N° 3771

N° 617

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE 2015 - 2016

Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la présidence du Sénat

le 19 mai 2016

le 19 mai 2016

RAPPORT

au nom de

L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

sur

LES ENJEUX STRATÉGIQUES DES TERRES RARES
ET DES MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES

TOME II - Annexes

PAR

M. Patrick HETZEL, député, et Mme Delphine BATAILLE, sénatrice

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Jean-Yves LE DÉAUT,

Président de l'Office

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Bruno SIDO,

Premier vice-président de l'Office

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques

Président

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

Premier Vice-président

M. Bruno SIDO, sénateur

Vice-présidents

M. Christian BATAILLE, député M. Roland COURTEAU, sénateur

Mme Anne-Yvonne LE DAIN, députée M. Christian NAMY, sénateur

M. Jean-Sébastien VIALATTE, député Mme Catherine PROCACCIA, sénatrice

DÉPUTÉS

SÉNATEURS

M. Bernard ACCOYER

M. Gérard BAPT

M. Christian BATAILLE

M. Alain CLAEYS

M. Claude de GANAY

Mme Françoise GUEGOT

M. Patrick HETZEL

M. Laurent KALINOWSKI

Mme Anne-Yvonne LE DAIN

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Alain MARTY

M. Philippe NAUCHE

Mme Maud OLIVIER

Mme Dominique ORLIAC

M. Bertrand PANCHER

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Patrick ABATE

M. Gilbert BARBIER

Mme Delphine BATAILLE

M. Michel BERSON

M. François COMMEINHES

M. Roland COURTEAU

Mme Catherine GÉNISSON

Mme Dominique GILLOT

M. Alain HOUPERT

Mme Fabienne KELLER

M. Jean-Pierre LELEUX

M. Gérard LONGUET

M. Pierre MÉDEVIELLE

M. Franck MONTAUGÉ

M. Christian NAMY

M. Hervé POHER

Mme Catherine PROCACCIA

M. Bruno SIDO

ANNEXE N° 1 : COMPTE RENDU DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 6 JUILLET 2015 SUR « LA MISE EN PLACE D'UNE POLITIQUE DES TERRES RARES ET DES MATIÈRES PREMIÈRES STRATÉGIQUES ET CRITIQUES »

PROPOS INTRODUCTIFS

M. Patrick Hetzel, député, rapporteur. C'est avec plaisir que j'ouvre cette première audition publique du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les terres rares et les matières premières stratégiques et critiques, sur lequel nous travaillons avec Delphine Bataille, depuis une petite année maintenant.

Mme Bataille est sénatrice. Pour ma part, je suis député. Mme Bataille appartient à la majorité. J'appartiens à l'opposition. Ça vous permet de voir qu'à l'OPECST nous avons l'habitude de travailler de manière large, l'objectif étant, de faire en sorte, chaque fois que cela est possible, de proposer une vue partagée sur un certain nombre de questions scientifiques et technologiques.

C'est la manière dont l'OPECST travaille sur les sujets dont il est saisi, afin d'aboutir à des propositions qui soient, autant que possible consensuelles, sans pour autant craindre des divergences d'opinions ou d'appréciations lorsque cela est nécessaire.

En l'occurrence, notre étude découle d'une saisine du Président de la commission des affaires économiques du Sénat qui souhaite que soient approfondis les enjeux stratégiques des terres rares. Notre travail avait donc démarré autour de la question des terres rares.

Cette étude fait également suite à une audition publique que l'OPECST avait déjà pu organiser, voici quatre ans, en 2011, lors de la crise qui avait révélé la fragilité de notre approvisionnement et de notre dépendance à l'égard de la Chine, acteur majeur en la matière.

Depuis lors, le contexte a changé. Après avoir connu une période de flambée, les prix ont chuté au point que les entreprises juniors qui s'étaient créées dans l'euphorie de perspectives de prix élevés ont soit disparu, soit été confrontées à des difficultés financières extrêmement importantes. Nous avons pu nous en rendre compte, il y a maintenant deux semaines, en nous rendant en Scandinavie, là où certaines entreprises juniors ont fermé et d'autres sont en difficulté.

