D. DES AMÉLIORATIONS INDISPENSABLES DU CADRE JURIDIQUE DU CONTRÔLE

1. Conforter les moyens juridiques de la SUGE et du GPSR

Si les services internes de sécurité que sont la SUGE et le GPRS disposent de prérogatives comparables, parfois même plus importantes que les sociétés privées soumises aux dispositions du code de la sécurité intérieure, ils ne disposent pas de la prérogative essentielle consistant à pouvoir opérer des contrôles des bagages et, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique, à des palpations de sécurité sur autorisation de la personne contrôlée.

Cette possibilité serait toutefois de nature à renforcer effectivement la sécurité dans les transports.

Proposition n° 7 : Permettre aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP d'opérer des contrôles des bagages ou des personnes, selon les modalités prévues par l'article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure

Pour donner la pleine efficacité à ces mesures de contrôle préventif, vos rapporteurs suggèrent de prévoir que les personnes refusant de se faire contrôler se voient refuser l'accès au train.

Proposition n° 8 : Sur le modèle de l'article L. 2241-3 du code des transports, prévoir que le refus de se soumettre aux contrôles justifie un refus d'accès au train

Enfin, vos rapporteurs observent que les dispositions de l'article L. 2251-3 du code des transports, ne permettent aux agents des services internes de sécurité de ne travailler en civil que dans des cas « exceptionnels ».

Il serait pourtant nécessaire d'élargir les possibilités de dispense du port de tenue professionnelle, en supprimant cette mention. En effet, le travail en tenue civile permettrait de développer l'efficacité de ces unités.

Proposition n° 9 : Étendre les possibilités de travailler en tenue civile pour les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

En revanche, si vos rapporteurs mesurent l'intérêt de permettre aux agents de sécurité privée de pouvoir disposer d'un armement sans être en tenue professionnelle , les risques de méprises 41 ( * ) , en cas de mauvaise coordination avec les forces de l'ordre, doivent être soigneusement pris en compte, par le biais d'une coordination efficace.

Actuellement, l'encadrement de cette possibilité pour les agents de la SNCF et de la RATP, par l'article 6 du décret n° 2007-1322 du 7 septembre 2007 relatif à l'exercice des missions des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens et pris pour l'application des articles 11-1 et 11-3 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, est strict. Cet article ne le prévoit que si les agents effectuent une mission de sécurisation des emprises immobilières non accessibles au public et sont exposés dans ce cadre à des risques particulièrement élevés.

Dans ce cas, cet article prévoit un certain nombre de conditions, notamment le fait pour l'agent d'être autorisé préalablement par le représentant de l'État dans le département et sous réserve de la rédaction d'un ordre de mission par le responsable du service interne de sécurité, porté à la connaissance du procureur de la République ainsi que des services de la police et de la gendarmerie nationales territorialement compétents, avant le début de la mission.

L'extension du port de l'arme aux zones accessibles au public en dispense de tenue professionnelle nécessite donc au moins les mêmes conditions de forme, en particulier l'information préalable du procureur de la République et des services de police et de gendarmerie compétents.

2. Renforcer les contrôles des membres des services internes de sécurité

Le contrôle des services internes de sécurité de la SNCF ou de la RATP s'effectue actuellement principalement selon des procédures internes à l'entreprise 42 ( * ) . Il peut être d'ailleurs observé que la rédaction de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer imposait un agrément préalable par la préfecture, avant l'assermentation des agents, qui n'a pas été repris lors de l'entrée en vigueur du nouveau code des transports à compter du 1 er décembre 2010.

Aucun contrôle n'est actuellement effectué par le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), qui a pour fonction de contrôler les sociétés de sécurité privée relevant des dispositions du code de la sécurité intérieure.

La loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) n° 2011-267 du 14 mars 2011 a profondément modifié les modalités de contrôle et de régulation des activités de sécurité privée en créant le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Ce dernier, sorte d'ordre professionnel des professions de sécurité privée, assure une triple mission . Il a d'abord une fonction de police administrative , en délivrant, suspendant et retirant au nom de l'État les autorisations d'exercice pour les entreprises, les agréments des dirigeants et des gérants et les cartes professionnelles des agents. Il a ensuite une mission disciplinaire et de contrôle . À cet égard, il a élaboré une charte de déontologie à la destination des acteurs du secteur. Enfin, il assure une fonction de conseil et d'assistance .

La création du CNAPS a constitué une étape essentielle dans l'amélioration des contrôles sur les activités privées de sécurité.

Source : Rapport pour avis n° 522 (2013-2014) de M. Alain Richard,
fait au nom de la commission des lois, déposé le 13 mai 2014, pp. 12-13.

Au regard de la proximité des prérogatives des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP et des dispositions du code de la sécurité intérieure, il est justifié de rapprocher les contrôles dont ils font l'objet des contrôles opérés sur les services de sécurité privée.

Il peut être relevé que la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, qui sera prochainement examinée par le Sénat, renvoie fréquemment à des dispositions du code de la sécurité intérieure, voire transpose pour les services internes de sécurité des dispositions existantes du code de la sécurité intérieure.

Par ailleurs, les services internes de sécurité de la SNCF et de la SUGE sont soumis au contrôle du Défenseur des droits , en application de l'article L. 141-1 du code de la sécurité intérieure, comme tous les acteurs de la sécurité privée. Celui-ci a d'ailleurs relevé qu'il était nécessaire de modifier la nature du contrôle exercé sur ces personnels , dans la mesure notamment où leur seraient attribuées des compétences nouvelles en matière d'inspection visuelle, de fouille des bagages ou de palpations de sécurité, en créant un contrôle externe à la SNCF ou à la RATP .

Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre la fraude, l'article 9 de la proposition de loi précitée permet aux agents de sécurité privée d'avoir accès aux fichiers des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel. Dans l'hypothèse où cette disposition serait maintenue, il semblerait nécessaire de l'assortir d'un contrôle strict des conditions dans lesquelles elle serait mise en oeuvre .

Enfin, le renforcement des possibilités d'armement et l'extension des missions pouvant être effectuées en tenue civile est également une justification du changement de nature du contrôle devant être opéré sur ces agents.

En conséquence, sans placer ces personnels sous l'autorité directe du CNAPS, l'extension de son contrôle sur les services internes de sécurité permettrait de mettre en oeuvre le contrôle externe recommandé par le Défenseur des droits.

L'article 2 de la proposition de loi précitée transpose des dispositions de l'article L. 616-1 du code de la sécurité intérieure permettant aux commissaires de police, officiers de police et officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale de contrôler les agents des services de sécurité privée. Cette disposition ne va cependant pas au bout de la logique du code de la sécurité intérieure qui prévoit un contrôle par le CNAPS. Sans celui-ci, il est difficile d'appréhender dans quel cadre ce contrôle par les forces de l'ordre s'effectuera.

Sans doute, certaines dispositions relatives au contrôle exercé par le CNAPS seraient redondantes avec les dispositions actuellement en vigueur, mais l'expérience du CNAPS permettrait de donner à ce contrôle une réelle portée.

Proposition n° 10 : Étendre, en l'adaptant, le contrôle exercé par le CNAPS aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

3. Compléter le cadre juridique du contrôle préventif par les forces de l'ordre

Sur le modèle et selon le même mécanisme que l'article 78-2-4 du code de procédure pénale, qui permet un contrôle préventif des véhicules pour prévenir une menace grave à l'ordre public, il pourrait être proposé d'autoriser la fouille des bagages , selon les mêmes modalités, c'est-à-dire avec l'accord du voyageur, ou à défaut de cet accord, avec l'autorisation du procureur de la République.

Proposition n° 11 : Définir un mode de contrôle préventif des bagages, selon des modalités comparables au contrôle préventif des véhicules prévu à l'article 78-2-4 du code de procédure pénale

Cette disposition s'inscrirait dans le cadre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 Loi pour la sécurité intérieure. En effet, dans cette décision, le Conseil constitutionnel a admis la possibilité de tels contrôles, pour prévenir des atteintes « graves » à la sécurité des personnes et des biens.

4. Améliorer les liens avec les services judiciaires

Le contrôle d'identité préventif, qui nécessite certes l'existence d'éléments justifiant ce contrôle, contribue à créer un climat d'incertitude pour des terroristes transitant par une gare ou ayant décidé d'y préparer un attentat.

Au regard du cadre juridique d'intervention, qui ne permet pas de marges de manoeuvre supplémentaires importantes, la voie d'une amélioration et d'une simplification des procédures permettrait de renforcer l'efficacité de l'ensemble, en rendant plus effective la possibilité pour les agents habilités à relever l'identité d'une personne de surmonter un éventuel refus de celle-ci de fournir son nom ou son adresse.

En effet, comme il a été rappelé supra , la vérification d'identité , effectuée par un OPJ, est peu mise en oeuvre, au regard de la lourdeur de la procédure et de sa portée pratique limitée.

L'amélioration du taux de réponse des OPJ n'est pas conditionnée à des évolutions législatives - qui apparaissent relativement limitées pour simplifier cette procédure - mais bien au fait que les OPJ répondent plus largement aux sollicitations des personnels de contrôle de la SNCF ou de la RATP.

En outre, le lien entre l'OPJ et le parquet pourrait être amélioré , en prévoyant en particulier la possibilité d'un échange en visio-conférence , permettant au magistrat du parquet d'apprécier une situation donnée.

Proposition n° 12 : Étudier la possibilité de mettre en place un lien de visio-conférence entre l'OPJ et le parquet, permettant au magistrat de mieux appréhender la situation


* 41 Une équipe de la SUGE ou du GPSR en civil et armée pourrait être assimilée à un groupe terroriste par les forces de l'ordre intervenant sur le même réseau sans avoir été avertis de leur présence.

* 42 Même si une enquête de moralité précède le recrutement de ces agents (voir supra p. 16-17).

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