INTRODUCTION
2015, constituera une étape importante pour la politique publique du renseignement.
Pour la première fois, la France s'est dotée d'un cadre législatif complet autorisant et encadrant l'usage par les services spécialisés, de techniques de renseignement, en adoptant deux lois, la première n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement , la seconde n° 2015-1556 du 30 novembre 2015 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Ces deux lois à la préparation desquelles la délégation parlementaire au renseignement a été étroitement associée, établissent un équilibre entre l'indispensable protection des droits et de la vie privée garantie par la Constitution et la nécessaire protection de la sécurité de nos concitoyens et des intérêts fondamentaux de la Nation, à laquelle contribue par leurs capacités opérationnelles de haut niveau, les services spécialisés de renseignement.
Dans le même temps, la menace terroriste, dont l'intensité n'a fait que croître à raison du développement de réseaux djihadistes, notamment Daech, qui ont développé leurs activités dans des zones instables en Irak et en Syrie, au Yémen, dans la bande sahélo-saharienne et en Libye et qui ont été rejoints par un nombre considérable de combattants étrangers dont un nombre significatif originaires de notre pays et de pays voisins, s'est concrétisée par plusieurs attaques meurtrières d'envergure sur le territoire national, notamment les 7, 8 et 9 janvier puis le 13 novembre, sans compter les opérations qui ont pu être déjouées et/ou entravées.
L'activité de la délégation parlementaire au renseignement au cours de cette année s'est donc très naturellement focalisée sur le travail législatif et les modalités de mise en oeuvre de la loi, sur la montée en puissance des services de renseignement qui se sont vus affectés de nouveaux moyens et sur le développement de leur coopération dans la lutte contre le terrorisme.
La délégation n'en a pas moins poursuivi son travail de fond en appréciant la mise en oeuvre des recommandations qu'elle avait formulées dans son précédent rapport, notamment dans le domaine du renseignement économique et financier et en entamant une réflexion méthodologique sur les modalités et outils à développer pour assurer la mission d'évaluation de la politique publique du renseignement telle qu'elle a été redéfinie par la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale
Il importe en effet que le Président de la République, le Premier ministre et le présidents des assemblées parlementaires, auxquels est destiné ce travail, puissent prendre connaissance de recommandations et d'observations fondées sur une analyse de l'action du Gouvernement et de sa mise en oeuvre par les services spécialisés et les organes qui, au sein des administrations de l'État, contribuent à la politique publique du renseignement.
Il importe également à travers ce rapport public que la délégation parlementaire au renseignement puisse apporter, à la représentation nationale et à l'ensemble de nos concitoyens, des éléments d'appréciation sur la place et le rôle des administrations publiques en charge de cette mission stratégique, participant ainsi à l'émergence d'une culture du renseignement et permettant une appréhension plus réaliste et plus objective de leurs missions.
Naturellement, certaines informations portées à la connaissance des membres de la DPR ne peuvent, pour des raisons de sécurité, être rendues publiques sous peine d'accroître la vulnérabilité de notre pays aux actions de ses rivaux et adversaires. Comme dans son précèdent rapport, la délégation a choisi de masquer les passages sensibles, couverts par le secret de la défense nationale, au moyen d'un signe typographique ***, invariable quelle que soit l'ampleur des informations rendues ainsi illisibles.
Ce rapport comporte quatre chapitres :
Le premier est un compte-rendu de son activité et de la mise en oeuvre des recommandations de son rapport pour 2014.
Le deuxième qui porte sur la mise en oeuvre de la loi relative au renseignement, aborde à la fois la publication des textes réglementaires d'application, la mise en place et les moyens affectés à la CNCTR ainsi que les premiers mois d'exercice de son activité, enfin la place nouvelle qu'occupe désormais le groupement interministériel de contrôle dans le dispositif d'autorisation, de conservation des données et de traçabilité mis en oeuvre ainsi que le renforcement de ses moyens juridiques, techniques et humains.
Le troisième chapitre développe le cadre d'organisation de la surveillance internationale, les moyens qui lui sont affectés, le cadre juridique dans lequel elle s'exerce et son adaptation aux évolutions des menaces, notamment celles du terrorisme.
Enfin, le quatrième chapitre rassemble les premiers éléments d'une réflexion sur l'évaluation de la politique publique du renseignement dont la mission est confiée à la DPR, sur la pertinence des outils dont elle dispose pour réaliser ses travaux et la méthodologie dont elle devra se doter dans les prochaines années pour les améliorer. Sans doute, l'exigence de la réussite qui ne souffre aucun faux-pas et la difficulté de communication de façon explicite sur les résultats obtenus, rendent-elles ce travail difficile mais il n'en est pas moins nécessaire de disposer d'indicateurs pour mesurer l'activité des services et l'amélioration de leur performance.
Par ailleurs, ce document parlementaire comprend, au chapitre 5, sous sa responsabilité, le rapport général de la Commission de vérification des fonds spéciaux, présenté aux autres membres la délégation parlementaire au renseignement, le 14 janvier 2016, en application du VI de l'article 154 de la loi de finances pour 2002 modifié.
La prise de conscience de l'importance, pour le devenir de notre modèle républicain et démocratique de société, de la fonction de connaissance et d'anticipation et du rôle spécifique des services de renseignement pour réduire les incertitudes, déjouer et entraver l'action de ceux qui le menacent et éclairer la décision de nos dirigeants, mais aussi la crainte toujours sous-jacente que la revalorisation nécessaire de leur cadre d'action, si elle n'est pas régulée de façon appropriée, puisse porter atteinte aux libertés et à la vie privée, alimenteront de façon croissante le débat public. La responsabilité du législateur qui délimite le cadre de la politique publique du renseignement, du Gouvernement qui en conduit la mise en oeuvre et de ceux qui en contrôlent l'exécution qu'il s'agisse de services d'inspection, d'autorités administratives indépendantes, de juridictions ou de la délégation parlementaire, mais aussi de ceux, universitaires, journalistes, experts qui la commentent, est immense pour tout à la fois maintenir l'efficacité opérationnelle et garantir le respect des valeurs fondatrices du contrat social.
La délégation parlementaire au renseignement souhaite présenter une appréciation aussi objective que possible forgée par les auditions, la prise de connaissance de documents, des visites au sein des services et organisations et l'expérience acquise de la mission de contrôle. Ses membres sont conscients de l'enjeu cette mission et de l'exigence de responsabilité qui doit en permanence, au-delà de la légitimité qui leur est conférée par la loi et par leur mandat parlementaire, les guider dans son accomplissement. Cette éthique est encore plus nécessaire lorsque notre pays est victime d'attaques terroristes sur son territoire et doit assurer la protection de sa population.
Réunies le jeudi 14 janvier 2016 sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la délégation parlementaire a adopté le présent rapport relatif à son activité pour l'année 2015.
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