B. LES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : FAIRE DAVANTAGE CONFIANCE AU MOUVEMENT SPORTIF DANS LA MISE EN oeUVRE DES SUBVENTIONS

1. Prévoir une concertation avec le mouvement sportif, sous l'égide du CNOSF, avant de déterminer la répartition de l'enveloppe

L'hétérogénéité des subventions de l'État entre les différentes fédérations s'explique par plusieurs facteurs objectifs (cf. supra ). Toutefois, le caractère strictement bilatéral de la négociation de chaque convention, entre l'État et chaque fédération individuellement, semble parfois nuire à la compréhension des niveaux de subventionnement, des taux de soutien et, in fine , de l'action sportive des fédérations par leurs consoeurs . Les réponses des fédérations au questionnaire de votre rapporteur spécial témoignent d'un sentiment d'« injustice » lié au montant de la subvention par rapport à celui d'autres fédérations considérées comme semblables, qui est partagé par plusieurs fédérations.

Ainsi, en lien avec cet objectif précédemment avancé d'un rassemblement du mouvement sportif, votre rapporteur spécial préconise ainsi que le comité national olympique et sportif français (CNOSF) soit consulté en amont de la campagne de conventions d'objectifs . Assurant à la fois le relai et la synthèse des préoccupations du mouvement sportif, le CNOSF pourrait apporter un éclairage utile sur les conditions de répartition de l'enveloppe budgétaire, mais aussi sur les objectifs qui peuvent être fixés à moyen terme pour les différentes fédérations.

Il ne s'agit pas de faire en sorte que le CNOSF « valide » les conventions d'objectifs, qui restent un instrument entre l'État délégant et la fédération délégataire. Il s'agit seulement, à travers une consultation préalable, de renforcer la cohésion du mouvement sportif autour de ses relations, prises globalement, avec l'État . Au regard de l'importance des valeurs olympiques dans la tradition desquelles s'inscrivent profondément les fédérations sportives, votre rapporteur spécial estime que le CNOSF devrait, à l'occasion des conventions d'objectifs, constituer un interlocuteur privilégié de l'État au nom de toutes les fédérations.

Proposition n° 1 : afin d'associer le mouvement sportif, prévoir une concertation avec les fédérations, sous l'égide du CNOSF, avant de déterminer la répartition de l'enveloppe budgétaire globale des subventions de chaque campagne de conventions d'objectifs.

2. Garantir une visibilité pluriannuelle sur une partie des actions subventionnées de chaque fédération

Pluriannuelle, la convention d'objectifs indique un montant global de financement pour l'ensemble de la période, ainsi que des montants annuels. Cette enveloppe globale, de même que les annuités, ne sont en réalité que des estimations . La détermination de la dotation annuelle dépendra en réalité, sur cette base, de deux principaux éléments : d'une part l'enveloppe globale d'aide aux fédérations dont disposera le ministère, en fonction des arbitrages interministériels rendus dans le cadre de la préparation du budget annuel ; d'autre part, l'évaluation de l'utilisation des dotations de l'année précédente.

En outre, les conventions pluriannuelles sont établies sur des durées qui ne correspondent pas à l'olympiade . Par exemple, les conventions actuellement en cours de mise en oeuvre couvrent les années 2014-2017, alors que les fédérations olympiques ont une stratégie de développement organisée sur quatre ans, autour de l'objectif olympique.

En conséquence, votre rapporteur spécial préconise d'améliorer le conventionnement pluriannuel autour de deux axes :

- prévoir, à tout le moins pour les fédérations olympiques, des conventions pluriannuelles qui couvrent la durée de l'olympiade . La plupart des fédérations entendues ou questionnées par votre rapporteur spécial ont en effet souhaité avoir une visibilité de conventionnement et de financement sur cette durée 6 ( * ) . En outre, l'importance de l'action « Sport de haut niveau » et, au sein de cette dernière, l'importance accordée aux médailles olympiques justifient également, du côté de l'État, d'assurer cette adéquation entre olympiade et conventionnement.

- offrir une plus grande visibilité sur le montant de subvention accordée sur une partie des actions de la convention pluriannuelle, de l'ordre de 80 % . C'est notamment le cas du sport de haut niveau pour la plupart des fédérations olympiques : dès lors que la convention serait établie pour la durée de l'olympiade et que les principaux objectifs de performances en la matière ne peuvent être mesurés qu'à l'aune des jeux olympiques, le montant de la subvention pour le sport de haut niveau ne devrait pas évoluer sensiblement au cours de la mise en oeuvre de la convention.

