B. COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET PÉDAGOGIE DE L'ENVIRONNEMENT

Autre élément d'efficacité de l'action des collectivités territoriales : face à la puissance du paradigme technologique, la nécessité se fait pressante de diffuser une culture écologique impliquant, chez nos concitoyens, l'apprentissage d'un style de vie adapté aux nécessités de la lutte contre le changement climatique et, de la part des responsables politiques, économiques et associatifs, la conscience accrue du caractère incontournable de l'approche environnementale.

Il faut donc maximiser les moyens d'encourager l'évolution des mentalités.

Sur ce terrain, les collectivités territoriales sont à nouveau bien placées : on ne démontre bien que dans l'action, on ne convainc que par des résultats visibles et mesurables.

De ce point de vue, la sensibilité locale à la préservation du patrimoine commun, la bonne visibilité sur un territoire limité des conséquences environnementales de la décision politique et de l'action des acteurs économiques, la proximité des élus locaux avec les habitants, leur capacité à nouer des coopérations innovantes au plan local, sont essentielles pour favoriser la prise de conscience des problèmes, poser les fondements d'arbitrages efficaces entre des aspirations souvent contradictoires pour susciter le désir d'aller plus loin. Tous ces facteurs se croisent pour inciter à l'action et préparer à la réussite.

C'est ainsi que, véritablement, une politique écologique, conduite localement sur des enjeux locaux, a toutes les chances de favoriser l'investissement des habitants dans sa définition et dans sa mise en oeuvre, afin d'engranger ensuite les effets positifs de cette implication.

C. UN REGARD COMPARATIF HORS DE NOS FRONTIÈRES

Une question peut alors se poser : certes, les collectivités territoriales françaises sont actives, mais où en sont-elles par rapport aux collectivités étrangères ? Restent-elles, au niveau européen cette fois, à l'avant-garde de l'action contre le changement climatique ? Les comparaisons internationales ne sont pas l'objet du présent rapport d'information. Cependant, le président de la délégation sénatoriale a estimé indispensable de poser au moins un point de repère à cet égard.

C'est pourquoi il s'est déplacé en Italie, à Bologne, pour prendre connaissance de la stratégie de cette ville de 380 000 habitants en matière d'adaptation au changement climatique. Il a ainsi pu constater que si des initiatives extrêmement intéressantes sont prises par cette ville-région d'un pays voisin et comparable, une communauté d'agglomération française de taille légèrement plus modeste - Mulhouse Alsace Agglomération - a été et reste exemplaire, mutatis mutandis , dans le même champ d'action.

Bologne a axé sa stratégie de lutte contre le changement climatique sur l'adaptation aux risques liés à la sécheresse et à la fréquence accrue des précipitations intenses. Son projet, « plan d'adaptation de l'environnement local urbain de Bologne pour une ville résiliente » (BLUE AP) comprend l'expérimentation d'un certain nombre de mesures locales concrètes, destinées à rendre la ville plus résiliente et préparée à faire face aux manifestations locales du changement climatique.

La première étape a été l'élaboration d'une connaissance scientifique approfondie de la situation locale, au-delà du constat aisé à faire de la conjugaison classique, dans cette région méditerranéenne, de la tendance à l'augmentation de la sécheresse et de la fréquence accrue des précipitations intenses. Bologne a donc développé, avec l'agence environnementale d'Émilie-Romagne (l'ARPA), un système d'information global pour observer la variabilité climatique au sein de la ville, évaluer les risques et les vulnérabilités climatiques, étudier les capacités de résilience existantes en intégrant des données environnementales et sociales. Le « Profil climatique local » auquel a abouti ce travail a facilité l'identification de stratégies efficaces et a contribué à élaborer un processus participatif de prise de décision destiné à impliquer les parties prenantes pertinentes dans la sélection et la mise en oeuvre de mesures d'adaptation.

Sur ces bases, le plan d'adaptation a mis en place, de 2012 à 2015, une stratégie de réduction de la vulnérabilité de l'agglomération dans trois domaines : la sécheresse et l'approvisionnement en eau ; les vagues de chaleur en zone urbaine ; le risque hydrologique et les précipitations extrêmes. Des stratégies ont été fixées dans chacun de ces domaines et ont été déclinées en actions pilotes.

À titre d'illustration, en ce qui concerne le risque sécheresse, il est prévu de réduire la consommation de la ressource en eau, d'éliminer les mélanges d'eaux claires et d'eaux usées, de réguler le cours de la rivière Reno qui arrose la ville, d'affecter à la production agricole les ressources nécessaires. Ces objectifs sont déclinés dans la réglementation locale de la construction et à travers des actions telles que l'irrigation de jardins publics avec de l'eau non potable, ou la captation des eaux de pluie sur le site expérimental de l'Institut agricole.

Par ailleurs, la municipalité a développé, en partenariat avec le Kyoto Club, une application Smartphone afin d'informer les citoyens et les parties prenantes au sujet de l'adaptation et de la résilience et de les impliquer activement dans la collecte de données et la communication.

En fin de compte, un fort accent a été placé sur la sensibilisation de l'opinion publique et sur l'implication de la société civile dans l'amélioration de la résilience, parmi tout un ensemble de mesures globalement assez classiques dans leur inspiration.

En contrepoint, il est intéressant de noter que Mulhouse Alsace Agglomération a lancé dès 2006 son plan d'action climat, axé sur :

- les énergies renouvelables et la réalisation d'investissements lourds, tels que, en 2012, avec un budget de 17 millions d'euros HT, la modernisation des installations de la centrale thermique de l'Illberg avec le remplacement de deux anciennes chaudières au charbon par deux chaudières biomasse au bois qui permettent, tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre, de multiplier par un facteur 5 la production d'énergie renouvelable de Mulhouse Alsace Agglomération tout en offrant l'opportunité de raccorder les hôpitaux mulhousiens au réseau de chaleur ;

- une dynamique territoriale de mobilisation de l'ensemble des acteurs ;

- les transports en tant que vecteurs de la transition énergétique, avec l'utilisation du gaz vert par méthanisation des déchets et le développement d'un parc de bus propres.

Depuis 2014, ces actions sont poursuivies et intensifiées dans le cadre d'une alliance territoriale de la transition énergétique qui sera validée par le conseil d'agglomération d'ici la fin de l'année.

La valeur démonstrative de ces deux cas d'espèce tient essentiellement, d'une part, à leur relative banalité (on reste assez éloigné, dans les deux cas, d'exemples hors normes comme celui de l'île de Samso, au Danemark, qui a atteint en 2005 l'autosuffisance énergétique grâce à un mix d'énergies éolienne, solaire et issue de la biomasse et qui travaille aujourd'hui à décarboner totalement ses transports, y compris les ferries), d'autre part, à ce qu'ils confirment le ressenti des élus locaux de toutes nationalités et de toutes opinions sur la qualité de leur action en faveur de la lutte contre le changement climatique. Ils illustrent bien le dynamisme tranquille de nos collectivités territoriales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page