EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. 2015, UNE SEPTIÈME ANNÉE DE DÉFICIT DES COMPTES SOCIAUX
Sous-secteur des administrations publiques qui comprend les régimes d'assurance sociale et les organismes dépendant de ces régimes 1 ( * ) , les administrations de sécurité sociale (Asso) constituent le périmètre sur lequel s'apprécie le respect des engagements européens de la France en matière de comptes publics.
Il diffère à la fois de celui, plus large, de la protection sociale, qui comprend également l'intervention de l'État et du secteur privé et permet à ce titre des comparaisons internationales sur la prise en charge des différents risques, mais aussi de celui, plus limité, des régimes obligatoires de base qui font l'objet de la loi de financement de la sécurité sociale.
Les administrations sociales sont également le périmètre pris en compte par les lois de programmation des finances publiques. Il s'agit donc du niveau pertinent pour l'examen de la situation des comptes sociaux.
Aperçu de la protection sociale en 2014 :
D'après le rapport de la Drees intitulé « la protection sociale en France et en Europe en 2014 », dernière année disponible des comptes de la protection sociale 2 ( * ) , les dépenses de protection sociale dans notre pays s'élevaient à 736,5 milliards d'euros, dont 689,8 milliards d'euros de prestations sociales, soit 32,2 % du PIB , au deuxième rang européen derrière le Danemark. Dans une période de stabilité des prix, le rythme de progression des prestations a ralenti pour s'établir à 2,2 %. Avec 45 % du total, le premier risque reste vieillesse-survie, suivi du risque santé. En termes d'évolution, le risque pauvreté-exclusion connaît en revanche la progression la plus importante (+ 5,2 %), suivi des prestations santé (+2,6 %). Prestations par risque en 2014 (en milliards d'euros)
Source : DREES-CPS Les ressources de la protection sociale ont cru de 2,4 %, soit un rythme nettement plus élevé que celui de la croissance de la masse salariale (1,5%), pour s'établir à 728, 6 milliards d'euros. Les cotisations sociales représentent 62 % des ressources de la protection sociale et les trois-quarts des cotisations sont liés à l'emploi salarié. En 2014, les cotisations représentent un tiers du coût horaire de main d'oeuvre, contre 24 % dans l'UE-28. Ressources de la protection sociale en 2014 (en milliards d'euros)
Source : DREES-CPS Le déficit global de la protection sociale s'est par conséquent réduit à 7,9 milliards d'euros, soit 0,4 % du PIB. La France conserve un niveau de pauvreté stable à 18,5 %, un des plus faibles au sein de l'Union européenne, en dépit d'un taux de chômage élevé (10,3 % au sens du BIT en moyenne annuelle). Évoquant les enjeux de long terme pour la protection sociale, la Drees souligne la place de la démographie et de la soutenabilité financière . « Mécaniquement, la part de la population âgée de 15 à 64 ans diminue sous l'effet de l'allongement de la durée de vie et de l'augmentation de la part de la population âgée de 65 ans. Maintenir, voire augmenter, le taux d'activité de la population en âge de travailler contribue à assurer la viabilité financière du système de retraite tout en préservant un taux de remplacement décent afin de protéger les personnes plus âgées du risque de pauvreté et d'exclusion sociale ». Les prestations sociales versées par les administrations publiques représentent 29,3 % du PIB et 51 % des dépenses publiques en 2014 : - 73 %, soit 502,7 milliards d'euros sont versées par les administrations de sécurité sociale ; - 18 % sont versés par les autres administrations publiques, État et collectivités territoriales. |
A. UNE DYNAMIQUE DES MESURES ANTÉRIEURES QUI ATTÉNUE LES EFFETS DU PACTE DE RESPONSABILITÉ
1. Des recettes soutenues par une conjoncture légèrement plus favorable
Les hypothèses de croissance, d'évolution de la masse salariale et d'inflation associées au projet de loi de financement pour 2015 ont été révisées à la baisse lors de la présentation du programme de stabilité d'avril 2015.
En exécution, l'hypothèse d'inflation nulle a été confirmée mais la croissance a bénéficié de la baisse de l'euro et des prix du pétrole.
Les hypothèses macro-économiques pour 2015
PLFSS 2015 |
Programme de stabilité |
Constaté (p) |
|
Croissance du PIB en volume |
1 % |
1,0 % |
1,3 % |
Évolution de la masse salariale |
2 % |
1,3 % |
1,6 % |
Inflation |
0,9 % |
0,0 % |
0 % |
Principal déterminant des recettes, la masse salariale du secteur privé a crû plus fortement que prévu. Comme en 2014, la principale composante est l'effet salaire (+ 1,4 %) alors que l'effet emploi est très limité (0,1 %).
2. Une progression plus modérée des recettes
Les 573,3 milliards de recettes des Asso représentent 49 % des recettes publiques, contre 50 % en 2014. Le rythme de progression des recettes ralentit à 1,1 %, après 2,5 % en 2014.
Les cotisations sociales ne progressent que de 1 % sous l'effet de la mise en oeuvre des mesures du pacte de responsabilité.
