B. LE CHOIX D'UN RENFORCEMENT DES FONDS PROPRES INDÉPENDANT DES MODALITÉS DE RAPPROCHEMENT
1. Le renforcement des fonds propres décidé en 2014
Le Gouvernement a décidé en 2014 de renforcer les fonds propres de l'AFD en jouant sur la « ressource à condition spéciale » (RCS), qui désigne les montants prêtés chaque année par l'État à l'AFD dans des conditions particulièrement favorables, puisque ces crédits durent trente ans, dont dix ans de différé du remboursement en capital, à un taux de 0,25 %.
Plus précisément, il avait été décidé de convertir une partie du flux de RCS en véritables fonds propres, à hauteur de 840 millions d'euros sur trois ans. Ainsi, en 2015 et 2016, 280 millions d'euros de crédits de paiement sur la RCS ont été supprimés par rapport à 2014, tandis que l'État a acquis - pour un même montant - des émissions obligataires perpétuelles de l'AFD, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE). Cette opération revenait à convertir des fonds propres tier 2 en additionnal tier 1 . Une troisième tranche de 280 millions d'euros devait être convertie en 2017.
2. Le renforcement ultérieur des fonds propres
Le rapport de Rémy Rioux propose de renforcer les fonds propres en mettant en oeuvre cinq mécanismes différents :
- la conversion du flux de RCS : les 560 millions d'euros de flux de RCS convertis en additionnal tier 1 en 2015 et 2016 seraient convertis en dotation au capital social de l'AFD, c'est-à-dire en CET 1 ; les 280 millions d'euros restant seraient directement convertis en CET 1. Ces opérations, qui doivent être autorisées par la BCE, constituent la transformation de créances en participations, elles n'ont donc aucune conséquence sur le déficit « maastrichtien » ; elles devront être autorisées par le Parlement en loi de finances et leur coût s'élève à 2,1 millions d'euros par an pendant 30 ans, correspondant à la perte des intérêts annuels ;
- la conversion du stock total de RCS : l'AFD rembourserait à l'État les 2,4 milliards d'euros correspondants au stock de RCS fin 2016, tandis que ce dernier souscrirait à une augmentation de capital social de l'AFD du même montant, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ; cette opération, qui doit être autorisées par la BCE ou l'ACPR selon le calendrier qui sera retenu (cf. infra ), constitue également la transformation de créances en participations et n'a donc aucune conséquence sur le déficit « maastrichtien » ; elle devra être autorisée par le Parlement en loi de finances, le CAS PFE devra être abondé de 2,4 milliards d'euros et le remboursement de la créance comme la perte des intérêts devront être constatés en loi de règlement ; cette dotation étant exceptionnelle et unique la direction générale du Trésor considère qu'elle n'affecterait pas la norme de dépenses ; son coût s'élève à la perte des intérêts restant dus, dont le paiement était étalé sur trente ans, soit 80 millions d'euros au total ;
- la mise en réserve de tout ou partie du résultat de l'AFD : sur la période 2020-2035, compte tenu de l'augmentation importante de ses encours, l'AFD estime son résultat à 6,8 milliards d'euros en cumulé ; elle pourrait mettre en réserve tout ou partir de ce montant, qui serait comptabilisé en tant que CET 1 ;
- le maintien d'un flux régulier de RCS : l'AFD continue à avoir besoin de RCS pour bonifier les prêts qu'elle accorde aux pays en développement, mais également pour renforcer ses fonds propres, dans la mesure où elle est comptabilisée en tier 2 ;
- éventuellement, l'inclusion du « compte de réserve », ou d'autres éléments du passif, dans les fonds propres : cette opération est cependant conditionnée au passage de l'AFD au statut de société de financement (cf. infra ).
Répartition du résultat net de l'AFD depuis 2001 |
|||||||||
(en millions d'euros) |
|||||||||
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|||
Résultat net |
38 |
40 |
48 |
167 |
189 |
248 |
289 |
||
Dividende distribué l'année suivante |
- |
- |
- |
84 |
95 |
248 |
289 |
||
Résultat net reporté en fonds propres |
38 |
40 |
48 |
84 |
95 |
- |
- |
||
Part reportée en fonds propres |
100% |
100% |
100% |
50 % |
50 % |
0 % |
0 % |
||
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|||
Résultat net |
167 |
247 |
104 |
73 |
88 |
93 |
121 |
||
Dividende distribué l'année suivante |
167 |
220 |
71 |
55 |
63 |
37 |
24 |
||
Résultat net reporté en fonds propres |
- |
27 |
33 |
18 |
25 |
56 |
97 |
||
Part reportée en fonds propres |
0 % |
11 % |
32 % |
25 % |
28 % |
60 % |
80 % |
||
Source : Agence française de développement |
Vos rapporteurs spéciaux se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles cette conversion de la RCS en fonds propres tier 1 n'a pas été menée plus tôt , étant donné que l'AFD est confrontée à l'insuffisance de ses fond propres depuis plusieurs années.
La direction générale du Trésor leur a répondu qu'il « n'était pas optimal de convertir plus tôt la RCS en fonds propres de base de catégorie 1 car en 2013 le besoin de fonds propres de l'Agence était temporaire et seul un apport spécifique en Additionnal tier 1 était nécessaire », dans la mesure où sur le long terme, le besoin en CET 1 aurait été couvert par le résultat de l'agence. Seule l'augmentation des engagements de 4 milliards d'euros aurait rendu nécessaire d'utiliser un autre outil. Cependant, plusieurs interlocuteurs ont indiqué que l'AFD demandait cette conversion depuis plusieurs années et qu'il leur avait alors été répondu qu'elle n'était pas techniquement possible. En tout état de cause, vos rapporteurs spéciaux se réjouissent que cette difficulté ait été surmontée.