PREMIÈRE PARTIE - RESPECTER L'AUTONOMIE DU MOUVEMENT SPORTIF DANS LA MISE EN oeUVRE DES SUBVENTIONS DE L'ÉTAT
L'aide directe de l'État aux fédérations se compose de deux outils : le premier est le subventionnement , par le biais des conventions d'objectifs passées entre l'État et chaque fédération ; le deuxième est l'affectation de cadres techniques sportifs (CTS) de l'État auprès des fédérations . En valorisation, cette affectation de moyens humains représentent une aide plus importante (112 millions d'euros, contre 77 millions d'euros pour les subventions) et considérée souvent comme encore plus cruciale que l'aide financière par nombre de fédérations . Cette aide en moyens humains fera, en conséquence, l'objet de la seconde partie du présent rapport.
A. LE CONSTAT : UN SYSTÈME DÉPASSÉ DE SUBVENTIONNEMENT CIBLÉ
1. Des subventions dont les montants, hétérogènes, sont en baisse
Les subventions de l'État aux fédérations sportives totalisent un montant de 76,9 millions d'euros en 2014 , indemnités aux conseillers techniques sportifs comprises, après application de la réserve de précaution. Ce montant comprend également les subventions au sport pour tous, qui sont versés par le Conseil national pour le développement du sport (CNDS) sous la forme de fonds de concours, soit 19,5 millions d'euros.
Ce montant est en baisse régulière depuis 2011, où il s'établissait à 87 millions d'euros , comme l'illustre le graphique ci-dessous.
Évolution des subventions de l'État aux fédérations sportives
(en euros)
Source : Commission des finances, d'après les données de la direction des sports
Ce montant global est réparti entre 31 fédérations olympiques (pour 61,6 millions d'euros) et 62 fédérations non olympiques (pour 13,4 millions d'euros) . Parmi les fédérations olympiques, les montants de subventions sont très hétérogènes, allant de 0,6 million d'euros pour la fédération française de golf 3 ( * ) à 4,4 millions d'euros pour la fédération française de ski.
Plusieurs facteurs expliquent l'hétérogénéité de ces montants :
- le nombre de licenciés des fédérations ;
- la présence ou non d'un sport professionnel générant d'importants revenus . À cet égard, la subvention de la fédération de football, dont le budget est d'environ 184 millions d'euros, a connu une importante baisse depuis 2012 car les ressources propres de la fédération issues du football professionnel sont à même d'assurer le développement de la discipline. De même, la fédération française de tennis, propriétaire et organisatrice de l'un des quatre tournois majeurs du tennis professionnel (Roland-Garros), dispose d'importantes ressources propres (sponsors, billetterie) qui rendent la subvention de l'État relativement marginale ;
- le nombre de disciplines olympiques que rassemble la fédération . Par exemple, la fédération française de ski rassemble neuf disciplines olympiques, ce qui contribue à justifier l'important niveau de subventionnement en valeur absolue ;
- la situation financière de la fédération . Par exemple, les fédérations qui présentent une situation financière fragile ou dégradée 4 ( * ) sont accompagnées par l'État et voient le plus souvent leur subvention maintenues, dans le cadre d'un suivi plus important et plus régulier de la part de la direction des sports. C'est le cas, par exemple, de la fédération française d'escrime depuis 2013.
Évolution de la subvention de l'État attribuée à cinq fédérations olympiques
(en euros)
Source : commission des finances, d'après les données de la direction des sports
Il en résulte des taux de soutien , définis comme la part de la subvention de l'État dans le budget de la fédération, très hétérogènes entre les fédérations. Ce taux varie de 1 % pour le football à 53 % pour l'aviron et le canoë-kayak.
De façon générale, le montant des subventions des fédérations disposant des ressources propres les plus importantes (notamment celles de football, rugby, tennis et équitation) ont diminué sur la période récente :
- la subvention allouée en 2014 à la fédération française de football (FFF) est de 1,4 million d'euros contre 1,8 million d'euros en 2013 (soit - 22 %). La fédération avait déjà une connu une baisse de 37,5 % en 2013 par rapport à 2012. Depuis 2006, la FFF a vu ses subventions être divisées de moitié ;
- la subvention allouée en 2014 à la fédération française d'équitation est de 1,3 million d'euros, stable par rapport à 2013 en raison des jeux équestres mondiaux), étant entendu qu'elle avait connu une baisse de 24 % en 2013 par rapport à 2012 ;
- la subvention allouée en 2014 à la fédération française de rugby baisse de 5,6 % et atteint environ 1 million d'euros, après une baisse de 9,4 % en 2013 par rapport à 2012 ;
- la subvention allouée en 2014 à la fédération française de tennis est d'environ 1 million d'euros, stable par rapport à 2013, après une baisse de 21,6 % en 2013 par rapport à 2012.