Mais si l'on raisonne à l'échéance de 2025, 2035, voire 2050, soit l'espace d'une génération, le risque qui s'était matérialisé en 2011 réapparaît et nous avons besoin de terres rares, comme nous avons besoin de plusieurs matières premières stratégiques et critiques, dont la demande pourrait très bien, dans les prochaines années, dépasser l'offre.

Certes, rien n'est mécanique, et de nouvelles ressources apparaîtront avec l'augmentation des prix. On voit bien que des innovations sont en cours. Nous avons déjà pu nous en rendre compte, ne serait-ce qu'en regardant les évolutions dans le secteur de l'éolien, ou pour les aimants permanents nous avons vu qu'un certain nombre d'innovations limitent le recours aux terres rares. Mais, globalement, certains produits n'étant pas inépuisables, le risque de pénurie doit être pris au sérieux, même si dans la plupart des cas, nous le savons, d'autres solutions techniques pourront être envisagées. On voit bien que, là aussi, l'innovation sera sans doute au rendez-vous.

En tout cas, la prise de conscience d'une gestion des ressources compatibles avec un mode de développement durable est l'un de ces mécanismes d'adaptation. Or, il est frappant de constater aujourd'hui que la problématique des terres rares rejoint celle des matières premières stratégiques et critiques, ce qui nous a conduits, dans un second temps, à élargir le champ de notre étude, à l'issue de notre étude de faisabilité. Nous ne nous concentrons plus exclusivement sur les terres rares, mais aussi sur les matières premières stratégiques et critiques.

Plusieurs d'entre vous ont déjà été associés à cette évolution. Nous avons déjà fait une cinquantaine d'heures d'audition, soit individuelles, soit groupées, notamment avec le COMES, dont je tiens à saluer le secrétaire général, M. Alain Liger, qui n'a pas pu se joindre à nous aujourd'hui, mais que nous entendrons, lors de la deuxième audition publique qui portera sur le renouveau de la politique minière et les questions de formation et de recherche. En tout cas, beaucoup d'acteurs impliqués dans le COMES sont présents aujourd'hui et nous vous en remercions. Merci beaucoup à l'ensemble d'entre vous pour votre présence parce que les experts, c'est vous, et nous avons évidemment besoin de votre regard pour être le plus pertinent possible.

Pour l'instant nous allons débattre de la manière dont pourrait être mise en place une politique globale des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques en abordant quatre thèmes principaux : quelles analyses peut-on faire des besoins industriels économiques, mais aussi des besoins stratégiques et des risques de pénuries ? Quelles sont les perspectives de l'offre à moyen terme en partant des interrogations que nous sommes plusieurs à partager, sur les risques de domination du marché par un pays dont le développement économique semble pour l'instant ne pas avoir de limites ? Quelle importance va prendre l'économie circulaire et le recyclage dans un contexte où il faudra néanmoins continuer de prospecter et de produire des matières premières ? Là aussi se pose la question du modèle économique de la filière de recyclage. Enfin, quelle doit-être la répartition des rôles entre la puissance publique et les industriels tant dans le domaine de la veille stratégique qu'en matière de stock stratégique qu'il faudra financer, si l'on prend la décision, comme dans d'autres pays, de les constituer ? Et si on prend la décision de les constituer, comment peut-on y avoir recours ? Quelles sont les clés, éventuellement, de libération potentielle de tels stocks stratégiques ?

Ces thèmes pourraient donner lieu à des débats sur plusieurs journées, mais nous n'en avons qu'une. Aussi allons-nous veiller avec beaucoup d'attention au respect de la règle que nous vous avons demandé de respecter. Elle est très contraignante, mais les travaux de l'OPECST montrent que c'est assez efficace. Chacune de vos interventions sera limitée à trois minutes, quitte à échanger à nouveau. Trois minutes, c'est une règle depuis longtemps en vigueur au niveau européen, notamment à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Trois minutes, c'est aussi plus de deux minutes, temps qui est imparti aux parlementaires lors des séances de questions au gouvernement. Trois minutes, c'est aussi la liberté que vous allez expérimenter de pouvoir vous exprimer plusieurs fois et de dialoguer, effectivement, entre vous.

