UNE OPPORTUNITÉ RATÉE ?
Au regard de leur rôle particulier dans le processus législatif et compte tenu de l'objectif affiché par la Commission de renforcer aujourd'hui la coordination interinstitutionnelle et la transparence, il apparaît légitime que toute modernisation de la procédure législative passe par une meilleure prise en compte des parlements nationaux, qui ne sauraient être assimilés à des « parties prenantes » plus classiques comme les partenaires sociaux et les organisation non-gouvernementales.
Or, force est de constater que si la Commission préconise de vraies avancées en matière de consultation et de transparence d'une manière générale, aucune mesure spécifique n'est envisagée pour les parlements nationaux.
MIEUX LÉGIFÉRER OU PLUS ANALYSER ?
La proposition de révision de l'accord interinstitutionnel porte essentiellement sur l'utilisation des analyses d'impact. Le recours à ce document est, en effet, étendu à tous les niveaux de l'élaboration de la norme communautaire.
Afin de renforcer leur valeur, toute analyse d'impact devrait être analysée par un comité d'examen de la réglementation. Celui-ci est appelé à succéder au comité d'analyse d'impact mis en place en 2006. Présidé par le secrétaire général adjoint de la Commission, chargé de l'amélioration de la réglementation, et composé de six membres, tous directeurs généraux, il ne disposait jusqu'alors que d'un rôle consultatif. Chacun de ses membres n'exerçait d'ailleurs sa fonction qu'à temps partiel.
Le nouveau dispositif sera composé d'un président et de six membres, employés à temps plein et libres de toute responsabilité politique au sein de la Commission européenne. Trois membres devraient d'ailleurs être recrutés en dehors des institutions européennes. Leur mandat sera de trois ans. Ce comité devra évaluer la qualité de l'analyse d'impact. La Commission devra également justifier devant lui, le cas échéant, son souhait de ne pas recourir à des analyses d'impact. Cette transformation du comité d'examen avait déjà été annoncée en décembre 2014. Les opérations de recrutement pour ce nouveau comité ont débuté en juin 2015.
Parallèlement, un accent particulier devrait être porté, au moment de l'élaboration des textes, sur les conséquences des projets de texte relatifs aux petites et moyennes entreprises. La Commission entend désormais appliquer de manière plus approfondie le principe « Think small first », afin de tenir compte des intérêts des PME et envisager, le cas échéant, des dispositifs allégés pour elles.
Les analyses d'impact ne concernent plus, par ailleurs, seulement la Commission. Les co-législateurs - Parlement européen et Conseil - seront tenus de procéder à une analyse d'impact de toute modification substantielle de la proposition initiale. Le Conseil n'a, jusqu'à lors, jamais entrepris, une telle démarche alors que le Parlement européen s'est doté d'une structure adaptée en 2012. La Commission constate néanmoins que, si elle a publié entre 2007 et 2014 plus de 700 analyses d'impact, le Parlement européen n'en a produit qu'une vingtaine. La Commission européenne souhaite qu'un groupe d'experts techniques ad hoc et indépendants puisse être ainsi mis en place à sa demande ou à celle du Parlement ou du Conseil. On peut toutefois s'interroger sur la limite au droit d'amendement que peut constituer une évaluation systématique. Le recours à un groupe d'experts ne fragilise-t-il pas, par ailleurs, le caractère démocratique et transparent de la prise de décision ? Le risque d'un allongement de la procédure législative ne peut être complètement écarté.
Enfin, la proposition d'accord interinstitutionnel promeut une évaluation ex post de la législation existante, ce qui induit que les co-législateurs mettent en place des exigences en matière de suivi, d'évaluation et d'information dans les textes qu'ils vont adopter . La Commission européenne souhaite, dans le même temps, que les institutions s'engagent systématiquement à utiliser les clauses de révision et d'extinction.
La transposition au sein des États membres de la législation européenne devrait également faire l'objet d'une étude d'impact. Toute mesure supplémentaire ou tout ajout du ressort du législateur national devrait être motivé et son impact évalué. L'idée affichée par la Commission est de distinguer le niveau européen et sa traduction nationale. Elle entend ainsi mettre en avant d'éventuels phénomènes de surtransposition ( goldplating ). Les mesures de transposition ne sont notifiées à la Commission que depuis 2011. Elles doivent expliquer le lien entre les éléments d'une directive et les parties correspondantes des instruments nationaux de transposition. Si le Parlement européen est favorable à la proposition de la Commission, les États membres y sont hostiles, estimant qu'une telle mesure reviendrait à limiter le droit des parlements nationaux à exercer leur pouvoir législatif. Il y a, par ailleurs, lieu de s'interroger sur la base juridique de cette mesure tant un accord interinstitutionnel ne saurait déterminer comment les États, et en particulier les parlements nationaux, doivent transposer une directive. L'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne précise, en outre, que la directive lie les États membres quant au résultat à atteindre mais laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. La forme même de directive pourrait donc être affectée par un tel encadrement, en contradiction avec les dispositions du Traité. Enfin, une telle option n'est pas sans poser des problèmes au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité.