QUELS SONT LA MESURE, LES FACTEURS DE DÉVELOPPEMENT ET LES RISQUES DU SYSTÈME FINANCIER PARALLÈLE ?

LA MESURE ENCORE DIFFICILE D'UN PHÉNOMÈNE INCONTESTABLEMENT CONSIDÉRABLE...

Au-delà des difficultés rencontrées pour cerner le périmètre pertinent du système financier parallèle, en estimer avec un certain degré de précision la taille est également une tâche particulièrement ardue car, par nature, une grande partie des activités est peu ou pas régulée et ne répond donc pas d'un superviseur qui pourrait les répertorier.

Dans le cadre de ses travaux, le CSF a été amené à développer un cadre annuel de suivi des évolutions des activités liées à la finance parallèle. Le cinquième exercice annuel d'évaluation, publié en novembre 2015, porte sur 26 juridictions 12 ( * ) (dont 6 juridictions de la zone euro) représentant 90 % des actifs financiers mondiaux. Dans ce rapport récent le CSF s'appuie, pour la première fois, sur deux méthodes d'estimation des activités liées à la finance parallèle. Il présente ainsi, en complément d'une première approche dite globale (« broad measure » ou MUNFI pour Monitoring Universe of Non-Bank Financial Intermediation ), une approche affinée (« narrow measure » ) et, partant, plus pertinente : elle est fondée sur l'estimation des risques associés à cinq fonctions économiques afin de réduire le périmètre aux activités présentant effectivement un risque systémique.

Les cinq fonctions économiques retenues par le CSF ainsi que les types d'entités qui peuvent y être associées sont les suivantes :

- Gestion des organismes de placements collectifs susceptibles de faire l'objet de rachats massifs / fonds obligataires, immobiliers, alternatifs...

- Octroi de crédit sur la base de ressources financières à court terme/ sociétés de crédit-bail, d'affacturage, de crédit consommation...

- Activités d'intermédiation dépendantes de ressources financières à court terme ou fondées sur les actifs des clients/courtiers

- Activités de facilitation de crédit /sociétés d'assurance-crédit, de cautionnement

- Financement des entités financières et intermédiation de crédit fondés sur la titrisation/véhicules de titrisation.

Le montant ajusté ( narrow measure) des actifs du système financier parallèle présentant des risques pour la stabilité financière a ainsi été évalué à 36 000 Md$ pour 2014, soit 59 % du PIB et 12 % des actifs financiers des 26 juridictions concernées . Les organismes de placements collectifs tels que les fonds d'investissement, les fonds alternatifs et les fonds monétaires représenteraient à eux seuls près de 21 600 Md$ soit 60 % des encours totaux . Dans cette nouvelle estimation, qui selon le CSF serait encore potentiellement à ce stade surévaluée, les États-Unis représentent toujours le plus large secteur avec 14 200 Md$, suivi du Royaume-Uni avec 4 100 Md$. Les juridictions de la zone euro représentent quant à elles 8 280 Md$ soit 23 % des encours totaux .

L'estimation globale ( broad measure ) des actifs financiers de la finance parallèle s'élève quant à elle à 80 000 Md$ 13 ( * ) pour 2014, soit environ 130 % du PIB des juridictions concernées. Ce niveau est sensiblement équivalent à celui atteint à la veille de la crise financière selon les estimations du CSF.

Les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni détiendraient aÌ eux seuls les trois quarts des actifs relevant de la finance parallèle, mais la progression de ces activités serait la plus forte dans les BRIC et les pays émergents, notamment en Chine, en Inde, en Indonésie et en Russie. Le présent rapport n'a pas vocation à traiter spécifiquement du système financier parallèle chinois, toutefois celui-ci constitue à lui seul un sujet de préoccupation en raison de son opacité, du caractère systémique du système financier chinois et de la place très importante qu'il représenterait dans le financement de l'économie chinoise. Les évaluations de sa taille sont de l'ordre de 3 000 Md$ et varient énormément selon les sources

En ce qui concerne plus spécifiquement la zone euro , la Banque centrale européenne (BCE) a présenté, elle aussi, dans son rapport annuel sur les structures financières en octobre 2015, une analyse des encours liés à la finance parallèle qu'elle estime, sur la base de la définition globale du CSF, à 23 000 Md€, confirmant l'ordre de grandeur précisé par le CSF.

Enfin, en ce qui concerne la France , le Haut Conseil de stabilité financière a pour sa part estimé l'encours du système financier parallèle à 1 144 Md€, soit 55% du PIB environ et 15% des actifs du secteur bancaire, contre 7 770 Md€ pour le secteur bancaire, soit un rapport de 1 à 7.

Les ordres de grandeur sont conséquents mais varient considérablement d'une méthode à l'autre. Les estimations avancées doivent donc être considérées avec la plus grande prudence. Le CSF reconnaît d'ailleurs qu'en dépit des travaux qu'il a conduits, la mesure de la taille du système financier parallèle demeure complexe compte tenu notamment des difficultés rencontrées pour l'identification les encours de fonds domiciliés dans des juridictions hors du panel du CSF, de la non prise en compte des montants liés aux effets de levier et notamment de la part artificiellement basse des encours liés à la finance parallèle chinoise. De plus, ces travaux de recensement au niveau international n'ont véritablement débuté qu'en 2011 et la méthode ajustée n'est disponible qu'à partir des données de 2014. Quoi qu'il en soit, au-delà des difficultés rencontrées pour affiner la mesure, la dimension du système financier parallèle justifie la mise en place des moyens de contrôle appropriés.

Au-delà de la taille de ce phénomène, c'est bien entendu sa dynamique et les facteurs qui l'alimentent qui doivent retenir l'attention pour assurer la bonne adéquation de la réglementation avec la réalité de la situation. En 2014, la croissance des encours, qui ne peut donc se mesurer que sur l'estimation globale pour l'instant, est estimée à près de 6 % par rapport au niveau de 2013. Elle serait, selon le CSF, principalement liée à l'augmentation de la valorisation des actifs et, seulement dans une moindre mesure, au développement effectif d'une intermédiation non bancaire. Toutefois, il apparaît une conjonction d'éléments favorables au développement du système financier parallèle qui pourrait potentiellement catalyser son développement .


* 12 Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Chine, France, Allemagne, Hong Kong, Inde, Indonésie, Irlande, Italie, Japon, Corée, Mexique, Pays-Bas, Russie, Arabie Saoudite, Singapour, Afrique du Sud, Espagne, Suisse, Turquie, États-Unis et Royaume-Uni. Soit 80% du PIB mondial et 90% des actifs financiers mondiaux.

* 13 Cette estimation est réalisée sur un périmètre légèrement plus étendu que les 26 juridictions concernées par l'évaluation en « narrow measure » et exclut les fonds de pension et les sociétés d'assurance.

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