Le dialogue entre personnalités venues de milieux différents, qui parfois se connaissent, mais qui souvent se côtoient sans rechercher ensemble des solutions possibles, nous y tenons beaucoup à l'OPECST, c'est vraiment notre marque de fabrique. C'est même l'intérêt le plus important des auditions publiques que nous organisons régulièrement. C'est pour nous le moyen d'aboutir à des propositions innovantes. C'est aussi un outil pour faire émerger une réflexion nouvelle et surtout, de permettre un débat public sur toutes les questions scientifiques, même les plus délicates. Cela nous a permis, par exemple, d'être le lieu de débats qui sont ailleurs quasi impossibles à organiser. Je citerai simplement quelques exemples qui ont pu égrener la vie de l'OPECST au cours des dernières années : évidemment les OGM, mais aussi les nanotechnologies, et encore plus récemment, les gaz de schistes et la problématique de la recherche en matière de gaz de schiste.

Au début de chaque table ronde, Delphine Bataille ou moi-même présenterons les questions que nous nous posons. Ce sont des questions que le politique se pose. En tant qu'experts, vous allez sans doute nous considérer comme bien naïfs, mais cela fait partie aussi du jeu. Puis nous vous donnerons la parole en deux temps, d'abord s'exprimeront les orateurs que nous avons pressentis et qui ont accepté de s'exprimer sur un thème déterminé à l'avance. Cela prendra souvent la moitié ou les deux tiers du temps imparti à la table ronde, puis viendra le temps du débat ouvert où chacun d'entre vous, mais aussi chacun des présents dans la salle pourra rebondir sur telle ou telle prise de position. En tout cas nous souhaitons que le débat soit le plus ouvert possible, d'autant plus que certains sujets que nous allons traiter peuvent donner lieu à des positions fort différentes, mais c'est aussi tout l'intérêt de telles auditions publiques.

Je précise à ceux d'entre vous qui ne l'auraient pas noté, que les auditions publiques sont enregistrées, et sont donc consultables. Sachez aussi qu'elles sont ouvertes à la presse, donc, vos positions ne se limiteront pas à cette enceinte. Et je pense que c'était aussi important de vous le rappeler avant de rentrer dans le vif du sujet.

Mme Delphine Bataille, sénatrice, rapporteur. Patrick Hetzel vient de vous présenter les objectifs de l'audition publique d'aujourd'hui. Il vous a aussi rappelé les règles de nos débats qui ont fait preuve de leur efficacité lors de nombreuses auditions précédentes. En ce qui me concerne, je vais vous communiquer les réflexions qui découlent de l'étude de faisabilité et qui nous ont conduits à l'organisation de cette audition publique.

Notre réflexion a bien sûr débuté par la prise de conscience de ce que sont les terres rares, de leurs propriétés et de leurs spécificités. Ces éléments de la classification de Mendeleïev, apparus tardivement, ont en effet des caractéristiques particulièrement intéressantes dans de nombreuses activités industrielles. Je veux en citer quelques-unes parmi lesquelles l'optique, l'énergie, les télécommunications ou encore l'imagerie médicale.

Notre réflexion s'étend aujourd'hui à l'ensemble des matières premières stratégiques et critiques, hors du domaine de l'énergie. En effet, les premières auditions que nous avons réalisées nous ont révélé la similitude des problèmes qui se posent pour l'ensemble de ces produits. Très vite, nous nous sommes aperçus qu'il était très difficile d'apprécier avec exactitude les besoins futurs du fait d'une évolution particulièrement rapide des technologies. Je ne citerai que le cas du dysprosium, qui était à présent nécessaire pour construire les éoliennes, ce qui pouvait d'ailleurs conduire à une compétition entre fabricants de téléphones portables et fabricants de grandes éoliennes, même si le poids des aimants permanents n'est absolument pas le même dans le cas des téléphones portables ou des grandes éoliennes. Puis Siemens a annoncé qu'il pouvait en utiliser beaucoup moins et que d'autres technologies étaient désormais disponibles. Cette annonce change donc la nature du débat qui s'engageait sur les risques de pénuries du dysprosium. Siemens a accepté de participer à notre audition publique, nous entendrons donc son représentant avec beaucoup d'intérêt.