De la même manière, pour les autres actions, une prévisibilité sur un socle de sous-actions et de projets serait la bienvenue . Ainsi, la fédération de roller sports a indiqué, dans sa contribution que « les fédérations (celles qui n'ont pas de moyens considérables) souffrent trop des politiques publiques qui sont lancées selon "l'actualité du moment". Il nous faut du temps pour bâtir un programme d'actions et le mettre en oeuvre ».

Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe d'annualité budgétaire, dont les fédérations sont pleinement conscientes et respectueuses, et qui doit s'appliquer aux subventions des fédérations comme à l'ensemble des politiques publiques. Cependant, il s'agit d' assurer une visibilité de financement de l'État sur un socle d'actions pérennes , l'État conservant une marge de manoeuvre budgétaire de l'ordre de 20 %, pour financer certaines priorités politiques ponctuelles.

Il convient de souligner qu'en fonction des spécificités de chaque fédération, l'olympiade d'été pourrait ne pas être la référence à suivre. Par exemple, l'olympiade d'hiver pour la fédération de ski ou les échéances des mondiaux pour les fédérations de football ou de rugby pourraient être plus opportunes.

Proposition n° 2 : afin d'aligner le conventionnement sur le programme sportif de la fédération, mettre en place des conventions d'objectifs pluriannuelles qui couvrent, en principe, la durée de l'olympiade.

Proposition n° 3 : afin d'augmenter la visibilité des fédérations sur les subventions de l'État, garantir un montant de subvention sur une partie des actions de la convention d'objectifs, de l'ordre de 80 % du montant total.

3. Établir une subvention globale sur la base d'objectifs et d'indicateurs de performance

Le constat établi par la Cour des comptes en 2013 reste vrai : les fédérations sportives sont soumises à une subvention « compartimentée » entre quatre actions , elles-mêmes composées de plusieurs sous-actions (ou « plans d'action ») ; la fongibilité n'est possible qu'entre les crédits d'une même action. La Cour des comptes soulignait que « le montant des subventions devrait être défini à partir d'un nombre limité d'objectifs partagés, pour lesquels les fédérations présenteraient un projet ou une série d'actions, tout en préservant leur capacité de choisir les modalités d'allocation des crédits ».

Dans le même esprit, votre rapporteur spécial préconise que la subvention de l'État soit désormais divisée en deux actions, contre quatre actuellement : la première correspondrait au sport de haut niveau. La deuxième correspondrait au sport pour tous . Chaque action serait composée de plusieurs sous-actions, associées à des objectifs de performances, pour lesquelles la fédération disposerait d'une importante liberté de gestion. En fonction de l'atteinte des objectifs, le montant de cette subvention pourrait évoluer d'une année sur l'autre sur la partie variable, et surtout d'une olympiade à l'autre, au moment du renouvellement de la convention.

En effet, en tout état de cause et quelles que soient les prescriptions du ministère, toutes les fédérations sportives mènent des actions en faveur de l'insertion des populations fragiles, à destination du sport féminin, ou en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville , etc. La prescription d'un programme précis et spécifique à destination de chacun des publics prioritaires (femmes, handicapés, quartiers de la politique de la ville, etc.) peut donc apparaître superflue. D'ailleurs, plusieurs présidents de fédérations entendus par votre rapporteur spécial ont indiqué que cette détermination d'actions spécifiques au sein de la convention conduisait en réalité les fédérations à « requalifier » ou à présenter sous un certain angle des projets qu'ils avaient, en tout état de cause, l'intention de mettre en oeuvre au cours de l'exercice.

Proposition n° 4 : afin d'accroître la liberté de gestion des crédits des fédérations, prévoir une subvention de l'État divisée en deux actions, contre quatre actuellement.

