B. UNE SITUATION INTENABLE
La situation actuelle basée sur des dotations héritées du passé, déconnectées du réel et amputées de charges nouvelles n'est plus tenable pour les collectivités et nécessite une réforme globale.
a) Des dotations calculées sur un schéma largement obsolète
Les conclusions de la députée Christine Pirès-Beaune relatives à la dotation globale de fonctionnement sont sans ambigüité: « Une rente justifiée par l'histoire (...) à l'origine d'écarts de dotation par habitant parfois très significatifs entre des communes ou EPCI aux caractéristiques pourtant comparables qui ne s'expliquent que par le poids de ces composantes historiques ou figées ».
La Dotation globale de fonctionnement telle qu'elle existe à l'heure actuelle n'est plus un facteur d'équilibre de nos territoires mais un facteur d'inégalité. Le rapport de la députée Christine Pirès-Beaune avait pu ainsi mettre en évidence des distorsions inexplicables entre collectivités, certaines pouvant obtenir une dotation par habitant jusqu'à six fois plus importante, souvent sans justification réelle autre que la stratification de compensations historiques largement obsolètes.
La baisse des dotations, en étant calculée de manière uniforme, n'a fait qu'augmenter le sentiment d'injustice et d'inégalité entre les territoires. Elle est d'autant plus incompréhensible qu'elle ne prend pas en compte les charges réelles des collectivités.
b) Une baisse des dotations uniforme et déconnectée des charges réelles
Le choix du gouvernement de faire peser l'effort de redressement des comptes publics en ponctionnant les recettes réelles de fonctionnement laisse perplexe. Si la simplicité du calcul est évidente, son équité l'est largement moins.
Aucune distinction n'est effectuée selon les charges réelles des collectivités, lesquelles peuvent être tout aussi importante que variée (écoles, voiries, entretiens mairies et autres bâtiments communaux...). De même, aucune différence n'est faite entre les communes ayant un potentiel fiscal élevé ou celles ayant épuisé leurs marges de manoeuvre en la matière.
Cette répartition qui se voulait « égalitaire » de la baisse des dotations est, dans les faits, largement inéquitable. Pour être équitable, une réforme ne peut se passer d'une remise à plat du système et d'une prise en compte tant des charges réelles que des charges supplémentaires qu'ont pu induire l'octroi de nouvelles compétences ou de nouvelles obligations.
c) Des charges supplémentaires
Ces dernières années, plusieurs charges supplémentaires ont impacté négativement les budgets locaux. Certaines ont été fortement médiatisées, comme la réforme des rythmes scolaires qui a nécessité de nouvelles dépenses liées aux activités périscolaires. D'autres ont été moins médiatisées et ont un impact pourtant potentiellement plus dévastateur pour les budgets locaux avec la mise en accessibilité des bâtiments publics encadrée dans un calendrier qui reste très contraint (les Ad'aP - Agenda d'Accessibilité Programmée), notamment pour les collectivités disposant de nombreux bâtiments nécessitant une remise aux normes.
De même, les crédits nécessaires à la sécurité ou à la prévention ont parfois dû être sanctuarisés ou revus à la hausse au regard des évènements récents, sans pour autant être compensés par les fonds interministériels qui leur sont dédiés. À ceci s'ajoutent naturellement les incidences budgétaires de la nouvelle compétence obligatoire relative à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), ainsi que les conséquences financières de la réforme de l'Application du droit des sols (ADS) 6 ( * ) . Les décisions nationales relatives à la revalorisation des carrières et du point d'indice se traduiront également pour les collectivités par des charges qu'il aurait fallu pouvoir anticiper et compenser.
Enfin, pour dépasser le simple cadre communal, l'augmentation du poids de certaines dépenses comme celles concernant le RSA pour les départements, n'a été prise en compte que par le biais de dotations exceptionnelles largement insuffisantes, le dernier fonds exceptionnel octroyé au département du Nord ne couvrant que quatre à cinq jours de RSA, alors que les besoins étaient de l'ordre du mois !
d) Le manque de financement des investissements nécessaires pour accompagner les réformes
La fusion des intercommunalités ou des régions a pour objectif la réduction des coûts. S'il est probable que ces réformes territoriales permettront à terme certaines économies d'échelle, cela est en revanche inexact à court et moyen terme. La réorganisation des services nécessitera des aménagements et des restructurations immobilières, ainsi que dans certains cas des compensations ou des revalorisations financières. Ce coût des réformes territoriales est temporairement pris en charge dans le cadre des communes nouvelles à travers notamment un gel de la baisse des dotations. Mais ce dispositif n'a pas été élargi aux autres collectivités et reste dans tous les cas temporaire.
L'ensemble de ces difficultés rend indispensable une réforme d'ensemble des finances locales qui puisse intégrer l'effort au redressement des comptes publics de manière plus soutenable et équilibrée tout en prenant mieux en compte les nouvelles charges qui pèsent sur les collectivités.
* 6 Certains départements se trouvent même obligés de créer leurs propres services d'ingénierie en la matière, rendant particulièrement utile un chiffrage précis des multiples surcoûts que ces différents transferts ont engendrés pour les collectivités.