Pour évaluer de manière plus précise nos besoins actuels et futurs, nous avons donc souhaité, Patrick Hetzel vient de le rappeler, faire dialoguer des spécialistes venus de domaines complémentaires, notamment des géologues du BRGM, des industriels utilisateurs de ces produits, Solvay pour son expérience de la séparation des terres rares, le CEA sur les besoins liés au nucléaire, à la défense, mais aussi au secteur de l'énergie, de la santé et des télécommunications. Nous avons aussi voulu entendre les réflexions d'universitaires et de stratèges, et les comparer aux analyses faites en Allemagne, tout en nous interrogeant sur les synergies européennes possibles.

Très vite, nous avons aussi pu prendre conscience de l'influence croissante de la Chine dans le domaine des terres rares. Influence évidente en ce qui concerne leur production, mais qui risque bientôt de s'étendre à leur séparation et à leur utilisation. Dans quelle mesure peut-on éviter une telle situation ? Quelles entreprises non chinoises sont susceptibles de survivre, voire d'apparaître compte tenu de l'évolution des prix, mais aussi de l'existence ou non, d'une volonté politique de ne pas risquer une dépendance trop forte ? La mise en place de nouvelles formules de contrat d'enlèvement ou de nouveaux types de financement peut-elle constituer une réponse suffisante qui permette d'une part, de sécuriser les approvisionnements et d'autre part, le développement d'entreprises plus ou moins grandes dans plusieurs pays ?

Ensuite, nous avons été également frappés par l'intérêt des réflexions sur le recyclage et plus globalement sur la prise en compte du cycle de vie des produits pour définir une autre politique. Certes, la production de matières premières va rester nécessaire, quel que soit l'apport de ces nouvelles méthodes d'organisation, compte tenu notamment des prévisions d'augmentation forte de la demande. Il y a là des perspectives, en ce qui concerne le recyclage, particulièrement intéressantes, qui sont encore mal connues. Nous entendrons donc les industriels, les géologues, des universitaires, des chercheurs, ainsi qu'un représentant du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Enfin, au-delà de ces considérations techniques et économiques, nous nous sommes interrogés, de façon plus générale, sur les rôles respectifs de la puissance publique et des industriels, dans la mise en place d'une politique des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques. Deux questions ont plus particulièrement retenu notre attention : celle de l'information et de la veille stratégique, et puis celle de la constitution de stocks stratégiques. Ces deux sujets font l'objet de nombreux débats dans plusieurs pays. La manière dont ils sont traités reste différente voire très différente. La prospection, par exemple, est une priorité pour les uns, mais semble oubliée par d'autres. La constitution de stocks paraît indispensable pour les États-Unis, le Japon, la Corée du Nord ou la Finlande, mais, fait par contre l'objet de discussions qui n'aboutissent pas pour l'instant, à une décision semblable, dans de nombreux autres pays dont la France. Là aussi, nous pourrons entendre plusieurs points de vue, dont ceux de la Direction générale des entreprises du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique et de la Délégation générale de l'armement du ministère de la défense.

Voilà la logique qui a présidé à l'organisation de cette audition publique. Nous aborderons, bien entendu, d'autres thèmes fondamentaux lors d'une seconde audition publique à laquelle, bien entendu, si vous le souhaitez, vous serez conviés. Nous pourrons alors aborder l'impact des terres rares et des minerais sur la santé et sur l'environnement, ainsi que les réflexions sur la mise en place d'une nouvelle politique minière en s'interrogeant sur la réforme du code minier et le concept de « mine responsable ». Nous pourrons aussi à cette occasion évaluer l'efficacité de notre système de formation et de recherche, et les mesures qui pourraient être prises pour renforcer son efficacité.

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