4. Assurer un double contrôle de l'utilisation des subventions, par le respect de l'atteinte des objectifs et par un audit financier périodique

Cependant, une telle liberté de gestion dans l'utilisation des deux enveloppes que préconise de mettre en place votre rapporteur spécial doit s'accompagner d'une refonte de la procédure de contrôle des fédérations par l'État , autour de deux axes :

- un relatif allègement du contrôle comptable . En effet, dès lors que la reconduite ou non de la subvention dépend non pas de l'utilisation à l'euro près de l'enveloppe de l'année précédente sur telle ou telle sous-action, mais sur l'atteinte d'un objectif, le contrôle comptable systématique perd une partie de sa justification. Aussi votre rapporteur spécial propose-t-il d'alléger le contrôle comptable, en le limitant à un audit financier périodique permettant à chaque fédération d'être contrôlée au moins une fois par olympiade . Cet allègement réduirait le caractère parfois bureaucratique des relations entre l'État et les fédérations sportives, améliorant ainsi la productivité des agents du ministère, sans pour autant remettre en cause le principe d'un contrôle de l'État délégant sur les fédérations délégataires ;

- un renforcement des objectifs fixés, de leurs indicateurs de réussite et, surtout, des conséquences qui s'attachent à leur réussite ou à leur échec . En effet, comme l'a souligné la fédération française de triathlon, « l'atteinte ou non des objectifs n'est pas suffisamment en corrélation avec la subvention accordée où le poids de l'histoire reste trop prégnant ».

Il convient de souligner qu' il ne s'agit pas, au contraire, de renoncer à un contrôle de l'utilisation de la subvention de l'État . Les fédérations sont, pour la plupart, elles-mêmes attachées à ce contrôle, qui est le reflet et la garantie de leur qualité de délégataire d'une mission de service public. Cependant, une évolution permettant un contrôle comptable plus allégé associé à un contrôle par l'atteinte des objectifs et l'évaluation de la performance est souhaitée par la plupart des fédérations rencontrées ou sollicitées dans le cadre du questionnaire de votre rapporteur spécial 7 ( * ) . Cette position générale des fédérations est bien résumée par la fédération de golf, qui a indiqué à votre rapporteur spécial : « Nous trouvons parfaitement normal "le contrôle de l'État" s'agissant de l'utilisation des deniers publics et ne considérons pas comme intrusif la démarche de suivi du ministère des sports. Toutefois nous ne serions pas hostiles à la mise en oeuvre d'une évaluation de la performance de notre fédération fondée sur la définition mutuelle d'objectifs plus généraux . »

5. Conserver des subventions ciblées et un contrôle analytique pour les fédérations en situation financière fragile

La solidité financière d'une fédération est établie par le ratio entre le montant des fonds propres et le total de son bilan. La situation financière de la fédération est considérée comme « dégradée » lorsque la valeur de ce ratio est négative, et comme « fragile » lorsqu'elle est située entre 0 % et 10 %. Sur la base de cette définition, l'on recense en 2014 quinze fédérations concernées (six fédérations en situation dégradée et neuf fédérations en situation fragile). Financièrement accompagnées, les fédérations qui présentent une telle situation financière font l'objet de réunions plus régulières, consacrées aux finances fédérales, avec la direction des sports.

Parmi les fédérations concernées, votre rapporteur spécial a rencontré la présidente de la fédération française d'escrime Isabelle Lamour. Il a pu constater l'implication de la direction fédérale dans l'assainissement des finances fédérales tout autant que dans le développement d'un projet sportif permettant à la France de reconquérir son rang au niveau international à Rio en 2016. L'accompagnement, tant financier qu'humain, de la fédération par l'État est perçu comme un élément clé de la réussite du redressement financier et sportif de la fédération .

En conséquence, votre rapporteur spécial propose que le contrôle analytique annuel systématique continue d'être appliqué par l'État en ce qui concerne les fédérations dont la situation financière est fragile ou dégradée .

En outre, en instaurant cette distinction dans les modalités du contrôle de l'État entre les fédérations en situation financière normale et celles en situation financière fragile ou dégradée, la proposition donnerait une incitation supplémentaire aux fédérations à parvenir à un budget équilibré et à développer leurs ressources propres , dès lors qu'il s'agirait du gage d'une plus grande liberté de gestion dans l'enveloppe financière de l'État.


* 6 Fédérations de basket-ball, de badminton, d'aviron, de motocyclisme, de roller sports, de ski, de sport automobile, de golf, de tir à l'arc, de triathlon,

* 7 Par exemple les fédérations de basket-ball, de tennis, de parachutisme, de motocyclisme, de sport automobile, de football.

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