2025, contre + 0,7 % par an sur la période précédant la crise (1994-2007). Dans la variante haute , la productivité globale des facteurs retrouverait son rythme de croissance d'avant-crise, soit + 0,7 % par an. Dans la variante basse , enfin, une rupture durable et importante aurait touché la productivité globale des facteurs, qui ne croîtrait alors que de 0,3 % par an. Le détail des différentes hypothèses retenues par l'Insee est repris dans le tableau ci-après.

Tableau n° 7 : Croissance potentielle 2015-2025 du PIB et contribution des facteurs de production

Note de lecture : PGF : productivité globale des facteurs ; TUC : taux d'utilisation des capacités de production.

Source : P.-Y. Cabannes, A. Montaut et P.-A. Pionnier (2013)

Ainsi, selon l'ampleur des incidences de la crise sur le rythme d'évolution de la productivité globale des facteurs (PGF), l'étude de l'Insee estime que la croissance potentielle de l'économie française serait comprise entre 1,2 % et 1,9 % entre 2015 et 2025, avec un scénario central à 1,5 % . Si cette étude tend à conforter la trajectoire de croissance potentielle actuellement retenue par le Gouvernement, quoiqu'elle concerne une perspective longue, elle ne donne toutefois aucune indication concernant l'évaluation de l'écart de production, qui constitue l'une des principales faiblesses du scénario gouvernemental (cf. supra ).

En outre, cette publication montre un abaissement du potentiel de croissance de la France à la suite de la crise économique et financière, la croissance effective s'étant élevée, en moyenne, à 2,2 % par an entre 1994 et 2007 .

2. ...et les organisations internationales

Comme cela était indiqué précédemment, le Gouvernement avait fait sienne, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, la trajectoire de croissance potentielle retenue, au moment de son examen par le Parlement, par la Commission européenne pour la période 2013-2015. Selon les dernières estimations de l'exécutif européen, publiées en mai dernier, la croissance potentielle de la France serait d'environ 1 % entre 2015 et 2017 .

Le Fonds monétaire international (FMI) retient, quant à lui, une hypothèse de croissance potentielle de 1,1 % pour la même période, qui tendrait à se renforcer pour atteindre 1,3 % en 2020, alors que l'OCDE avance une estimation moyenne de 1,2 % .

Tableau n° 8 : Estimations de la croissance potentielle et de l'écart de production de la France par la Commission européenne, le FMI et l'OCDE

(en points de PIB potentiel)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Commission européenne (1)

Croissance potentielle

0,9

0,8

1,0

1,1

Écart de production

- 2,1

- 1,8

- 1,5

- 0,9

FMI (2)

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,1

1,1

1,2

1,3

1,3

Écart de production

- 2,5

- 2,4

- 2,0

- 1,5

- 1,0

- 0,5

0,0

OCDE (3)

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,2

1,2

Écart de production

- 2,0

- 1,8

- 1,6

- 1,3

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2016 », Institutional Paper 25, mai 2016.

(2) Fonds monétaire international, « France: 2015 Article IV Consultation--Staff Report », IMF Country Report No. 15/178 , juillet 2015.

(3) OCDE, OECD Economic Outlook , juin 2016.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Au total, l'estimation gouvernementale de la croissance potentielle, qui s'élève à 1,4 % en moyenne entre 2015 et 2017, s'avère significativement plus élevée que celles retenues par les organisations internationales , qui sont entre 0,2 et 0,4 point inférieures. De même, alors que le Gouvernent évalue, dans le dernier programme de stabilité, l'écart de production à - 3,3 % du PIB potentiel au cours de la période 2015-2018, la Commission européenne l'estime moins creusé (- 1,4 % du PIB potentiel en moyenne), à l'instar du FMI (- 2,0 %) et de l'OCDE (- 1,6 %) ; or, comme cela a déjà été souligné, retenir une hypothèse d'écart de production plus proche de celles retenues par ces organisations internationales conduirait à revoir à la hausse le déficit structurel français.


* 40 P.-Y. Cabannes, A. Montaut et P.-A. Pionnier, op. cit.

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