II. LES INNOVATIONS INTRODUITES PAR LA LOI RELATIVE AU RENSEIGNEMENT
Le projet de loi relatif au renseignement a été annoncé par le Président de la République, à l'issue du deuxième Conseil national du renseignement, le 9 juillet 2014, et par le Premier ministre lors d'une intervention à l'UNESCO dans le cadre de l' European Data Governance Forum , le 8 décembre 2014. Il a été formellement présenté en Conseil des ministres, le 19 janvier dernier, au moment de l'annonce des mesures décidées à la suite des attentats survenus à Paris au début de l'année. Il ne s'agit pas d'un texte de circonstance car il procède d'une réflexion menée depuis plusieurs mois, s'appuyant notamment sur les travaux conduits par une mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale (2 ( * )) et sur ceux de la délégation parlementaire au renseignement.
Ce texte, devenu loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement (3 ( * )) , dote les activités de renseignement d'un cadre juridique, plus précisément décrit au chapitre II du présent rapport.
A titre subsidiaire, la loi du 24 juillet 2015 aménage le régime juridique applicable à la délégation parlementaire au renseignement fixé par l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ( voir infra Chapitre IV )
III. LE SUIVI DES PROPOSITIONS DE LA DÉLÉGATION
Année après année, la délégation parlementaire au renseignement formule, à l'occasion de son rapport annuel, des recommandations intéressant l'organisation et les moyens de services, comme le cadre juridique de leur action. L'an dernier, la délégation avait inséré pas moins de 104 propositions dans son rapport d'activité ( Voir annexe 2)
Si certaines de ces préconisations ont pu être suivies d'effet, beaucoup sont demeurées lettre morte alors qu'elles conservent, aux yeux des membres de la délégation, toute leur actualité ( Voir annexe 3 )
Trois thèmes ont, plus particulièrement, motivé les recommandations de la délégation depuis 2012 : l'organisation du renseignement intérieur, la lutte contre la menace terroriste et le renseignement économique et financier.
A. LA LUTTE CONTRE LA MENACE TERRORISTE
Les attentats du vendredi 13 novembre 2015 sont encore dans tous les esprits. Leur simultanéité, le mode opératoire et le nombre de victimes leur confèrent une gravité sans précédent.
Cette attaque s'inscrit, dans une série d'attentats ou de tentatives d'attentats imputables à la mouvance djihadiste et remontant au mois de mars 2012, dont la délégation parlementaire au renseignement a eu, à chaque fois, à connaître :
- les 11 et 13 mars 2012, Mohammed Merah abat trois militaires à Toulouse et Montauban ; le 19, il tue trois enfants et un professeur à l'école juive d'Ozar Hatorah de Toulouse, avant d'être abattu le 22 mars ;
- le 7 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi tuent douze personnes au siège de Charlie Hebdo, dont les dessinateurs Wolinski, Cabu, Charb et Tignous, ainsi que deux policiers ; le surlendemain, retranchés dans une entreprise de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), les deux hommes sont abattus par les forces d'assaut ;
- le 8 janvier, Amédy Coulibaly tue une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, et blesse un agent municipal à Montrouge (Hauts-de-Seine) ; il prend plusieurs personnes en otage le lendemain dans une épicerie casher de la Porte de Vincennes, à Paris ; il tue quatre personnes avant d'être à son tour neutralisé ;
- le 3 février, Moussa Coulibaly blesse à l'arme blanche trois militaires en faction devant un centre de la communauté juive à Nice ;
- le 19 avril, Sid Ahmed Ghlam tente de voler la voiture d'Aurélie Châtelain et abat celle-ci ; il avouera aux enquêteurs avoir projeté un attentat, le lendemain, contre l'une des églises de Villejuif (Val de Marne) ;
- le 26 juin, Yassin Salhi tue son employeur sur le site de l'usine AirProducts, à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) ; l'enquête révèle que le suspect est en lien avec la mouvance salafiste ;
- le 21 août, à bord du train Thalys reliant Amsterdam à Paris, Ayoub El Khazzani, armé d'un fusil d'assaut, blesse trois passagers avant d'être maîtrisé par des militaires américains en permission.
La permanence de la menace terroriste explique que la délégation ait, depuis trois ans, formulé chaque année des préconisations intéressant la lutte anti-terroriste.
En 2012, elle avait appelé à renforcer sensiblement les moyens de lutte contre le terrorisme (proposition n° 2) et, déjà, à doter notre pays des moyens permettant de suivre les déplacements de personnes par voie aérienne vers des destinations sensibles, y compris lorsque les trajets comportent une ou des escales (proposition n° 3). Le rapport pour l'année 2013 pointait une « menace éman [ant] essentiellement de la mouvance islamiste radicale et djihadiste qui développe un discours très agressif à l'encontre de notre pays en raison de ses valeurs et de son engagement dans la lutte contre le terrorisme sur le territoire et sur la scène internationale » .
L'an dernier, le rapport de la délégation était plus explicite encore puisqu'il appelait à mettre en place le système Passenger Name Record (PNR) à l'échelon national dans les plus brefs délais et promouvoir sa survenance à l'échelle européenne (proposition n° II-1), à mener une réflexion concernant l'amélioration du système européen de traitement des données d'enregistrement et de réservation - dit SETRADER - (proposition n° II-2) et à initier une amélioration du code frontières Schengen et notamment de son article 7 (proposition n° II-3).
La délégation prend acte de l'accord récemment trouvé au Parlement européen sur le PNR, dont la mise en place est soutenue de longue date par le gouvernement français. Elle restera attentive à une mise en application totale et rapide de ce dispositif ( voir infra p. 80 ).
Elle prend également note de l'entrée en phase de production de SETRADER, avec un spectre limité à vingt compagnies aériennes pour des vols en partance ou en provenance de dix pays (4 ( * )) .
* (2) Rapport d'information de MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrick Verchère n° 1022 du 14 mai 2013 sur l'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement.
* (3) Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015.
* (4) Les pays concernés sont : l'Algérie, l'Égypte, le Liban, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Tchad, la Tunisie et la Turquie.