La progression des recettes fiscales (+ 1,5 %) est ralentie par des effets de périmètre (compensation du pacte de responsabilité) et par le relèvement du seuil pour le paiement de la C3S.
3. Des prélèvements obligatoires supérieurs d'un point de PIB à ceux de 2011
En 2015, l'ensemble des prélèvements obligatoires des administrations publiques françaises s'élevait à 975,4 milliards d'euros, soit 44,7 % du produit intérieur brut, en légère décrue, de 0,1 point de PIB, pour la première fois depuis le début de la crise.
Les prélèvements obligatoires au profit des Asso ont représenté 528,6 milliards d'euros, soit 54,2 % des prélèvements obligatoires et 24,2 % du PIB.
Ces prélèvements se composent d'impôts (170 milliards d'euros) dont la part dans le PIB est stable (7,8 %) et de cotisations sociales (358,6 milliards d'euros) dont la part dans le PIB baisse de 0,2 point pour s'établir à 16,4 %.
Après une croissance soutenue depuis 2009, et une augmentation limitée à 6 milliards d'euros, la part des prélèvements obligatoires des Asso diminue de 0,2 point de PIB par rapport à 2014.
De façon également nouvelle, les Asso apportent cette année une contribution négative à l'évolution des prélèvements obligatoires. Cette évolution ne compense que très partiellement l'augmentation intervenue depuis 2011, qui équivaut à un point de PIB. Avec 24,2 %, la part des prélèvements obligatoires des Asso dans le PIB ne retrouve même pas le niveau de 2013 (24 %).
Évolution des prélèvements
obligatoires au profit des Asso
(en
milliards d'euros)
Source : Insee comptes nationaux
La mise en oeuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité s'est traduite par une baisse de cotisations sociales et par la suppression d'une première tranche de la C3S, principalement compensées sous la forme de réduction de dépenses (transfert à l'État de la participation de la CNAF au financement des APL) pour la sécurité sociale.
Mesures du pacte de responsabilité |
Montant |
Approfondissement des allègements généraux (« zéro charge au niveau du Smic ») |
600 millions d'euros |
Baisse de la cotisation famille |
4 milliards d'euros |
Baisse de cotisations des travailleurs indépendants |
1 milliard d'euros |
Augmentation de l'abattement de C3S |
1 milliard d'euros |
Total |
6,6 milliards d'euros |
En sens inverse, 3 milliards d'euros de recettes nouvelles résultent de mesures antérieures, ou de leur combinaison avec des mesures nouvelles. La poursuite de la hausse des taux de cotisations vieillesse (décret « carrières longues » de 2012 et réforme des retraites de 2014) a ainsi généré des recettes supplémentaires de 600 millions d'euros pour chacune des mesures, auxquelles s'ajoutent 500 millions d'euros d'augmentation des cotisations de retraites complémentaires. La réforme de la CSG sur les revenus de remplacement s'est traduite par 500 millions d'euros de recettes supplémentaires, l'affiliation des frontaliers suisses, par 200 millions d'euros, la réforme des plus-values immobilières a généré 300 millions d'euros auxquels s'ajoutent 300 millions d'euros d'autres mesures.
Aussi, si le pacte de responsabilité représentait globalement une baisse de prélèvements de 6,6 milliards d'euros en 2015, le solde des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, compte-tenu de la poursuite des effets des mesures antérieures, n'est que de - 2,6 milliards d'euros.
Le périmètre des administrations de sécurité sociale ne restitue cependant pas la totalité des baisses de prélèvements sur les entreprises, en raison de la part importante du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).
Pour l'ensemble des administrations publiques, dans sa note de conjoncture de juin 2016, l'Insee indique que les hausses de prélèvements destinées à combler le déficit public se sont encore élevées à 0,7 point de PIB en 2015. Pour les entreprises, l'année 2015 a eu un effet positif de moindres prélèvements de l'ordre de 0,4 point.
Les effets de hausse des prélèvements pour les entreprises ne seraient comblés qu'à la fin de l'année 2016, avec un nouvel effet bénéfique de 0,3 point.
Pour les ménages, en particulier ceux sur lesquels s'est concentrée la hausse des prélèvements obligatoires, l'impact de l'évolution des prélèvements obligatoires reste cependant négatif.
* 1 Les régimes d'assurance-sociale comprennent :
- le régime général de sécurité sociale ;
- les fonds spéciaux (FIVA, CNSA, FSV, CADES, FRR) ;
- les autres régimes de base des salariés, dont les régimes spéciaux d'entreprises et d'établissements publics ;
- les régimes des non-salariés ;
- le régime d'indemnisation du chômage ;
- les régimes complémentaires d'assurance-vieillesse des salariés.
Les organismes dépendant des assurances sociales (ODASS) comprennent :
- les hôpitaux publics et privés à but non lucratif anciennement financés par dotation globale et bénéficiant aujourd'hui de la T2A et leurs groupements de coopération sanitaire ;
Pôle emploi ;
- l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation ;
- les oeuvres sociales intégrées aux organismes de sécurité sociale.
* 2 Drees, La protection sociale en France et en Europe en 2014, mai 2016.