II. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET ATTENDUE QUI DOIT ÊTRE SOUTENABLE
L'étude du cabinet Klopfer, jointe au présent rapport, met en exergue à la fois les points forts et les points faibles de la réforme telle que proposée fin 2015. Cette réforme était attendue et d'autant plus nécessaire que la soutenabilité des finances publiques locales est désormais tout autant dépendante de l'avenir de la contribution au redressement des comptes publics que du nécessaire rééquilibrage des charges et des ressources réelles qui pèsent désormais sur le budget de nos collectivités. La réforme de la DGF en elle-même est un des accompagnements et contreparties nécessaires - mais non suffisant - de la contribution des collectivités au redressement des comptes publics.
A. LES POINTS DE SATISFACTION
a) Une réforme qui a le mérite d'exister
Le rapport Pires-Beaune a largement démontré que les composantes historiques de la DGF, dont certaines pouvaient remonter à plusieurs dizaines d'années, ne pouvaient plus fonder l'architecture de nos finances locales, sans créer de profondes inégalités au sein de notre territoire : « La DGF, premier concours financier de l'État aux collectivités territoriales, est aujourd'hui répartie, notamment entre les communes et EPCI, selon des modalités qui, en grande partie, ne s'expliquent plus que par l'histoire. Le seul argument tiré de la compensation de ressources fiscales supprimées il y a plusieurs décennies - afin, soulignons-le, de remédier à l'inégale répartition des bases de certains impôts locaux - ne suffit plus à justifier des écarts de dotations allant du simple au double entre des collectivités pourtant placées dans des situations identiques. Bien plus qu'une urgence dictée par les contraintes fortes nées de la contribution au redressement des finances publiques, c'est donc une exigence fondamentale d'équité entre les territoires de la République qui commande aujourd'hui, et sans attendre, de procéder à une rénovation d'ensemble de la DGF du bloc communal. » 7 ( * )
Si les crédits affectés à la DGF ont pu connaître une augmentation continue et salutaire entre 1999 et 2008, celle-ci n'a pas été mise à profit pour permettre une réforme d'ampleur de son calcul : bien au contraire, elle n'a fait que masquer, voire amplifier, les inégalités de sa répartition 8 ( * ) .
Jusqu'à présent, aucun gouvernement ne s'était attaché à une réforme de cette ampleur. Le fait même de proposer en un temps aussi court une réforme d'une telle ampleur est donc à la fois louable et critiquable ; louable car ce courage politique était nécessaire ; critiquable car ce temps trop court n'a pas permis d'associer efficacement l'ensemble des acteurs nécessaires à sa réussite. Mais ce projet, dont seule l'architecture globale a été finalement retenue dans la loi de finances, a l'avantage de constituer désormais une base intéressante de discussion.
b) Une réforme plus simple, plus lisible
La DGF était devenue illisible, y compris pour les acteurs municipaux, pourtant concernés au premier chef. Issue d'une accumulation de calculs complexes censés compenser des pertes, des charges ou des ressources passés compensées elles-mêmes par des systèmes péréquateurs ou de garantie tout aussi complexes, elle devait gagner en lisibilité
La proposition initiale du Gouvernement se voulait la plus simple possible avec notamment, pour le bloc communal, un système essentiellement à trois étages avec :
- une dotation socle, d'un même montant par habitant qui a pour objectif de garantir à chaque commune une enveloppe permettant d'assurer un certain niveau de service public ;
- une dotation ruralité (sur la base de la densité démographique des communes) ;
- une dotation liée aux charges de centralité, indexée sur la population et la part de la commune à l'intérieur de la communauté.
Le dispositif était assorti d'un recentrage de la péréquation verticale à travers les dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR).
L'architecture, simple et lisible, ne pouvait susciter que peu de critiques en elle-même. La difficulté ne résidait pas dans l'architecture extérieure du projet mais dans son aménagement intérieur : les calculs et simulations proposés ne reflétaient que partiellement les objectifs annoncés de la réforme.
c) Une réforme ayant pour objectif le renforcement des centre-bourgs ruraux, tout en mettant fin à certains effets de seuil (dotations cibles)
Personne ne peut réellement regretter les anciennes dotations-cibles, dont le caractère particulièrement abrupt suscite la mécompréhension de plusieurs élus locaux, sans compter les difficultés réelles de certaines communes qui perdaient parfois brutalement ces dotations, et étaient en difficulté de manière durable, car ces baisses étaient difficilement prévisibles d'une année sur l'autre, les collectivités ne pouvant savoir à l'avance si elles feraient partie des 740 communes éligibles ou si elles auraient le malheur d'être 743 ème9 ( * ) . Une comparaison faite par le cabinet Klopfer montre que ce lissage ne remet pas en cause l'effet péréquateur positif de la DSU - les communes concernées restent relativement gagnantes en montant global - et atténue l'effet de seuil de manière relativement efficace, même si on peut regretter le resserrement du nombre de communes éligibles.
d) Une réforme renforçant certains effets péréquateurs
En abandonnant les composantes historiques de la DGF, la réforme proposée permettait de renforcer certains effets péréquateurs tout en prenant en compte une partie - mais partiellement- des charges minimales et des charges réelles des communes (notamment en matière de scolarité en se concentrant sur le nombre d'écoliers à la charge de la commune). Selon les simulations du cabinet Klopfer, la part de la péréquation passait ainsi de 3,6 milliards en 2015 à 4,2 milliards en 2017 avec la DGF nouvelle version. Même si l'essentiel de ce mouvement est d'ordre mécanique, il permet de garder toute sa force péréquatrice à la DGF. Il n'est toutefois pas certain que les simulations analysées commune par commune ou EPCI par EPCI permettent de considérer qu'elle réponde entièrement aux voeux des élus qui se sentiraient plus ou moins « riches » que d'autres 10 ( * ) .
* 7 Rapport de Mme Christine Pirès-Beaune, députée du Puy-de-Dôme « Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : osons la réforme ».
* 8 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 309 du 24 février 2010 de MM. Jacques Mézard et Rémy Pointereau.
* 9 La fin des effets de seuil était un des cinq impératifs de la réforme cités en priorité par les collectivités lors d'un récent sondage publié par Le Courrier des Maires n° 295.
* 10 Dans le même sondage publié par Le Courrier des Maires n° 295, 38 % des élus souhaitaient une péréquation en faveur des territoires les moins riches.