Ces quatre fédérations représentent 37 % des licenciés et 7 % des subventions allouées aux fédérations. La fédération française de football, qui présente le taux de soutien le plus faible (1 %), a toutefois indiqué à votre rapporteur spécial que « l'utilité des aides de l'État est indéniable et elle dépasse le cadre du symbolisme ».
2. Des subventions annuelles allouées sur la base de conventions d'objectifs et de moyens pluriannuels
Les fédérations sportives sont des associations dont le statut est reconnues par le code du sport et qui sont délégataires d'une mission de service public . Cette délégation est encadrée par une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (COM), qui définit les relations entre l'État et la fédération.
Les conventions actuellement en cours de mise en oeuvre embrassent la période 2014-2017 . Elles comprennent notamment :
- un article 1 er qui définit les objectifs fixés par l'État à la fédération (excellence sportive, sport santé, sport pour tous, formation, sincérité des compétitions, etc.) ;
- des articles 3 et 4 qui donnent une estimation du montant de la subvention de l'État sur l'ensemble de la période, ainsi qu'une estimation du montant de la subvention pour chacune des annuités.
- des articles 6 et 7 qui précisent les engagements pris par la fédération, notamment en termes de transmission de documents financiers, permettant à l'État d'assurer le contrôle de l'utilisation de la subvention.
Pour déterminer le montant de la subvention sur l'ensemble de la période, l'État a procédé, en amont de la campagne des conventions 2014-2017, à un regroupement des « fédérations ayant des points communs (...) au sein de familles ou communautés à partir d'indicateurs de développement, de performance sportive et de santé financière ». Ainsi, cinq familles ont été identifiées parmi les fédérations unisport et sept parmi les fédérations multisports. Cette méthodologie avait pour objet d'harmoniser le montant de la subvention en fonction des caractéristiques des fédérations.
Il convient de souligner que les montants annuels de chaque convention d'objectifs sont simplement estimés : ils ne remettent pas en cause le principe d'une procédure annuelle de fixation de la subvention, qui a lieu entre novembre et février, et qui est rythmée par l'envoi des priorités ministérielles par les ministres chargés du sport et par la préparation conjointe d'une réunion entre la direction des sports et la direction technique nationale de chaque fédération. La direction des sports rencontre ensuite chaque fédération au cours d'une réunion où les fédérations présentent à la fois les actions effectuées l'année précédente, la situation financière, et les actions projetées.
3. Des subventions ciblées sur quatre actions...
Les subventions de l'État aux fédérations sportives sont inscrites au sein des quatre actions du programme 219 « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », à savoir :
- promotion du sport pour le plus grand nombre ;
- développement du sport de haut niveau ;
- prévention par le sport et protection des sportifs ;
- promotion des métiers du sport.
L'action 2 « Développement du sport de haut niveau » représente environ les deux tiers de la subvention, soit 58,3 millions d'euros en 2014 , comme l'illustre le graphique ci-dessous.
Répartition des subventions aux fédérations par action
Source : commission des finances, d'après les données de la direction des sports
À cet égard, il convient de souligner que la « concentration » de la subvention de l'État sur le sport de haut niveau et, en particulier, sur les disciplines olympiques, résulte d'une orientation claire de la part de l'État depuis plusieurs décennies, ainsi que du ministère des sports dans le cadre du cycle de conventions d'objectifs et de moyens 2014-2017 . Ainsi, le ministère a indiqué à votre rapporteur spécial, dans le cadre des réponses au questionnaire, que « de nombreux indices montrent qu'au plan international, le rayonnement de la France passe principalement par la réussite des équipes de France aux Jeux olympiques et paralympiques et par les résultats de quelques grandes équipes nationales ».
Deux conséquences en ont été tirées sur le montant des subventions : d'une part, « sanctuariser, au niveau national, le montant des moyens alloués par l'État au titre de l'action 2 (haut niveau) des CO contractualisées avec [les fédérations olympiques] » ; d'autre part, « privilégier les fédérations olympiques et paralympiques historiquement pourvoyeuses de médailles ».
Au sein de chaque action, les « sous-actions » financées par la subvention sont précisées. Par exemple, le tableau prévisionnel de financement 2014-2017 de la fédération française de ski s'établit comme suit :
Tableau prévisionnel de financement par l'État de la fédération française de ski pour la période 2014-2017
en euros
Fédération française de ski |
11555500 |
Action 1 |
954500 |
Programmes d'échanges internationaux |
15000 |
Promotion des pratiques sportives pour tous |
73500 |
Structuration fédérale |
866000 |
Action 2 |
9679000 |
Aides personnalisées (AP) |
360000 |
Collectif SENIOR - Stages et compétitions |
8649000 |
Indemnités de sujétions des CTS (ICTS) |
190000 |
Parcours de l'excellence sportive (PES) |
480000 |
Action 3 |
837000 |
Accompagnement sanitaire préventif |
470000 |
Prévention dopage |
4000 |
Protection de la santé du pratiquant (SMR) |
363000 |
Action 4 |
85000 |
Formations fédérales |
85000 |
Source : direction des sports
Dans son rapport public thématique de 2013 sur le sport pour tous et le sport de haut niveau, la Cour des Comptes avait recommandé de faire évoluer les relations entre l'État et le mouvement sportif, notamment en laissant aux fédérations une plus grande liberté dans l'utilisation des fonds alloués 5 ( * ) .
