IV. LA SURVEILLANCE INTERNATIONALE À L'ÉPREUVE DU TERRORISME

Aujourd'hui les moyens de la surveillance internationale sont utilisés face à la menace principale que constitue le terrorisme et notamment le groupe Daech, qui a organisé et revendiqué de nombreux attentats, en particulier ceux du 13 novembre. Néanmoins, dans la mouvance terroriste, d'autres ennemis ont manifesté la volonté d'organiser des actions sur le territoire national, comme Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (qui a revendiqué l'attentat contre Charlie hebdo le 7 janvier, l'un des auteurs ayant séjourné au Yémen), ou contre nos intérêts ou nos forces armées qui les combattent comme Al-Qaida Maghreb Islamique et Al-Mourabitoune dans la bande sahélo-saharienne, Boko Haram..., enfin parmi les milices et rebellions hostiles qui menacent des pays amis, ***

A. UNE FORME NOUVELLE DE MENACE : FURTIVE, CHANGEANTE, ÉVOLUTIVE

Dans le contexte des attentats terroristes, nombre d'auditions réalisées par la délégation ont abordé l'état de cette menace. Celle-ci a fortement évolué et constitue une forme de rupture avec les mouvements observés jusqu'ici, même si certains protagonistes ont été impliqués par le passé dans des affaires liées au terrorisme, ce qui oblige les services spécialisés à une adaptation permanente.

1. Il s'agit d'une menace hybride.

Elle s'est enracinée dans des territoires en proie à des guerres civiles et qui ne sont plus contrôlés par des États souverains. Outre son expérience longue dans les activités terroristes et insurrectionnelles, le groupe Daech s'est agrégé notamment, en Irak, à des militaires professionnels et des cadres administratifs qui lui ont apporté la capacité de conquérir un territoire, d'y instaurer un proto-État où il assure les fonctions régaliennes, d'exploiter des ressources et d'attirer de nombreux combattants étrangers qu'il forme et utilise tant dans des actions militaires que dans des actions terroristes, les deux formes pouvant d'ailleurs se combiner. 40 % des 28 000 à 30 000 combattants de Daech sont aujourd'hui des étrangers et ce flux ne s'est pas ralenti.

2. Il s'agit d'une menace autoreproductrice

Elle a tendance à essaimer et à susciter des allégeances. Outre, les alliances d'opportunité de certaines tribus ou mouvements dans les zones d'activités de Daech, nombre de mouvements liés l'islamisme radical ont fait allégeance à ce groupe (comme Boko Haram au Nigeria). Il peut s'appuyer sur des dissensions au sein de groupes existants de la mouvance Al-Qaida, par exemple ou les Shebab en Somalie, porté par les succès engrangés en 2014 et au printemps 2015 en Irak et en Syrie. La situation de concurrence introduit un risque de surenchère entre ces groupes dans l'action terroriste à portée symbolique.

Toute situation d'instabilité ou de guerre civile larvée est exploitée dans le monde arabo-musulman pour infiltrer, installer, développer, contrôler des territoires. Ainsi en Libye, Daech a-t-il pu prospérer en contrôlant un territoire important autour de Syrte qui fait peser une menace sur la fragile Tunisie et plus au sud, potentiellement sur notre dispositif de sécurité de la bande sahélo-saharienne.

3. Il s'agit d'une menace matérielle et immatérielle

Ces groupes se sont dotés, comme jamais auparavant, d'un appareil de propagande moderne, utilisant les techniques les plus avancées de la communication, notamment les réseaux sociaux, la vidéo, l'Internet, pour convertir à leur cause de nombreux étrangers dans le monde entier, mais particulièrement dans le monde francophone et russophone 71 ( * ) .

Une partie de l'action militaire et terroriste s'est déplacée dans l'espace Internet (messageries, réseaux sociaux, black forum ...). Les belligérants utilisent de plus en plus l'espace virtuel pour coordonner leurs actions et communiquer avec leurs partenaires.

4. Il s'agit d'une menace furtive

Ces groupes ont montré leur capacité à se mouvoir, dans un espace marqué par la liberté de circulation et de communication, malgré les mesures de surveillance mises en oeuvre, montrant d'une certaine façon leurs insuffisances.

Même si elle est localisable, la menace terroriste, par sa furtivité, sa mobilité, son insertion dans la population, par son agilité dans l'utilisation des technologies modernes de communication et de télécommunication, et parce que le monde et le territoire européen sont plus ouverts à la circulation, s'affranchit des caractéristiques du milieu terrestre. Dès lors, le combat livré s'apparente davantage à ceux qui se jouent dans les espaces communs, où la liberté de mouvement est grande et l'offensive avantagée.

5. Il s'agit d'une menace capable de mener des actions terroristes dans le monde entier

Lorsqu'ils en ont les moyens, ces groupes peuvent mener des actions de type militaire, ce qui justifie l'action armée extérieure pour les réduire ; mais ils sont aussi capables, depuis leurs bases ou les régions où ils ont essaimé, de mener des actions terroristes. Un continuum est désormais clairement établi entre les théâtres extérieurs et le territoire national.

6. Il s'agit d'une menace de forte intensité

Ces groupes ont montré qu'ils étaient capables de mener des actions terroristes à long rayon d'action jusqu'à notre territoire national, grâce à des combattants aguerris et déterminés, prêts au sacrifice final ; grâce à des relais logistiques reposant sur des réseaux de solidarité parfois informels 72 ( * ) mais opérant pour préparer leurs actions, loger leurs équipes, les doter en armement, en moyens de transports et de communication.

Il ne peut être totalement exclu que les techniques terroristes employées sur les théâtres du Levant ou du Sahel fassent leur apparition en Europe y compris sur le territoire national : utilisation de véhicules piégés, d'engins explosifs improvisés, de snipers ...

Compte tenu des caractéristiques exposées, il s'agit d'une menace de forte intensité, résiliente et durable.


* 71 Daech utilise Internet et y diffuse sa propagande par le biais de vidéo et de publications périodiques dont la délégation a pu consulter certains exemplaires.

* 72 Ces actions sont d'autant plus dangereuses qu'elles peuvent s'appuyer sur des combattants issus des pays visés, connaissant les lieux et les pratiques locales de surveillance, parfois issus de la délinquance, pouvant bénéficier de complicités parmi leurs proches, ou parmi ceux qui aspirent à les rejoindre.

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