EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie, le jeudi 30 juin 2016, pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Richard Yung, le débat suivant s'est engagé :
M. Daniel Raoul . - La mise en place de ces garanties est-elle liée aux négociations de Bâle III ou IV ?
M. Richard Yung . - À Bâle se réunissent les banques centrales, pour édicter des règles générales. L'Europe n'y est pas suffisamment représentée, sauf par ses différents États, dont les positions diffèrent souvent. Cela contraste avec la puissance de la représentation américaine, dirigée par la Fed. Il y a peu, nous avons dû défendre notre système de crédit immobilier contre les Anglo-saxons, qui prétendaient que le leur était meilleur.
M. Daniel Raoul . - Il a fait ses preuves !
M. Richard Yung . - On l'a bien vu en 2008, en effet. Il est dommage qu'il n'y ait pas de représentation forte de l'Europe à Bâle pour faire contrepoids aux États-Unis.
M. Éric Bocquet . - A quoi fait référence l'expression de « cercle vicieux », en page 5 ? Alors que l'Union bancaire doit prévenir une nouvelle crise, la masse monétaire continue de croître au rythme des injections de la BCE. Dans un article daté du 15 juin dernier, M. Peyrelevade déclarait qu'en quinze ans, la masse monétaire créée par les banques centrales est passée de 10 % à 30 % du PIB mondial. Il préconisait de remettre en place un contrôle des mouvements de capitaux, que le traité de Rome avait pourtant libéralisés. C'est le pompier pyromane !
M. Richard Yung . - La BCE injecte des liquidités pour accroître l'inflation et pour inciter les banques à distribuer du crédit.
M. Jean Bizet, président . - Sans grand résultat.
M. Richard Yung . - Sur l'inflation, le résultat est en effet médiocre. Pour ma génération, l'inflation, c'était le mal. Et voilà qu'on cherche à la faire revenir ! En revanche, l'effet sur le crédit est plus sensible, même si un système où les banques déposent leurs liquidités à la BCE contre un taux négatif est étrange.
M. Éric Bocquet . - C'est de la philanthropie !
M. Richard Yung . - Le bilan de la Fed est passé de 1 000 à 4 000 milliards de dollars, mais elle a commencé à agir plus tôt que la BCE, dès 2008, ce qui a eu un effet positif sur l'économie américaine. À vrai dire, la croissance du bilan n'est pas un problème. Le cercle vicieux tient plutôt au fait que les banques détiennent massivement des obligations d'État.
M. Jean-Yves Leconte . - La garantie sur les dépôts est-elle identique pour toutes les banques ?
M. Richard Yung . - Oui. C'est la jurisprudence sur Chypre ! En pratique, les fonds de garantie sont nationaux.
M. Jean Bizet, président . - Merci pour ce rapport. L'horizon est fixé en 2023 : c'est plus long que le PNR ! Les règles prudentielles imposent de stériliser des sommes importantes. Nous en sommes à 20 % environ. Pour la Banque européenne d'investissement, c'est même 28 %... Qu'en est-il aux États-Unis ?
M. Richard Yung . - Le financement de l'économie s'y fait à 70 % par les marchés, alors qu'en Europe cette part est celle des banques. Cela explique pourquoi les Américains sont plus exigeants sur les niveaux de ratios : ils sont moins touchés. À côté de quelques grandes banques, ils ont 4 000 ou 5 000 banques d'activités locales. Les cas de résolution y sont assez fréquents : une centaine par an. Bien sûr, il faut trouver un équilibre entre la nécessité de capitaliser les banques et celle d'investir les capitaux dans l'économie. Les banques se plaignent, mais leurs bénéfices n'inspirent pas précisément la pitié...
M. Jean Bizet, président . - Ce que vous nous avez dit sur Bâle est-il reflété par le point n° 20 de l'avis politique ?
M. Richard Yung . - Oui. Les Américains ont quatorze instances de régulation, sous l'autorité de la Fed qui parle d'une seule voix à Bâle.
M. Jean Bizet, président . - C'est très important. Souvenons-nous de 2008... Examinons aussi sans naïveté l'extraterritorialité des lois américaines. Quant aux chambres de compensation, installées à Londres contre l'avis de la BCE, elles doivent quitter le Royaume-Uni. Elles doivent pouvoir venir s'installer en France.
M. Richard Yung . - Les chambres de compensation sont des organes privés, parfois créés par les banques. Certaines sont sous supervision. Quatre ou cinq sociétés les gèrent. Elles traitent non seulement les actions mais les produits dérivés, qui représentent plusieurs centaines de milliers de milliards d'euros. C'est la Cour de Justice de l'Union européenne qui avait contredit la BCE. Espérons que nous saurons en attirer une partie à Paris.
M. Jean Bizet, président . - Le groupe de suivi devra s'emparer de ce sujet.
M. Yves Pozzo di Borgo . - Quelles sont les conséquences pour Paris Europlace ? M. Mestrallet en est le président. Il faudrait travailler avec eux.
M. Richard Yung . - Un des problèmes qu'il faudra regarder est le projet d'Union européenne des capitaux qui était mené par Lord Hill, qui a eu l'élégance de démissionner. Que va-t-il se passer ? Je l'ignore.
M. Daniel Raoul . - Je suggère de remplacer « restaurer » par « garantir » au point n° 6 de l'avis politique.
M. Richard Yung . - Je suis d'accord.
M. Éric Bocquet . - Sur ce projet d'avis politique, je m'abstiens.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport d'information et a adopté - M. Éric Bocquet s'abstenant - l'avis politique ci-après qui sera adressé à la Commission européenne.