Le ministère a partiellement mis en oeuvre cette recommandation en décidant, à compter de la campagne 2013, de procéder à une simplification des procédures dans l'exécution et le suivi des conventions d'objectifs, en particulier en permettant une fongibilité des crédits au sein de chaque action , entre les différents plans d'action, « sous réserve que la direction des sports en ait été informée et que les plafonds par action budgétaire soient respectés ».
4. ... et vérifiées sur la base d'un contrôle analytique qui reste poussé
La convention d'objectifs et de moyens fixe des objectifs partagés entre la fédération et le ministère ; sur cette base, elle fournit des indicateurs de performance . Chaque année, la mise en oeuvre des actions du plan d'actions et l'atteinte des objectifs font l'objet d'un contrôle par la direction des sports ; les financements sont reconduits ou amendés en fonction de l'évaluation de l'utilisation des crédits par la fédération l'année précédente.
En pratique, le contrôle de l'administration porte surtout sur le respect de l'utilisation prévue par la convention d'objectifs et de moyens . L'administration exerce notamment un contrôle du coût réel du programme d'actions qu'elle prévoit. Chaque convention prévoit que « l'administration contrôle, à l'issue de la convention, que la contribution financière n'excède pas le coût de la mise en oeuvre du programme d'action. Le ministère peut exiger le remboursement de la quote-part équivalente de la contribution financière ».
Par ailleurs, le ministère exerce son contrôle financier annuel, à travers la transmission de la comptabilité analytique de chaque fédération .
Au total, la Cour des comptes relevait, dans son rapport public thématique de 2013 précité, que « selon une évaluation effectuée par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de la jeunesse et des sports, " les agents chargés du suivi et de l'évaluation des fédérations à la direction des sports y consacrent au total 1 000 jours-hommes " et, dans certaines fédérations, le temps consacré à la négociation des conventions d'objectifs dépasse 200 jours-hommes ».
Il est vrai que, depuis la publication du rapport de la Cour des comptes, le suivi des conventions par les objectifs a été renforcé . Ainsi, la fédération de roller sports, qui est l'une des fédérations non olympiques bénéficiant des subventions de l'État les plus importantes, a souligné dans la réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial qu'elle avait constaté cette évolution, « à savoir un contrôle financier plus souple qui a été remplacé par une évaluation à la fois qualitative et quantitative des actions conduites en fonction des objectifs partagés en début d'olympiade ».
En outre, le suivi comptable s'est trouvé allégé, d'un point de vue administratif, par la mise en place d'un portail Internet des fédérations qui facilite la communication de documents et d'informations entre la direction des sports et les fédérations.
Cependant, les principes qui régissent les relations entre l'État et les fédérations et, en particulier, l'annualité de la subvention sur la base d'une évaluation comptable de l'utilisation de la dotation de l'année précédente, n'ont pas été remis en cause.
*
Au total, le système d'aide de l'État aux fédérations a fait ses preuves et permet une homogénéisation de la mise en oeuvre des orientations de l'État au sein de l'ensemble des fédérations. Cependant, face à la critique, portée par certains, d'un système qui reste bureaucratique, voire chronophage, malgré les évolutions récentes, votre rapporteur spécial propose d'aller plus avant dans l'allègement de certaines contraintes, tout en conservant à l'État la capacité de fixer des lignes directrices et d'en contrôler les effets.
* 3 Le golf n'est redevenu discipline olympique qu'en 2009 ; le golf sera donc à nouveau présent aux jeux olympiques à Rio en 2016, pour la première fois depuis les jeux olympiques de Saint-Louis en 1904. La fédération française de golf, questionnée par votre rapporteur spécial, a souligné qu'elle regrettait que la qualification olympique n'ait pas eu d'incidence sur le montant de la subvention de l'État.
* 4 La solidité financière est établie par le ratio entre le montant des fonds propres et le total du bilan de la structure. La situation financière de la fédération est appréciée comme dégradée lorsque la valeur de ce ratio est négative, ou comme fragile lorsqu'elle est située entre 0 % et 10 %.
* 5 Rapport public thématique « Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'Etat », janvier 2013.